L'INTERNATIONALE
ET
LE JACOBINISME
AU BAN DE L'EUROPE
\
OUVRAGES DU MEME AUTEUR
K N VENTE A LA L 1 It R A I K i i: L A Cil A H H
L'INTERNATIONALE. — Son origine — Son but — Son caractère —
Ses statuts — Ses congrès, etc., etc. 7» édition, 1 vol. in-18 3 1r.
LE LIVRE BLEU DE L'INTERNATIONALE. — Collection complète
des rapports officiels lus aux congres de Genève, Lausanne, Bruxelles
et Bâle par le Conseil général de Londres et les délégués des différen-
tes sections de l'Internationale, 1 vol. in-18 3 »
LE DRAME DE LYON (20 décembre 1870^. Relation de l'assassinat du
commandant Arnaud. — Compte rendu des débats.— Réquisitoire du
tiiinistère public. 1 vol. in-8« 1 »
LE ROLE DE L'INTERNATIONALE depuis le * septembre , une bro-
chure in-S» (Epuisée) .- .10
SOUS PRESSE
L'INTERNATIONALE ET LE JACOBINISME AU BAN DE L'EUROPE
TOME II
APERÇU DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME
Les exploits de l'Internationale à Lyon les 28 septembre, i novembre, 19 et
:20 décembre 1870, 23 mars et 30 avril 1871. — Les lignes du Midi et de l'Est.—
Le général Cluseret à Marseille , Aix et Genève. — Ses attaques contre le
gouvernement de la défense nationale.— Il annonce que l'heure de la justice
•l des revendications populaires armera bientôt. — Les émeutes du Crenzot,
Saint-Étienne, Marseille, Aix, Grenoble, Tliiers (Puy-de-Dôme), Limoges,
Toulouse, Bordeaux, Cosne, La Charité, Dorlives, Montargis, Perpignan,
Périgueux , Narbonne, Olonzac (Hérault). — Participation de l'Internationale
à la plupart de ces mouvements insurrectionnels. — Ses agissements à Brest et
à Rouen. — L'Internationale maîtresse de Paris. — Son rôle aux 4 septembre,
31 octobre, 22 janvier et 18 mars.
Ses émissaires parcourent les départements — Placards et manifestes incen-
diaires.— La Commune et le Comité central. — Détails inédits. — Biographie
des chefs de l'Internationale.— Situation actuelle de l'Internationale en Europe.
Clichy. — Impr. l'aul Dupont et C'", rue du Bac-d'.\snières, tl.
£m9r
•raTERMTMALE
ET
LE JACOBINISME
AU BAN DE L'EUROPE
OSCAR TESTUT
^^m^
PARIS
E.
I.AGHAUD. ÉDITEUR
4, PLACE nu THlfATRB-FHAΫÇAlS
1872
Teu» droits réservés.
4-o^Too^
T^T'^^^T^
<
prefacp:.
« BOURGEOIS ET CAPITALISTES, VOS .I(U1\S SONT COMl'-
TÉS; A VOUS DE VEILLER ET SURTOUT u'aVISEK ; IL x'eN
EST QUE TEMPS. ■•
Tel est le cri que nous poussâmes, il y a six mois ;
mais à quoi donc ont servi et rot avertissement qui
ne nous était inspiré que par notre profond désir de
secouer la torpeur de la bourgeoisie et de la convier
à se prémunir contre les conséquences désastreuses
du cataclysme social dont elle était menacée, et ces
pressantes exhortations (]ue lui ont maintes fois
adressées, dans le même but, des voix plus autorisées
que la nôtre?
Qu'avez-vous fait, BOURGEOIS, depuis cette
époque, pour conjurer l'orage amoncelé sur vos tètes?
Oii sont les mesures i[\ie vous avez prises? Quels
sont les moyens dont vous disposez pour combattre
le iléau de Vln/ernationale? \ous ôtes-vous concertés
pour opposer une digue i) ce torrent? — Avez-vous
entrepris une croisade conti'e son développement?
II PREFACE.
— Non, VOUS n'avez rien fait, absolument rien : vous
avez mieux aimé, fidèles à vos traditions, rester dans
l'inaction la plus complète. — La leçon du 18 mars
et l'expérience du passé ne vous ont nullement profité,
— vous avez lout oublié ; vous ne songez plus dé-
sormais qu'à reprendre le cours de votre joyeuse
existence, vous en remettant sans doute à d'auti'cs
du soin d'assurer voire avenir.
Gomment qualifier une pareille conduite? Oue
penser d'une caste qui se désintéresse d'une question
aussi vitale?
Ah! MESSIEURS LES BOURGEOIS, pendant que vous
vous endormez dans une indifférence qui n'a cl'égale
que votre égoïsme, Vlnteimationale, elle, se prépare
activement à une nouvelle levée de boucliers. Elle ne
vous dissimule plus ses projets : elle a aujourd'hui
complètement levé le masque. Ce n'est plus seule-
ment à vos fortunes qu'elle en veut ; c'est encore et
surtout à vos jours. N'allez pas, dans votre naïveté,
comme au temps où Gluseret parlait de brûler Paris
le jour où il en serait devenu maître, prendre ces
menaces pour de la fanfaronnade. 11 s'agit ici d'un pro-
jet mûrement arrêté : si vous persistez dans votre
attitude, l'Internationale accomplira bientôt, soyez-en
sûrs, toutes les horreurs dont chaque jour ses organes
se plaisent à vous faire Tépouvanlable énuméralion.
iMiKFAci';. m
A riioiirc où nous traroiis ces lignes, elle s'agite;
fiévreusement dans loute l'Europe : partout les grèves
se multiplient ; partout la lutte entre le capital et le
travail prend les proportions les plus alarmantes : on
se croirait à la veille de cette grève générale tant pré-
conisée au congrès de Bruxelles.
En France, à la faveur de nos divisions, de l'in-
quiétude croissante des esprits, de l'incertitude dans
laquelle nous vivons, de la rivalité des partis multi-
colores qui se disputent le pouvoir, et de l'existence
de tous ces comités soi-disant électoraux, elle a pu re-
gagner du terrain et se réorganiser puissamment.
— Forte de l'appui qu'elle trouve dans les déborde-
ments du RADICALISME et dans les excitations in-
cessantes d'une CERTAINE PRESSE; enhardie
par l'impunité dont jouissent, auprès des nations voi-
sines, ses membres les plus compromis dans l'insur-
rection parisienne^ et persuadée que l'amnistie lui
rendra bientôt ses plus héroïques défenseurs, elle se
fait un jeu de vous jeter chaque jour les défis les plus
insolents.
Écoutez en effet le langage que tiennent ses adeptes :
nous tenons à ce que vous soyez une fois de plus
édifiés sur le sort qui vous attend :
« VOUS AVEZ PROVOQUÉ L'INTERXATIO-
NALE, s'écriait, il y a quelques heures à peine, de-
,v PHKFAi;i-:.
viuil lin conseil de guerre, rmi de ses délégués à Lyon,
le ('doyen VIberl. LeManc, kii hikx! vous serez écrasés
l'Mt EU. F- ! »
.' Lk .loi'ii EST i'U(if;iii:, mnis annonci' à sou tour
lex-çoii\maudau^de la légion fédérale belge, le com-
nuuidanl MeloLte, OU L'INTERNATIONALE PRO-
MÈNEliA SA TOUCHE ET SA HACHE DE ML-
LAOE EN VILLAOE, SA HACHE POUR VOS
TÈTES ET SA roiiniIE POT'R VOS CHA-
TEAUN. .
Est-ce assez clair cl assez significatif? Et pourtant
ces pasquinades sinistres ne sont rien auprès des
hurlements lugubres et des imprécations des Ver-
mesch, des Horgella et autres. Qu'on en juge par les
appels siiivanls à l'assassinat et à l'incendie :
« O lîÉVOLI TION ! NOUS NE NOUS SOMMES PAS ASSEZ
. SOUVENUS QUE TU VEUX QU'ON T'EM-
. BRASSE AVEC DES BRAS ROUGES DE
«• SANU... NOUS AVONS ÉTÉ DOUX POUR
. CES GUEUX EFFAROUCHÉS. PARDONNE,
. NOUS NE LE FERONS PLUS! DÉSORMAIS,
- EN IRE CES DROLES ET NOUS, LA GUERRE
. EST ÉTERNELLE; PLUS DE FER ROUGE,
. PLUS DE BACJNE, PLUS DE MÉPRIS
. LA MOHT!... 0 ^rillOMPHATELUS D'AllAl-
. TOï[{, INFAMES!...
Un jour viendra bienlùl, où les cnfanls, les {eiiiines,
Les mains frêles, les })etits bras,
S'armeront de nouveau sans peur des fusilhule^^,
Lt sans respect pour vos canons :
Les faibles sans pâlir iront aux ];arricades :
[.es petits seront nos clairoii>.
Sur un fronUie bataille épouvantable et large
L'émeute se relèvera;
Fa sortant des pa^és pour nous sonner la charge.
Le spectre de Mai pariera...
11 ne s'agira plus alors, gueux hypocrites,
]Je fusiller obscurément
Quelques mouchards abjects, quelques obscurs jésuiles
Canonisés subitement ;
11 ne s'agira plus de brûler Irois bicoques
Pour défendre tout un quartier ;
PI us d'hésitations louches ! plus d'équivoques !
Bourgeois, tu mourras loui entier î
La conciliation, lâche, lu Tas tuée î
Tes cris ne te sauveront pas î
Tu vomiras ton âme au crime liabituée
En invoquant Thiers et Judas !
Nous t'apportions la paix et tu voulus la guerre :
VI PREFACE.
Eh î nous l'aimons mieux ainsi :
Cette insurrection sera la dernière ;
Nous fonderons notre ordre aussi !
iNon, rien ne restera de ces coquins célèbres,
Leur monde s'évanouira ;
Et toi dont l'œil nous suit à travers nos ténèbres,
Nous t'évoquerons, ô Marat !
Toi seul avais raison : pour que le pleuple touche
A ce port qui s'enfuit toujours,
11 nous faut au grand jour la justice farouche,
Sans haines comme sans amours,
Dont l'effrayante voix plus haut que la tempête
Parle dans sa sincérité.
Et dont la main tranquille au ciel lève la tête
De Prudhomme décapité ' !
La prose de Borgella " et de son digne maître, La
Gécilia^ vaut encore mieux. En voici des échantillons :
« Vous verrez se dresser un matin, et
pour vous tous, les potences de Montfaucon.
« Mais ce sera place de la Concorde.
' Le Qui-Vive (numéro du i5 novembre 1871),
-i Borgella, ex-lieutenant colonel d'artillerie, ex-aide de camp du général
i.a Cécilia.
PREFACE. VII
« A ces gibets énormes, où s'accrochaient
jadis les misérables indignes de la hache et du
billot, on vous accrochera.
« Et vous serez là, pendus, la face convul-
sée^ la langue grosse, toute bleuie et les yeux
■jaillissants.
(( Et vous y resterez nuit et jour, au soleil,
à la pluie, jusqu'à pourriture complète de
votre sale cadavre, qui, lambeaux par lam-
beaux, s'en ira dans la poussière ou la boue
de la place publique.
« Nous saurons aussi trouver vos enfants
et vos femmes.
«Et nous les mènerons sous les potences.
Et sous vos cada^ res, nous les ferons danser.
Et ils danseront en mesure ; car c'est nous qui
la battrons, la mesure, avec nos cravaches,
sur leurs épaules.
(( L'orchestre, ce seront deux millions de
voix criant à l'unisson :
« Voilà la Justice de Paris vengé !
« • ° * * • •
ce Pour moi, à la vue de Rossel, de celui
qui fut mon ami, la poitrine défoncée par les
balles de ces tueurs d'enfants ; à la vue de
Ferré râlant, ce ne sont pas des pleurs qui
VIII pp. EFAGF..
viennent à mes yeux, c'est une fureur froide,
concentrée, qui me monte au cerveau.
« Bourgeois, vous avez été plus lâches
que la lâcheté, plus féroces que la férocité.
Mais, so} ez tranquilles, l'heure de régler vos
comptes viendra,
« Ce sera le jour de la justice implacable,
sans pitié. Et dans ce Jour, j'en fais le ser-
ment, bourgeois :
« Je vouerai aux njànes de nos deux mar-
tyrs une hécatombe de Yersaillais. »
Et' cette élégie insérée dans V Égalité, de Genève
(numéro du 7 décembre 1871), sous ce titre : La
Grâce des Chouans, ne contient-eJle pas, dans des
termes en apparence moins violents, l'annonce des
plus sanglantes représailles et une déclaration de
guerre à tout ce qui n'est pas l'Internationale?
- FERRÉ N'EST PLUS!...
. ROSSEL , BOURGEOIS , GASTON GRÉ-
. MIEUX SONT ASSASSINÉS! LA HORDE
. DES BANDITS PRÉTORIENS A SATISFAIT
. SA JUSTICE, LA BANDE DES BOURREAUX
' A FÊTÉ SES SATURNALLES SANGLAN-
' TES. EH QUOI! JÉSUITES JOURNALISTES!
i'i;Kr.\(:i;. ix
. CRIEZ MAINTENANT UlJ'IL FAUT S'INCIJ-
. NER DEVANT LES ARRETS ïNFr.EXIBLES
. DE VOS r.AVKAU ET DE VOS HOMMES DE
. GRACE.
. HOMMES D'ÉTAT! PRÊCHEZ [lYPOORl-
« TEMENT LA RÉCONCILIATION A\ KC: LA
. CLIQUE CRIMINELLE DES (lOUVERNANTS.
.0 DÉFENSEURS DE l/ORDDE, DE LA
RELIGION, DE LA PROPRIÉTÉ! ^ PRENEZ
. GARDE A LA RÉPONSE DU PEUPLE, LE
« JOUR PROCHAIN DU NOUVEAU COMBAT...
. LA SOCIÉTÉ BOTIRGEOISE POURRA n VOIR
« ALORS SI VOUS L'AVEZ BIEN DÉFENDUE
« EN DÉCRÉTANT i /ASSASSINAT DE NOS
« MARTYRS.
« iiK Qll l'OUI'vl!i:Z-\"Oi;S KXHIEU Ql'ON HKSI'ICCTK
. VOTRE RELIGION SANGUIN/JilE, (JUANIJ
« VOUS i-OULEZ AUX PIEDS ET NO^EZ
« DANS LE SANG LE PLUS PUR LA RE-
- LIGION DU PEUPLE QUf LUI COMMANDE
" DE S'INSURGER CONTRE LES MISÉRA-
- BLES TRAITRES ET AFFAMEURS DU PEU-
- PLE^/
ET VOUS APPELEZ CELA • L'ORDRE El
• LA LIBERTÉ . ■ comme lk i'hocu.amenï lks
X PRÉFACE.
« ASSASSINS DE VERSAILLES! ' EH BIEN! LE PEU-
« PLE NE VEUT NI DE CET ORDRE NI DE
« CETTE LIBERTÉ, ET UN JOUR IL AURA
.. RAISON ET DE VOTRE ordre et de vous.
« CROYEZ-VOUS AVOIR VAINCU LE PEUPLE PAR CET
ASSASSINAT? SES ASPIRATIONS, LES AVEZ-VOUS
DÉTRUITES EN TUANT QUELQUES-UNS
DE NOUS? LA VOLONTÉ, L'AVEZ-VOITS
ÉBRANLÉE ? NON.
« FÉROCES CRÉTINS, IGNOREZ-VOUS QUE
. LE MONDE OUVRIER PROFESSERA tou-
(C jours LA VÉNÉRATION POUR LA MEMOIRE DE SES MAR-
.< TYRS? CROYEZ-VOUS QUE CETTE MÉMOIRE
« INSPIRE AU PEUPLE PLUTOT L'OBÉIS-
« SANCE QUE LA VENGEANCE ?
« NON! VOUS N'AVEZ PAS D'ARMES AS-
SEZ PERFECTIONNÉES POUR ÉTOUFFER
1 Ce ne sonl plus seulement les intei'nalionaux qui qualifient iVassassinat
l'exécution de Rossel, Ferré et autres. Il s'est trouvé au sein même de l'As-
semblée nationale un homme qui a poussé l'ouhli des convenances parle-
mentaires jusqu'à traiter d'assassins les membres de la commission des i,'ràces
[Journal officiel, séance du samedi 9 décembre). Cet homme, c'est le citoyen
Ordinaire, l'un des candidats du cercle de la rue Grolée de Lyon.
Quant à la presse rouge de la province, elle a tenu à ne pas laisser
échapper une si belle occasion de recommencer ses invectives à l'adresse des
élus du suffrage universel. Qu'on en juge par cal entrefilet emprunlé à
VÉmancipation de Toulouse: c. Hossel, dites-vous, a pardonné à ses jugesl
la conscience publique jiardonnera-t-elle à ses bourreaux?
PUÉFACK. XI
. DANS NOS CŒURS LE RESSENTIMENT
« QUI PORTE LES HOjSIMES JUSQU'A LTIÉ-
« ROISME ET L'ABNÉGATION.
« LES ARMES DE CES PELOTONS MEUR-
. TRIERS DIRIGÉES CONTRE LES POITRINES
« DE NOS FRÈRES, CES ARMES SE TOUR-
.< NERONT CONTRE VOUS. PAR LE FORFAIT
« QUE VOUS VENEZ DE COMMETTRE, VOUS
« AVEZ PRONONCÉ VOTRE PROPRE ARRÊT !
« VOUS VOULEZ NOUS DONNER UN EXEM-
.< PLE INSTRUCTIF, A VOTRE TOUR, NOUS
* VOUS FORCERONS d'accepter la leçon non
« MOINS INSTRUCTIVE QUE NOUS EN TIRONS.
« NOUS VOUS L'AVONS DIT, IL Y A SIX
.< MOIS : LE VRAI ASSASSIN DE L'ARCHEVÈ-
* QUE EST VOTRE GOUVERNEMENT RURAL.
. SI LA MORT DE L'ARCHEVÊQUE DEVAIT
« ÊTRE EXPIÉE PAR UN CHATIMENT, POUR-
« QUOI AVOIR TUÉ FERRÉ, QUAND LES RU-
.< RAUX ET LEURS SPADASSINS EXISTENT?
« VOUS ASSASSINEZ ROSSEL ET BOUR-
« GEOIS... C'EST BIEN, mais vous qui avez
« VENDU LA FRANCE A BISMARK, VOUS,
« LES BAZAINE, LES TROCHU, LES FAVRE,
» LES DUCROT, LES CISSEY, LES VINOY,
« LES MAC-MAHON ET TOUTE LA TOURBE
XII IMvKFACK.
SAUVAGE DES RUP»AUX, VOUS OUI AVEZ
TRAHI, VOUS VERSEZ LE SANG DE NOS
FRËl{ES, ET ON NE VOUS FUSILLERAIT
PAS!... NON. POUR CETTE HORDE ODIEUSE
DES TERRORISTES VERSAILLAIS, L'EN-
NEMI, C'EST LE PEUPLE DE PARIS.
' VINSI DONC, PEUPLE DE PAPJS, PEU-
PLE QUI AS APPORTÉ EN HOLOCAUSTE
AUX MASSACREURS VERSAILLAIS PLUS
DE 50,000 SOLDATS DU CONTINGENT RÉ-
VOLUTIONNAIRE , TE VOILA RÉDUIT A
VOIR QUE TANT DE SANCr OUVRIER N^A
PU ASSOUVIR LA SOIF DE TES GOUVER-
NANTS; PRENDS PATIENCE. TES SOUF-
FRANCES SONT CELLES DU PROLÉTA-
RIAT INTERNATIONAL; CE PROLÉTARIAT
SE SENT OUTRAGÉ PAR LTNFAME AS-
SASSINAT CO^^IMIS SUR TES DÉFENSEURS!
CELA NE FERA QU'AVANCER LE JOUR
DELA REVENDICATION GÉNÉRALE, ET CE
JOUR-LA TU AURAS LE DROIT, DRO rr
DE RÉCIPROCITÉ, DE TE RAPPELER QUE
CES BANDITS VERSAILLAIS T'ONT TRAITÉ
EN ENNEMI.
ALLONS, FRÈRES, DU COURAGE, ET
PUISQU'IL FAUT LUTTER, LUTTONS POUR
KKF.vCK. Xlll
. Kl\\lUiXK(l Ai: MONDE LA TRISTK HKPKTi-
. TiON ])K CK^^ COMÉDIES IXEEPvNALES
. D'HOMMES SAXS EXTRAILKES.
l'iio dcriiirri* cilaiio!'. Elle osl, on iic ;>(.'iil ol k
<'dili;ini.c :
c AppiCiiez (juc nous n'avons plus aa
cœur que ridée cVune vengeance^ et nous \n
voulons terrible, exemplaire.
'( Un joui' vieiidra, vous ie sa\ez^ oil nous
serons de nouveau maîtres de la place. . .
'■ Il ny aura plus de grâce^ plus de
merci >>, [)om' ies tueurs de juin 1848 eî de
mai 1871.
( lYoïis faucherons vos léteSj seraient'
elles couvertes de cheveux blancs, et cela
avec le plus grand calme. Vos femmes, vos
filleSj, nous n aurons plus j)our elles m
respecL ni pitié; nous n'aurons que la
mort! La mort^ jusqu'à ce que votre race
maudite ait disparu à tout jamais,
<( A bientôt, messieurs les bourgeois ! »
Vous voilà suffisamment avertis : vous êtes donc
condamnés à périr, et vous ne devrez, ce jour-là, vous
x\\ prefacf;.
en i)rendre qu'à vous-mêmes de votre anéantisse-
ment Ponl-êli'c vous j-éveillerez-vous enfin de vo-
ire apathie Hélas ! il est téméraire de l'espérer !....
Étudier le rôle politique joué i)ar l'Internationale
depuis sa fondation jusqu'à l'heure présente ; signaler
son intrusion constante dans le domaine i)olitique ;
réfuter i)ar des preuves irrécusables les objections
de ceux qui prétendent qu'elle a dévié de son but;
dévoiler ses agissements à la veille des élections ; re-
produire tous les documents de nature à jeter un jour
nouveau sur ses menaces exclusivement politiques ;
rendre compte de son attitude en France dans les pre-
miers mois de l'année 1870 et à l'époque du plébiscite ;
indiquer sa participation dans le fameux complot des
bombes ; énumérer les poursuites dont elle a été
l'objet en France et en Autriche ; rechercher la part
qu'elle a prise dans les grèves des ouvriers en bâti-
ment de Genève ; constater le désarroi profond et les
désorganisations à peu près complètes qui ont été les
conséquences des condamnations prononcées contre
la plupart de ses memltres ; faire connaître le résultat
de ces poursuites et les noms des individus frappés
]xir la justice ; divulguer les DicTioxNAmES et alpha-
liETS SECRETS dout sc sorvcut SCS « intimes » ; rappeler
les tentatives de soulèvement que, de concert avec
« la fine fleur » du jacobinisme, elle sut provoquer au
PKKI'ACE. W
loiidemain dv nos premiers désastres; proseiilor
riiistorique de toutes les émeutes qu'elle a suscitées à
Lyon, Marseille, Saint-Etienne, Brest, le Greuzot,
Bordeaux, Grenoble, etc., etc. ; parler de l'organisation
de cette comédie militaire que l'on a décorée du nom
de ligue du Midi ; retracer tous les faits de l'Interna-
tionale et du jacobinisme depuis le 4 septembre 1870
jusqu'au mois de juin 1871 ; montrer de quelle ma-
nière et dans quelles circonstances ces deux fléaux
se sont coalisés pour travailler à l'avènement de la
révolution sociale par la violence et les moyens les
plus extrêmes; faire l'histoire de la commune de
Paris, etc., etc., tel est, en résumé, le but de cette nou-
velle publication. Puisse cette étude dessiller enfin les
yeux des conservateurs, et leur montrer l'influence
désastreuse qu'ont exercée pendant plusieurs mois,
sur les destinées de notre malheureux pays, tous ces
prétendus comités de salut public, ces hgues du
salut de la France, ces fédérations révolutionnaires
dont nous avait dotés l'Internationale et son digue
allié le jacobinisme !
OscAii TESTUT.
Paris, le 10 décembre 1S71.
4. ■
\
L'INTËKNATIONALE
LE JACOBINISME
AU BAN DE L'EUROPE
GHAriTHE PREMIER.
l'imeunationale s'occupe-t-elle de politique ?
Il est de mode aujourd'hui de prétendre que l'Internationale
a dévié de son but, qu'elle s'est écartée « de celle pensée
ulile, généreuse et progressive » dont parlait l'organe du mi-
nistère public, lors de la poursuite dirigée en 1868 contre la
[)remière commission du bureau de Paris.
Nous ne pouvons partager cette illusion : l'émancipation du
prolétariat n'a jamais été que le prétexte nppaient do l'Inter-
nationale; le renversement de tout ordre social et politique, tel
a toujours été et tel sera toujours son vérilablc Lui. Que
quelques adeptes aient agi de bonne foi et aient voulu se borner
à l'étude des problèmes économiques , c'est possible ; mais il
n'en est pas moins incontestable que l'Internationale s'est im-
miscée dans toutes les (jucstions jioiiti(iuos, et qu'elle s'esL
mêlée à tous les agissements révolutionnaires.
1
2 L'INTERNATIONALE
Dès roriyiui', une seule pensée préoccupe ses fondateurs :
recruter le plus grand nombre possible d'adhérents et gagner
prudemment du terrain'. Dans ce but, ils ont soin d'éliminer
des statuts tout programme politique. Ils avaient compris
qu'arborer le drapeau d'un système politique ou anti religieux
quelconque, c'etit été diviser les ouvriers au lieu de les unir.
Il fallait surtout triompher des hésitations d'un grand nombre
d'entre eu.\, que la lecture d'un prograuune eût pu rendre dé-
fiants et sans nul doute eût éloignés de l'Association. IJ Inter-
nationale, l'un des organes officiels les plus anciens et les
plus autorisés de l'Association, applaudit en ces termes à l'ha-
bileté dont ses fondateurs ont fait preuve :
s Nous pensons, dit ce journal, que les fondateurs de l'Asso-
ciation ont agi avec une très-grande sagesse en éliminant
d'abord du programme de cette association toutes les ques-
tions pohtiques et rehgieuses. Sans doute ils n'ont point
manqué eux-mêmes ni d'opinions politiques ni d'opinions anti-
religieuses bien marquées ; mais ils se sont abstenus de les émet-
tre dans ce programme, parce que leur Lut principal, c'était
d'unir avant tout les masses ouvrières du monde civilisé dans
une action commune. Ils ont dû nécessairement chercher une
série de simples principes sur lesquels tous les ouvriers, quelles
que soient d'ailleurs leurs aberrations politiques et religieuses,
pour peu qu'ils soient ouvriers sérieux, c'est-à-dire des hommes
durement exploités et souffrants, sont et doivent être d'ac-
cord »
(Numéro du 3 septembre 1869.)
D'ailleurs si l'Internationale avait manifesté son existence par
un programme pohtique, l'attention des gouvernements eût été
mise en éveil : des mesures auraient été prises pour en empê-
cher le développement. 11 importait donc de multiplier les précau-
* Nous atlachuns, écrivait Eugène Dupont à Murât, de Paris, le 18 mars
1S70, beaucoup plus d'impor lance aux chiffres des adhésions qu'aux colisa-
lioiis Ui snis pourquoi!
Quelques jours auparavant le conseil général expliquait à ses correspon-
dants qu'il avait préféré à Vcclat des Iréleaux une action sérieuse et sou-
Irrraine. (Voir notre ouvrairc sur l'Internalionale. Annexes. — Pièce K.)
11 vaut mieux organiser d'abord, même petitement, que faire des actes à
scnsaliun. (Varlin à Aui)ry, ."i avril 1870.
KT LE JACOBINISME. 3
lions, aliii de nu pas compromettre le suceùs de l'ccuvre nais-
sante, etdissimnlcr, aussi long'lemiis (jue les eirconslances le ré-
clameraient, l'action essentiellement politique de l'InLernationalo.
Nous devohs rappeler que les débuts de l'Association lurent
assez laborieux : les adhésions se produisaient difficilement. Les
premiers sociétaires furent recrutés dans les rangs de la Ma-
rianne, devenue plus tard le Père de famille et des autres asso-
ciations républicaines dissoutes par l'Empire. Plus tard., l'In-
ternationale pénétra dans la franc-maçonnerie.
Pendant toute cette période, l'Internationale garde un silence
des plus prudents : toute son activité paraît absorbée par la pro-
pagande et le travail d'organisation des sections.
Elle ne se sent pas encore assez forte pour s'aftirmer ; mais
elle laisse déjà percer ses tendances politiques, et si elle en a
lait momentanément le sacrifice, c'est uniquement parce que
l'intérêt général de l'Association l'exigeait ^
Elle n'est encore connue que par un seul acte : le pacte fon-
damental répandu en France à plus de vingt mille exemplaires
et reproduit dans la plupart des journaux. Nous savons dans
(juel esprit il a été rédigé.
Les fondateurs de l'Internationale étaient intéressés à donner
à cette pièce toute la publicité possible ; ils devaient y puiser
plus tard un argument puissant en faveur de la pureté de leurs
intentions et de la publicité apparente de l'œuvre dont ils pour-
suivaient le triomphe. Pleinement convaincus, par la lecture de
son programme, que cette société n'avait pour but que l'amélio-
ration de leur sort, les ouvriers ne devaient pas manquer de s'y
affilier. A ce double titre le succès de l'entreprise était assuré.
Mais à côté de ce document destiné au public et aux compar-
ses, il en existe un autre d'une importance capitale, qui prouve;
jusqu'à l'évidence que les fondateurs de l'Internationale n'ont ja-
mais eu la pensée de se renfermer dans le cercle étroit de leurs
statuts et d'éloigner la politique de leurs délibérations. Nous
voulons parler d'un manifeste du conseil général, rédigé par le
• '< L'inlcnialionale, disait Conibaull à l'assemblée générale des seclion.-.
parisiennes (^18 avril 1870), a subi les dures lois de la nécessité : elle s'est,
lue jusqu'au jour où elle a pu dire : Nous ne voulons pas de l'euipiro. »
1 L'INTERNAilONALK
socialisle allemand, Karl Maix, el jnihlié eu anglais le 1*' no~
vembi'e 186i, à la suite du meetini,' de Sniut-Marlins' Hall •.
Ce manifeste qui dépeint la situation de la classe ouvrière
dans tous les ))ays industriels en opnosition avec celle delà bour-
i^eoisie, qui signale les efforts tentés i)ar les prolétaires ijour
hâter l'heure de leur affrancliissenienl, explique le but essen-
liellement politique poursuivi par les fondateurs de l'Interna-
tionale et se termine par ht provocation la plus ardente, pur
l' appel le plus violent aux passions politiques :
« Pour affranchir les masses travailleuses, nous dit le conseil
général dans ce manifeste, la coopération doit atteindre un dé-
veloppement national, mais les seigneurs de la terre et les sei-
gneurs du capital se serviront toujours de leurs privilèges poli-
li'/ues pour défendre et perpétuer leurs privilèges économiques.
.'. Aussi la conquête du pouvoir politique est-elle devenue le
premier devoir de la classe ouvrière. Elle semble l'avoir com-
pris : car, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en France,
des efforts ont été faits pour réorganiser poli! iquenient le parti
des travailleurs. '
« Il est un élément de succès que ce parti possède : il a le
nombre, mais le nombre ne pèse dans la balance que s'il est uni
par l'association et g'uidé par le savoir. L'expérience du passé
nous a appris comment l'oubli de ces liens fraternels qui doi-
vent exister entre les travailleurs des différents pays et les ex-
citer à se soutenir les uns les autres dans toutes leurs luttes
pour l'affranchissement, sera puni par la défaite commune de
leurs entreprises divisées. C'est poussés par cette pensée que
les travailleurs de différents pays réunis en un meeting public
à Saint-Martins' Hall, le 28 septeml)re 186i, ont résolu de fon-
der l'Association internationale.
"■ Mais une autre conviction encore a inspiré ce meeting.
. Si l'affrancliissement des travailleurs demande, pour être
assuré, leur concours fraternel, comment peuvent-ils remplir
» Ce manifeste a ùlé réinipriiné en fram.-ais à Bruxelles, en 1866, sous ce
litre : Manifestr de l'Association internationale des Troinillcurs {BruxeUes,
Alliance typojrraphique. .M. J. Poot et Ci<", rue aux CJioux, ;i3). Un excmpliirL^
ei a été a'iressc \ tous les forrespondants de rinternationalc en France et
l'étronïer.
ET I.K .lACOlU NISMK. ."i
cette grande mission si unt- polilii/iK- i-lrniu/ùro, mnn pi\r des
desseins criiiiinels, et mettant en jeu les pi-rjugés nationaux,
répand dans des gueiros de pirates le sang et l'argent du peu-
ple ? Ce n'est pas la prudence des classes gouvernantes de
l'Angleterre, mais bien l'opposition de la classe ouvrière à leur
criminelle folie qui a épargné à l'Europe occidentale l'infamie
d'une croisade pour le maintien et le développement de l'escla-
vage de l'autre côté de l'Océan. L'approbation sans pudeur, la
sympathie dérisoire ou l'indifférence idiote avec lesquelles les
classes supérieures d'Europe ont vu la Russie saisir comme
une proie les montagnes forteresses du Caucase et assassiner
l'héroïque Pologne, les empiétements immenses et sans obsta-
cles de cette puissance barbare, dont la tête est à Saint-Péters-
bourg, et dont on retrouve la main dans tous les cabinets d'Eu-
rope, ont appris aux travailleurs qu'il leur fallait se mettre au
courant des inystcres do la politique inlevnationalc, surveiller
la conduite diplomatique de leurs (jouvernements respectifs, la
combattre au besoin par tous les moyens en leurpouvoir, et enfin,
lorsqu'ils seraient impuissants à rien empêcher, s'entendre pour
une protestation commune et revendiquer les lois de la morale
et de la justice qui doivent gouverner les relations des individus
comme la règle suprême des rapports entre les nations.
« Combattre pour une politique étrangère de cette nature, c'est
prendre pari à la lutte générale pom* l'affranchissement des tra-
vailleurs. La conquête du pouvoir politique est donc devenue le
premier devoir de la classe ouvrière.
«■ Prolétaires de tous pays, uuissez-vous. »
Ce manifeste qui n'a jamais été connu de la masse des adhé-
rents donne la mesure exacte de la pensée qui a présidé à la fon-
dation de l'Internationale *.
D'ailleurs, dès que les affiliations augmentent, le rôle politique
de l'Internationale s'accentue ; une partie de sa tâche est ac-
* L'Egalité de Genève i numéro ilu 14 janvier 1871), faisant allusion à ce
manifeste, proclame « que les initiateurs de l'internationale onl entendu dès
LE Pi.EMiER MOMENT appeler les travailleurs à Vaciion politique. Elle ajoute :
que leur esprit clairsoyant et droit avait prévu à l'avance toutes les cala-
mités qui arriveraient autrement à la classe ouvrière : l'action politique, in-
séparable de l'œuvre sociale, fdiaait la base essentielle de l'.issuciation
inlernationnle. »
U 1, 'INTERNATIONALE
compile ; les ouvriers ont compris la nécessité de solidariser
leurs intérêts. Les idées d'émancii)ation ont gagné du terrain
et bientôt l'Internationale |)f)urra sans crainte se lancer dans
le domaine des questions politiques.
11 est certain que si l'Association s'était Lornée à l'étude des
l)roblémes économiques ou professionels, elle n'eût jamais re-
cruté des millions d'adoi)les, et elle ne se poserait pas aujour-
d'hui en lace de l'Europe épouvantée comme une puissance avec
laquelle il faut compter et qui menace de nous engloutir un jour.
Ce qui a fait toute la force de l'Internationale, c'est l'élénienL
politique, c'est l'appui que lui ont prêté, dès le principe, toutes
les sociétés secrètes qui se sont hâtées de faire cause commune
avec elle ; c'est sa fusion avec la Marianne, devenue après 1852, le
Père (If famille, et avec tout ce qui restait des sociétés secrètes,
carbonarisme et autres; c'est dans leur sein qu'elle a recruté
ses adeptes les plus énergicpies et les plus dangereux : plus
tard elle a trouvé encore des hommes d'action dans les exilés,
les réfugiés politiques de Londres, Bruxelles, Genève, etc. Nos
fougueux démagogues lui ont à leur tour prodigué toutes leurs
sympathies ; quelques-uns même n'ont pas reculé devant l'adhé-
sion formelle à ses statuts.
Fai tacticiens habiles, les internationaux ont utilisé le con-
cours de tous les partis : tout a été mis en œuvre pour préparer
le terrain de la révolution. Mais aussitôt qu'ils ont pu compter
sur le tviomphe prochain de leurs doctrines, nous les avons vus
rejeter de leur sein les politiques, les discréditer auprès des
masses. Ils n'étaient guidés dans ces manœuvres que par la
crainte seule de voir la révohilion leur profiter de nouveau ex-
clusivement.
La pensée politique de l'Internationale ne se révèle-t-elle pas
dans le programme du C'ongrès de Genève? Parmi les questions
mises à l'ordre du jour nous voyons figurer les armées per-
manentes, les impôts directs et indirects, ïiniluence des idées
relifficuses sur le développement social, politique, intellectuel.
J.a reconstitution de la Pologne sur des hases démocratiques et
sociales, et la nécessité d'anéantir l'influenre russe en Kurope
HT I,r-: «lACOIUNISME. 7
])iir J'!yi/)lir[i/inn ilu ilroil des poiijjlcs: de iJif^posor (Toux-
Diseuler sui' do pnroillos ([uestions, n'est-ce pas faire do la
politique?
Passons maintenant on revue, en suivant l'ordre chronolo-
f^ique, les principaux actes accomplis par les sections de l'Inter-
nationale. Examinons les écrits de ses membres ; recherchons
ceux dont la sig-nification politique ne peut être mise en doute.
Il nous s(>ra facile d'établir que pas un événement, ayant le
moindre caractère politique, no s'est produit sans que l'Interna-
tionale y ait été mêlée.
Au mois de janvier 1807, la section de Paris proteste pu-
Ijliquement contre lo projet d'une nouvelle organisation mili-
i
tau'e.
Deux mois plus tard (20 avril), en réponse à une adresse des
mécaniciens de Berlin relative à dos bruits de guerre qui flot-
taient dans l'air, les correspondants parisiens publient une pro-
testation en faveur du maintien de la paix. Quelques jours après
ils organisent la Ligue internationale du désarmement ^.
A la même époque paraissait dans un journal de Lyon une
adresse des sections de Lyon, Vienne (Isère), Fleurieu et Neu-
ville-sur-Saône (Rhône) ; elles jetaient un cri suprême de ré-
probation contre la guerre 3. La section d'Amiens imitait bientôt
ce double exemple.
Les événements nous ont appris que l'Internationale ne son-
geait nullement à fonder la paix, mais seulement à déplacer la
guerre.
Il suffit d'ailleurs de lire les lettres d'Eugène Dupont, et les
instructions du conseil général pour être édifié sur la pensée
politique qui a toujours animé l'Association.
Ainsi, le li janvier 1867, Dupont écrivant à Aubry de Rouen,
lui fait part en ces termes de ses espérances et de ses craintes :
a Je vous engage à propager le. Courrier français. C'est le
1 Sur la question des trades-tinions, il fut décidé qu'elles devaient aider
tout mouvement polifiqup et social et tendre à l'émancipation radicale do la
classe ouvrière.
* Voir Documents justificatifs. Pièces A.
3 Nous reproduisons cette adresse. Documents justitîcatifs. Pièces A.
H l.'INTKRNATIONAI.K
seul journal [.olitiquo (jui soit socialiste. 11 iii>;r'ro toutes le»
coinniiinications relatives à notre association. Depuis le la sep-
Icmlji-c, il a publié de très-bons articles sur ce sujet. TAclioz (ht
vous lo ijrorurer. Ils intéresseront vos membres rouennais, et
c'est un bon moyen de propag-ande. (Bureaux, H), rue Haute-
feuille, l'aris.)
' \'ous dites, mon cher Aubry, (|ue vous êtes peu nombreux,
mais qu'importe ! Ce qu'il faut, c'est avoir de la conviction et ne
pas se décourager.
« Fussiez -vous seul à Rouen, vos principes vous font un
devoir do rester sur la brèche. Rien ne doit vous faire déses-
pérer, ni l'ignorance de nos frères ni la persécution des gou-
vernements. Car la rrvolution est fatale, elle arrivera quand
munie et il faut être prêts pour ce jour alin cVenipêcln'r (pie lu
puissanc'e ne quitte la main du peuple pour passeï' dans celles
de ceux qui rêvent fassociation du travail et du capital. Car si
vous grattez un peu cela, vous voyez apparaître la bourgeoisie
libéràtre
« Surtout pas de dé'aiUance.
■c Salut fraternel
« Eugène DUPOXT.
Les deux lettres suivantes d'Eugène Dupont sont encore
plus significatives : elles ont été adressées au citoyen Cbémalé,
l'un des membres de la première commission du bureau de
Paris.
I.ondifi-, 17 avril 1867.
Mon cher Cliémalé,
.. Votre lettre a produit une bonne impression sur le conseil
général. Puisse-t-elle fouetter un peu le sang des Anglais ! Le
mieux que nous puissions faire, c'est de les pousser en avant
dans la voie de la révolution. Déjà deux branches du ■ Reforrn
League >< discutent actuellement la question suivante ; La répu-
blique .'sl-rJli- meilleure que la monarchie pour le peuple an-
glais '/
11 faut que la conviction et le dévouement
suppléent au nombre : nous devons agir vigoureusement.
KT I.K J.Vr.OniNIéiMK.
Loiidoii, 12 mai 18ti7.
Mon clier Chémalé,
Vous mo parlez do plusieurs ariicles dans
les journaux ((ui atliKjuent nolro association ; mais lo Congrès
n'a-t-il pas décidé que les correspondants doivent faire parvenir
au conseil général toutes les publications qui intéressent l'œuvre?
-( Vous me demandez si les Anglais vont en finir, cela dé-
pendra des circonstances. Si le gouvernement n'avait pas eu
peur au dernier meeting et ({u'il eût employé la force, aujour-
d'hui ce serait fait. Plus de 200,000 hommes des provinces n'at-
tendaient qu'un signal pour descendre armés sur Londres au
recours des ivfurnK-s. Endu espérons (pie'(i'est reculer pour
mieux sauter.
« Tout à vous,
« Eugène DUPONT. -
Et cette lettre écrite, le 2?> novembre 1867, à Murât peut-elle
laisser 1(3 moindre doute sur l'immixtion constante de l'Interna-
tionale dans toutes les (luestions ou événements politiques ? Il
s'agit de la condamnation à mort de trois feniaus et des efforts
tentés par le conseil général. Il sufth-ait de lire cette lettre pom'
être convaincu que rinternalionale a toujours asjiiré à jouer un
rôle politiiiue et à se mêler de choses étrangères k son pro-
gramme.
Londres, 23 iiovemlire 1SG".
ii, Litchtielcl, Street Soho square,
' Mon cher Murât,
" Il y a environ un mois que je t'ai écrit une lettre en même
temps qu'à notre ami Chémalé : mais pas de réponse de toi ni
de lui. Pourquoi ce silence ?
" J'ai reçu la semaine dernière l'épreuve des séances de
Lausanne, les rapports ne sont ])as encore prêts. Je vais cepen-
dant tâcher que nous publiions le premier bulletin international
dans le sens que nous avons causé ensemble. Les feniaus ont
10 L'INTERNATIONALE
absorbé beaucoup notre temps, tous les efforts faits en leur fa-.
veur ont échoué, ot les trois condamnés de Manchester, OUer,
Lnrkiu ot Cîould ont payé de leur vie leur dévouement à la'li-
berté. — Ne soyez pas surpris à Paris que de terribles repré-
sailles aient lieu. Des menaces par lettres sont publiées tous les
jours par les journaux, et en Amérique le Congrès fénian de
Boston, a juré cpie si l'exécution avait lieu, ils mettraient le feu
à tous les navires anglais dans les ports américains.
« Tous les procès en Angleterre sont des actes de vengeance
et non de justice, et l'assassin ni d' aujourd'hui, un infâme assas-
sinat politique ; ils avaient (les juges) condamné dans les cinq un
nommé Maguire qui n'avait jamais été vu au lieu de l'attaque
contre la police pour sauver Kelly et Darcey.
« Je croyais toujours voir dans le r/o^/r^'i'w la nomination delà
commission ; est-elle ou n'est-elle pas nommée? Dis-moi dans
ta prochaine oiî en est l'association à Paris. Je sais bien que les
derniers événements politiques ont absorbé toute votre atten-
tion, mais il est temps de se recueillir. »
« Peux-lu me donner l'adresse de notre ami Longuet ?
. Signé : EvamK DUPONT. .
Voilà ce (|ue l'on appelle, dans la langue de l'iniernationale,
procurer un point central de communication et de coopération
entre les travailleurs des différents pays aspirant au même but
(article 1" des statuts généraux).
De son côté, la branche française de Londres ne reste pas
inactive ; à l'instigation de Félix Pyat et autres révolutionnaires
du même acabit réfugiés à Londres, elle agite la question d'un
soulèvement général.
Les mêmes tendances se produisent en Suisse : nous en
trouvons une preuve irrécusable dans un manifeste publié, le
14 juillet 1867, par le comité directeur de la section genevoise
à l'occasion de l'assassinat de l'empereur Maximilien et adressé
à toutes les sections de l'Internationale. Voici comment s'expri-
ment les auteurs de ce manifeste intitulé : Un empereur con-
damné à mort.
« Ori vient de fusiller ou de pendre un homme. Cela ne se
ET LE JACOBINISME. 11
voit-il pas tous les jours flans ces Irouponux de moutons qu'on
appelle armées permanentes?
■ Les lois des royaumes condamnent à mort l'individu qui
attente à la vie des souverains : csl-rc (pie A>.s' répuLliquns n'ont
pas le droit do faim subir la niOnio puino aux princes qui tuent
dos hommes pour s'emparer do leur patrie? Pourquoi alors (pia-
lifie-L-on d'assassins les Mexicains? Ah ! c'est qu'il y a le droil,
des rois que nous admettons honteusement, et le droit des peu-
ples que nous avons la lâcheté de ne pas proclamer.
« Et puis, c'est que l'homme fusillé n'est point un simple pa-
triote... c'est Maximilicn, mais c'est un homme qui provient de
source impériale.
'< Qu'avait-il donc fait pour mériter la mort ([uo d'autres (jui
sont bien vivants n'aient fait avant lui? Qui songe à reprocher
à tel nionarcpie d'avoir tU('i un gendarme d'un coup de pistolet à
bout portant? d'avoir fait écraser, broyer sous les sabots de sa
cavalerie, des femmes, des mères, de petits enfants? d'avoir
fait égorger, éventrer des passants inoffensifs par ses préto-
riens gorgés de vin? d'avoir exilé, confondu avec des assassins
ordinaires l'élite du pays, les hommes d'intelligence et de cœur,
ni encore d'avoir dix fois manqué à ses serments * .
« Mais en vérité, personne. Nous autres Européens nous
avons pour principe de morale qu'il vaut mieux se laisser tuer
par milliers, si telle est la volonté que de commettre un assas-
sinat sur sa personne.
« Maximilien, par sa naissance, appartenait à ces terribles fau-
cheurs d'existences qu'on appelle des princes, qui, par l'édu-
cation qu'ils reçoivent croient sérieusement avoir, soit par droit
divin, soit par droit de conquête, soit par la grâce de Dieu et
la volonté nationale , la mission spéciale de faire battre les
peuples.
« Que dire de ces lamentations, de ces cris de douleur et de
rage que les journaux font retentir aux quatre coins de l'Eu-
rope, et que penser du parti républicain qui proteste si timide-
* Nous connaissons les exploits des sljires de l'hilernationnle, el nous
savons à quoi noas en tenir sur cette élite du pays.
12 i.'inti:r\'atio\'ai,k
inenl ou iiirnio ne proteste pjis du tout contre ces insultes
adressées aux Mexicains ?
•• Pour la section delienovc ilc l'Association Internationale
des travailleurs
Le cQiniUi : BHOSSET, président ; MONGHAL, secrétaire ;
DUPLEIX, HARD; PERRON, secrétaire correspondant
pour la Suisse ; MEPiGIER, correspùndant pour l'étranger. «
En présence de pareils documents, qui oserait encore préten-
dre que l'Internationale i)0ursuit rcninncipation matérielle et
morale éles IravuiHours pav ïrliKh' des questions économiques:'
Nous devons encore mentionner une adresse aux membres du
congrès de Lausanne, votée par une assemblée populaire tenue à
Genève le 24 aoilt 1867, en vue d'établir un lien fédératif entre
toutes les sociétés ouvrières.
Nous lisons dans cette adresse, que a les réformes sociales
pour s'implanter d'une manière sérieuse et durable doivent être
précédées de grandes réformes politiques dans tous les l'Jfats
despotiques de l'Europe ; que l'émancipation sociale est insépa-
rable de l'émancipation politique. Conquérir Tune sans reven-
diquer f autre serait une œuvre avortée. Il faut donc cbercber
et formuler les moyens praticables pour introniser en Europe
CETTE LIBERTÉ ABSOLUE, sans laquelle il n'est pour les travail-
leurs ni prospérité ni délivrance. >
Au congrès de Lausanne, la revendication des droits et des
libertés politiques est à l'ordre du jour.
L'un des organes de l'Internationale, en France, le Courrier
français., auquel collabore Tolain, est le premier à proclamer
que « le Congrès semble avoir le tempérament tant soit peu
révolutionnaire » *.
G'est qu'en effet les questions politiques et sociales les plus
irritantes y ont été traitées dans les termes les plus violents.
» Si nous en croyons une personne en mesure d'être bien renseignée, la
décision suivante \ aurait été adoptée en comité secret : Tous les ouvriers
qui entreront désormais dans l'Association devront prêter serment de sou-
tenir les insurrections sur quelque point du globe qu'elles se déclarent. Le
conseil irénérai lui-même avouait dans son rapport qu'une société anglaise
avait refusé .son affiliation sous le prétexte que l'Internationale s'occujjait
dex qiipslions poliliques. iVoir. Livre lilen de V Internationale, p. 11. i
F/r LK .lACOIilNISME. 18
On y proclame la iiccossité de faire tal)le raso de l'ordre de
choses établi et de reconsliluer la société sur des jjases nou-
velles.
« TToif^noiis-iioiis an Congrès de la paix (pii vont l'aljolition
des armées pci-manoutes, s'éci-iait le dootein- (lonllcry de l,i
Chaux-de-Koiids,
(Séance an i si'i)tt'inhn'.)
a Ce sont les armées pei'uianentes qui perpétuent les haines
nationales : ce sont ces estropiés de conscience et de hras et de
Jambes, portant des croix d'honneur sur la poitrine qui ex-
citent la Jiaine des peuples les mis contre les autres. Il faut dé-
sarmer les armées et armer le peuple souverain en organisant
les milices. »
A la suite de plusieurs discours des plus ardents sur les mi-
sères sociales, le paupérisme, le despotisme césarien, l'exploi-
tation des travailleurs, les vices de l'organisation politi(iue
actuelle et autres thèses du même genre, le congrès proclame
la nécessité absolue de l'établissement des libertés politiques ',
l'instruction obligatoire et gratuite, débarrassée de tout enseigne-
ment religieux, et l'abolition des ;n*niées perniauPiites. On parle
de la formation d'une confédération d'Etats libres dans toute
l'Europe et de la création d'un nouvel ordre de choses (jui ne
permette plus la coexistence de deux classes dont l'une est
exploitée par l'autre. Pour la première fois, on agite la question
de l'entrée du sol à la propriété collective. Enfm le congrès
donne son adhésion pleine et entière à la Ligue de la paix.
A partir de cette époque, l'Internationale lève le masque et
se place résolument sur le terrain politique. Le moment est
venu pour le prolétariat de revendiquer /jy/^/ir/ywiie;;/ ses droits :
l'ennemi commun, l'Empire, paraît fortement ébranlé : une pre-
J 11 iinporle de rappeler que le rapporl ilo la ooiuiiiissioii sur ceUe qticslion
signalait la revendication par tous les ouvriers, dans la mesure des forces
individuelles, du droit illiniilc de la presse cl de réunion connue un inoseii de
hâter l^Mablissement des liberlés politi(iues. La commission reconnaissait
'"epenJant que, selon les é\énements qui pourraient sur^dr en Europe, il y
aurait des mesures plus pratiques à .ijqdiquer alin d'accélérer la réalisation
des vœux des lra\ailleurs.
14 L'INTERNATIONALE
inière levée de boucliers semble donc présenter (juel(iues
chances de succès.
Le conseil général l'a compris : des inslructions parlent de
Londres. Il faut profiter de l'intervention du gouvernement
français en Italie pour faire de l'agitation : une manifestation a
lieu, le lundi -4 novembre, sur le boulevard Bonne-Nouvelle
pour protester contre cette intervention. Tous les membres de
l'Internationale y prennent part : quelques-uns d'entre eux et
notamment Malon, se rendent au domicile de Jules Favré et de
Garnier-Pagès pour connaître quelle sera leur attitude à la
Chambre en présence de la résolution prise par le gouverne-
ment. Des démarches sont faites auprès des étudiants, mais
sans succès. Trois jours auparavant l'Internationale s'était éga-
lement trouvée mêlée à la manifestation du cimetière Mont-
martre ^ .
A la veille de ces événements, dont il avait deviné toute la
portée, Eugène Dupont, qui s'attendait « à voir une insurrec-
tion éclater à Paris » faisait part de ses espérances à Chémalé.
Voici la lettre qu'il lui écrivait, le 1" novembre 1867 :
« Londres, 1" novembre 18b7.
» Mon cher Chémalé,
" Que faites-vous de bon à Paris?... Au milieu du gâchis
franco-italien, l'Internationale a-t-elle chance d'être écoutée?
' Que pensez-vous de l'intervention? Bonne chose si les Fran-
çais ont encore des ça doit leur fouetter le sang : pour ma
part, depuis plusieurs jours je suis dans un état de surrexcita-
tion extrême, je crois entendre à chaque instant la nouvelle
' Parmi les internationaux présents à la manifeslation du -{ novembre, on
peut citer Bellamy, Uastien, Gérardin, Guiard, Delorme, Malon, Gauthier,
Tolain, Camélinat, Murât, Dauthier, Perraehon, Héligon, Fournaise, Chémalé,
Félix et Chardet (ce dernier se trouvait à la tête du groupe qui se rendit
à l'Ecole de médecine pour y chercher les étudiants.)
A pro[)os de cette manifestation, il n'est pas sans importance de faire res-
sortir que tous les internationaux compris dans la première poursuite décla-
rèrent à l'audience qu'ils s'étaient trouvés accidentellement sur le boulevard
et sans accord préalable.
Dans une publication récente, J'un des fondateurs de l'Internationale ex-
plique au contraire dans quelles circonstances et par suite de quel compromi>
l'Internationale fut amenée à prendre part à cette manifestation.
ET LE JACOBINISME. lo
d'une insuiTCctioii ù Paris Donnez-nous des détails sur
Paris. Quelle est la vraie situation ?
« Passons à autre chose. Nous avons formé un comité poul-
ies souscriptions rcvolutionnaires pour J'Jlalie. Les journaux
anglais nous donnent à chaque instant des nouvelles contradic-
toires. Je fais des vœux pour que le droit flanque une roulée à
qui lu sais '.
« Tout à toi,
. Eugène DUPONT. •
Que nous sommes loin du programme ostensible de l'Inter-
nationale. Pauvres ouvriers, voilà de quelle manière on entend
améliorer votre sort ! Apprenez donc une fois pour toutes que
le hnUivoué de l'Internationale, c'est de rechercher et de mettre
en pratique les moyens d'améliorer la position tant individuelle
que collective des travailleurs de tous les pays, mais que son
but vrai n'a jamais été en réalité que de créer un centre d'ac-
tion et des relations suivies avec les travailleurs, afln, à un
moment donné, d'agir sur l'ensemble des affaires pubhques et
d'en prendre au Ijesoin la direction. Songez, prolétaires, que si
l'Internationale vous recherche, si elle prend la peine de vous
organiser en sociétés, chambres syndicales, fédérations, etc.,
ce n'est pas que votre situation lui inspire le moindre in-
térêt, c'est uniquement que votre concours lui est nécessaire
pour l'exécution de ses criminels desseins. Elle a besoin d'ins-
truments aveugles, et elle les recrute partout oii elle les trouve.
De là ces croisades entreprises par ses agents, ces visites dans
les ateliers, ces distributions de journaux, ces prêts effectués
par les sociétaires, ces souscriptions en faveur des grévistes,
ces attafiues violentes et haineuses contre les patrons. N'at-
tendez rien des réformes tant prônées par l'Inlernationale : elle
aspire à tout envahir et à tout bouleverser, mais elle est inca-
pable de rien produire, sinon des désastres. Que rex[)érieuce
de ces derniers mois vous profite!
' Eii 186", le consuil général preiuiit egaleiueiit des résolutions ait sujet
de l'attitude de l'Internationale relativement à la visite du rzar à Paris.
16 L'INTERNATIONAL!-:
Mais revtnioiis à notre sujet.
I)c6 (lissiùences se sont iiroduites an siùn de la section lyon-
naise : la [ilni)art des ouvriers désertent le drapeau de Tlnter-
nationale. Ils trouvent que celte association s'occupe livp de
polilitfie (sic) et que toutes les réunions sont cousaci-ées à dis-
cuter les événements du jour, à supputer les chances plus ou
moins probables de l'avénemenl prochain de la Hépuhli-
(lue, etc., elc '.
En IM()8, les manifestations politiques de rinternalionale abon-
dent : nous citerons parmi les plus caractérisques : 1" les réso-
lutions volées par le groupe de Wolveriiampton ; 52° l'adresse
de Vésinier; les différents mcetinirs organisés i)ar la branche
française de Londres ; S" l'appel adressé par les seclions gene-
voises à la suite des condannialions prononcées contre les
membi-es du bui-eau de Paris; i" les déclarations laites au
Congrès de Bruxelles par Dupont, Steens, Pellering; enlin
les décisions (jui y sont adoptées sur les questions soumises
à la discussion et ([ui se résument dans ces deux mots :
triomphe de l'élôniont aidicHl, — renversejuciil de ïédihce
social.
La {jlupart de ces documents ont une telle inq)ortance <|ue
nous croyons indispensable pour l'édification du lecteur de les
reproduire in extenso.
Occupons-nous d'abord des résolutions votées ])ar le groupe
de \\'olverhampton, sur la proposition de Le Lubez, ex-secré-
taire correspondant pour la France, connu par ses démêlés avec
le bureau de Paris au sujet de la nomination d'Henri Lefort au
poste de correspondant général de l'Association près la presse
française :
1° « L'InlernRtional Workin(j Men's association déclare la
nécessité pour tous les ouvriers de s'unir contre l'eimemi com-
i L'un lies déiéfrues lyonnais ;ui rnn,i;iù.s de l>àle, AlLurl Uicliaid, racon-
tait : « que Vlntcruatiunale eut d'abord beaucoup de succès à Li/an, iiiair.
comme les elévients qui la composaient étaient plus politiques que socialistes.
il y eut bientôt désagré(jation. Depuis, ajoutail il, les travailleurs se sont
aperçus que les réfurvies politiques étaient insuffisautcs et que c'était à la
base même du système social qu'il fallait s'ollaniier. Ils sont devenus ré-
volutionnaires dans le sens social.
HT lA: JACOBIN IriML;. 17
iiiiiri. rcrsoiuii! 110 doit obéissauco aux lois ([iio le itou[)lo n'a
pas été appelé à faire ;
« 2" Tout soldat qui ne regarde pas la cause pour laquelle il
combat comme sienne, est relevé do toute obligation de combat-
tre {lour cette cause;
« S" Si ce droit lui est nié, c'est pour lui un devoir de défendre
ce ((ui est la souveraineté du peuple ;
oc [i° h'Inlernntional Working Men's Association considère
les complications actuelles du continent comme des complica-
tions entre les tyrans : elle conseille aux ouvriers de rester neu-
tres, de chercher à acquérir de la force par l'unité et de se ser-
vir de cette force pour porter un dernier coup aux tyrans de
l'Europe et enfin proclamer la liberté. »
Les agissements de la branche françniso th Londres se tra-
duisent par des meetings oij assistent tous les meneurs du
parti révolutionnaire *, et oiî sont prononcés les discours les plus
incendiaires. L'assassinat politique est le thème favori développé
avec emportement par presque tous les orateurs. Un compte
rendu sommaire de ces différents meetings permettra de mieux
apprécier les dispositions politiques des membres composant la
branche française.
Le 5 janvier 1868, un grand meeting est organisé dans New-
mann-Street, sous la présidence deBesson; on y donne lecture
de diverses adresses plus violentes les unes que les autres.
Le 24 février, nouveau meeting dans la salle de Chevelard-
Street pour célébrer l'anniversaire de la Révolution. Eugène Du-
pont figure parmi les signataires de l'affiche de convocation 2.
Le conseil général s'y fait représenter officiellement. Les ci-
toyens de tous les pays, amis de la révolution, sont invités à y
assister. Besson, Le Lubez, Lesner, Félix Pyat et autres pren-
nent la parole.
On y fait le procès du peuple français qui supporte si patiem-
ment 7e plus grand lyran qui ait jamais existé. La bourgeoisie
1 Quel(j[ues-uns de ces meneurs qui s'associaient alors à l'œuvre de l'Inter-
nationale ont élé acclamés préfets au 4 septembre par le irouvernement de la
défense nationale ; l'un d'eux est encore en fonctions. Nous pourrions citer
la ville.
2 Voir l'affiche de convocation. Documents justificatifs. Pièce B.
2
18 L'INTERNATIONALE
est traînée aux gémonies : elle est condamnée à disparaître. On
accuse de trahison les quelques bourgeois républicains (]ui se
sont excusés par lettres de ne pouvoir assister à la réunion '.
On proclame que l'avenir appartient aux prolétaires ; que, seul
de tous les hommes de 1848, Félix Pyat est resté fidèle à la
cause du peuple, et que c'est lui qui sera un des chefs de la ré-
volution prochaine, regardée comme inévitable. On parle de l'es-
poir de célébrer le prochain anniversaire en France.
Des acclamations frénétiques saluent l'entrée de Félix Pyat
dans la salle du meeting : le futur membre du comité de salut
public de l'insurrection parisienne monte à la tribune pour y don-
ner lecture d'une adresse de la Commune révohitionnnive et y
provoquer à l'nssassinat.
A son tour Le Lubez prend la parole : le drapeau rouyc, s'é-
crie-t-il en terminant, est le symbole de la révolution prochaine.
A ces mots l'on voit s'avancer une députation de la société ou-
vrière allemande, portant un drapeau rouge qu'elle place près
de la tribune, au milieu des cris de : Vive la République démo-
cratique et sociale - !
Les 24 juin, 22 septemln-e (76'' anniversaire de la proclamation
de la Répubhque) et 20 octobre, nouveaux meetings de la
branche française. Toujours même violence de langage, mêmes
provocations à l'assassinat et même haine profonde contre les
spoliateurs des deniers du peuple. Dans le meeting du 20 octo-
bre notamment, Vésiniery donnait lecture d'une protestation où
il déclarait : i° que l'Association internationale devait être con
sidérée comme étant une société essentiellement politique;
2° que l'Association internationale était une société républi-
caine démocratique, sociale et universelle, partageant les prin-
cipes, le but et les moyens proclamés par la Commune révolu-
tionnaire de Paris dans ses manifestes ^.
1 De ce nombre étaient Ledru-Rollin, Victor Hugo.
2 11 imi)orte de rappeler qu'en 1866, lors du congrès de Genève, en tète de
la colonne des délégués se rendant à la salle du congrès, était également
porté un drapeau rouge où était inscrite la devise de l'Association interna-
tionale : Pas de droits sans devoirs.
5 Pour le texte complet de cette protestation, voir notre ouvrage sur
\'Internatio7iale, annexes, pièce A. Nous reproduisons aux documents justi-
ficatifs un manifeste de la Commtme révolutionnaire de Paris.
ET LE JACOBINISME. 19
Enfin, le 3 décembre, un nouveau meeting avait lieu sous la
l)résidonce de Le Lubez pour célébrer l'anniversaire de la mort
du représentant Baudin. Sur la proposition de Félix Pyat, des
remercîments étaient votés à la presse et au barreau de Paris
à raison de leur attitude dans l'affaire de la souscription de ce
martyr du droit. Voici dans quels termes était conçu ce vote de
remercîment :
Association internationale des travailleurs.
(Branche française de Londres.
a Le 3 décembre dernier, le meeting composé des démocrates
de toutes les nations et convoqué par la branche française
de l'Association internationale des travailleurs à Londres pour
l'anniversaire de la mort du représentant Baudin, après les dis-
cours prononcés en l'honneur de ce martyr du droit, a voté, sous
la présidence de A.-V. Le Lubez, la proposition suivante de Fé-
lix Pyat :
a Considérant que les quatre journaux, le Réveil, l'Avenir
national, la Tribune et la Revue politique, en prenant l'ini-
tiative de la souscription Baudin, ont fait leur devoir ;
« Considérant que les avocats qui les ont tous si heureuse-
ment défendus devant l'opinion ont fait leur devoir ;
<c Considérant que l'hommage public rendu au martyr du droit
sertie droit: que l'esprit de sacrifice et l'exemple du devoir
sont plus nécessaires que jamais dans les circonstances actuelles
de la France et de l'Europe ;
« L'assemblée vote un remercîment à la presse et au barreau
de Paris, et elle déclare avec reconnaissance qu'ils ont bien mé-
rité de la démocratie française et européenne.
Pour la branche française de l'Association
internationale des travailleurs.
Le président : A.-V. LE LUBEZ.
Le secrétaire: A. HULET.
Londres, le 7 décembre ISUfi.
Le conseil général s'était ému de l'altitude prise par la ])ran-
che française : il trouvait son tempérament un peu trop révo-
20 L'INTERNATIONALE
lulionnaire dans la situation présente. De pareilles déclarations
lui jiaraissaient intempestives; c'était effrayer sans profit la
masse ouvrière et mettre un temps d'arrêt dans le travail d'or-
ganisation. Il admettait bien le caractère politique de l'Interna-
tionale (il l'avait déclaré kii-mèmc dans son manifeste), mais il
jugeait prudent de dissimuler jusiju'au jour où l'on pourrait
compter sur des éléments assez sérieux et surtout assez nom-
breux pour tenter la lutte, si l'occasion en était donnée, et avouer
hautement ses projets. En un mot, les agissements de la bran-
che française étaient compromettants : il fallait en pallier i'effe
en lui infligeant un blâme. Le tour était ainsi joué.
L'esprit révolutionnaire de l'Internationale s'affirmait en même
temps à Genève, et au congrès de Bruxelles.
A Genève, à la date du 15 juillet 18G8, le comité central des
sections de la Suisse romande publie une protestation sur pla-
cards rouges contre l'arrêt delà cour de Paris qui condamne les
membres de l'Internationale à trois mois de prison et 100 francs
d'amende : cet arrêt est qualifié de déclaration de guerre aux
idées sociales et aux principes de la révolution de 89 *. Au
mois d'octobre suivant, ce même comité publie un manifeste
intitulé : République démocratique et sociale, et réclame des
réformes sociales radicales.
Au congrès de Bruxelles, où assistent Tridon, Blanqui, Miot,
Rochefort, Victor Hugo, Elie Reclus, les tendances politiques
et radicales de l'Internationale s'accentuent encore davantage.
Perron, de Genève, déclare que dans le programme des réformes
politiques il ne faut pas se borner à inscrire l'abolition de la
guerre ; il cite parmi les réformes sociales et politiques indispen-
sables à l'émancipation du prolétariat : la séparation de l'Iiglise
et de l'Etat, l'instruction obligatoire à tous les degrés, l'impôt
unique sur la richesse. — « Pour empêcher la guerre, s'écrie à
son tour Catalan, il faut en supprimer les auteurs : que l'Inter-
nationale fasse la guerre à la guerre, en employant toutes ses
forces contre les hommes qui ont le droit de faire la guerre. »
t Nous reproduisons cette protestation à la fui du volume, documents jus -
liliculil's, pièce C.
ET LK JACOHINISME. -M
« Personne ne veut la guerre, ajoutait Henri, de Paris, mais
pratiquement comment l'empêcher? Je crois qu'il faut nommer
des hommes aux prochaines élections qui amèneront un chan-
gement d'institutions ou môme
Bref, au point de vue politique, nous de-
vons par les élections et les manifestations populaires, par la
propagande politique et socialiste, arriver à la suppression des
gouvernements personnels. »
« Protestons par le refus du service militaire ou de tout tra-
vail Provoquons contre la guerre la conjuration du peuple
travailleur tout entier », répétaient à satiété, Ilins, César de
Paepe, Pellering, Spehl, etc.
-i Nous en appelons à la guerre sociale, s'écriait Slecns de
Bruxelles, elle seule nous permettra de renverser les institu-
tions tyranniques des gouvernements. y>
« La révolution, disait un autre orateur, ne peut évidemment
surgir que de la bourgeoisie ; elle la fomente et la désire : tout
fait prévoir que les anciens partis coalisés contre l'Empire se
lèveront bientôt. Eh bien, faudra-l-il intervenir ou faudra-t-il
rester les bras croisés? N'est-ce pas dans la révolution qu'est
le salut du prolétariat ?
" Le renversement du despotisme, l'al^olition des armées
permanentes, les relations économiques modifiées, la séparation
de l'Eglise et de l'État, ce sont autant de progrès qui no peuvent
produire l'ordre social qu'autant que la réaction n'aura plus pour
levier l'ignorance du peuple Le soldat, le dévot, le prolé-
taire sont la manifestation de l'ignorance du peuple.
< Plus de gouvernements, s'écrie à son tour Eugène Dupont
dans le discours de clôture, car les gouvernements nous écra-
sent d'impôts! Plus d^ armées, car les armées nous massacrent !
Plus de religion, car les religions étouffent l'intelligence !
SinguUer moyen do travailler par les voies pacifiques à l'amé-
lioration du sort des ouvriers ^ /
1 Quelques personnes ont prétendu que, pour appartenir à l'Internationale,
il fallait evercer un métier manuel : c'est là une erreur frrossic' re que nous
avons vu l'accusé Lullier reproduire naguère devant le 3^ conseil de guerre
séant ;'i Versailles. Les faits sont là pour démentir une pareille allégation.
Quel est donc le métier manuel des Richard, Bastelica, Tridon, Bakounine
22 L'INTERNATIONALE
Noms devons placer ici sous les yeux du lecteur un document
de la plus haute importance : c'est une adresse du comité do la
section centrale de Genève au congrès de Bruxelles. Les signa-
taires signalent la nécessité d'arrêter, en vue d'éventualités qui
pourraient surgir en Europe, nn programme do réformes poli-
tiques et sociales commun à l'Association internationale des
travailleurs et à la Ligue de la paix et de la liberté, ces deux
grandes institutions modernes qui poursuivent le môme but; en
un mot, d'abandonner l'étude de la théorie pour s'entendre sur
les moyens pratiques d'assurer le succès de la révolution euro-
péenne, afin que les prolétaires ne soient pas, comme par le
passé et faute d'avoir pris à temps les mesures nécessaires, le
jouet des castes privilégiées.
Au congrès de Bruxelles.
« La révolution sociale prévue dès longtemps, la révolution so-
ciale, conséquence forcée de l'organisation acluellc de la société,
s'approche rapidement, et le prolétariat n'a pas encore examiné
quels sont les moyens pratiques de faire passer de la théorie dans
les faits les principes d'égalité et de justice.
« N'est-il pas à craindre cependant que le moment fatal surgis-
sant tout à coup, les prolétaires ne soient, comme par le passé,
et faute d'avoir pris à temps les mesures nécessaires, le jouet
des castes privilégiées ?
« N'est-il pas à craindre qu'au moment décisif les forces ou-
vrières, abandonnées à tous les vents de la tempête, ne man-
quent d'unité d'action ?
« Et cela faute d'avoir regardé résolument en face cette éven-
tualité : la révolution !
« Le mouvement ouvrier est surtout un mouvement d'étude
s'avançant sûrement, sans colère, sans précipitation, et agis-
sant profondément, irrésistiblement. Ce grand caractère qui fait
la puissance et assure l'influence des classes travailleuses doit
être conservé; mais serait-ce le méconnaître que d'abandonner
Cluseret, etc., etc. A Genève, il existe même une section spéciale, dilo section
centrale, dans laquelle sont compris tous les individus ne faisant partie d'aucune
association ouvrière, c'est-à-dire les meneurs, les réfugiés politiques et autres.
ET LE .(ACOniNISME. 28
un instant l'ôlndo dos tlirorios ponr mettre en œuvre les moyens
prnUqiicfi qui sont .wus votre main ?
« Nous no lo pensons pas.
« Jamais la possibilité d'une émancipation radicale des classes
déshéritées ne s'est présentée sous un aspect aussi favorable et
aussi encourageant.
« Les ouvriers ont ou sont prêts cV avoir l'appui des démocrates
européens, membres de la FJrjuede lapaix et de la liberté, qui,
eux aussi, scmble-t-il, veulent l'émancipation complète do la
pensée et de l'individu.
« Ils ont des sympathies sérieuses en dehors de la classe ou-
vrière proprement dite, parmi cette foule de sociétés progressistes
qui, à des degrés divers, vivifient le mouvement de rénovation.
« Ils ont, ce qui vaut mieux, groupé leurs forces avec une rapi-
dité incroyable sous la devise de cette grande fédération, créée
iiier, impérissable aujourd'hui : P Association internationale des
travailleurs.
« Ils ont pour eux la justice.
« Ils ont le nombre.
« Ils ont l'unité de vues : il dépend de vous, citoyens délégués,
de donner au prolétariat sa complète unité d'action.
« Avec de tels éléments de succès, avec l'expérience du passé,
négliger de prendre ses mesures serait une faute et un malheur
que vous saurez éviter, nous en avons la ferme confiance.
« Le régime qui ronge l'Europe aujourd'hui ne peut toujours
durer, et, tôt ou tard, il prendra fin dans le sang un Jour de
révolution. — Ce n'est pas nous qui désirons que cela soit
ainsi, c'est l'histoire qui nous démontre que, par le fait de l'obsti-
nation aveugle des privilégiés, les choses ne se sont jamais
passées autrement. Il faut donc savoir accepter ce qui est iné-
vitable; la responsabilité en retombe sur ceux qui veulent arrêter
l'humanité dans son évolution.
« Au jour de l'écroulement du système des monopoles qui
nous régit, la Ligue de la paix et de la liberté, ainsi que V As-
sociation internationale des travailleurs, par l'influence qu'elles
exercent déj;\ en Euroiie, semblent naturellement appelées à
décider de l'avenir, à prendre une part plus ou moins grande à
l'édification du nouvel ordre social.
n Î/INTKRNATION'ALF.
.. La Lirpw l'a comjji'is, aussi se pi'coccui)e-t-elle des moyens
pratiques, et dans sou prochain congrès elle adoptera, selon
toute probabilité, la constitution des i'uLui's Etats-Unis d'Europe,
ainsi qu'un pr^graninie de réforme politique et sociale.
« La Ligue prépare donc les J)ases sur lesquelles reposera
l'avenir de la société.
« Rien de mieux. Nul doute (juc ses membres ne veuillent
aborder radicalement toutes les questions, y compris la question
économique qui nous tient si fort à cœur à nous tous ; mais
sont-ils bien placés pour cela? La plupart des membres de la
Ligue, étrangers aux souffrances du prolétariat, en couqiren-
dront-ils bien les causes ? Les ont-ils suffisamment étudiées ?
Ne se pourrait-il pas qu'ils ne songeassent point à inscrire sur
leur progrannne certaines réformes jugées par vous et par les
congrès ouvriers qui vous ont précédés, indispensables à l'avé-
nement de la liberté et de l'égalité réelles.
« Quoi qu'il en soit, les membres de la Ligue, plus instruits,
plus rompus à la politique que nous autres ouvriers, auront,
comme individus et comme corps, une très-grande influence au
moment de la révobition. Il faut donc que la classe ouvrière
sache si les membres de la Ligue sont d'accord en tous points
avec vous, avec nous tous, pour revendiquer les réformes né-
cessaires à l'émancipation définitive du prolétariat. Il faut de
toute nécessité que le travailleur sache au plus tôt jusqu'à
quel point, jusqu'à quelle ligne de démarcation il peut compter
sur l'appui et le concours de ces démocrates.
«> Pour cela, chers amis, il est indispensable d'arrêter un pro-
gramme de réformes politiques et sociales, et de le faille repré-
senter au congrès do la Ligue, qui succède au congrès de
Bruxelles, par une délégation munie de pleins pouvoirs. Celle-ci
entendra les observations (|ui pourraient être faites au pro-
gramme présenté, et y fera droit si elle le juge à propos; elle
prendra connaissance des rapports faits sur les questions qui
doivent se résoudre dans cette assemblée, et y donnera, s'il
convient, son adhésion au nom de l'Association internationale
tout entière.
« En un mot, la délégation ouvrièjro, en vue des éventualités
qui pourraient surgir en Europe, arrêterait si possible, et so-
i-;t i.f. jacoiîini^^mi:. 25
lennelloniput, nvec le conffrrs ilc In Lit/ un da la pnix cl de In
liberté, un programme aussi radicalement rénovateur que les
connaissances acquises jusqu'à ce Jour le permettent, — lequel
deviendrait par le fait le programme de la révolution européenne,
et serait toujours modifiable d'année en année, jusciu'à l'avénc-
ment de la république démocratique et sociale.
« Cette union conclue, nous pourrions tous, sans inquiétude
pour l'avenir, poursuivre l'étude des sciences sociales ; la crise
inévitable pourrait éclater sans que pour cela le prolétariat soit
exposé à être oublié, joué comme par le passé. Le grand jour
de l'effondrement social pourrait venir sans qu'il soit à craindre
une division parmi les hommes do progrès, assurés qu'ils
seraient de se rencontrer sur un môme terrain, la main
dans la main, mus par la même pensée : l'égalité réelle et la
paix.
« Nous appelons de toutes nos forces, chers camarades, votre
attention sur cette idée d'un programme commun aux deux
grandes institutions modernes, VAssociation internationale des
travailleurs et la Ligue de la paix et de la liberté, qui, ayant
chacune une tache spéciale à remplir, poursuivent néanmoins le
même but : l'ordre social.
Agréez, etc.
Le Comité de la section centrale de Genève.
Nous ne parlerons que pour mémoire des discours incen-
diaires prononcés au congrès de Berne par le triumvirat Ba-
kounine, Richard et Jaclart, et qui se terminent par une déclara-
tion de guerre à tout ce qui existe et notamment à la bourgeoisie,
sur les ruines fumantes de laquelle Jaclart so propose d'asseoir
la république délinilive et de planter le drapeau de la révo-
lution sociale.
Quelques jours plus tard, l'alliance delà démocratie socialiste
était fondée à Genève : le groupe initiateur comprenait quatre-
vingts adhérents. Nous avons fait connaître, dans notre ouvrage
sur Y Internationale , les statuts adoptés par cette branche de
26 L'INTERNATIONALE
l'Internationale *, nous n'y reviendrons pas. Ils se résument
d'ailleurs dans ces trois termes : athéisme ; égalisation politi-
que, économique et sociale des individus des deux sexes ; sup-
pression de tous les Klats politiques.
Cette section, dig'ne émule de la section française de Londres,
qui, dans son programme, s'était donné pour mission spéciale
d'étudier les questions politiques, peut être considérée comme
la personnification la plus complète des tendances véritables de
l'Internationale, tendances dissimulées jusqu'alors dans l'intérêt
de l'association et par mesure de prudence. Elle fut organisée
par des Internationaux impatients de hâter l'heure de la révo-
lution et dont le tempérament révolutionnaire ne pouvait s'ac-
commoder des lenteurs, des hésitations, de la modération relative
et habilement calculée de quelques-uns de leurs coreligion-
naires. Le conseil général s'émut de cet état de choses : il com-
prit que le programme de l'Alliance pouvait jeter du discrédit
sur l'Internationale et fournir l'occasion à ses détracteurs de
signaler le danger de pareilles doctrines : il refusa de recon-
naître à cette section le caractère d'internationale; et prit à
cet égard, le 28 décembre 1868, une décision portant annulation
des statuts de ce groupe qui était traité de dissident : cette dé-
cision fut communiquée à tous les correspondants de l'Interna-
tionale en France et à l'étranger.
Une pareille exclusion n'était que le résultat d'une insigne
fourberie : elle avait été nécessitée par les circonstances, mais
aussitôt que l'orage fut calmé, le conseil général se hâta de re-
venir sur cette décision. Le 14 mai 1869, à la suite d'une nou-
velle délibération, l'Alliance de la démocratie socialiste recevait
du conseil général un brevet qui la déclarait Internationale :
ce titre lui était de nouveau confirmé en juillet 1869. Puisque
nous nous occupons de cette section, nous tenons à répondre
à ime objection que ne manquent pas de faire quelques interna-
tionaux, lorsqu'on parle de l'Alliance; ils prétendent qu'elle n'a
jamais été reconnue comme section de l'Internationale. C'est là
une erreur, une erreur grossière. Comme en pareille matière
les preuves sont indispensables, nous renvoyons ces naïfs in-
* Voir page 28.
F.T LE JA OBI NI S ME. 97
tcrnationaux au journal VMgalilô (numéro du 23 avril 1870) *.
Ajoutons que l'Alliance ne tarda pas à jouer un rôle prépondé-
rant ; l'avenir lui appartient ; nous verrons plus loin comment
elle finit par envahir le monde ouvrier et par devenir maîtresse
de la situation. C'est elle qui a fait le 31 octobre et le 18 mars.
Composée aujourd'hui de communistes et de blanquistes, elle
commande à toutes les sections françaises, et domine le mou-
vement, grâce à l'énergie, à l'activité et à l'influence de ses
membres.
Autre erreur qu'il importe de relever. Dans sa récente cir-
culaire, le ministre des affaires étrangères rappelant un pas-
sage du Propres du Loclo (29 janvier 1870) emprunté à notre
premier ouvrage, signalait ce journal comme l'un des organes
de l'Internationale. Cette affirmation a soulevé les colères du
grand conseil de Londres ; l'un de ses membres, dans une let-
tre adressée au Times et reproduite dans YEgalité, proteste
contre cette allégation qu'il qualifie de mensongrre, et affirme
que le Progrès du Loclo n'a jamais été un journal de T Inter-
nationale. Pauvre M. John Haies, vous ne lisez sans doute pas 7a
Solidarité. Nous le regrettons : vous auriez évité de conmiettre
1 Nous lisons en effet à la 2e pa^, 2e colonne, ligne 79, et suiv. à propos du
compte rendu du congrès de la Cliaux-de-Fonds (avril 1870) : Le conseil géné-
ral a, il est vrai, admis l'Alliance, mais le conseil général, en admettant l'Al-
iance, ignorait coinplélement les procédés occultes dont certaines personna-
lilés dirigeant l'Internationale se permettaient d'user.
Nous trouvons encore dans le numéro du 30 avril, l^e page, 3e col., ligne 2^,
cette déclaration faite au congrès par le citoyen Guillaume, de Neufchàtel.
« Le conseil général a admis la section de V Alliance, et vous ne voulez pas
l'admettre à siéger au congrès ! vous ne le pouvez pas !...
Et plus loin (page -4, 2^ col., lignes 4 et suivantes).
« Le conseil général aurait-il admis l'Alliance, si elle était menée par une
intrigue...
Discours du citoyen Rossier (ligne 56) :
ce Puisque le conseil général de Londres a admis la section de l'Alliance
dans l'Internationale, c'est preuve qu'elle peut et doit être admise par nous.
Je demande que le comité fédéral nous présente la correspondance qui a été
échangée entre lui et le conseil général sur l'admission de l'Alliance.
Et encore (ligne 73) : — L'Alliance s'est adressée deux fois au conseil géné-
ral, et ce n'est qu'à la seconde fois qu'elle a été reçue.
Est-on maintenant convaincu que l'Alliance est une section de l'Internatio-
nale et que ce titre lui a été conféré par décision du conseil suprême? — Le
conseil général, dans la conférence tenue à Londres le 21 septembre 1871, s'est
occupé de nouveau de la situation de cette section (Voir Résolution XVI —
Radical — 13 novembre 1871).
28 !/• I N ï E Tx N A T 1 0 N A L !■:
uno ciTonr aussi pirossiùro, surtout pour un membre du conseil
général, (jui u'e&t pas un nouveau venu dans l'Internationale. Il
valait beaucouj) mieux ne pas relever ce passage du Progrès
du Loclc, que do i)rotcster nicnsonç/crcinc]}/ ; il est compromet-
tant, c'est vrai, mais à qui la faute? Ouvrez donc la Solidarifé,
citoyen John Haies : vous y lirez (numéro du 16 avril 1870,
4* page, 1" colonne, ligne 61), sous cette rubrique : Nouvelles
de la Ft'dcvntion romande, cet entrefdet dont nous vous enga-
geons à faire votre profit :
« Les sections ("internationales) du Locle rpii font généreuse-
ment le sacriJice de leur organe spécial, le Progrès^ promettent
leur concours on masse à la Solidarité. »
Êtes-vous maintenant persuadé que le Progrès était l'organe
des sections du Locle ? D'ailleurs vous ne l'avez jamais ignoré ;
il vous sied bien, conseil général, de taxer les autres de men-
teurs, vous dont les manifestes ne sont qu'un tissu de menson-
ges plus ou moins habilement assaisonnés.
Nous arrivons à 1869. Les événements vont se précipiter : les
réunions publiques, les élections, les nombreuses grèves, le
malaise général, les excitations de la démagogie, les théories
subversives répandues dans les masses par une certaine presse,
l'attitude des partis extrêmes, l'agitation des esprits, voilà autant
de causes destinées à faciliter le jeu de l'Internationale et à lui
permettre d'accentuer encore davantage son rôle politique. En
France, à la faveur de la nouvelle loi sur les réunions publiques,
la propagande socialiste et révolutionnaire va pouvoir se don-
ner libre carrière. Fidèle à ses traditions, la branche française
de Londres, à l'instigation de Félix Pyat, organise un grand
meeting pour le 14 janvier 1869, en Vhonneur de l'attentat
d'Orsini.
Un nouveau meeting a lieu, le 24 février, pour célébrer
l'anniversaire de la Révolution. Comme toujours, la plu-
part des réfugiés politiques et les meneurs du parti révolu-
tionnaire sont présents. Félix Pyat est accueilli avec enthou-
siasme. Il prédit la chute inévitable de l'Empire et éspèro
que l'on pourra célébrer à Paris le prochain anniversaire du
24 février.
i:t lk ,1 ACOiJiM^.Mi;. jd
11 donne lecture à l'assemblée d'une adresse de la bruiicln; l'niii-
çaiso au président Granl.
Nous nous faisons un devoir de reproduire celle curieuse élu-
cubralion dont nous garantissons l'authenticité, et qui est de na-
ture à édifier pleinement nos lecteurs sur les tendances révolu-
tionnaires de l'Internationale. Ce manifeste n'est qu'une série
de récriminations contre l'Empire et la Papauté :
30 L ' 1 N T E R N A T I 0 N A L E
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
AU PRÉSIDENT GRANT
Adresse de L'Association internationale des travailleurs (branche
française), lue par Félix Pyat, votée a l'unanimité, au meeting
DU 24 février, a Londres, par les démocrates de toutes na-
tions, ET remise par les DÉLÉGUÉS BeSSON, A.-V. ChATELAIN, De-
BORD, Hulek, Jourdain, le 6 mars, au ministre américain, qui a
promis de l'envoyer au président.
Timbre de la branche française. Section fédérale.
« Citoyen,
« L'Europe jette de temps en temps un cri de détresse à
l'Amérique qui ne l'entend pas. Elle s'affaisse de plus en plus
sous son double joug. Malgré réforme et révolution, après trois
grands siècles d'efforts, elle n'a pu se délivrer de ses envelop-
pes caduques, le prêtre et le soldat.
« Rome et Paris sont les capitales de la bête apocalyptique à
deux fronts, de la double tyrannie couronnée et mitrée, du Ja-
nus catholico-monarchique, le pape et l'empereur.
« La fraude et la force sont le trait d'union de ces deux Sia-
mois du droit divin, monstres hybrides qui allient tous les con-
traires, hosties et chassepots, immaculation et guillotine.
« L'autel et le trône se tiennent soudés à l'échafaud par les
miracles et les merveilles.
« Avant de refaire l'Empire, l'homme de Décembre, comme
celui de Brumaire, a refait la papauté. Et il garde la papauté pour
garder l'Empire.
« L'empereur sait à fond cette vérité politique, que le pape est
le premier précepteur de servitude humaine ; que le maître spi-
rituel assure le maître temporel ; que tout peuple qui subit le
prêtre, subit le prince ; que tout peuple, n'importent sol, race et
ET LE .lACODlNISME. 31
loi, qui lie pont secouer le catholicisme, s'arrôtc ou décline,
reste ou retombe en enfance, s'il n'en meurt i)as avant le temps;
que, partout et toujours, la liberté est en raison inverse de la
catholicité.
« L'empereur sait que les peuples les plus dominés, les plus
annulés sont les plus catholiques ; que l'Irlande se meurt et que
la Pologne est morte; que l'Italie même, l'institutrice du monde
moderne, la seconde patrie de tout civilisé, n'a pu s'élever à la
vie nationale sous son pape, maîtrisée par tous ceux ({u'elle maî-
trisait sous sa république.
« Il sait que l'Espagne, qui la suit dans le giron, a pu être na-
tionale, mais libre jamais ; et qu'après avoir chassé une royauté,
elle va en reprendre une autre pour finir en état de grâce.
« Il sait que la France, la moins catholique des trois, l'est en-
core assez, hélas! pour avoir perdu deux répubhques, et que
les principes hérétiques de sa philosophie doivent tuer le des-
potisme ou être tués par lui; qu'en Amérique môme, les répu-
bliques du Sud sont toutes stationnaires ou rétrogrades, selon
leur degré d'orthodoxie; bref, que le cathohcisme, en niant la
liberté de conscience, les nie toutes, façonne le sujet à la disci-
pline par l'obéissance, le lait passer d'emblée du confesseur au
commissaire, d'une autorité -à l'autre, automate habitué à servir,
effrayé d'être libre, déléguant sa souveraineté et nommant vite
des empereurs au heu de présidents, des Napoléons au lieu de
Washingtons !
« L'empereur sait tout cela et il agit en conséquence. Le pré-
sident le sait aussi. Qu'il agisse de même! L'un s'honore de
violer la loi, l'autre de la défendre ; ils diffèrent trop pour ne pas
se combattre. Mais vous êtes homme d'action et non de dis-
cours... Au fait!
« L'empereur occupe Rome. Que le président le fasse sortir!
Il sortira. Pas si rétif, vous l'avez vu ! Il entend raison quand il
faut. Un mot lui a fait évacuer le Mexique. Un demi lui fera éva-
cuer Rome. C'est l'empereur de l'évacuation comme de l'in-
vasion.
« La république a déjà fait reculer l'empire. Poursuivez ! Ten-
dez la main à Garibaldi comme à Juarez ! Grant et Garibaldi...
Rome sera Ubre comme Mexico ! Nous nous chargeons de Paris!
VJ2 L'INTERNATIONALE.'
« L'Amérique, fille de l'Europe, en est l'espoir. La lille lais-
sei'a-l-cUe périr la mère? Les enfants doivent aider les parents.
Chacun son tour! Même devoir pour les nations que pour les
individus ! A quoi bon vapeur, électricité, si l'indifférence, si
l'ingratitude, nous sépare i)lus (jue l'Océan? Famille oblige et
puissance surtout! Héros du nouveau monde, vous pouvez l'être
de l'ancien. Élu de la république américaine, vous pouvez l'être
de la républiciue universelle. Libérateur de la race africaine, vous
pouvez l'être du genre humain. Vous pouvez acquérir aisément
une gloire qui traversera toutes les mers et dépassera tous les
monts. Vous pouvez, en vidant le Pandémoniuni, mériter l'ad-
miration, la reconnaissance de l'iiumanité. Vashington a pro-
clamé la liberté pour les États-Unis. Monroe l'a proclamée pour
l'Amérique. Président Grant, proclamez-la pour le monde entier.
« Vous le pouvez, vous le devez !
« Ne nous répondez pas en pharisien, en louant Dieu de n'être
pas né Européen ! A cet appel fraternel pour Rome, ne nous
répondez pas par ce mot immonde : Chacun pour soi ! Nous at-
tendons mieux de vous que ce refus d'acier poli, déjà fait jiar
^"otre presse à notre appel pour l'Espagne :
« La mission de l'Amérique, dit le ^Veu'- York Times, est de
montrer aux peuples les charmes de la démocratie, les beautés
d'une nation libre, de la souveraineté individuelle, d'un meilleur
gouvernement, d'une plus pure société, d'un plus haut type du
caractère humain qu'on n'en peut voir sous un régime despo-
tique, sous rois et prêtres, grandes armées et grandes églises,
mensonges de Machiavel et violences de César. Quand nous au-
rons suffisamment montré cet exemple au monde, toute tyrannie
en Europe sera finie et le règne des peuples commencera. Mais
si nous alhons en fous furieux combattre pour l'Italie et l'Es-
pagne, l'Irlande et la Pologne, notre puissance serait bientôt
perdue et la grande république consignée à l'histoire.
« L'égoïsme ne saurait être plus gracieux ; mais enfin c'est
l'égoïsme... Et l'homme du peuple, l'homme du droit et surtout
l'homme de cœur doit penser autrement. Le président de la
grande république pensera avec moins d'orgueil et plus de jus-
tice, que les peuples ont d'autres devoirs que de se montrer
leurs charmes ; que la liberté est soUdaire connue la tyrannie ;
El" l.\-: .lACOlJlN ISMi:. 33
(\nv lo droit ne peut pas plus se passer de l'orce que le crime;
([ne les élus mêmes de la providence, empereur et pape, ne s'en
tiennent pas à la magie de leurs vertus; ijue l'exemple delà
force ne suffît pas aux faibles ; l'exenijtle de la liberté aux es-
claves; l'exemple de la santé aux mouraiils.
« Nous donc, ouvriers français, républicains de i8, aujour-
d'hui 24 février 69, vous parlant pour les Romains, républicains
comme vous et nous, nous avons foi en vous, vainqueur des né-
griers. Nous ne craignons pas de vous dire, dans la langue de
Lafayette, que si la France avait envoyé aux Grecs, au lieu d'une
ilottc à Xavarin, un exenq)laire de Plularquc, loulo la Grèce
serait encore tunpie à présent...
« (Jue si la France avait envoyé aux Italiens, au lieu d'une
armée à Magenta, le De \iris IlJuslriLus, l'Italie serait encore
autrichienne à présent...
« Uu'enlin si la France, au lieu d'envoyer aux Américains
mêmes, son armée et sa flotte à Boston, leur avait envoyé
l'inuige de Jeanne d'Arc chassant l'Anglais, la grande répu-
bli(|ue n'aurait ni puissance à perdre dans le i)résent, ni même
un nom à laisser dans l'histoire. »
Voilà les qiieslions économiques et professionnelles aux({uelles
devaient se borner, d'après les statuts, l'action et les études de
l'Internationale.
Ajoutons que la branche française tient w.i nouveau meeting
pour célébrer l'anniversaire du 2i juin.
De leur côté, les sections belges étaient loin de rester inac-
tives : leur attitude prenait même une forme de plus en plus
révolutionnaire.
Nous en trouvons la preuve manifeste dans cet appel adressé
aux ouvriers belges, lors de la grève des bouilleurs, puddleurs.
lamineurs.
« Amis, compagnons, frères !
« 11 y a assez longtemps que vous souffrez dans un dur escla-
vage. Vengez-vous, tuez, massacrez, si on ne vous donne pas
34 L'INTERNATIONALE
la liberté entière pour tous! A bas les capitalistes! Mort à la
noblesse, au clergé !
« Vive la République !
« Allons, courage! si vos couteaux, vos flèches ne suffisent
pas, nous vous donnerons des armes.
► Le comité révolutionnaire de Bruxelles,
•i Vengez-vous! "
Ce comité révolutionnaire était une création de l'Internatio-
nale due à l'initiative des citoyens Delassalle, Robin, Sephl, qui,
dès le mois d'avril, avaient proposé d'organiser un groupe ayant
pour mission uni(|ue de propager l'idée et les principes de l'ac-
tion révolutionnaire et destiné à agir sur la France. A la même
époque nous constatons la présence à Bruxelles de Tridon,
Blanqui et Miot.
En France, lors des élections générales du mois de mai, nous
voyons les internationaux s'agiter et prendre part à la lutte. La
question électorale devient leur unique préoccupation et le but
constant de tous leurs efforts.
Dans les réunions électorales la tribune est envahie par des
ouvriers, la plupart membres de l'Internationale. L'abolition des
armées permanentes, le retrait des troupes de Rome, l'abolition
du budget des cultes, la magistrature élective, l'instruction gra-
tuite et obligatoire, l'abolition des impôts directs, l'abolition des
gros traitements, la liquidation de la dette publique, la respon-
sabilité effective des fonctionnaires, tels sont les thèmes favoris
développés par les orateurs du prolétariat *. Ils proclament
l'avenir du socialisme. Voici en quels termes Combault, l'un des
vétérans de l'Internationale, appréciait le caractère de ces réu-
nions électorales (A'^a777e', numéro du 29 mai 1869) :
œ La question sociale a été mise au-dessus de la question des
personnes et dans plus de deux cents réunions tenues à Paris
dans les quinze jours de période électorale, les principes du so-
1 Nous avons reproduit, dans notre premier travail sur l'Internationale, le
programme publié à cette époque par un certain^;- roupe d'internationaux
i7« édit.l.
r:T LE j Ai;oBiNi>^Mr.. 8.s
(.'lulisnie oui élé iiellement allinués : le pouvoir poi'sunnei a été
démasqué, hué, critiqué sur toute la ligne Le peuple de
Piu'is, prêt pour le scriiUn el non encore pour la (juerre des
rues, a organisé avec calme sa victoire. Il ne faut pas se mé-
prendre sur les conséquences de ces troubles : ils ont consommé
la scission entre la force armée el la population L'ivresse de la
victoire électorale ne mettra pas fin aux justes ressentiments po-
pulaires...La nation révolutionnaire secoue sa torpeur et le lion
populaire ne dort plus, il se refait les griffes. » — Murât avait donc
raison lorsriu'il écrivait à Dupont, le 28 novembre 1868, que c'était
rinternationalc qui dirigeait les meetings *. Nous devons ajou-
ter qu'à la suite des troubles dont parle Combault, des ar-
restations furent opérées à Paris et qu'aussitôt des souscrip-
tions furent recueillies par les soins de l'Internationale pour
venir en aide aux fiimilles des détenus politiques, au nombre
desquels figuraient Meligon et Murât. Toutes les sections durent
envoyer leurs cotisations.
Le 16 juin 1869, un certain groupe d'internationaux parisiens
publiait la protestation suivante :
« Aux démocrates socialistes!
« Pendant cinq jours des scènes de désordre, dont les démo-
crates socialistes repoussent énergiquement la solidarité, ont
affligé Paris.
a Ces actes ont servi de point de départ, de prétexte à l'ar-
restation d'un grand nombre de citoyens.
« Témoins de ces faits, connaissant pour la plupart les hom-
mes arrêtés par suite demandais d'amener, nous savons que l'ins-
truction judiciaire d'une part, de l'autre l'enquête qu'il est du
devoir de chacun de poursuivre sans relâche, démontreront pé-
remptoirement l'arbitraire de pareilles arrestations.
« Sur quels renseignements, i)our quelle cause, dans quel
but, ces hommes honorables ont-ils éié arrachés à leui's ti-a-
vaux et à leurs familles?
« Comment se fait-il que chaque jour de paisibles citoyens se
' Pour connaître le caraclère des réunions publiques et la manière dont le
résultat des élections était apprécié par l'Internationale, on peut consulter uti-
lement les correspondances parliculirres de VErjalifé reproduites aux docu-
ments justificatifs, pii-ce D.
86 L'INTERNATIONALK
sont trouvés vittiinos de brutalités, retenus prisonniers, alors
({ue les fauteurs de désordres continuaient leurs actes coupaldos ?
» Il faut que la vérité soit connue tout entière : car il s'agit
d'une question de moralité et de dignité publique qui intéresse
chaque citoyen.
« Moralité publique, liberté individuelle, dignité humaine, tous
ces sentiments, ces droits, qui sont l'essence des sociétés dé-
mocratiques ont été atteints par des faits scandaleux.
« En attendant que la lumière soit faite, nous, qui nous por-
tons garants de l'innocence et de la moralité de nos camarades
aujourd'hui détenus, nous qui affirmons le principe de solidarité,
n'oublions pas qu'il y a des familles sans chefs, c'est-à-dire des
femmes et des enfants dont l'existence est en péril.
« Nous faisons appel à tous les démocrates socialistes pour
venir en aide à ces malheureux et leur épargner au moins les
privations matérielles, si nous sommes impuissants à faire dis-
paraître leurs souffrances morales.
« Paris 16 juin 1869.
«Ont signé: PINUY, menuisier; H. TOLAIN, ciseleur;
A. THEISZ, ciseleur; GUIARD, monteur en bronze;
VARLIN, relieur; V. CARRIÈRE, menuisier; G. DU-
RAND, bijoutier; BELMON, mécanicien; J. AMOLRIE,
employé de commerce ; J. LABURTHE, chapeUer ; LE-
CRENIER, chapeUer; E. GUILMARD, chapelier; MAS-
SADOU, chapelier ; Eugène BAY, chapelier. »
Le conseil général avait vu avec plaisir les ouvriers français
se mêler avec ardeur à la lutte électorale. Dès le 14 mai 1869,
Eugène Dupont écrivait à son cher ami Murât :
•1 Donne-moi quelques explications au sujet de la division des
socialistes de Paris, je veux dire la provocation aux députés de
l'opposition et la protestation des 149 1.
• A propos de ceUe provocation donl parle Dupont, nous devons repro-
duire ce passage du journal VEgalilè (numéro du 17 avril 1869i,où se trouvent
expliqués les faits auxquels fait allusion le correspondant du conseil général :
Paris. 12 avril 1869.
» La grande nou\ elle de ces jours derniers, ce sont les deux coinnumica-
I:T le ,1 vr.dilINIS.Ml';. ^17
« Que penses-tu des élections? Serons-nous l);tltns? »
Quelques jours plus tard le conseil général chargeait trois de
lions des socialistes aux journaux. La première a recueilli quelques sympa-
thies dans les journaux libéraux, la seconde ne peut manquer de soulever
tontes leurs haines. Voici ces deux pièces :
AUX nÉPUTKS PE l/OPPOSlTIOX UnKRALE.
" Citoyens députés,
« ÎN'ous ne croyons être contredits par aucun de vous en altirniaiil qu'en
France la peur du socialisme a été, de 18iS ;i 1S:>I, la caus.; principale
de la perte successive des libertés politiques laborieusement conquises par
nos iiért's ; que cette peur avait lini par rejeter dans le camp de la réaction
autoritaire la presque totalité des hommes qui avaient défendu jusqu'alors les
principes de la révolution; que si le parti delà liberté s'est ensuite lentement
reconstitué, c'est parce que la peur du socialisme s'était progressivement
évanouie ; que par le l'ait des réunions publiques, où la question sociale s'est
de nouveau posée, la peur, un moment disparue, tend à renaître avec son
ancienne intensité; et enfin, que si elle ne réussit pas à la faire cesser
avant les prochaines élections, l'opposition libérale, dont vous êtes les repré-
sentants officiels, risque fort d'être vaincue, sinon à Paris, du moins dans
les déparlements.
« Nous aussi, socialistes, nous Aoulons, bien que par d'autres motifs, faire
cesser celte peur absurde de la question sociale, et, puisque nous sommes
d'accord avec vous sur ce but, nous vous offrons loyalemenl le moyen de
l'atteindre.
a Nous vous proposons à cet effet, de convoquer une réunion de 2,000 per-
sonnes, les cartes d'entrée à cette réunion étant ainsi distribuées :
500 remises à la chambre de commerce;
100 à l'ordre des avocats;
30 à la magistrature:
50 aux of liciers ministériels;
50 à la faculté de médecine ;
30 aux journaUstes :
100 aux différents ministères;
50 au Corps législatif;
26 au Sénat ;
25 au Conseil d'Étal ;
500 dont vous disposerez comme vous voudrez;
« El 500 laissées par vous aux socialistes qui accepteront de vous la som-
mation suivante :
a Sommation de faire connaître, avec précision et sans réticence aucune,
non pas leurs idées sur l'avenir de l'humanité, idées qui doivent être d'au-
tant plus vagues qu'elles s'appliquent à un avenir plus éloigné, mais, ce qui
est bien différent et bien autrement important, les mesures législatives qui
leur paraissent nécessaires et suftisanles pour accomplir ce qu'ils appellent
la révolution sociale.
« Désireux comme vous, citoyens députés, d'en finir avec celle peur
absurde qui fait seule obstacle au triomphe de la liberté, convaincus d'ail-
If'urs qu'un pûiivnir qiiPlçon((ue ne ponrra jamni-; révolutionner à sa guir.e
38 LlNTERNATlONALi:
ses membres, Eccarius, Lessiier et Sack, de féliciter les ou-
vriers français de leur attitude patriotique pendant les élen-
tions.
une société qui ne veut pas être révolutionnée, ou la faire marcher dans un
sens conlraire à celui dans lequel, à tort ou à raison, elle veut et entend
marclier, nous avons, aprùs mûres délibérations, pris le parti d'aller au-
devant de votre soumiation.
« Nous vous invitons publiquement à venir discuter avec nous, devant une
assemblée composée comme nous venons de le dire, les voies et les moyens
de la révolution sociale.
« Trois sténograpiies, clioisis d'un commun accord, seront chargés de
publier in extenso vos discours et les nôtres, et la France, attentive à ce
grand débat, sera juge.
« Qu'avez-vous à craindre? Ce n'est pas le talent oratoire qui vous
manque. Et certes, si nous n'étions pas convaincus de la justice et de la
praticabilité de nos moyens, il y aurait de notre pari une grande outrecuidance
à oser discuter avec vous. Mais nous savons, pour lavoir expérimenté dans
les réunions publiques, que, chez le peuple français, l'amour de l'art n'exclut
pas le bon sens, et que celui-ci finit toujours par l'emporter.
« Nous savons aussi, et c'est là surtout ce qui explique notre audace, que
si, contre notre attente, nous devons être vaincus par vous sur le terrain
pratique, si vous réussissez, par vos arguments, à convaincre la nation
française de l'impraticabilité de nos moyens, nous réussirons, de notre côté,
à lui démontrer clair comme le jour la nécessité de trouver d'autres moyens
et l'impossibilité de rester dans le stalu quo,
a Le parti socialiste, auquel nous avons l'honneur d'appartenir, sera sans
doute alors envoyé à l'école des moyens; mais la nation, nous en sommes
profondément convaincus, vous y renverra avec lui en posant ainsi le pro-
l)lème :
« Formuler un ensemble de mesures législatives, telles que la liberté du tra-
vail et la liberté des transactions restant sauves, l'égalité des conditions en
résulte progressivement et promptement, sans spoliation ni banqueroute.
« Et par là, citoyens députés, notre défaite commune ne pourra èlre qu'une
victoire commune, une victoire qui, faisant enfin cesser la peur du socialisme,
nous conduira, dans un avenir prochain, à la glorieuse et définitive conquête
de la liberté, sans laquelle il n'est pas de dignité nationale.
« Dans l'espoir d'une réponse favorable, nous vous envoyons, citoyens dé-
putés, l'expression de nos sentiments fraternels. »
a Suivent 11 signatures. La publication de ce document {Siècle, .'i avril) amena
a publication de celui qui suit {Opinion nationale, 10 avril) :
T>ECI,ARATIOX DE SOCIALISTES DE TOITES DOCTKINES.
« Paris, ce 16 germinal.
« Quelques individualités qui s'arrogent indûment le droit de représenter
le socialisme, viennent, à la stu])éfaction de toute la démocratie, d'adresser
aux « députés de l'opposition libérale » l'invitation de prendre paît à une
joute d'éloquence dont les doctrines sociales seraient le prétexte.
« En présance d'une aussi outrecuidante manifestation, nous qui ostimouî
1-;T LI-: JACOBINISME 39
D'ailleurs riininixtion de l'Internationale dans les élections et
son ingérence dans le mouvement des affaires politiques résul-
tent encore des documents suivants qu'il n'est pas sans intérêt
de reproduire.
Le premier est une lettre écrite, le 25 octobre 1868, par un
groupe d'internationaux marseillais, au citoyen Murât, mécani-
cien, à Paris :
Marseille, ce 25 octobre 1868.
Cher citoyen Murât,
« Dans une deuxième réunion privée tenue hier soir dans le
bureau du journal le Peuple à l'effet d'organiser les élections
générales de 1869, un groupe de socialistes adhérents à l'Asso-
ciation internationale vous a choisi pour figurer sur une liste
provisoire composée de dix candidats sur le sort desquels il sera
décidé ultérieurement, après un travail d'information et de pro-
pagande que les différents groupes présents à la réunion vont
entreprendre chacun^ pour les trois candidats défmilifs qui de-
vront être présentés dans les trois circonscriptions des Bouches-
du-Rhône.
« Votre adhésion nous est nécessaire pour agir auprès de la
classe ouvrière à laquelle nous allons vous présenter comme
candidat, comptant sur son acceptation. Veuillez nous l'envoyer
au plus tôt afin que nous nous mettions activement et fructueu-
sement à l'œuvre ; nous vous tiendrons d'ailleurs au courant de
ce travail.
» La nuance que nous voulons donner à votre candidature est
essentiellement, foncièrement socialiste, le sens est contenu in-
tégralement dans sa quahfication de candidature ouvrière.
que le parti socialiste n'a pas besoin de représentants ofûciels ou officieux,
nous protestons formellement et déclarons refuser toute participation à cette
promiscuité iiideuse d'hommes et de principes, qui sacrifie la dignité de la
cause populaire à la vanité oratoire do quelques discoureurs.
oc Laissons ergoter à leur aise les scolasliques de la démocratie et ceux qui
ne sont que les vaincus de Décembre.
« Les vaincus de Juin ne discutent pas avec leurs meurtriers; ils attendent. »
«Suivent 149 signatures. Ces deux piècfs indiquent aussi h\ea ([ue n importe
quelle appréciation l'esprit du socialisme à Paris.
iij l.'lNTKRNATIdXAl.i:
« El) iigissanl ainsi, nous oaleuflons poursuivre le Lut qua
nous nous étions proposé on adhémnl ;) l'Assoointion inferna-
tionalo des fra\ ailleurs.
« Agréez, cher citoyen, l'assurance de nos sentiments fra-
ternels.
« P. S. Notre ami ïolaincst compris dans la liste provisoire;
nous lui envoyons la même dépêche. Seulement en toute fran-
chise, nous vous dirons que, quant à ce citoyen, des bruits que
nous voulons attribuer à la médisance se sont fait jour, qui
demandent néanmoins à être ou justitiés ou démentis, ce que
nous espérons '.
œ Nous usons de votre intercession pour agir auiirès du ciloyen
ïolainailn que son adhésion, à laquelle nous tenons, soit conçue
de manière à dissiper jusqu'à l'ombre d'une calomnie qui nous
pourrait faire tort à divers titres. Ceci dit entre nous !
« BASTELICA, conniiis, ex-secrétaire du bureau de l'Interna-
tionale à Marseille; BOYER, ouvrier boulanger, ex-membre
correspondant; MINOVIS (F.), portefaix, ex-bibliothécaire;
PILLARD, maçon; PILLARD (Jean-Baptiste), maçon;
BRAYE, représentant de commerce ; CxUIRAUD ; BOSIO
(Jacques); BUGNA, menuisier; GAUVIN, ébéniste ; DU-
GROS, ajusteur ; PELTIER, mécanicien; BRUNET, bou-
langer; BISGAREL, ajusteur; RESTAGNY, mécanicien;
MALASSY, typographe; MOLLARD; BIGHET; ROHN-
FELDER; MALABURA, ferblantier; L. PIASTRE, tan-
' A propos de ces bruits nous trouvons ce petit entrefilet, dans un organe
officieux de l'Internationale, le Giiafron, \)\ih\ié à. Lyon au mois de septeni-
bie 1870 et rédigé par le ciloyen Stanislas Gharnal, qui assistait aux séances
du congrès de Lausanne :
« L'Indépendance beUje, cette feuille bonapartico-libéràtre, prétend que d'a-
près des pièces saisies aux Tuileries, V Association internationale des travail-
leurs recevait des subsides sur la cassette de l'ex-empereur.
V Association internationale, jamais ! quelques-uns de ses membres, oui :
le sieur Tolain entre autres; mais depuis, le congrès des travailleurs de Ge-
nève, ce misérable a été démasqué et la branche française de Londres n'a
cessé de réclamer son expulsion. (Le Gnafron. numéro du 25 septembre 1870,
S"" page, 3'' colonne. I
Les mêmes accusations avaient été, au mois d'octobre 1865, portées contre
lui et ses collègues Fribourg, Limousin et Varlin, par le ciloyen Vésinier. Il
y eut entre eux à ce sujet un échange des lettres les plus grossières ; nous
en reproduisons quelques-unes empifintées au journal V Espièqle. (Voir docu-
menls justificalil's, pièce E.
KT I.K .1 AC.i l!| \ IS Mi:. /,!
neiir; DELPECH, ex-lrésoiici- dn l'Intmialionale; G, LAU-
RENTIE; ARNAUD; E. COMBET, ouvrier on cJ.aises;
Pierre GOLASSE, tanneur ; AUI3RY.
« Le timbre de l'Associalinn inlornationale est apposé pour
affirmer l'authenticité dos signatures.
« Siffué : GERNIGHE. .
Une lettre de Bastelica, adressée, le 29 novembre 1868, au
citoyen Murât, contient ce passage dont la signification politique
ne saurait nous échapper :
« Le citoyen (Terniclic m'a communiqué votre lettre collec-
live. xTe tiens à vous donner une opinion qui, quoique purement
personnelle, réflrte celle de tous nos amis. Sur la liste des dix
candidats figure un des nôtres, le citoyen Delpech, teneur de
livres, homme jeune, convaincu, estimé, ex-trésorier de l'Asso-
ciation internationale '. C'est vous dire que le même esprit
nous anime et qu'à ces indices nous sommes sûrs de marcher
tous d'accord et de front dans la prochaine campagne électo-
rale
. Signé : BASTELICA. »
Une troisième preuve de l'immixtion de l'Internationale dans
la lutte électorale nous est fournie par cotte lettre de Varlin à
Aubry :
« Paris, \o 8 janvier ISfiS).
€ Mon cher Aubry,
« Quant à la candidature ouvrière, je vois que vous êtes réso-
lus à la poser. Lyon s'est déjà prononcé dans ce sens. Mar-
seille nous a adressé une demande de renseignements. J'espère
» Nous avons quelque raison de supposer que ce citoyen Delpech est le
même qui fut acclamé sous-prélot d'Aix au lendemain de la révolution du
4 septembre, et quelques jours après préfet des Bouclies-du-Rhône, qui devint
plus tard général de brigade dans l'armée des Vosges, qui fit partie de la
cour martiale appelée à condamner à mort le brave colonel Chenet, de la
guérilla d' Orient, i{m n'avait commis d'autre crime que celui d'avoir' fait son
devoir. C'est, croyons-nous, le même citoyen qui s'est battu plus tard en duel
avec l'Anglais Miilleton dont hs s!/ii)j)al.liie!i pour l'armép garibaldienne sont
suffisamment connues.
« L'INTERNATIONALE.
que nous allons bientôt nous entendre à ce sujet et que, malgré
les abstentionnistes, prud'hommes enragés, nous entrerons dans
la lice électorale concurremment avec les républicains bourgeois
de toutes nuances, afin de bien affirmer la scission du peuple
avec la bourgeoisie.
« Salut fraternel à tous nos amis de Rouen.
c. E. VARLIN. »
Les lettres suivantes de Bastelica, l'âme de l'Internationale à
Marseille, prouvent avec quelle ardeur ses adeptes se livraient
à la lutte électorale.
« Marseille, janvier, 1869.
« Mon cher citoyen Murât,
« Dès que j'ai reçu votre lettre, je me suis hâté de réunir une
vingtaine d'amis sûrs afin de nous entretenir ensemble du pro-
gramme.
« Depuis lors, des événements ont surgi, qui nous ont empê-
chés de tenir notre deuxième réunion jusqu'à un de ces jours
derniers. Je vous avouerai franchement qu'à des degrés diffé-
rents nous aurions tous adopté la candidature Gamhetta. La
manifestation était on ne peut plus opportune ; il faut renverser...
l'obstacle quand il est ébranlé. Entre autres raisons pouvant
légitimer notre adhésion à cette candidature, il y a celle-ci d'un
ordre élevé : ce qui fait la valeur morale d'un individu ne dépare
certes pas la dignité d'un peuple ; or, ennemis jurés de faits ac-
complis, notre conscience indignée nous fera sans cesse un de-
voir de protester contre toute violation du droit et de la morale.
Vous me comprenez?
• Ceci dit pour vous attester qu'en cette occasion nous n'a-
vons pas faibli à nos principes et pas plus dévié de notre ligne
de conduite.
» Nous avons été surpris du manifeste incolore pubhépari'O-
pinion nationale. D'autre part vous trouverez quelques extraits
du projet de manifeste que nous avons présenté et que nous
KT l,K JACOBINISMF. AJ^
avons longuement et chaudement discuté. Une sous-commission
a été nommée à l'effet d'en poursuivre l'étude et de la compléter
selon l'esprit qui a prévalu ou plutôt qui s'est déçrag-é de nos
deux séances. La question capitale est encore en suspens :
sera-ce un manifeste Rlrietemenf. éle(^tovRl on un manifeste essen-
tiellement socialiste Y
« Je désirerais connaître où en sont vos travaux sur ce sujet
avant une troisième réunion que nous tiendrons fm courant.
Peut-être que d'une mutuelle consultation nous parviendrons à
éviter un conflit : car l'esprit publié est lancé, le réveil de l'opi-
nion tient du délire, et je crois que, vu les événements et les cir-
constances, nous n'aurons pas de peine à engager dans le
grand mouvement tous nos amis. Je n'oserais répondre si
l'on me demandait oiî l'on va de ce pas ; ce que je sais, c'est
que Von est pressé. A vrai dire cet entrain ne me déplaît
guère.
« Nous sommes sans nouvelles exactes des progrès du parti
socialiste à Paris et dans les départements. A Marseille, n'ayant
qu'une publicité... très-hostile à nos idées, nous ne pouvons rien
fonder. Ou en sont le Fédéraliste et la Renaissance \^
« Salut fraternel.
« BASTELIGA. «
Rue Chevalier-Rose, 8
* MarseUle, 29 juillet 1869,
Cher citoyen Murât,
« Dans une dernière lettre je crois vous avoir posé celle ques-
tion : Que faites-vous en vue des élections parisiennes ? Le ra-
dicahsme est efflanqué, impuissant : c'est jugé ; si le socialisme
n'agit pas, nous verrons se renouveler en 1869, les agissements
de 52. Les idées extrêmes se rallieront à l'empire : nous aurons
des réformes sociales qui seront à la révolution ce que les cré-
dits foncier, mobilier, agricole sont à la uiutualité et à l'égal
échange. Il ne faut pas que nous laissions l'intérêt plébéien se
souder à l'intérêt gouvernemental; la liberté se prostituer avec
U l.'lNTKIiN ATIDNALK
r;iiitorilt'' et riminanité se doniiei- décidément un dieu nouveau
dont Home elle-même n'a point voulu, César,
« El pour cela, que faut-il faire? Un simple appel aux socia-
listes français, la réunion d'un congrès national qui élaborera
un programme et proposera des candidats ouvriers ; de sorte
que nous [)ouvons faire des élections de Paris les élections de
la France et que « ces candidats principes » représenteront la
France révolutionnaire.
« Paris ne peut se refuser à ce projet : car après tout quels
résultats nous a donnés le vote de ces neuf circonscriptions? Le
succès du scrutin est que la révolution vous me comprenez.
« Saisissez vos amis de cette idée, arrnngez-la, modifiez-la,
faisons aiilvp chose, maissacredieu, faisons, faisons !.. Faisons !
agissons! osons! Foin de Dieu et de Satan, de F empire et de la
république ! il nous faut la révolution. Evoquons les ombres de
Marat et de L)anton; inscrivons sur le guidon de combat loue
devise : dévolution, audace.
« Je sue de colère.
« Répondez-moi. »
Cette lettre se passe de tout commentaire ; en voici une autre
où sont exprimés, avec moins de véhémence il est vrai, les mêmes
principes; elle a été adressée à Murât le 28 octobre 1869 :
« J'ai commencé à prêcher les candidatures ouvrières en réu-
nions publiques : je vais poursuivre ma propagande auprès des
6'orporations, et rien au monde ne me fera démordre de ma ligne
de conduite ; d'ailleurs le moment est propice pour éreinter les
avocats, et je ne mettrai pas les gants. » Pauvre Bastelica ! il
oubliait que quelques mois auparavant il avait acclamé la can-
didature de l'avocat Garabetta (Lettre précitée du mois de jan-
vier 1869).
Il importe de signaler que les mêmes tendances se manifes-
taient dans les autres centres ou\Tiers et que partout l'Interna-
tionale était sur la brèche pour assurer le succès de ses candida-
tures. Les comités corporatifs de l'arrondissement de Rouen
affiliés à l'Internationale élaboraient un programme de réformes
sociales qui n'est que la reproduction de celles dont l'Interna-
i:i" I.!-: .iAc:uUi.\isM i;. W
tioiialcsc VcUiLl' de poursuivre la réalisation. Le Cercle écouoiui-
que posait la candidature de son secrétaire, Emile Aubry. Nos
lecteurs trouveront à la lin de l'ouvrage, parmi les documents
justificatifs (pièce F), la profession dcfoi d'Auhry, Icprof/rfunuie
des comités corporatifs et le uianifcste êlecLoiul du Cercle éco-
nomique de f arrondissement di; Rouen '.
A Lyon, les mêmes préoccui)ations sont à l'ordre du jour, et
les socialistes internationaux songent à affirmer hautement leurs
prétentions. Le chef de l'Internalioualc à Lyon, Albert Richard,
a pris soin de nous expliquer lui-même, dans un factum, quelle
avait été à cette époque l'attitude des ouvï^iers lyonnais. Ce fac-
tum, qui a pour titre le Socialisme à propos des élections légis-
latives de 1869, mérite d'être connu. Nous le reproduisons in
extenso aux pièces annexées (voir pièce G).
Le courant des menées politiques de l'Internationale est tel
qu'Aubry, de Rouen, commence à éprouver des inquiétudes sur
le sort des réformes sociales : il craint que les événements po-
litiques n'absorbent toute l'activité de ses coreligionnaires. Var-
liu se hâte de le rassurer : « Vous sembler croire, lui éci-it-il le
f) août 1869, que le milieu dans lequel je vis est plus [jrcoccupé
de la révolution politique que des réformes sociales : je dois vous
dire que pour nous la révolution politique et les réformes so-
ciales s'enchaînent et ne peuvent aller l'une sans l'autre. Seule,
la révolution poHtique n'est rien ; mais nous sentons bien, par
toutes les circonstances auxquelles nous nous heurtons, qu'il
nous sera impossible d'organiser la révolution sociale tant que
nous vivrons sous un gouvernemeut aussi arbitraire que celui
sous lequel nous vivons. ■>
Yarlin propliétisait vrai ; nous étudierons plus Lard comment il
a su briser tous les obstacles et préparer la révolution sociale.
Au mois de septembre, le congrès général s'ouvre à Bâle :
les doctrines socialistes les plus radicales, les résolutions les
plus révolutionnaires y sont discutées et adoptées. Quelques
passages des discours des principaux orateurs suffiront pour
• Ces trois pièces impiiniées sur papier rouge et tirées à un Iros-jrrand
nombre d'exemplaires iivaient été adressées à loules les sections de l'Inlorna-
onale.
4« L'INTERNATIONALE
nous édilier sur le caractère essentiellement politique et révolu-
tionnaire de l'Internationale.
Dans le discours d'ouverture, le citoyen Bruhin, procureur
général de la république bâloise, insiste « sur la nécessité de
travailler sans relâche à la création de la république populaire...
car avant tout, ajoutc-t-il, il faut que le peuple pronnc en main
le gouvernement. Il reste à savoir si nous pourrons réaliser les
réformes projetées dans un bref délai et s'il nous sera donné de
les aceomplir par des voies paei/iques... »
Dès la première séance, la proposition d'ajouter au programme
la question de la législation directe du peuple par le peuple
provoque les débats les plus passionnés.
Bakounine proteste : « Nous sommes, s'écrie-t-il , une asso-
ciation internationale qui, d'après ses résolutions, déclare que
les questions politiques et sociales sont intimement liées, mais
qui, par son nom lui-même, indique que les questions poli-
tiques doivent être internationales et non nationales. »
1 II est nécessaire, ajoute à son tour Rittinghausen, de nous
occuper des moyens d'exécution par lesquels nous pourrons
accomplir nos grandes réformes sociales. J'entends dire à beau-
coup d'entre vous que vous voulez atteindre votre but par la
révolution. Eh bien, citoyens, la révolution, comme fait matériel,
n'accomplit rien... Ce n'est qu'en prenant lui-même en main ses
intérêts par la législation directe que le peuple pourra faire
prévaloir ses idées et établir le règne de la justice sociale. »
Hins s'élève contre cette discussion, qu'il qualifie de course
au clocher des gouvernements : « Ne nous occupons pas de trans-
former par une représentation ou législation directe les gou-
vernements actuels, œuvre de nos ennemis bourgeois... Lais-
sons plutôt ces gouvernements tomber en pourriture, et ne les
étayons pas de notre morahté. Voici pourquoi : L'Internationale
est et doit être un État dans les États. Qu'elle laisse ceux-ci
marcher à leur guise jusqu'à ce que notre État soit le plus fort.
Alors sur les ruines de ceux-là, nous mettrons le nôtre, tout
préparé, tout fait, tel qu'il existe dans chaque section. Ote-toi
de là que je m'y mette, telle sera là question... Quand nous
serons les \)\us forts, nous prendrons le suffrage universel, et
alors ce sera pour ne le partager avec personne. »
KT LK .I.U-.OBINISME. 47
Dans sa deuxième séance, l'assemblée ainniie sa fcrnif vo-
lonté de si3 placer non-seulement sur le terrain social, mais
aussi sur le terrain politique; elle renouvelle sa doolaration de
guerre au césarismo : « L'Internationale, s'écrie le citoyen de
Paepe, peut désormais défier toutes les persécutions. Elle inspi-
rera bientôt tant do terreur à ses erniemis que ceux-ci n'oseront
plus la persécuter. Elle a pris pour devise ce mot de Danton :
De V audace^ de V audace et encore de l'audace !
Bakounine, le barbare russe, se proclame l'antagoniste ré-
solu de l'État et de toute politique bourgeoise de l'État. Il de-
mande la liquidation sociale, la destruction de tous les Ii^tats,
nationaux et territoriaux, et, sur leurs ruines, la fondation de l'E-
tat international des travailleurs.
Flaliaut })arlc d'une fédération universelle à établir entre les
ouvriers dans le but de revendiquer non-seulement les -droits
sociaux, mais aussi les droits poliliqucs.
Nous devons ajouter que l'assemblée se sépare aux cris
plusieurs fois répétés de : Vive la république démocratique et
sociale universelle.
Les doctrines préconisées dans ce congrès ne devaient pas
tarder à porter leurs fruits : nous assisterons bientôt aux tenta-
tives de soulèvement provoquées par l'Internationale. D'ailleurs
ses adeptes ne dissimulent plus leurs espérances : ils croient au
triomphe prochain de l'idée socialiste. Les circonstances et les
événements qui vont se succéder avec une étonnante rapidité
contribueront dans une bien large mesure à faciliter leur œuvre
de bouleversement et de destruction.
Le 29 septembre 1869, Robert, professeur à la Ghaux-de-
Fonds, l'un des vétérans de l'Internationale, écrivait à Aubry,
de Rouen, une lettre dont nous extrayons les passages sui-
vants :
« Chaux-de-Fonds, 29 septembre 1869.
« Ami Aubry,
« Que pensez-vous du congrès de Bàle? tous ceux à qui j'en
48 l/INTKl;\ATl().\AJ,E
parle suai dans reiilliousiasme. 11 est vrai que depuis quatre ans
l'Internationale lait vraiment des pas de géant et qu'il l'aut sou-
vent non marcher pour la suivre, mais courir.
« Tant mieux, je crois que la violence seule pourra nous ame-
ner à un but, et Je suis de ceux qui disent : Au feu les vieilles
loques, lespnperasscs, les litres de propriété, etc., etc. '.
« Il ne faudrait cependant pas crier cela par-dessus les toits
aujourd'hui, car on risquerait fort d'avoir à se sucer les doigts
pour vivre.
« En ce moment \)'dv exeiui)le, dans ma libre Suisse, je sui.-.
obligé de tiler doux comme nu agneau pour conserver ma place
au collège industriel de la Ghaux-de-Fonds...
« Votre dévoué,
« F. ROBERT. ..
(Quelques jours plus tard, le communard Verdure, alors rédac-
teur du journal le Travail, dans une lettre écrite à Piéton, tisseur
à Elbeuf et membre de l'Internationale, se plaignait amèrement
de ne pas voir les questions politiques figurer dans les statuis
du cercle de Rouen. C'était, d'après lui, une lacune profondément
regrettable. A peu près à la même époque, les délégués des so-
ciétés ouvrières de Paris protestaient par la voie de la presse
contre le prétendu massacre de leurs frères à Aubin ^.
Nous . arrivons au 26 octobre. On se rappelle à quelles pro-
testations donna lieu la non-convocation du Corps législatif
pour cette date, à laquelle expirait le dernier délai de proroga-
tion accordé par la loi. Nous n'avons pas à revenir sur l'attitude
des députés Kératry, Gambetta, Raspail et autres : ces faits
appartiennent au domaine de l'histoire.
L'Internationale ne pouvait, on le comprend, rester étrangère
à ce mouvement : elle devait se préparer à agir sérieusement,
si l'occasion lui en était donnée.
Dès le 1" octobre, Bastelica se met à l'œuvre : il écrit à Ri-
'Nous sommes obligé de reconnaître que cet appel à la violence a été en-
tendu : nous avons vu rinlcrnalionalc à l'aiuvre au mois de mai 1871 et nous
savons qu'elle ne se contente plus de jeter au feu les vieilles loques.
î Voir celle protestation aux docunu'Jits juslilicalifs, pièce H.
ET LE JACOBINISME 49
cliard, do Lyon, qu'il est nécessaire qu'une entente loyale {sur-
tout sur les moyens pratiques) s'établisse entre les socialistes
de Lyon, Paris, Rouen et Marseille afin de no pas livrer les
évéacmcnis au hasard. — Il insiste siu' la nécessité d'étudier au
plus vite et d'établir un plan do révolution française.
Le 10 octobre, il lui rappelle qu'il attend avec la plus vive im-
patience son appréciation sur le 26 octobre. Il ajoute : Le citoyen
Carrière vous dira quelles sont nos intentions.
Le 17, nouvelle lettre ainsi conçue :
« Marseille, 17 octobre 1869.
« Non certes, je n'éprouve pas votre scepticisme sur ia liberté
poliliquc. Exemple : jeudi passé, 3,000 ouvriers se trouvaient
réunis dans le local que j'avais loué et désigné pour tenir une
réunion privée dont le but était de subvenir à la grève de Rouen
ou d'Elbeuf. L'administration a intimé l'ordre au propriétaire de
nous refuser carrément l'entrée de la salle. Le droit de pro-
priété ne peut vivre qu'à l'abri et sous l'égide du despotisme.
Aussi j'ai dû renvoyer cette foule impatiente, protestant et qui ne
parlait de rien moins que de devancer l'heure. Bref, rendez- vous
a été pris pour le 26, à une heure, sur la i)lace de la préfecture,
afin d'y tenir un meeting — en attendant mieux. Qu'en dites-
vous? Et encore le vote administratif, c'est chose anodine : les
chàssepots sont au service de la bourgeoisie dont l'empire est
l'exécuteur des hautes œuvres.
« Salut amical.
. BASTELICA. .
Il n'est pas sans intérêt de rappeler à l'appui de ces lettres
que les inculpés dans l'affaire du complot avaient juré de s'ar-
mer pour faire le 26 une manifestation insurrectionnelle.
Les agissements de f Internationale s'expliquent par les rela-
tions qui existent entre elle et ces derniers. Nous reproduirons
plus loin une lettre oii Dupont signale à son complice Guérin un
groupe tout constitué {ï Internationale) qui s'occupe trrs-acti-
4
Ô» L'INTERNATIONALE
vement de politique et dont les membres sont tout ce qu'il y a
de pins révolutionnaire.
A la môme époquele conseil généraldc l'Association internatio-
nale des travailleurs, s'arrogeant publiquement le droit d'inter-
venir dans la marche des gouvernements et des affaires politi-
ques, infligeait un blâme au ca])inet anglais à raison de sa conduite
dans l'affaire de l'amnistie des prisonniers fénians (Irlandais).
Voici le texte des résolutions votées à ce sujet par le conseil
général : elles ont été reproduites dans le journal Vlnternatio-
nale (numéro du 12 décembre 1869). :
« Considérant que dans sa réponse aux demandes des Irlan-
dais pour le relâchement des patriotes irlandais emprisonnes
(réponse contenue dans ses lettres à M. 0' Shea, le 18 octo-
bre 1869, à M. Isaac Butt, le 23 octobre, et aux anciens fores-
tiers de Dublin), M. Gladstone a insulté la nation irlandaise ;
« Considérant qu'il mêle à l'amnistie politique des conditions
qui dégradent à la fois les victimes d'un mauvais gouvernement
et le peuple gouverné ;
« Considérant qu'ayant, malgré la responsabilité de sa posi-
tion, publiquement et avec enthousiasme applaudi à la rébel-
lion des esclavagistes américains, il vient de prêcher au peuple
irlandais la doctrine de l'obéissance passive ;
« Considérant que l'ensemble de sa conduite dans la question
de l'amnistie irlandaise est la continuation fidèle et naturelle de
cette politique de conquête qui , fièrement dénoncée par
M. Gladstone, a chassé les torys, ses rivaux, du ministère;
« Le conseil général de l'Association internationale des tra-
vailleurs exprime son admiration pour la manière magnanime
dont le peuple irlandais a conduit son mouvement de l'amnistie.
« Par ordre du conseil général,
« B. LUCRAFT, président de séance. COWELL STEP-
NEY, trésorier. J.-G. EGARRIUS, secrétaire général.
R. SHAW, correspondant pour l'Amérique. Eugène DU-
PONT, pour la France et la Belgique. Karl MARX, pour
la Germanie. Jules JOHANNARD, pour l'Italie. Paul LA-
FARGUE, pour l'Espagne. Antony ZABISKI, pour la Po-
logne. H. JUNG, pour la Suisse. »
r-:T LE .lACOUINISME. 01
En France, la fédération parisienne, (lui n'est autre chose
qu'une contrefaçon et une doublure de Vlnlevnnlionalc déguisée
sous un nom nouveau et sous une couverture légale, s'apprê-
tait à dcvenii- le foyer do la révolution •. Elle possédait désor-
mais son Moniteur, son organe officiel, la Marseillaise, dont le
rôle va consister à secouer la torpeur des traînards et à fouetter
le sang des peureux. Nous trouvons à ce sujet dans un des
organes de l'Internationale un aveu bien précieux à recueil-
lir : il émane d'un intcmalional, attaché au comité de rédaction
de la Marseillaise, le citoyen Varlin :
« La situation actuelle de la France ne permet pas au parti de
rintornalionnle de rester étranger à la politique. En ce moment
la question de la chute prochaine de l'empire prime tout le reste,
et les internationaux doivent, sous peine d'abdiquer, prendre la
tôtc du mouvement. Si nous nous étions tenus a l'écart de la
POLITIQUE, nous NE SERIONS RIEN EN FrANCE AUJOURD'HUI, taudis
que nous sommes à la veille d'être tout. « (Voilà le secret de la
véritable puissance de l'Internationale dévoilé par un de ses
adeptes.)
II continue : « Il faut qu'un journal sociahste ait, à côté de la
partie réservée aux questions sociales et ouvrières, une partie
spécialement politique.
« La direction de cette partie politique de la Marseillaise a été
confiée à Rochefort qui, grâce au mandat impératif qu'il a accepté
franchement, est devenu le véritable porte-voix du peuple de
Paris. Les rédacteurs de la partie politique devront toujours
être complètement révolutionnaires, non-seulement contre l'em-
pire, mais contre toutes les institutions gouvernementales ac-
tuelles.
« Quant à la partie socialiste du journal, elle a pour prin-
cipal rédacteur, Milhère, un des sociahstes les plus capables
que je connaisse. Les principes que nous devrons nous efforcer
de faire prévaloir sont ceux de la presque unanimité des délé-
» Pin dy, interpellé au mois de juin 1870 sur le but de la fédération, avait
fait au juge d'instruction cette réponse assez signilicalivc : « Vous demandez,
disait-il, si la fédération n'est pas une transformation de l'internationale.
J'ijrnore si c'est absolument la même chose, mais ce qui est certain, c'est
qu'elle poursuit le même but par les mêmes moyens. »
52 I/INTERNATIONALE
gués au congrès de Dâlc, c'est-à-dire le collectivisme ou le com-
munisme non autoritaire. »
[Progrès du Locle, numéro du !«' janvier 1870).
Le terrain de la révolution commençait à être suffisamment
préparé : il ne restait plus qu'à rccliercherlcs moyens pratiques
pour arriver rapidement à s'entendre et à s'unir en vue d'une
action commune.
Dès les premiers jours de 1870, le rôle politique de l'Interna-
tionale devient audacieux et menaçant. On se rappelle l'émo-
tion produite par le meurtre d'Auteuil et l'enterrement de
Victor Noir, et les surexcitations auxquelles donna lieu cet évé-
nement. Les internationaux furent surpris, et, soit crainte d'un
échec, soit défaut de plan et de direction, ils laissèrent échapper
une si magnifique occasion de désordre sans tenter une levée
de boucliers. Ils n'avaient pas voulu engager la lutte dans des
conditions déplorables : ils se réservaient pour des jours meil-
leurs. L'un de leurs adeptes, persuadé que le crime de Pierre
Bonaparte pourrait bien amener un dénoûment d'un moment à
l'autre, prenait déjà ses précautions *.
Cette attitude modérée ne fut pas cependant du goût de tout
le monde; elle fut vivement critiquée par Aubry et Bastelica,
Varlin se chargea de calmer leur légitime impatience et de leur
fournir des exphcations.
<t Vous êtes dans l'erreur, écrivait-il à Aubry, le 19 jan-
vier 1870, lorsque vous pensez5que l'influence de notre fédération
a probablement contiibué à empêcher que la manifestation du
12 janvier se transformât en insurrection. Les délégués de la
chambre fédérale ne s'étaient réunis ni concertés à l'avance,
tous se sont rencontrés , avec la plupart des membres des so-
ciétés ouvrières, à l'enterrement de Noir, et je puis vous affir-
mer que la majeure partie d'entre eux étaient disposés à agir si
Rochefort avait dit : A Paris !
t Rochefort était maître du mouvement. 11 a été assez intelli-
1 Voir notre premier ouvrage, documents justificatifs, pièce N.
KT I. E lACÔlJlNlSMK. 53
gent et raisonnable pour no pas donner un ordre funeste et
envoyer au massacre les meilleurs soldats de la révolution.
ft C'est à lui seul que nous devons savoir gré du dénoûinent
de la journée. Quant au peuple, s'il n'a pas pris roiTonsivo de
lui-môme, c'est que d'abord il manquait d'armes, et que, do
plus, il comprenait que la position stratégique était des plus
mauvaises.
« Les délégués de la diambro fédérale se sont émus du dan-
ger qu'il y a pour la cause populaire à abandonner ainsi la
direction à un ou à (luelqucs hommes.
<t Des circonstances semblables à colles du 12 pouvont se
présenter. Il ne faut pas que la population ouvrière et socialiste
soit exposée à ce que le mot d'ordre soit dans un ([uartier,
a combat », et dans un autre, « situation » {sic). Pour éviter
tout malentendu compromettant et aussi pour empêcher que
quelques invidualités ne s'emparent du mouvement, nous avons
décidé que désormais nous suivrions attentivement le mouve-
ment politique, et que dans toutes les occasions nous nous
consulterions sur ce qu'il y aurait à faire. Les esprits sont
montés ; la révolution s'avance ; il ne faut pas nous laisser
déborder.
t Je ne crois pas que maintenant les partis bourgeois multi-
colores désirent la révolution. Les idées ont marché depuis un
an, et ils craignent le socialisme, qu'ils voient grandir. Sans
doute, une émeute vaincue les satisferait, car ce serait une
occasion de proscription contre nous : mais nous serons d'au-
tant plus prudents que nous nous sentons seuls. Nous devrons
du même coup abattre toutes les tètes de l'hydre : mais il ne
faut pas que nous les manquions, et c'est pourquoi nous hési-
tons.
« Si, cependant, comme vous le dites, on porte atteinte aux
droits restreints dont nous jouissons , si, par exemple , on
arrache Rochefort à son banc pour le jeter dans une prison,
que devrons-nous faire ?
« Signé : VARLIN. »
Y)c son côté Bastelica insiste sur la nécessité d'une entente
54 L'INTERNATIONALE
commune, afin do ne pns être pris au dépourvu. Voici ce qu*il
écrit à ce sujet à son ami Murât, le 19 janvier ^.
€ Quelques lignes seulement pour remplir fidèlement une mis-
sion. Les événements de ces jours derniers nous ont donné à
« réfléchir sur le défaut d'entente surtout entre les groupes
du parti... Alors que le peuple parisien se trouvait massé, prêt
à déborder, nous nous trouvions presque calmes, sans autres
nouvelles que celles de l'agence Ilavas : d'autre part une nou-
velle apocryphe pohcière pourrait nous jeter dans la rue et vous
trouver tranquilles comme des Baptistes : il faut même craindre
que le gouvernement n'emploie un de ces moyens affreux pour
décimer quelques villes de la province, prétexte sanglant à de
nouvelles proscriptions. Aviser n'est pas de reste , quoique
je n'espère pas que nous devions user tôt de nos moyens, mais
enfin Des amis peu nombreux, mais sûrs, connaissant nos
relations et appréciant particulièrement votre caractère, m'ont
prié de vous demander si vous voulez vous charger de nous
prévenir télégraphiquement (ou d'employer tels moyens qu'il
vous conviendra) en cas d'événement.
K La même démarche est faite auprès d'autres citoyens con-
nus , afin que, les informations de l'un corroborant celles de
l'autre, la responsabilité ne retombe sur personne.
« L'opinion a été vivement surexcitée la semaine passée : elle
commence à s'apaiser. Les bourgeois nous rient au nez ; leur
frayeur folle est passée. Je voudrais voir les révolutionnaires
parisiens sommer résolument les journalistes aventureux et bra-
vaches... la plume à la main, d'avoir à ne plus nous ennuyer
avec leurs déclamations énervantes. Sont-ils drôles ces farceurs-
1 Nous trouvons, dans un journal de Paris, un programme social et polilique
qui aurait été arrêté des le mois de janvier 1870 par l'Internationale, les blan-
quistes et le comité du journal \z. ^'( arselUaise fusionnés et qui, s'il est authen-
tique, jette un jour nouveau sur les actes sanglants et les orgies révolutionnaires
accomplis vingt mois plus tard. Nous le reproduisons soui toutes réserves aux
documents justificatifs, pièce I.
i:t le -IAGOBINISME. &6
là? Il n'y en a pas un qui Jonrnellomcnt no chante plusieurs
fois celte antienne : L'empire est mort ! et (|ui ensuite ne se
laisse fourrer à la salle de police... correctionnelle.
« Si au moins la révolution de 18.. antithèse de 48 pouvait
être la bonne révolution J'ai la mort dans l'Ame de voir tout
un peuple vouloir remplacer l'homme providentiel usé par
l'homme lanterne ou l'homme réveil. Ça me crispe. »
La lettre de Varlin à Bastelica reproduite dans le Journnl
officiel du 4 mai 1870 donne la mesure exacte des dispositions
concertées entre les chefs de l'Internationale en vue d'éven-
tualités que l'on regardait comme prochaines ^. Le rôle joué
par l'Internationale dans les derniers événements y apparaît
dans tout son jour.
Il n'est pas sans intérêt de signaler ici qu'il résulte de tous
ces documents, que ce sont trois ou quatre personnalités qui tien-
nent en France tous les fils de l'Internationale, et que la masse
des prolétaires, si désireuse pourtant de hâter l'heure de sa
complète émancipation et de son affranchissement, accepte
complaisamment toutes leurs volontés. Le despotisme est dé-
placé, voilà tout. Au lieu d'un tyran, on subit le joug de plu-
sieurs.
La grève, cette arme terrible dont parle Eugène Dupont, fait
partie du plan poHtique de campagne adopté par l'Internationale.
Le Creuzot, et plus tard Fourchambault, en deviendront les
premières étapes. Les habiles ont compris que le moment était
venu de recourir à ce moyen, préconisé au congrès de Bruxelles
et dont ils apprécient toute la portée dans la situation actuelle.
Ils comptent ainsi exciter les esprits, augmenter l'agitation,
multipher les foyers d'insurrection, indisposer les masses po-
pulaires contre leurs prétendus exploiteurs et, par tous ces
moyens, arriver à un soulèvement général ayant pour but :
rétablissement de la république démocratique et sociale uni-
verselle.
D'ailleurs, dans les premiers mois de 1870, les manifestes po-
litiques de r Internationale abondent. Par ordre de date, nous
» Voir \' Internationale, documents anne^tés, pièce I.
56 L'INTERNATIONALE
trouvons d'abord nno adresse des femmes appartenant à la sec-
tion internationale de Lyon, pour engager les jeunes gens de la
classe de 1870 àrefiiserle service militaire. Cette pièce, adoptée
dans une réunion privée tenue à Lyon, salle Valentino, le 16 jan-
vier, a été notifiée à tous les comités centraux de l'Internationale
par la citoyenne Virginie Barbet, Tiin des champions les plus
infatigables de ridée socialiste *•
Le manifeste du conseil général belge, à l'occasion du meur-
tre d'Auteuil et de l'attitude des internationaux parisiens, mérite
une mention toute spéciale : il contient un appel des plus violents
à l'insurrection et à la révolte -. Il porte la date du 19 jan-
vier.
Quelques jours plus tard, l'arrestation de Rochefort devenait
le prétexte de nouvelles tentatives insurrectionnelles : comme
toujours l'Internationale s'y trouve mêlée. La déclaration de Var-
lin, Combault et Malon, insérée dans la Marseillaise du 11 février
1870, est de nature à dissiper tout doute à cet égard 3. C'est
un défi insolent jeté aux réactionnaires et une invitation aux
frères et amis à se recueillir aûn d'assurer la l'évolution. On
proclame que la coupe est pleine et qu'elle ne tardera pas à dé-
border.
Un autre groupe d'internationaux, obéissant à la même pensée,
publie un manifeste oîi se trouve tracée la ligne de conduite à
suivre en présence des événements qui viennent de se produire
et qui constituent le prologue de la révolution... « Il faut, disent-
ils, hâter le triomphe définitif, mais sans le compromettre par
une action trop précipitée *. »
Pendant ce temps Aubry, Richard et Bastelica sont loin de
rester inactifs ; ils préparent leurs forces et organisent tous leurs
moyens d'action afm de seconder, au moment opportun, les
efforts de leurs frères de Paris. Leurs correspondances trahis-
sent cette constante préoccupation. BasteUca se distingue entre
tous par son tempérament révolutionnaire.
« L'Internationale, écrit-il le 2 février à Varlin, est la maîtrise
i Ce document se trouve reproduit à la fin du volume, pièce J.
s Voir notre premier ouvrage sur l'Internationale, annexes, pièce B.
s Jd., ibid., pièce J.
4 Voir notre premier ouvrage, page 21.
HT LE JACOBINISME. 57
révolutionnaire : personnellement, et pour l'action, je compte
moins sur le nombre que sur la trempe.
a II faudrait profiter de la réunion générale de la fédération
lyonnaise pour donner à cette assemblée le caractère et la pro-
portion d'une manifestation socialiste. Lyon avant Paris ! Qu'en
pensez-vous ? Si vous m'approuvez, écrivez à Richard afin que
l'entente s'établisse J'ai adressé dernièrement à Mabilly,
Cesat, Noble et Giraud, qu'il connaît d'ailleurs, avec prière de
vous faire communiquer avec eux.
a L'objet de leur présence à Paris se rattache à celui de nos
deux dernières lettres échangées. Confiez-vous avec ces amis...
politiques (seulement !) »
* Le 7 février suivant, il fait connaître en ces termes à Murât
son opinion sur la situation : « La révohilion ne perd pas du
terrain, elle perd du temps. »
Son impatience se traduit en invectives contre Rocliefort
dans une lettre qu'il adresse à Varlin le 11 février.
« J'ai reçu votre lettre, lui écrit-il, hier soir fort tard, après
que j'eus jeté à la poste deux pages que j'ai adressées par pré-
caution à mon ami et compatriote Ma...i, comme cosignataire du
manifeste de la Marseillaise, et, à moins que vous ne soyez par-
venu à vous esquiver prudemment, il est probable que celte
lettre ne vous trouvera pas à votre domicile. Aussi ne lui con-
fierai-je pas tout ce que j'ai à vous dire. Par la lecture de la let-
tre que vous remettra tôt ou tard mon ami, vous verrez ce que
je pense du mouvement. L'entente préalable ! vous écriez-vous.
Pourquoi ne l'a-t-on pas fait ? Rochefort est coupable ; je suis
sévère, mais juste. On ne doit pas jouer comme cela à la gUs-
sade dans le sang du peuple. Les tigres des Tuileries l'appren-
dront un jour. Soyez certain que je pousserai à la manifestation
indiquée de toutes mes forces, a^•ec rage. Mais pourquoi Roche-
fort ne démissionne-t-il pas aussi ? Cet homme (que je tiens en
haute estime) a eu, comme tous les hommes qui servent la ré-
volution, son jour, son heure, sa latitude. Aujourd'hui le niveau
populaire l'a surpassé ; qu'il regagne la rive s'il ne veut être
noyé. A un autre !
« En lisant dans le Rappel l'article sur l'arrestation en corps
des rédacteurs de la Marseillaise, il m'est venu plusieurs ré-
5« L'INTERNATIONALE
llexions : Varlin n'était pas là, ine suis-je dit, il n'aurait pas ré-
pondu à l'appel ; il aurait riposté, et })uis cette autre : Un coup
d'État est possible.
« A vous,
« A. BASTELIGA. »
Do quelle manifestation voulait parler Bastelica ? Il a pris
soin de nous l'expliquer lui-même lorsque^ écrivant quelques
jours plus tard à Aubry (21 février 1870), il lui annonce qu'il
s'est mêlé aux scènes tumultueuses qui se sont passées à Mar-
seille à la suite de l'arrestation de Rochefort, et qu'il était prêt
2:)his qiio jamais à agir sérieusement. Nous devons rappeler
qu'une manifestation fut à cette époque organisée par la cham-
bre fédérale de Marseille, qui n'était, sous une couverture légale,
comme celle de Paris, qu'une contrefaçon de l'Internationale.
D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, l'exaltation delà branche
française de Londres est aussi grande que celle qui se manifeste
dans les sections de Paris, Marseille, Rouen, etc. Elle a res-
senti le contre-coup des événements politiques qui se sont ac-
complis en France.
Le 26 janvier, un grand meeting d'indignation est tenu sous
la présidence de Besson_, dans Gleveland Hall, pour protester
contre l'assassinat de Victor Noir par le bandit Bonaparte. Les
discours les plus violents y sont prononcés. On y fait l'apologie
de l'assassinat.
En parlant de l'empereur, Besson, dont la figure a quelque
chose de sauvage, entre dans des transports de fureur : « Avec
un pareil homme, s'écrie-t-il avec rage, tous les moyens sont
bons, il faut à tout prix le supprimer, son existence coûte la
vie à des milliers de démocrates. ^
On annonce l'arrivée à Londres de Félix Pyat qui vient tra-
vailler au triomphe de la révolution.. Une souscription est ou-
verte pour élever un monument à la mémoire de Victor Noir.
On donne lecture de lettres écrites par Alavoine et Gromier.
Le 2/t juin, nouveau meeting public de la branche française
réunie à la société révolutionnaire la Teutonia, pour célébrer le
vingt-deuxième anniversaire de la proclamation de la républi-
KT LK .lAlUJDINlSME. &9
quo sur les barricades (24 février 1848). L'assemblée, présidée
par Besson, proteste contre l'arrestation du représentant Hoche-
fort *.
Étudions maintenant quelle est au milieu do tous ces événe-
ments l'attitude polilii|ue du conseil général.
Dans sa séance du 1" janvier, il vote des résolutions, desti-
nées à être adressées en communication privée à tous les cor-
respondants de l'Internationale. Ces résolutions sont do la i)lus
haute importance: on y explique que V initiative révolutionnaire
doit partir de la France... que le conseil général a pour mis-
sion d'accélérer le mouvement vraiment révolutionnaire en
Angleterre et partout.. On ajoute que le seul point où l'on
puisse frapper le grand coup contre l'Angleterre oflicielle,
c'est rirlande, et que le premier besoin du conseil général est
de pousser la révolution en Angleterre -.
C'est à ces résolutions, traduites en français par Dupont, que
Serrailler fait allusion dans cette lettre à Johannard, le 9 fé-
vrier 1870, alors qu'il lui parle de pièces très-importantes que
Dupont, son propriétaire, est chargé d'envoyer en France. Voici
les termes mêmes de cette lettre, adressée sous le couvert d'un
nommé Jarry, 4, rue des Abbesses, à Montmartre :
« Londres, le 9 février 1870.
« Mon cher Jules,
t Étant locataire de M. E. Dupont, je remplis provisoirement
les fonctions de secrétaire. — Il est chargé d'envoyer en
France des pièces très-importantes, et, d'après les événements
de Paris, il est nécessaire de savoir au juste si on peut les
envoyer en sécurité. D'ailleurs; plusieurs de ces pièces étant
pour être adressées à nos amis Combault, Murât, vous-même,
etc., il est urgent de savoir par le retour de la poste si vous
* La Marseillaise (numéro du 28 février) a publié un compte rendu de cette
réunion qui lui a été communiqué par le secrétaire même de la brandie fran-
çaise, G. Pêtre. Parmi les assistants de ce meeting, on remarquait Weber, Pain-
tot, Prévost, Kaufman, Denonpont, Lelubez, Holtporl, Debord, Félix Pyal,
MouraiUe, Crampon, Jourdain, Victor Gudfm. Nous reproduisons, aux documents
ustilicatifs (pièce K), le compte rendu de cette réunion.
- Consulter sur ce point, l'Internationale, annexes, pièce K.
60 L • I N T E H NA T 1 o N A L K
n'êtes pas logés gratuitement *. Pas de retard à répondre ; quel-
ques détails s'il est possible, mais pas de délai. Surtout ne soyez
pas Johannard pour cette fois au moins. Adressez votre lettre :
3i, Lisle street, Leicester square, à mon nom. Mettre les for-
mes sous dictée. Ce que nous racontent les journaux anglais
nous semble empreint d'exagération. Dans tous les cas le mo-
ment paraît grave, et il est bon d'être prudent en ce qui con-
cerne l'Association internationale, qui certes ne manquera pas
d'avoir sa part de responsabilité des événements actuels.
« A bientôt, ma vieille, et s'il ne manque que moi pour faire la
révolution, vous pouvez compter qu'elle ne manquera pas. Dans
six semaines au plus tard, j'arrive à Paris. Surtout, pas de ma-
nifestation.
« Votre silence serait pour nous la confirmation de nos
craintes par rapport à l'Association internationale et pour nos
amis personnellement.
« N'oubliez pas Lucien pour nous, ainsi que tous les amis.
Encore une fois, à bientôt ! Nous vous serrons la main.
ce A SERRAILLER. >.
On s'explique qu'il soit nécessaire de s'assurer si l'on peut
envoyer en sécurité des pièces aussi compromettantes ; mais ces
précautions paraissent étranges, de la part d'une société qui
affiche hautement la prétention d'avoir toujours agi au grand
jour.
L'esprit des sections belges est tout aussi révolutionnaire.
Jamais procès plus violent n'a été fait au gouvernement belge
que dans le meeting tenu à Liège, le 9 janvier 1870, dans la
salle de l'Allée- Verte.
L'un des orateurs. Fontaine, demande que l'on obtienne le
suffrage universel bon gré, mal gré. Il propose de former des
rondes immenses, de danser une vaste carmagnole, en chantant :
Nos droits ! nos droits ! Il ajoute que, si à leui^s sommations on
< Nous devons rappeler que déjà, à la date du 7 janvier, Dupont annonçait
à Murât l'envoi de ces résolutions, a. J'ai à traduire, lui écrivait-il, des réso-
«lutions du conseil pour en envoyer copie aux correspondants. Cela me prend
« beaucoup de temps. Tu les recevras d'ici à quelques jours. »
ET LE JACOBINISME. fll
répond par le dédain, alors il faudra serrer leurs rangs et
broyer ces gens contre les colonnes du temple.
Le citoyen Robert parle de l'impôt, qui sert à payer un roi
parasite, des ministres insolents, une chambre prostituée, à
solder la bureaucratio qui exploite le travailleur, lu magistrature
qui le condamne, l'armée qui lui envoie du plomb dans le ventre
lorsqu^ il réclame du pain. La loi du recrutement, s'écrie-t-il, est
une loi monstrueuse. Autrefois, au moins, le despotisme avait
la pudeur de se servir de mercenaires. Il appartient à l'hypocrisie
parlementaire d'emprunter au peuple les bourreaux du peuple.
Il faut que cela finisse. Vive la république sociale ' !
Au meeting tenu à Mons le G février, salle du Château-des-
Fleurs, le drapeau rouge qui flotte au dessus du bureau est
choisi pour emblème de l'Internationale. Eugène Hins représente
le drapeau tricolore comme étant celui de la royauté et de l'armée.
a Le drapeau rouge, dit-il, sera le drapeau de l'Internatio-
nale, parce que ce drapeau nous rappellera le sang de nos frères
qui a coulé à l'Épine, à Seraing, à Frameries, à Bàle, à Aubin,
à la Ricamarie 2. »
D'ailleurs, nous devons bien le reconnaître, à cette époque,
l'Internationale fait cause commune avec les démagogues les plus
ardents, avec les anciens déportés de 1851 et de 58. Peu scru-
puleuse sur le choix de ses adhérents, elle s'allie à tous ceux
qui pourront l'aider à accomplir son œuvre de destruction et de
1 Nous devons signaler que, dès la fin de 1869, une certaine agitation s'était
manifestée en Belgique en faveur d'une extension du suffrage, et que des ré-
publicains socialisies, membres de l'Internationale, avaient pris l'initiative d'or-
ganiser des meetings dans toutes les localités, aiin d'y exposer les principes de
la représentation du travail. Il fut même décidé, dans deux meetings tenus à
Ver%-iers le 28 novembre et à Seraing le 12 décembre, qu'aux prochaines élec-
tions les ouvriers opposeraient au scrutin censitaire le scrutin libre, et que l'on
voterait pour des ouvriers appartenant aux industries les plus répandues dans
la localité. [Int., 19 décembre 1869.)
2 Nous aimons à croire que les démocrates lyonnais ignoraient cette parti-
cularité le jour où ils arboraient cette hideuse loque rouge qui a flotté sur le
dôme de l'hôtel de ville pendant plus de six mois, et que l'on retrouve encore à
la mairie &<• la Guilloîière la veille de l'insurrection du 30 avril. Nous aurons
d'ailleurs Toccasion de revenir sur ces faits avec plus de détails lorsque nous
étudierons les émeutes ou tentatives d'émeute qui se sont produites dans
:ette ville les 28 septembre, 2 et -4 novembre 1870, 23 mars et 30 avril 1871.
Quant aux communards parisiens, la plupart membres de l'Internationale,
.Is savaient quelle était la signification du drapeau rouge !
62 L'INTERNATIONALE
renversement. Elle choisit de préférence des gens tarés. Il
lui faut maintenant des hommes résolus à tout, ne reculant de-
vant aucune extrémité, et elle est sûre de les trouver dans
cette catégorie d'individus qui font du désordre et de la guerre
civile leur métier favori. Aussi voyons-nous Combault rêclnmcv
rinlervention de Pyat et de Bcsson comme chose indispensable
pour faire la rcvohilion. C'est Eugène Dupont qui se charge
lui-môme de cette négociation *.
Parmi ces artisans de la dernière heure nous devons citer le
prétendu général Cluscret, cet aventurier de la pire espèce, qui,
après avoir promené dans toute l'Europe son incapacité et sa
forfanterie, est venu plus tard s'abattre sur la France et prendre
part à la' curée du 18 mars.
Nommé par Varlin représentant de la fédération parisienne
en Amérique, il notifie aussitôt par un manifeste son nouveau
titre à tous les travailleurs américains 2.
Quelques jours plus tard il rend compte de sa mission à Var-
lin et lui écrit une lettre oii il expose la manière dont il entend
exécuter son plan de révolution. On frémit à la pensée que ce
misérable caressait déjà à cette époque le projet d'incendier
Paris, afin de se maintenir au pouvoir le jour où il y arriverait;
et qu'il avait le cynisme révoltant de l'avouer.
Sa lettre à Varlin est une des plus belles pages des annales de
l'Internationale : elle est de nature à enlever toute illusion sur
V humanitaire Internationale à ces quelques rêveurs qui, égarés
dans son sein, s'évertuent à nous persuader que c'est par un
progrès pacifique qu'elle a toujours poursuivi l'émancipation des
travailleurs. Quand on rapproche cette lettre de celle du pro-
fesseur Robert 3, on demeure convaincu que tous les actes de
pillage, d'incendie et de vandaUsme dont la révolution du 18 mars
a assumé la responsabihté devant l'histoire étaient le résultat
d'un plan depuis longtemps concerté entre les chefs avoués de
l'Internationale. Nous tenons à reproduire cet important docu-
ment.
1 Voir aux documents justificatifs, pièce L.
- Nous reproduisons ce manifeste à la fin du volume, (iiièce M)
3 Voir page 47.
ET LE .lACOBINISME. 68
« New-York, 17 février 187U.
•< Mon cher Varlin,
« Je viens de recevoir votre bonne lettre du 2, elle ni'expli({uc
le relard apporte à la solution do ma demande. Inutile de vous
dire que j'accepte et vais me mettre à l'œuvre pour tâcher d'être
utile à mes frères en misère et en travail *.
« Le journal dont je vous avais parlé ne s'est pas fondé et je
n'ai pas cru devoir renouveler la tentative en présence des der-
niers événements de France ainsi que des lettres de mes amis
unanimes à me rappeler en Europe. Selon toute probabilité, j'y
serai pour l'été ; mais d'ici là, j'aurai organisé les relations in-
ternationales entre les différents groupes français et américains,
et désigné pour me remplacer (au choix du comité français) une
ou plusieurs personnes zélées et capables.
« Gomme vous le dites, nous triompherons sûrement, infailli-
blement, si nous persistons à demander à l'organisation le
succès.
« Mais ne perdons pas de vue que l'organisation a ^tour but de
solidariser pour F action le plus grand nombre.
a. Donc soyons coulants, arrondissons les angles, soyons réel-
lement frères en action et non en parole. Que les questions de
doctrine et d'individualité ne séparent pas ce qu'une commune
souffrance , c'est-à-dire un commun intérêt a réuni ; nous
sommes tout et tous : il faut avouer que si nous sommes battus,
nous méritons bien de l'être.
€ Je n'ai pas vu figurer les nôtres dans les derniers troubles;
quelle a été f attitude des sociétés ouvrières et quelles sont leurs
dispositions actuelles ?
« Certes il ne faut pas sacrilier nos idées à la politique, mais
il serait désastreux qu'elles nous en détachent même momenta-
nément.
« Pour moi, tout ce qui vient de se passer signifie que les
» Varlin avait écrit à Oluseret, le 2 février, pour lui demander de représenter
la fédération parisienne aux Elals-Unis.
«4 L'INTERNATIONALE
d'Orléans se faufilent petit à petit au pouvoir, en rognant les
ongles à L.-N., de manière à n'avoir plus qu'à se substituer à lui
un beau matin.
a OR, CE JOUR-LA NOUS DEVONS ÊTRE PRÊTS PHY-
SIQUEMENT ET MORALEMENT. CE JOUR-LA, NOUS OU
LE NÉANT ! rJusqiie-là je resterai trnnquille probablement,
MAIS CE JOUR, JE VOUS L'AFFIRME, et je ne dis jamais
OUI POUR NON, PARIS SERA A NOUS OU PARIS N'EXIS-
TERA PLUS. Ce sera le moment décisif pour l'avènement du
peuple.
« A vous,
ce CLUS....
« P-S. Nous avons le Sun, qui tire à 90,000 exemplaires, un
journal français et un journal allemand.
« Comme vous le voyez, nous sommes déjà solides.
Que vont faire Malon, Héligon et C^^ dans
l'affaire Vermorel ? Nous n'avons pas à nous mettre pour ou
contre dans de semblables questions de personnes. Allez voir
Fonvielle et faites-nous adresser la Marseillaise. »
Les événements nous ont appris comment Gluseret avait su
tenir cette sinistre promesse. Si Paris existe encore, ce n'est
assurément pas la faute de Cluseret et de ses séides : ils avaient
tout préparé pour l'exécution de leur criminelle entreprise.
Pendant que Cluseret travaillait ainsi les Américains et se
préparait à la lutte, la propagande socialiste et révolutionnaire
se poursuivait en France sur la plus vaste échelle.
A Lyon, les réunions de l'Internationale se multiplient, a La
situation est excellente, écrivait, le 14 février, lebronzierBour-
seau à Landrin, nous attendons avec conviction la révolution
sociale qui ne tardera pas à paraître. »
Le mouvement se propageait à Saint-Etienne, à Brest, au
Greuzot, à Fourchambault, au Mans, à Mulhouse, à Tours,
Lille, Tourcoing, Aix, la Ciotat, Barcelonnette, Saint-Tropez, la
Garde-Freinet, Goufaron, Grenoble, Dijon, etc., etc.
L'heure de la révolution approche : aussi le rôle poUtique de
l'Internationale se traduit-il chaque jour par de nouveaux faits.
ET LE JACOBINISME. 65
Nous la IroTivons niôlûo aux évc'uenicnts du Crcuzol. ("-elle
grève, dont la portée politique ne saurait plus aujourd'hui être
contestée, éclate au cri de : Vive lu République ! La présence au
Creuzot du citoyen Malon est assez sig'nificative : sa mission se
rattache à tout aulro chose qu'à l'envoi de corrcspoudances à la
Marseillaise. Ses nombreux voyajîes dans les centres ouvriers,
ses lettres à Varlin et à Richard, le ton môme de ses articles
indiquent assez qu'il agit dans un but politique. On espère pro-
fiter de l'agitation créée par la multiplicité des grèves et attiser
ainsi entre l'Empire et contre les bourgeois les passions déjà
si ardentes de la classe ouvrière.
Au mois de mars (13 mars), Bastelica, Varlin, Richard,
Schwitguobel, de Neuchàtel, se rencontrent à Lyon. On en pro-
fite pour purger bien des équivorpics et pour établir cette entente
loyale sur les moyens pratiques dont parlait Bastelica à Richard
dans sa lettre du 1" octobre 1869 ^
Varlin apporte dans ces délibérations le tempérament révo-
lutionnaire dont il- a déjà fait preuve au mois de février lors de
l'arrestalion de Rochefort, et qui lui a valu quatorze jours de dé-
tention. Sa lettre écrite à Aubry, le 8 mars J870, nous permet
de juger de l'attitude qu'il se propose de prendre pour hâter
l'heure des revendications sociales.
« Vous voulez, lui dit-il, que je devienne moins révolutionnaire,
en présence d'un état de choses qui semble s'aggraver tous les
jours. Quand l'arbitraire et l'iniquité auront disparu, quand la
liberté et la justice régneront sur la terre, Je ne serai plus ré-
volutionnaire; mais jusque-là, croyez bien (jue plus je serai
exposé à supporter les coups du despotisme, plus je m'ir-
riterai contre lui et j)lus je serai dangereux. Ce n'est qu'au
point de vue vraiment sociahste que je poursuis ï œuvre révolu-
tionnaire, mais vous devez bien comprendre que nous ne pou-
vons rien faire comme réforme sociale, si le vieil état politique
n'est pas anéanti! N'oublions pas qu'en ce moment l'Empire
n'existe plus que de nom et que le gouvernement est l'injure des
partis. Si dans ces circonstances graves le parti socialiste se
laissait endormir par la théorie abstraite de la science sociolo-
1 Consulter notre premier travail sur ï Internationale, annexes, pièce 0.
C6 L'INTERNATIONALE
gique, nous pourrions bien nous réveiller un beau matin sous
de nouveaux maîtres plus dangereux pour nous que ceux
que nous subissons en ce moment, parce qu'ils seraient plus
jeunes et par conséquent plus vigoureux et plus puissants.
« Tout en préparant l'organisation sociale future, ayons l'œil
au mouvement politique Je serais très-heureux que vous
fussiez au petit congrès de Lyon. En dehors du moetincf, nous
pourrions nous entendre sur bien des points. Ce serait très-
utile. »
Quelques jours encore et, le travail d'organisation et de pro-
pagande de l'Internationale étant terminé, nous allons voir les
sections françaises entrer dans la période de la lutte et se placer
plus résolument que jamais sur le terrain politique.
Il était réservé à l'Empire de leur fournir l'occasion de
descendre publiquement dans l'arène politique en appelant le
peuple à voter sur une constitution nouvelle.
Nous sommes ainsi amené à parler du plébiscite et des
circonstances qui en ont précédé le vote.
ET LE JACOBINISME. 61
CHAPITRE II.
I-E PLÉBISCITE DU MOIS DE MAI 1870. — REUNIONS PLÉBISCITAIRES.
— DISCOUnS DE VARLIN ET DE COMBAULT. — ATTITUDE DE l'iji-
TERNATIONALE. — MANIFESTE DE LA FEDERATION PARISIENNE, DE
LA BRANCHE FRANÇAISE DE LONDRES ET DU COMIÎÉ RÉPUBLICAIN
SOCIALISTE DÉ MARSEILLE.
Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l'opportunité
du plébiscite et sur la portée politique de cet acte : nous lais-
sons à l'histoire le soin d'apprécier et de prononcer son verdict
sur le plus ou moins de nécessité de cet appel au suffrage
universel.
Nous n'avons à nous occuper ici que du rôle joué par l'Inter-
nationale et des moyens qu'elle sut mettre en œuvre pour
augmenter l'agitation des esprits déjà suffisamment surexcités
par la décision impériale.
L'Internalionale avait compris que l'on pourrait peut-être
profiter de l'émotion populaire pour réaliser cette révolution
sociale si ardemment convoitée *. Les agitateurs politiques
réfugiés à l'étranger à la suite de récentes condamnations parta-
geaient tous les mêmes espérances. Un des futurs membres de
la commune de Paris et l'un des vétérans de l'Internationale,
le chapelier Amouroux, devenu à cette époque l'un des collabora-
teurs du journal la Réforme sociale de Rouen, écrivait à ce
1 Avant six mois, écrivait, le 31 mars, Huart d-^ Reims au con^pagnon Sau-
va?eot de Saint-Quentin, nous serons les plus forts dans tous lespays de l'Eu-
rope. Nous reproduisons cette lettre à la fin du volume, aux pièces et docu-
ments justificatifs (pièce V, n" 6).
68 L'INTERNATIONALE
sujet de Bruxelles à Aubry, le 15 avril : a Que pensez-vous du
plébiscite? Croyez-vous que le moment soit propice pour les
revendications sociales? Nous autres proscrits, nous espérons
quelque chose Enfin nous verrons. Veuillez donc m' écrire
comment on prend la chose dans voire pays : cela nous fera
plaisir.
a J'ai reçu une lettre de Bastelica de Marseille : cela marche
très-bien ; ils sont prêts à tout pour réussir. Mes sentiments de
confraternité à notre famille collective des travailleurs de la
fédération. »
Jetons d'abord un coup d'œil sur les réunions publiques
dont le plébiscite fut à cette époque le prétexte. Partout nous
voyons les coryphées de l'Internationale les diriger et riva-
liser de violence dans leurs attaques. L'assassin Mégy est
acclamé président ou assesseur honoraire de la plupart de ces
réunions •. Nous citerons celles tenues les 16 et 17 avril, salle
Molière et passage Saint-Denis, rue Lhoraond, et surtout
l'assemblée générale des sections parisiennes, le 19 avril, dans
la salle de la Marseillaise, rue de Flandre, 51, où les statuts de
la fédération parisienne furent définitivement adoptés. Varlin
et Combault y prononcèrent les discours les plus incendiaires ;
les extraits suivants pourront en donner une idée exacte.
« Nous ne voulons plus, disait Varlin, nous fiera ces hommes
qui jusqu'à ce jour nous ont bercés de vaines promesses pour
obtenir nos suffrages et qui, ime fois arrivés au pouvoir, nous
ont abandonnés et trahis.
«Nos exploiteurs se sont partagé les rôles. Les uns nous ont
promis la justice ultra- terrestre, en échange d'une soumission
aveugle envers nos oppresseurs. D'autres ont imaginé des lois
qu'ils ont faites sans nous et contre nous. Ils ont étabh des ma-
i Le 21 mars, dans une réunion du Cercle des études sociales, sur la propo-
sition de Combault, Malon avait été chargé de porter à cet assassiîi l'expression
des sympatliies de l'assemblée. Nous avons, il est vrai, la douleur de consta-
ter que le crime commis par Mégy fui loin de provoquer alors l'indignation
générale. Il se trouva des gens ailleurs que dans les rangs de l'Internationale
pour proclamer que Mégy n'avait fait que son devoir. Il existe même sur ce
point des consultations d'avocats assez édifiantes. Nous nous rappelons enfin
avoir entendu, à une audience du tribunal correctionnel de Lyon (juin 1870),
l'accusé Bertranche affirmer avec forfanterie que, s'il s'était trouvé dans le môme
cas que Mégy, il n'aurait pas hésité à brûler la cervelle à l'agent de police.
HT LK JAC.OIJINISMi:. G5l
gistrats qui, pris dans leur classe, deveuaieiil des auxiliaires
puissants qui laisaicnt pencher la balance du côté de nos maîtres.
Aujourd'hui tout cela doit changer. Déjà l'Internationale a vaincu
les préjugés de peuple à peui)le. Nous savons à quoi nous en
tenir sur la Providence, qui a toujours penché du côté des mil-
lions. Le bon Dieu a fait son temps. En voilà assez. Nous
sommes revenus de ces prétendus tribuns ({ui ont la bouche pleine
de promesses quand ils quêtent nos votes dans leur sébille de
député et qui considèrent comme outrage à leur dignité tout
mandat qui tend à faire respecter et triompher nos droits K
« Nous faisons appel à tous ceux qui souffrent et qui luttent.
Nous sommes la force et le droit. Nous devons nous suffire à
nous-mêmes. C'est contre l'ordre juridique, économique, politi-
que et religieux que nous devons tendre nos efforts. Solidarisons
nos intérêts, fédérons nos groupes pour étendre notre action. »
te Pendant quelque temps, s'écrie à son tour Combault, l'As-
sociation internationale a été mise en suspicion par le parti
républicain, qui l'accusait de tendances bonapartistes : c'est
une calomnie contre laquelle nous devons protester. La
classe ouvrière n'a jamais oublié le 2 Décembre ! Jamais elle
n'a voulu accepter quoi que ce soit du vainqueur de la France ,
1 11 faut bien reconnaître que, dans l'espèce, Varlin n'avait pas tout ù fait
tort. Nous trouvons la même idée expi'imée dans ce discours prononcé au mee-
ting de Lausanne, le 27 février 1870, par Guillaume de Neufchàlel.
« ... Sous les gouvernements soi-disant républicains, on vous dit :« Nom-
mez-nous, et nous améliorerons votre position; choisissez un tel, celui-là est
bon, il fera votre bonheur. » Lequel a tenu sa parole lorsqu'il y est arrivé ? Au-
cun. Ils sont tous devenus autorité ; ils n'ont rien fait que de défendre la
propriété et les capitalistes. Je citerai un fait comme exemple, sans crainte de
me tromper : nommez à la tête de l'Etat les sept membres de votre comité
fédéral romand, en qui vous avez confiance; eh bien, vous en ferez de nou-
veaux bourgeois.
« Je ne reconnais aucune forme de gouvernement. Il faut les supprimer tous
et nommer des hommes chargés d'exécuter nos volontés et qui auront pour
mandat de nous instruire. Les bourgeois la possèdent, l'instruction, mais ce
n'est pas celle-là que nous entendons : ce dont il s'agit, c'est que chacun con-
naisse ses droits et ses devoirs ; l'ouvrier doit savoir juger celui qui vit par
le travail, et celui qui ne travaille jamais et par là ne produit rien.
« Ils vous disent encore, ces prétendus républicains, de patienter ! ils vous font
espérer qu'à la troisième ou quatrième génération votre sort sera amélioré.
Unissez-vous donc, à un moment donné, et alors que tous les ouvriers seront
d'accord, nous proclamerons notre programme, et nous leur dirons : « Nous
sommes les plus forts ! « et le jour où nous leur prouverons notre force, notre
programme sera réalisé. » {Égalité, 5 mars 1870.)
70 L'INTERNATIONALE
qu'elle a toujours regardé comme son plus cruel ennemi.
« Il se peut que quelques individualités, ou même quelques
rares groupes d'ouvriers aient accepté la discussion officielle
avec l'Empire. Mais l' Internationale a subi les dures lois de la
nécessité ; elle s'est tue jusqu'au jonr où elle a pu dire : « Nous
ne voulons pas de l'Empire ! 55 et depuis plusieurs années c'est
son cri le plus aigu.
« La première fois que nous avons pu parler^ c'est au banquet
de l'Exposition. A dater de ce jour, l'Empire s'est jeté sur nous,
et à la face de ses juges, nous avons abandonné le rôle d'accusé
qu'on nous donnait, pour prendre celui d'accusateur. Nous avons
affirmé nos principes socialistes et républicains. Nous avons ré-
pudié toute pactisation avec l'Empire, à qui nous jetions le gant.
« Toute équivoque a cessé. Unissons-nous tous dans une pensée
commune de revendication politique ou sociale. On peut persé-
cuter quelques hommes : on n'emprisonne pas tous les travail-
leurs ; d'ailleurs ils ont besoin de nous pour nous exploiter.
Organisons-nous. Malgré la ruse, la violence, nous triomphe-
rons. Si nous sommes des individualités, nous serons broyés.
Si nous sommes une collectivité, la victoire est à nous.
« Nous devons nous occuper f/ejooiiYi^ue, puisque le travail est
soumis à la politique. Il faut dire tout haut, une fois pour toutes,
que nous voulons la république sociale avec toutes ses consé-
quences. Unissons, centralisons nos efforts. Serrons-nous les uns
contre les autres. Pour un qui tombe blessé, qu'il s'en dresse
dix au poste du combat. Toujours fermes ! pas de concession '.
1 Ces discours sont extraits du compte rendu de cette assemblée générale
publié dans la Marseillaise du 20 avril. Mais nous savons que ce journal a
été obligé pour l'insertion de mitiger le ton un peu trop violent des paroles
prononcées par Varlin et Combault. Cela résulte de ce passage d'une lettre
écrite le 20 avril par Pindy aux membres de la section de Brest :
a Le compte rendu de la séance de lundi inséré dans la Marseillaise de ce
matin, 20 avril (peut être vous l'a-t-on écrit), n'est pas exact; cependant je
ne blâme pas le journaliste qui l'a fait : il eût été regrettable de raconter ce
qui s'est passé à tous ceux qui lisent la Marseillaise, cela aurait produit
mauvais effet pour la cause même. »
Ajoutons que, le 2 avril, Schwitzguebel de Sonvilliers, écrivant à Pindy, lui
annonçait que partout dans le Jura bernois Vidée révolutionnaire dominait.
Quelques jours plus tard, Pindy prononçait ces paroles auxquelles les évé-
nements ont donné le plus sanglant démenti. « Notre idéal, c'est la républi-
que démocratique et sociale, seulement il n'entre pas dans notre plan d'em-
ployer pour cela la violence et l'insurrection. Nous voulons que la révolution
ET LE .lACOBINISME. 71
De son côté, la branche française de Londres est loin de res-
ter inactive : ello est la première à tracer la ligne de conduite à
tenir. Elle proche le vote par bulletins blancs et publie dans ce
sens un manifeste aux électeurs français. Ce document, sous
la date du 11 avril, vaut la peine d'être reproduit.
ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS,
BRANCHE FRANÇAISE.
Adresse aux citoyens français.
« Londres, H avril 1870.
« Citoyens,
« Le plébiscite qui est proposé par l'Empire au peuple français
n'est qu'un piège. Nous ne pouvons voter ni pour l'Empire par-
lementaire ni pour l'Empire autoritaire. Nous voterons tous pour
la République en déposant des billets blancs dans l'urne.
« Pas d'abstentions. Des billets blancs. »
Quant aux sections parisiennes, elles avaient paru un instant
indécises sur le parti à prendre : elles hésitaient entre l'absten-
tion et le vote par bulletins inconstitutionnels. Quelques-uns de
ses membres réprésentaient la presse comme voulant accaparer
la direction du mouvement antiplébiscitaire, et substituer son
action à celle des travailleurs. Des démarches furent même
tentées auprès des journalistes et du parti démocratique, afm
d'obtenir que des délégués ouvriers fussent admis dans leurs
réunions et pussent ainsi influer par leurs discours sur la
rédaction du manifeste que préparaient les radicaux. Nous en
trouvons la preuve dans cette lettre écrite à Theiz par Murât :
(ï Paris, 18 avril 1870.
« Mon cher Theiz,
<c II m'est impossible de *tne rendre ce soir à la réunion des
délégués de la chambre fédérale, mais voici ce que j'ai appris :
s'accomplisse pacifiquement et par la force des choses. Ma vie tout entièro
proteste contre l'insurrection et la guerre des rues.
72 L'INTERNATIONALE
« Je viens de voir Delescluze, et il m'a dit que le manifeste
n'était pas encore rédigé, mais qu'il était parfaitement convenu
qu'il conclurait au vote iio;h II pense que son nom et la plupart de
ceux qui s'y trouveront donneront une signification républicaine
assez nette, et' que du reste les journaux officieux ne s'y trom-
pent pas, pour pouvoir voter non sans équivoque. Il regrette
que les travailleurs s'en tiennent au vote inconstitutionnel, il
pensait faire l'unité des partis complète dans cette occasion.
Sur mon observation que voter oui ou non, c'est reconnaître le
droit plébiscitaire, il m'a répondu que Rochefort a bien prêté ser-
ment et ({u'aujourd'hui il recommande l'abstention ; qu'il a bien
mieux reconnu le gouvernement qu'on ne le reconnaîtra en
votant non. Je lui observe qu'il ne s'agit pas de Rochefort, mais
des sociétés ouvrières ; il me répond qu'il regrette beaucoup
cette division, mais qu'il croit que le non est le seul moyen d'a-
voir sinon la majorité, du moins une minorité assez considéra-
ble pour faire échec à l'Empire. Impossible de l'amènera recon-
naître la question de principe : la tactique l'emporte.
a Les journahstes ont ce soir une réunion avec la gauche : je
lui dis alors de demander notre admission, afin que nous puis-
sions présenter nos raisons avant la publication du manifeste,
et peut-être influer sur cette rédaction. Il m'a répondu qu'ils
avaient eu assez de peine à faire accepter à la gauche d'agir
avec eux ; qu'il n'y avait pas à espérer de leur faire admettre
les délégués ouvriers. F'ar conséquent il en résulte que le ma-
nifeste sera fait sans nous, qu'il concluera au vote non , qu'on
vous appellera seulement pour le propager... Grand merci! pour
moi, je sors d'en prendre.
K Salut fraternel.
« A. MURAT.
« A demain. Si aujourd'hui on décide de faire un manifeste
ouvrier, vous me ferez plaisir de ne pas manquer demain au
cercle pour qu'on se hâte de le rédiger et de le propager. »
En présence des agissements de la presse et de la gauche ré-
publicaine et de leur refus d'admettre la classe ouvrière à pren-
dre part à leur manifeste, la question de l'abstention était de
ET LE JACOniNISMK. 73
nouveau agitée dans la réunion générale du 19 avril. Après une
vive discussion, il était décidé que l'on se rallierait à la politi-
que de la Marseillaise et que l'Internationale ferait son mani-
feste à elle. Une commission de douze membres était chargée
d'élaborer un projet de manifeste au nom de l'Association inter-
nationale. Les douze membres élus étaient Ancel, Berthomieu,
Germain Casse, Gombault, Franquin, Johannard, Lafargue *,
Lefèvre, Raymond, Robin, Roussel.
Il était convenu que ce projet de manifeste sorait discuté dans
les sections et publié par les journaux.
Le 23 avril, cj manifeste était lu dans une réunion tenue
dans les bureaux du Réveil et à laquelle assistaient les délégués
de la presse et des comités électoraux.
Il était décidé que ce manifeste serait publié dans tous les
journaux démocratiques et qu'il recevrait la même publicité que le
manifeste des députés de la gauche [Marseillaise, 24 avril 1870).
Le lendemain, ce manifeste paraissait dans la Marseillaise ;
les jours suivants, il était distribué sur la voie publique à une
quantité considérable d'exemplaires. Voici cet important docu-
ment : il est une preuve de plus de l'immixtion constante de
l'Internationale dans toutes les questions pohtiques.
MANIFESTE ANTIPLÉBISCITAIRE
DES SECTIONS PARISIENNES FÉDÉRÉES DE l'iNTEUNATIONALE
et de
LA CHAMBRE FÉDÉR.A.LE DES SOCIÉTÉS OUVRIERES.
A tous les travailleurs français.
a Citoyens,
« Après la révolution de 89 et la déclaration des droits de 93,
la souveraineté du travail est l'unique base constitutive sur la-
quelle doivent reposer désormais les sociétés modernes.
1 Lafargue, qui demeurait à ceUe époque rue du Cherche-Midi, est le gendre
de Karl Marx. Il se trouve actuellement en Espagne et a été arrêté il y a quel-
ques jours à Huasca.
74 L'INTERNATIONALE
« Le travail, en effet, est la loi suprême de l'humanité, la
source de la richesse publique, la cause la plus efficiente du
bien-être individuel.
« Le travailleur seul a droit à l'estime de ses concitoyens ;
il impose son honorabilité à roux mêmes qui l'exploitent ; il est
appelé à régénérer le vieux monde.
« Voilà pourquoi nous disons aux travailleurs des villes, aux
travailleurs des champs, aux petits industriels, aux petits com-
merçants, à tous ceux qui veulent sincèrement le règne de la
liberté par l'égalité : Il ne suffit pas de répondre au plébiscite
qu'on ose nous imposer, par un vote purement négatif ; de pré-
férer la constitution de 70 à celle de 1852, le gouvernement
parlementaire au gouvernement personnel ; il faut qu'il sorte de
l'urne la condamnation la plus absolue du régime monarchique,
l'affirmation complète, radicale, de la seule forme de gouverne-
ment qui puisse faire droit à nos aspirations légitimes, la répu-
blique démocratique et sociale.
« Insensé celui qui croirait que la constitution de 1870 lui per-
mettra davantage que celle de 52 de donner à ses enfants les
bienfaits d'une instruction intégrale, gratuite et obhgatoire pour
tous ;
« D'exécuter la réforme et la réorganisation des grands ser-
vices pubhcs (mines, canaux, chemins de fer, banques, etc..)
au profit de tous les citoyens, au Heu d'être, comme aujourd'hui,
un moyen d'exploitation pour la féodalité du capital ;
« De changer complètement l'assiette de l'impôt qui, jusqu'ici,
a été progressif dans le sens de la misère ;
« De faire rentrer au domaine public les propriétés dont le
clergé séculier s'est emparé par des moyens plus ou moins sub-
reptices, au mépris même des lois de 89 et 90 ;
« De mettre un terme aux abus de pouvoir de tous les fonc-
tionnaires, grands et petits (gardes champêtres, juges d'instruc-
tion, commissaires de police, etc., etc.), dont la conduite
arbitraire est aujourd'hui couverte par l'article 75 de la constitu-
tion de l'an vni ;
« De supprimer, enfin, l'impôt du sang, nous voulons dire
l'armée permanente, en abolissant la conscription !
« Non, citoyens ! il ne saurait en être ainsi. Le despotisme a
F.T LE JACOBINISME. 75
cela de fatal, qu'il ne peut cngendrei' que le despotisme. L'é-
preuve en est faite, nous n'avons plus à y revenir.
« D'ailleurs, nous ne saurions reconnaître à l'exécutif le
droit de nous interroger. Ce droit impliquerait chez nous une
sujétion contre laquelle prot(3ste le nom même du pouvoir qui
se l'arrogé, en inditiuant qu'il n'est pas lo maître, qu'il est sim-
plement, et rien de plus, l'exécuteur des volontés souverainef^
du pays.
« Si donc vous désirez, comme nous, en finir une bonne fois
avec toutes les souillures du passé ; si vous voulez que le nou-
veau pacte social, consenti par des citoyens égaux en droits
comme ils le sont en devoirs, garantisse à chacun de vous là
paix et la liberté, l'égalité et le travail ; si vous voulez affirmer
la répuj)lique démocratique et sociale ; le meilleur moyen, suivant
nous, c'est de vous abstenir ou de déposer dans l'urne un bul-
letin inconstitutionnel, — ceci dit sans exclure les autres modes
de protestation.
« Travailleurs de toutes ! sortes souvenez-vous des mas-
sacres d'Aubin et de la Ricamarie, des condamnations d'Autun
et de l'acquittement de Tours, et, tout en retirant vos cartes
d'électeurs, afin de montrer que vous n'êtes point indiffé-
rents à vos devoirs civiques, abstenez-vous de prendre part
au vote.
tt Travailleurs des campagnes ! comme vos frères des villes,
vous portez le poids écrasant du système social actuel : vous
produisez sans cesse, et vous manquez la plupart du temps du
nécessaire, tandis que le fisc, l'usurier et le propriétaire s'en-
graissent à vos dépens.
oc L'Empire, non content de vous écraser d'impôts, vous en-
lève vos fils, vos uniques soutiens, pour en faire les soldats
du pape, ou semer leurs cadavres abandonnés dans les terres
incultes de la Syrie, de la Cochinchine et du Mexique.
K Nous vous conseillons également de vous abstenir parce
que l'abstention estla protestation que l'auteur du coup d'État re-
doute le plus ; mais si vous êtes forcés de mettre un bulletin dans
l'urne, qu'il soit blanc, ou qu'il porte un de ces mots : Change-
ment radical des impôts! Plus de conscription ! République dé-
mocratique et sociale !
76 L'INTERNATIONALE
« Pour la fédération des sections parisiennes de V Association
internationale des travailleurs :
« A. COMBAULT, rue de Vaugirard, 289 ; REYMOND, rue
de l'Ouest, 8 ; GERMAIN CASSE, rue de Maubeuge, 94 ;
BERTHOMIEU, membre de la commission de l'Inter-
nationale ; LAF ARGUE, membre de la section de Vau-
girard; E. LEFÈVRE, rue des Martyrs, 99; Jules
JOHANNARD, rue d'Aboukir, 126 ; J. FRANQUIN, rue
de la Verrerie, 42,
a Pour la chambre fédérale des sociétés ouvrières :
« A. THEIS, ciseleur, rue de Jessaint, 12 ; GAMELINAT,
monteur en bronze, rue Folie-Méricourt, 34 ; AVRIAL,
mécanicien, passage Raoul, 15 ; D. ANDRÉ, ébéniste, rue
Neuve-des-Boulets, 17 ; BESTETTI, rue des Boulan-
gers, 16; PINDY, menuisier, rue du Faubourg-du-Tem-
ple, 17 ; ROBILLARD, doreur, rue de Sèvres, 114 ;
ROUVEYROLE, orfèvre, rue Lesage, 16. »
Nous devons ajouter que dans chaque section un certain
nombre de membres avaient été choisis pour diriger la campa-
gne anliplébiscitaire. Voici le nom de ces meneurs : Jules Jo-
hannard, pour la section de Belleville ; Auguste Combault, pour
celle de la Villette ; Louis Ghalain, pour celle de Grenelle ; Gou-
mant et Sabourdy, pour celle de Montmartre; Blesson et Lam-
blay, pour celle de Vaugirard; Varlin, Pieron, Toussaint, Ro-
cher, Rouiller, Guilment, Moullé, Garnier, Mader, Maie, Gollot,
Louis Hourlier, pour celle de Paris.
Les sections parisiennes n'étaient pas les seules à se préoccu-
per du plébiscite : ^a même question était à l'ordre du jour de
toutes les autres sections ou fédérations. D'ailleurs Varhn avait
eu soin de les tenir au courant des résolutions adoptées à Paris.
« Le plébiscite, écrivait-il àAubry, le 20 avril 1870, est notre
unique préoccupation en ce moment.
« La chambre fédérale et les sections internationales de Paris
ont résolu de faire ensemble un manifeste antiplébiscitaire.
(V Nous protestons contre l'Empire en particulier et en général
ET LE JACOBINISME. 77
contre toutes individualités qui croiraient pouvoir s'arroger le
droit de poser des questions au peuple souverain sans lui [per-
mettre de les discuter. Nous revendiquons la souveraineté ab-
solue du peuple, le gouvernement direct par le peuple.
« Nous affirmons la République sociale universelle. Nous pro-
testons contre le plébiscite et contre son résultat, ((ucl qu'il soit,
et nous recommandons à tous nos frères travailleurs l'absten-
tion sous toutes les formes. »
Les ouvriers de Rouen n'avaient pas attendu ces instructions
pour se mettre à l'œuvre. Déjà dans une séance tenue, le
13 avril, par le comité du cercle elbeuvicn, il avait été décidé
que l'on s'entretiendrait de la question du plébiscite avec la fé-
dération rouennaise et avec celle de Paris, afin d'être édifié sur
la marche qu'auraient à suivre les socialistes fédérés d'Elbœuf
et des environs, dans le futur vote du plébiscite. Le 24, le cer-
cle fédéré d'Elbœuf se constituait en comité antiplébiscitaire ;
Piéton, l'un de ses membres, était chargé d'informer Aubry de
ce résultat.
A son tour la fédération rouennaise, imitant l'exemple de sa
sœur de Paris, publiait un manifeste antiplébiscitaire : il a été
reproduit dans la Hé forme sociale du 1" mai.
La section de Lyon obéit, elle aussi, aux mêmes préoccupations :
elle organise pour le 8 mai, jour du plébiscite, une assemblée
générale publique de tous les adhérents et de tous les hommes
de bonne volonté afin de protester solennellement et pacifique-
ment contre la comédie plébiscitaire à laquelle on a f audace de
convier les ouvriers, absolument comme s'il s'ajissait d'une
chose qui les intéresse *.
A Marseille, même débordement des passions révolution-
naires : un comité républicain socialiste dans lequel nous voyons
figurer bon nombre de membres de l'Internationale et organisé
probablement sous ses auspices, lance une proclamation à l'ar-
mée. Il n'est pas sans intérêt de reproduire ce document. Nous
retrouverons plus tard quelques-uns des signataires parmi les
émeutiers du mois d'avril 1871.
« Nous reproduisons à la fin du volume (pièce N), la déclaration publiée à ce
sujet par ia fédération lyonnaise dans le Progrès de Lyon du 24 avril 1870.
78 L'INTERNATIONALE
LE COMITE RÉPUBLICAIN SOCIALISTE
DES BOUCHES-DU-RHONE •
A l'armée.
a Soldats,
« L'heure est venue pour vous de faire connaître le sentiment
patriotique qui vous anime, de démontrer, qu'appartenant à la
grande famille humaine, vous en avez les aspirations *.
« Jusqu'à ce jour on vous a traités en ilotes, en parias.
« Vous présentiez-vous dans une réunion publique, pour
former votre éducation politique, l'on vous condamnait à
expier vos généreux sentiments dans les compagnies discipli-
naires.
« Vous qui payez plus que personne, puisque vous payez l'im-
pôt du sang, vous n'avez pas seulement votre droit de citoyens ;
on vous encaserne, on vous enrégimente, on vous isole de la
société pour que vous la preniez en dégoût, pour que, au besoin,
vous puissiez sévir contre elle.
« Vous sortez de son sein et, par métier, vous devez la haïr.
« Les personnes les plus chères, vos pères, vos mères, vos
frères, vos sœurs, vos fiancées, sont là qui soupirent après vo- '
tre retour au foyer domestique, et, sur l'ordre d'une puissance
occulte, vous avez parfois, quand l'intérêt politique de certains
personnages l'exige, à sévir contre eux.
« C'est bien triste, et certes vous devez, tout les premiers,
sentir l'ignominie de cette situation dégradante.
« A qui et à quoi devez-vous cette fausse situation ?
« N'est-ce pas à l'Empire?
« N'est-ce pas à cette forme despotique d'un gouvernement
condamné par tout ce qu'il y a de généreux et de viril dans
notre génération?
« On vous mène comme des troupeaux à la boucherie, non
» Dans les premiers mois de 1870, des tentatives de corruption étaient pra-
tiquées à l'égard de la garnis(5n de Marseille.
ET LE JACOBINISME. 79
pour défendre une idée ou le drapeau national, mais pour ser-
vir à de mesquines et criminelles ambitions.
« Souvenez-vous du Mexique et de Montana. Et la Ricamarie
et Aubin, ces deux expéditions fratricides, ne sont-elles pas une
tache indélébile pesant comme un remords sur vos cœurs fran-
çais?
« Citoyens soldats, vous refuserez votre appui à cet ordre de
choses qui a cherché à vous humiher et à vous déshonorer.
Vous trouverez assez de patriotisme dans votre cœur pour pro-
tester contre cet Empire que vos frères condamnent.
« VOTEZ NON ; votez inconstitutionnellement ; votez par bul-
letin blanc : toutes les formes de protestation sont bonnes ; mais
il ne faut pas que le monde, qui nous observe anxieusement,
puisse dire que l'armée française, qui a donné tant de preuves
de courage, a manqué de dévouement civique.
tt Le comité républicain socialiste :
a J.-A TARDIF ; GENSOUL ; ETIENNE ; H. GHACHUAT ;
GAYET ; GUICHARD ; VITEL ; VIAL; MAIREL; BER-
GERONT; Charles DANTOINE ; GAVARD ; COMBES.
ROURE ; DELVACQUEZ ; GRANIER ; MASSE ; DARDE ;
BARTHELEMY. »
En présence des agissements de l'Internationale, de ses ré-
criminations violentes et de ses excitations audacieuses, le gou-
vernement, qui par sa police en connaissait toutes les menées et
tous les projets, crut devoir mettre un terme à la tolérance dont
il avait fait preuve jusqu'alors. Il essaya de conjurer le danger
dont une pareille association semblait menacer son existence et
celle de la société. On venait d'ailleurs de découvrir le complot
des bombes et de saisir tous les fils d'une vaste conspiration
organisée par le parti révolutionnaire.
L'Internationale, dont quelques membres s'étaient trouvés,
ainsi que nous le verrons plus loin, mêlés aux agitateurs renvoyés
plus tard devant la haute cour de Blois, devint l'objet de nou-
velles poursuites et l'ordre fut donné d'en arrêter les chefs à
Paris et dans toutes les autres villes.
80 L'INTERNATIONAL!-:
II
POURSUITES CONTRE l'iNTERNATIONALE. — DÉPÊCHES DU MINISTRE DE
LA JUSTICE A TOUS LES PROCUREURS GENERAUX. — SES CHEFS
SONT ARRÊTÉS A PARIS, LYON, NEUVILLE (rHONE), SAINT-ÉTIENNE,
ROUEN, MARSEILLE, BREST, SAINT-QUENTIN, REIMS, ETC. — PRO-
TESTATIONS DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LONDRES, DES SECTIONS BELGES
ET FRANÇAISES, CONTRE CES ARRESTATIONS ET CONTRE LA DECOU-
VERTE DU PRÉTENDU COMPLOT.
Dans la matinée du 30 avril, les deux dépêches suivantes au
chiffre de l'administration étaient adressées à tous les procu-
reurs généraux par le ministre de la justice, Ollivier :
« Arrêtez sur-le-champ tous les individus qui dirigent l'In-
ternationale. Nous les poui'suivons à Paris. La situation devient
grave. »
Autre dépêche chiffrée :
« Justice à tous les procureurs généraux.
« J'ai ordonné cette nuit l'arrestation de tous les individus qui
constituent l'Internationale. Si cette société a des ramifications
parmi vous, arrêtez les affihés.
« Emile OLLIVIER. »
En vertu de ces instructions et d'autres du même genre trans-
mises les jours suivants *, de nombreuses arrestations furent
opérées, principalement à Paris et à Lyon. Voici les noms de
tous les individus arrêtés^ avec la date de leur arrestation et la
durée de leur détention préventive.
A Lyon : Ghol (30 avril-19 mai) ; Bourseau (idem) ; Blanc (idem);
Marmonnier (idem) ; Doublé (30 avril-14 mai) ; Bret (idem) ;
PuUiat (idem) ; Martin Arthur (idem) ; Deville (idem) ; Palix
(30 avril-25 mai) ; Pdchard (idem) ; Michallet (30 aviil-5 mai) ;
Garnier (2 mai-5 mai) ; Martin Louis (2 mai-25 mai) ; Gevelinge
(3 mai-10 mai) ; Vallot (4 mai-5 mai) ; Vernaz (7 mai-idem) ;
1 Voir documents justificatifs, pièce 0.
r;T i.K .lAcuniMsMi.. si
liciiuvoii- (7 iiiai-li niai); Duinarllieray (7 iiiai-2,"> mai); Vizof.
(7 mai-7 mai); Diipuis (15 mai-i7 mai); Gliarvet ;20 juil-
lcl-::iô juillcL); Tacnsscl (ideiii; ; Busqué (itleiu).
A A'cuvilIc-sur-Situnc (Rliôue) : Momnier ^5 mai-7 mai) ; Nal-
liod (idem).
.1 Suinl-Elicnne : Dupin (5 mai-23 mai) ; Dumas (idem) ; Délaye
(idem) * ; Bcryer et Philibert.
Ail (Ircuzot : Assi, arrêté le 1"=' mai, transféré à Paris le 7 du
même mois, le juge d'instruction d'Autun s'élant dessaisi de la
poursuite en faveur de son collègue de la Seine.
A Dijon : Focillon (10 mai-il mai).
. l I\u'i!i : Avrial (30 avril) ; Germain Casse (idem) ; Gollot(idem) J
Frau([uiii (idem); Dugau(}uié (idem); Flahaut (idem) ; Héligon
(idem) ; Johannard (30 avril-22 juin) ; Landeck (idem) ; Malon
(30 avril-22 juin); Murât (idem) ; Pindy (idem) ; Theiz (30 avril) ;
Rocher (idem) ; Robin (12 juin) ; Langevin (idem).
^l Rouen : Aubry (2 mai- H mai).
A Miirscillc : Combes (3 mai-9 mai) ; Cliachuat; Gayet.
A />i'(,vs/ .- Ledoré Constant (3 mai-7 juin) ; Plouzané ii mai-
7 juin) ; Ledoré Joseph (5 mai-7 juin) ; Plouzané Victor (5 mai-
7 juin) ; Tréguer (10 mai-7 juin) ; MoaHc (11 mai-7 juin).
A Cannes : Alerini, gérant du Rappel do Provence, secré-
taire correspondant et fondateur de la section de Bnrcclonnette
(20mai-16 juini.
A Suint-Qiienlin : Sauvageot [2 mai-21 mai) -.
Ces poursuites servirent de prétexte à de nombreuses récrimi-
nations : tous les organes du parti républicain répétèrent à sa-
tiété ({ue c'était une manœuvre électorale : que ce prétendu
complot dans lequel on voulait impliquer les membres de l'Inter-
nationale n'avait jamais existé et que c'était une invention de la
police. On n'a pas oublié qu'à cette épocjue la police était devenue
le bouc émissaire de toutes les émeutes.
Le conseil général s'émut le premier des persécutions exer-
• Ces liois inculpés a\;ùeiil éti- Uansl'érés à Lyon le '±0 mai, le juge d'in-
struction (le Saint-Etienne s'étanl dessaisi de la poursuite en faveur de son col-
lègue de Lyon.
- On se rappelle que larreslation de cet individu causa une véritable émeute
à Saint-Quentin.
32 L'IiNTERiNATIONALE
cées contre « ses frères de France » : il convoqua un meeting à
Londres, et jiar un manifeste publié le i mai et adressé à tous
les correspondants, il protesta hautement contre les mesures de
violence prises contre les sections françaises et contre les accu-
sations « insensées » portées contre l'Internationale. Nous
croyons devoir reproduire ce document; nous le trouvons in-
séré dans le journal l'EgaUlé (numéro du 14 mai).
CONSEIL GÉ.>'ÉKAL DE l'aSSOCIATION INTEKi\AT10NALE DES THAVAILLEURS.
2o6, High Holborn, Londres.
AUX membres de rAssociation internationale des travailleurs.
a A l'occasion du dernier soi-disant complot, le gouvernement
français a fait arrêter plusieurs membres des sections de Paris
et de Lyon, et insinué dans ses journaux que l'Association in-
ternationale des travailleurs est la complice do ce soi-disant
complot.
«c D'après nos statuts, c'est certainement la mission spéciale de
toutes nos branches, en Angleterre, aux États-Unis et sur le
continent, d'agir non-seulement comme centres de l'organisation
militante de la classe ouvrière, mais aussi d'aider dans leurs
différents pays tous les mouvements politiques, qui peuvent
servir de moyens pour l'accomplissement de notre but suprême,
c'est-à-dire l'émancipation économique du prolétariat. En même
temps ces statuts obligent -toutes les sections de notre asso-
ciation d'agir au grand jour. Si ces statuts n'étaient pas formels
sur ce point-là, la nature môme d'une association identifiée à la
classe ouvrière exclurait de son sein toute idée de société se-
crète. Si la classe ouvrière, qui forme la grande masse des na-
tions, qui crée toutes les richesses et au nom de laquelle tout
pouvoir même usurpateur prétend régner, conspire, elle con-
spire publiquement, comme le soleil contre les ténèbres.
a En bonne conscience, en dehors d'elle il n'y a pas de pou-
voir légitime.
« Si les autres incidents du complot dénoncé par le gouver-
ET LE JACOUINIbME. 83
nement français sont aussi faux et aussi dénués do. fondement
que ses insinuations coulro l'Association internationale, ce der-
nier complot se rangera dignement auprès de ses deux prédé-
cesseurs, do ridicule mémoire. Les mesures violentes prises
contre nos sections françaises ne sont évidemment ({ue dos
manœuvres ù f intérieur de la politi(jue plohiscilaivc.
« Londres, 4 mai 1870.
« Au nom et par ordre du conseil général de l'Association
internationale des travailleurs :
« R. APPLEGART, président de la séance; A. SERRAIL-
LER, secrétaire pour la Belgiijue et secrétaire suppléant
pour l'Espagne ; G. COHEN, secrétaire pour le Dane-
mark; E.DUPONT, secrétaire pour la France ;J. AGOSSA,
secrétaire pour l'Italie; Karl MARX, secrétaire pour l'Al-
lemagne ; A. ZABIZKI , secrétaire pour la Pologne ;
H. JUNG, secrétaire pour la Suisse ; J.-G. EGCARIUS,
secrétaire pour le conseil général et les Etats-Unis ;
G. HARRIS, B. LUGRAFT, J. MOTTERSHEAD, mem-
bres du comité linancier; J. BORRA, J. HALES, W. RA-
LES, F. LESNER, ODGER, J. WESTON, G. MURRAY,
W. TOWESEND, J. RUHL, Karl PFENDER, G. MIL-
NER, membres du conseil général de l'Association inter-
nationale *. »
Signalons que, dans un banquet de l'Internationale qui eut lieu
à Londres le 3 mai, le président, après avoir réclamé le si-
lence, annonçait qu'on venait de lui remettre une unie dans la-
quelle on priait le citoyen Flourens de vouloir bien faire con-
naître s'il était pour quelque chose dans la récente affaire du
complot; ce dernier répondait, aux applaudissements de tous
les assistants : <> La situation est trop grave en ce moment-ci.
Je ne puis rien dire de ce qui se fait à Paris. Je n'en ai pas le
» Ce manifeste, qui suffirait à lui seul pour établir d'une manière irrécusa-
ble le rôle politique de rinternationalo, a- été reproduit dans la Marseillaise
du 7 mai, avec celte mention : Pour copie conforme, Eugène Dupont, secré-
taire correspondant pvur la France. Serrailler remplissait les functions de
secrétaire suppléant pour l'Espaiinc pendant l'absence du iilulaire, Paul
Lafargue, dont nous avons déjà signale la présence à Paris.
84' L'INTERNATIONALE
droit, et vous devez comprendre toute la réserve qui m'est im-
posée. Le doigt sur la bouche, je suis forcé de me taire. Mais
patience et courage, le triomple est à nous ! »
A son tour, le go.\seil (}émîual uklge publiait le manifeste
suivant * :
Aux membres français de l'Association internationale des tra-
vailleurs.
Association internationale
des travailleurs, conseil
général belge.
tt Compagnons!
« Pour la troisième l'ois depuis trois ans, les membres de
l'Internationale sont en butte aux persécutions du gouverne-
ment français. Cette lois la persécution est plus violente que
jamais et s'étend d'un bout de la France à l'autre : il semble
qu'à l'exemple des soi-disant républicains de 48, le gouverne-
ment soit décidé à en finir avec le socialisme.
a Car les gouvernements en sont là ; aveugles et sourds
volontaires, ils n'ont jamais rien compris à leur époque.
« Il y a quatre-vingts ans, alors qu'après des siècles d'oppres-
sion et de misère, les déshérités de l'Europe entière frémis-
saient d'impatience sous le joug, alors que l'ancien régime
vermoulu craquait de toutes parts, quelle était la pensée de
Louis XVI en convoquant les états généraux ? Se rendait-il
compte de la situation périlleuse de la monarchie et de l'épuise-
ment de ses ressources? Appelait-il les députés de la nation
pour s'entourer de leurs lumières dans ces moments difficiles ?
Pas du tout, il convoquait les états généraux pour aviser
aux moyens de combler les vides de ses coffres que la misère
croissante du pays menaçait délaisser à sec.
« A quatre -vingts ans de distance, nous nous retrouvons
dans la même position. Cependant la Révolution a bien accom-
pli son œuvre, elle a bien détruit sans remèdes les privilèges,
* Ce manifcslc, ropioduil dans loiis le? journaux de ïlnlernatwnalc, a él-j
inséré clans la Marseillaise du 17 mai.
HT l.h .1 \c.('i:l MtrMi;. s:,
elle a bien aboi» le servage ; mais se contentant de proclamer
la liberté et laissant fleurir l'inégalité, elle a laissé la porte ou-
verte à tous les abus du monde ancien. Une nouvelle noblesse
s'est installée à la place de l'ancienne : c'est la bancocratie ; et
à l'ancien servage, il s'en est substitué /un nouveau, le servage
industriel.
« Et les mêmes causes produisent les mêmes effets : comme il
y a quatre-vingts ans, les déshérités murmurent, les plaies de la
société apparaissent béantes et réclament un remède énergi-
que;
a Et, comme il y a quatre-vingts ans, le gouvernement ne
comprend rien à ce qui se passe, et, de môme que Louis XVI
demandait des écus à ceux qui réclamaient le redressement des
griefs, Napoléon III, à la nation tout entière qui proteste
contre l'iniquité de l'état actuel, répond en implorant un vote de
confiance.
« Si des voix nombreuses s'élèventet disent : « Qu'avons-nous à
faire de vos appels à la confiance ? Qu'entendez-vous par les
clameurs des déshérités ? Nous avons à préparer la grande
œuvre de la génération sociale : que nous importent vos change-
ments de ministères 1 » le gouvernement crie : « Vous êtes des
factieux ! » et il fait emprisonner ceux qui protestent, puis il se
dit : « Nous avons fait aujourd'hui bonne besogne, nous avons
supprimé le socialisme. »
a Ainsi, pour ces aveugles volontaires, la question sociale se
réduit à une question de personnes, et, en supprimant ceux qui
protestent, ils croient avoir délruil la cause des protestations.
Pourquoi ne pas déclarer par décret que la misère et les injus-
tices sociales sont supprimées à partir de ce jour"?
« Que viennent-ils nous parler de complot? Nous ne connais-
sons fju'un grand complot, nous, c'est le complot de tous les
grands affamenrs du peuple, delà haute banque, de la grande
industrie, de la grande propriété ; s'il y a des perturbations dans
la société actuelle, c'est à ce complot que l'on peut les rattacher.
Ses ramifications sont tellement vastes qu'il mettrait sur les
dents des milliers de procureurs : aussi n'est-ce pas trop, pour
l'instruire, des millions de déshérités qui en sont les victimes.
« Les accusés songent à A^ire dii^pnraîfrp leiu's juges ; mais
86 L'INTERNATIONALE
ce ne sont pas quelques individus, ce sont des millions qu'il
faudra frapper ; car le temps des personnalités est passé : ce
sont les masses mêmes qui se mettent en mouvement, et à ces
flots, pas plus qu'à ceux de la mer, nul no peutdire : Vous
n'irez pas plus loin.
« Aussi, compagnons, si nous souffrons de voir quelques-uns
de nos amis emprisonnés et sous le coup d'une accusation ab-
surde, nous ne doutons pas de vous et nous ne désespérons
pas de la causedu peuple en France : au contraire, nous croyons
à l'efficacité puissante de la persécution pour le triomphe des
persécutés.
« Honnie, bafouée, emprisonnée, fusillée, l'Association mter-
nationale des travailleurs grandit tous les jours.
« Après chaque nouvelle épreuve, elle apparaît de plus en plus
aux malheureux battus par la tempête comme le phare indiquant
le port du salut : les travailleurs opprimés n'ont plus confiance
qu'en elle, et, tout dernièrement encore, les ouvriers du Creuzot,
vaincus dans une lutte inégale, ne déclaraient-ils pas, avant de
reprendre le joug, que leur unique espoir de salut est : l'Asso-
ciation internationale !
« Ainsi, courage, frères et amis, vous êtes dans la voie de la
délivrance, suivez votre chemin, malgré toutes les entraves.
Ensemble nous lutterons, ensemble bientôt, nous en avons le
ferme espoir, nous entonnerons le champ du triomphe. »
« Salut et fraternité.
« Bruxelles le 7 mai 1870.
« Pour le conseil général belge de l'Associai ion internationale
des travailleurs :
a Les membres présents à la séance : G. BRASSEUR ; D. BRIS-
xMÉE; G. DE PAEPE; V.-P. HERREBOUUT; E. KIXS ' ;
R. SPINGLARD. »
Pendant que le conseil central de Londres et le conseil géné-
ral belge élevaient ainsi la voix pour affirmer que Tlnternatio-
nalo défiait toute persécution, le conseil fédéual parisien, pre-
» Eujîène Hins exprimait les mêmes sentiments dans une lettre écrite,
le 5 mai, au nouveau ronespondanl de la section lyonnaise, le citoyen Char-
ET LK JACOBINISME. 87
liant prétexte des accusations portées contre cette association
par laprossp vvnalo, se déclarait en conspiration permanente
et contre le gouvernement et contre la société actuelle. Nous
livrons à l'appréciation de nos lecteursla déclaration qu'il faisait
insérer, le 5 mai, dans le journal la Marseillaise et qui est re-
produite dans V Internationale du 8 mai ; voici dans quels termes
virulents elle était rédii,''ée :
« Le conseil fédéral parisien de l'Association internationale
des travailleurs donne un démenti formel aux accusations et aux
insinuations des journaux officieux.
« Il est faux que l'Internationale soit pour quelque chose dans
le nouveau complot, qui n'a sans doute pas plus de réalité que
les inventions précédentes du même genre.
« L'Internationale sait trop que les souffrances de toutes
sortes qu'endure le prolétariat tiennent bien plus à l'état écono-
mique actuel qu'au despotisme accidentel de quelques faiseurs
de coups d'État, pour perdre son temps à rêver la suppression
de l'un d'eux.
« L'Association internationale des travailleurs, conspiration
permanente de tons les opprimés et de tous les exploités, exis-
tera, malgré d'impuissantes persécutions contre les soi-disant
vet, appelé à remplir ses fonctions pendant la détention d'Albert Richard ; nous
possédons l'autographe de cette lettre :
a Bruxelles 5 mai 1870.
« Compagnon Char\et,
« Les arrestations de Lyon ne sont pas un fait isolé : des arrestations
analogues ont été opérées dans toute la France. Ces arrestations ne sont
rien qu'une manœuvre plébiscitaire, car il serait difficile de soutenir que
l'inlernalionale soit pour quelque chose dans un complot quelconque, ses
actes ayant toujours eu lieu au grand jour et l'Internationale n'ayant ja-
mais fait m5'stère de ses doctrines. C'est ce qui la rend incompréhensible.
iNulle puissance humaine ne pourra jamais empêcher les ouvriers de se réunir
et de mettre en commun leurs misères pour en faire ressortir la régénération
sociale.
« Dites-bien à nos amis de Lyon, que tout en déplorant les contrariétés qui
les atteignent, nous sommes sans inquiétude sur l'existence de l'association
en France et sur le triomphe de nos idées. {Suit la liste des adresses de tous
les correspondants de l'Internationale en Europe )... Dans l'espérance que la
section de Lyon sortira plus forte de ses épreuves actuelles,
a Salut et fraternité,
« E. Hins. »
SN i.'i X'i'i:iix A rioXAij',
(Miofs, tiiut ([110 ii'aufuitl pas tlisjjiiru lotis los oxploileurs, capi-
talistes, prêtres et aventuriers politiques.
« 2 mai 1870.
K Pour le conseil fédéral,
« Les membres présents : ANSEL, BERTHOxMlEU, BERTIX,
BOYER, GHAILLOU, ClIALAIN, ClIAUDEY , GIRODE,
GOMBAULT, DAMBRUN, DELAGOUR, DUPONT, DU-
RAND, DURIEUX, DUVAL, FOURNAISE, FRANKEL,
FRANQUIN, GIOT, HAUGKE,LANGEVIN, MALEZIEUX,
MINGOLD, MARRET, MÉNARD, PAGNERRE, PORTA-
LIER, REYNIER, RIVIÈRE, ROBIN, ROGHAT K »
Un pareil manifeste se passe de tout commentaire : il donuo
la mesure exacte destendanceset des projets de l'Internationale.
Indépendamment de ces protestations collectives, de nombreu-
ses protestations individuelles se produisirent ; l'on vit même
à Paris quelques corporations adhérer à l'Internationale en signe
de protestation : témoin la chambre syndicale des tourneurs
sur métaux et la Société de résistance des ouvriers fer-
blantiers -.
Parmi ces protestations individuelles nous devons citer celles
de la citoyenne André Léo, de la citoyenne Paule Minck et du
citoyen Irénée Dauthier, de Paris ^.
A Lyon, où. la commission fédérale tout entière a été empri-
sonnée, une nouvelle commission est nommée dans une réu-
nion tenue, le 6 mai, au cercle des serruriers, rue Belle-Gor-
dière, 26, sous la présidence deDumartheray. Un manifeste est
aussitôt rédigé : nous le trouvons reproduit dans VKclairenr
de Saint -FAicnne du 5 mai.
» Rachat fait actnelleinent partie du conseil central de Londres. Delacour
vient d'être condamné, le 28 octobre 1871, par le 3» conseil de guerre séant
;'i Versailles, à h\ déportation dans une encp in le fortifiée, fionr avoir pris une
jiart active à l'insurrection du 18 mars.
•- Nous reproduisons à la Un du volume, pièce P, les actes d'adhésion de
ces deux corporations, insérés dans la Mnrxeillnise du 7 mai 1870.
^ Ces diverses protestations figurent parmi les pièces et documents justifi-
catifs, pièce Q.
i:r m; .i acoiu m smk. 8'.)
La fédération ouvrière à tous les travailleurs.
Section iiiloinational(! lyonnaise.
« Les intérêts do l'Empire étant l'absorption des nôtres, nous
avions arrête une assemblée générale, pom'le jour du plébiscite,
en faveur des victimes du Greuzot, où nous devions nous af-
llrmer publiquement, en démontrant que le socialisme, dont les
ennemis de la société font un épouvantait à leur profit, n'est que
l'application du droit commun ; mais, semblable à un agonisant
qui craint la lumière, le pouvoir a répondu à la déclaration de
réunion légale par l'emprisonnement de la commission fédérale.
« Bien que cet acte inique soit digne du moyen Age, nous
nous demandons si, devant les bommes du 2 décembre qui vio-
lent la loi au lieu de l'exécuter, il ne vaut pas mieux y répondre
par un souverain mépris, en passant outre, que de protester
inutilement.
K Dans tous les cas, nous déclarons que nous soutiendrons éner-
giquement cette lutte du droit contre la force Ijrutale, tant qu'il
y aura un d'entre nous cpii ne sera pas embastillé.
« Nous invitons tous les travailleurs qui ne sont pas encore en
fédération à s'organiser et à nous envoyer leurs délégués sans
crainte, c'est leur droit et leur devoir.
« Nous les prions aussi, au nom de la solidarité qu inous unit,
d'ouvrir une souscription pour les familles de nos amis, victi-
mes de l'arbitraire et du pouvoir.
« Pour la commission fédérale emprisonnée :
« Ui.YSSE VIZOT, rue Grenette, 27 ; Narcisse BAR-
RET, rue Masséna, 20. »
Cette attitude des internationaux lyonnais leur valut les féli-
citations de Guillaume, deNeuchâtel : « Amis de Lyon, leur écri-
vait-il le 5 mai, ne perdez pas courage; c'est le moment de se
montrer fermes. En reconstituant immédiatement une nouvelle
commission, vous avez prouvé que vous êtes des hommes dignes
no l.'I NTF.RNATIONALK
de tenir le drapeau ûo l'Internationale. Nous sommes avec vous
(le cœm' en attendant le moment, peut-être prochain, où nous
pourrons vous aider d'une autre manière. Voici les adresses des
correspondants : Poiu' le conseil général, M. llermann Jung;
pour la Belgique, Eugène IIins,ruo des Alexions, 13, à Bruxel-
les; pour l'Espagne. M. G. Sentinôn, rue Giralt-PcUicer, 5 piso
2» Barcelone; pour Genève, Charles Perron, rue du Cendrier, 8.
Si vous voulez écrire au conseil fédéral parisien, adressez votre
lettre ainsi : Mademoiselle Delasalle, rue Monge, 95.
« Des amis (jui sont arrivés hier de Paris m'ont affirmé qu'on
s'attend à un mouvement à Paris pour le jour du vote, dimanche.
K Votre dévoué,
« James GUILLAUME. .
A SAmï-ÉTiEMVE, dans une réunion privée antiplébiscitaire
tenue, le 4 mai, rue de la Pareille, sous la présidence du nommé
Durif, le citoyen Duvand Adrien , rédacteur de V Eclaireur de
Saint-Ktienne, blâmait énergiquement l'arrestation, quelques
jours avant le plébiscite, des membres de l'Internationale. Il
voyait, disait-il, dans ce fait, une nouvelle manœuvre destinée
à frapper l'imagination du public.
A Rouen, la fédération ouvrière proteste contre l'arrestation
de son secrétaire, Aubry, et contre l'emprisonnement des vail-
lants défenseurs de la démocratie socialiste. Bien que cette pro-
testation soit dans le même goût que toutes les autres, nous
croyons devoir la reproduire à titre de document.
Protestation de la fédération ouvrière de Rouen.
« Travailleurs,
« Après l'emprisonnement des principaux défenseurs de la dé-
mocratie socialiste, de nos frères parisiens écroués à Mazas,
sous la plaisante et fallacieuse prévention de participation à une
société illicite, c'est-à-dire comme membres de VAssociafion in-
F.T I.K JACORINISME. 91
IcnialionaJ'' des Iravuilhurs^ nous avons hi séqueslralion de
notre ami Anbry, secrrtaii'c de la fédéralion ouvi-ir're de l'arron-
dissemenl de Fiouen et rédacteur-directeur de la Réforme sociale.
« Rien de plus juste, selon M. OUivier, ministre de la justice,
qui prend le droit de les faire arrêter. Mais sont-ils coupables ?
M. le ministre a-t-il des motifs sérieux, graves, importants, pour
les priver du bien le plus cher à leur co-nr : delà liberté?
A-t-il oublié qu'ils ne sont jioint des ])erturbateurs, des anar-
cliistes, des hommes de i)arti, mais bien des travailleurs, vou-
lant pour tous Lihcrlé, Justice, Fralernité ? A-t-il oublié qu'ils
laissent chez eux des femmes, des vieillards, des enfants sans
soutien, sans argent, sans pain ? A-t-il oubUé qu'un article des
déclarations des droits de l'homme et du citoyen nous apprend
qu'il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses
membres est opprimé, et qu'il y a oppression contre chaque
membre lorsque le corps social est opprimé? A-t-il oublié que
la vraie liberté est un droit inaliénable et qu'il n'y a que l'injus-
tice et la violence qui puissent en dépouiller l'homme social ?
« Eh bien! oui, M. E. OUivier, ministre de la justice, paraît
oublier, ignorer que les prolétaires incarcérés, nos amis en un
mot, ne sont pas coupables et qu'il n'y a point de motifs pour les
priver de leur liberté ! Oui, M. le garde des sceaux paraît igno-
rer que M. OUivier, député, conseillait, il y a deux ans, aux mem-
bres de la fédération ouvrière, de réclamer hautement leurs
droits, ce qu'ils se sont empressés de faire, avec l'assentiment
de l'autorité locale, et ce que font tous ceux qui vivent en travail-
lant, comme l'indiquent clairement les statuts de la fédération,
considérant : que l'émancipation des travailleurs doit être l'œu-
vre des travailleurs eux-mêmes, que les efforts des travailleurs
pour conquérir leur émancipation ne doivent pas tendre à con-
stituer de nouveaux privilèges, mais établir pour tous les mêmes
droits et les mêmes devoirs ! Oui, oui, M. OUivier paraît ignorer
que la liberté est un droit inaliénable et que nous ne sommes
point des anarchistes, qui désirent remplacer une dynastie par
une autre.
a Aussi est-ce au nom de la politique socialiste, qui ne veut
que le triomphe des trois grandes lois de la société, le Travail,
la Science, la Justice, que nous protestons contre l'arrestation
9:2 L ' l X T F I i X A T I n X A 1 . ]■:
illryiile de iiotro auii i'^. Auhry cL nos livi-es do l'Inlpriialionalo.
a WOLF, rédacteur de la Réforme sociale.
« Pour la fndêrnlion onrrSrre , les membres présents :
D. FRISTCII, J. NEVEUX, J. MOUXE, HARDY, HAL-
LOT, SCHRUB, II. BAILLEMONT, DEHAYES, HOUF-
SEAUX, LfEUGARD , AUVRAV, DUCLOS, DAMAS,
J. TUVÉE, G. TUVÉE, BLOT, LEGLERC, VIMONT aîné,
HAREXG, RIGAULT, LOUVET , GIIOQUET, GILET,
D. FOUET, D. VÉRITÉ jeune, T. PERREY, TASSU,
A. RINGWAL, A. BIONVAL, MAISONNEUVE, BERTIN,
J. BOULARD, CREUZOT, F. BONS, A. GAVELIER, L. SI-
MON , P. LEFEBVRE, L. L'HERMITE, BELLELLE,
E. VÉRITÉ fils, VERNAGH, A. JULLIEN, JACOB, E. SA-
VAL, L. JULLIEN, P. JULLIEN, SENARD, DUVAL, LE-
PAGE, A. JULLIEN, DUQUESNE, GROULT, SA VAL,
xTAJOU, CHALLOT, FILLEUX, LAINE, H.-P. FERET,
J. RENÉ, F. PORCHER, L. MOUTIER, A. POIROT,
E. SERGENT, G. GROULT, DUPRÉ, P. MAGLAIR, L. SI-
MON, R. LEBLOND, C. LECLAIR, A. PINEL, D. HUTT,
LEFRANGOIS, MULET père, AUVRAY père, MULET fils,
LETEURTRE, F. GIRARD, Philippe WALINSKI , RE-
NAULT, FLEUTRY, PAUTOT, DESORMÈRE, PAQUES,
C. DAMER, BOULANGER, THOMAS, COLLET, H. DE-
LAMARE, A. ADELINE, MULLET, PIÉTON. »
La chambre fédérale de Marseille réclamait aussi contre l'in-
vasion i)olicière dont le local de ses séances avait été l'objet :
elle s'étonnait des poursuites dirigées contre ses membres et
proclamait hautement qu'elle était demeurée fidèle an principe
qui avait préside à sa création. Nous savons comment Bastelica,
son chef, entendait ce principe. Voici dans quels termes était
conçue sa protestation :
Chambre fédérale du travail de Marseille.
Séance du 10 mai.
■ La chambre fédérale, fondée depuis près d'un an en vue de
favoriser l'émancipation de la classe ouvrière, ne s'est jamais
entourée de mvstère.
1;T I.E 0 ACOBiMsjMi-;. 03
♦• Elle a toujours tenu ses réunions dans le lieu ordiiiaue de
ses séances, portes et ïonôtres grandement ouvertes.
a Fidèle au principe qui a présidé à sa création, elle ne s'est
jamais occupée que des questions purement de travail, laissant
de côté toute politique.
Œ Prolbndément pénétrée.' de ba iiiissiou, elle poursuivait son
œuvre en toute sécurité.
« Ne faisant rien qui no lut avoiiaJjie au grand jour, elle était
loin de s'attendre à celte invasion policière qui a eu lieu à son
siég'e, dans la matinée de mardi dernier.
œ On s'est livré à une vraie scène de vandalisme, on a brisé
tous nos meubles, on a emporté tous nos livres, nos registres,
nos })rocès-verbaux , on a emprisonné notre secrétaire, le
citoyen Combe, on a saisi notre argent et pourquoi tout cela?
Nous l'ignorons.
œ Forts de notre droit, de notre innocence, nous protestons de
toutes nos IbrcGS contre cet acte arbitraire (|ue rien ne justifie.
a Oui, avec toute l' énergie que nous puisons dans notre
honnêteté, dans la justice de notre cause, nous disons : Si l'on
nous croit coupables, que l'on sévisse contre nous ; mais si
l'on n'a rien à nous reprocher, que l'on nous restitue tous nos
objets que l'on détient aussi injustement qu'on nous les a saisis.
« Le secrétaire, COMBE, vernisseur , en liberté provisoire ;
Auguste FONTE, charron; CIIAVE, menuisier; Frédéric
BORDE ; PAGINI, tapissier ; Antoine DURAND, chargeur ;
Joseph BLANC, paveur ; BONNEFOY, paveur ; ROMAIN,
doreur sur métaux ; MASSOL, marin ; L. ADAM, maçon ;
BONIFAY, serrurier ; BORDE, peintre ; ARIÉS, peintre ;
GANDOPIÎE, cordonnier; BERNARD, cordonnier; BAR-
DEE, marbrier; Henri VENEL, marbrier; GAFFAS, bou-
chomiier ; Barthélémy FABRE, bouchonnier: Jean-Baptiste
SIMARD, chaisier; HERMITTE, lithographe ; E. POLETTl,
employé. » {Marseillaise, 17 mai 1870 K)
• Nous devons faire remarquer que tous ces sif^uataires, dél6j,'ués de leurs
corporations respectives auprès de la cliambrc fédérale, nièrent énerdquemeiU
leur affiliation à rinternalionalc- Nous verrons plus loin qu'au mois de sep-
leminc 1870 quelques-uns d'entre eux affichèrent leur titre de membre de
VlnlenuUiunalr.
94 L'INTERNATIONALE
Au moment où tous ces manifestes étaient lancés, les jour-
naux de l'Internationale, et notamment VKgalilé (numéro du
7 mai) et ÏJnlornalionale (numéro du 8 mai), s'égayaient à
l'cnA'i sur le comjjto du ministre OUivior et le félicitaient
hautement de l'excellente occasion qu'il venait de leur offrir de
faire publiquement le procrs à la société actuelle. « Bravo,
Ollivier! a lui disait la première de ces feuilles... Tu as l'éussi
a être trois fois plus canaille que Boulier. Bonaparte est si con-
tent de lui, qu'il n'entend plus désormais être servi que par
des renéc/ats. »
L'article continue sur le même ton : il fourmille d'attaques
grossières contre la magistrature, les ministres, les gouverne-
ments en général. Nous reproduisons aux pièces et documents
justificatifs les principaux passages de ces deux articles : on
jugera par là de la façon dont les internationaux entendent
traiter la société. (Voir pièce R.)
Au milieu de cette avalanche de manifestes, de protesta-
tions, de récriminations violentes, il est un fait important à
constater et qui est une preuve de plus du double jeu de
f Internationale : Comprenant tout ce que pouvait avoir de com-
promettant , au point de vue de l'avenir de l'Association et
de la sécurité de ses membres, l'attitude prise par quelques
sections , le conseil général chercha le moyen de donner
le change sur la véritable portée des faits reprochés à l'Inter-
nationale ; il résolut donc de désavouer la conduite tenue par la
branche française de Londres. C'était un moyen habile de se
ménager le bénéfice des circonstances atténuantes et de per-
suader les naïfs de la pureté de ses intentions.
Voici les résolutions prises à cet égard par le conseil général
et portées par l'intermédiaire des correspondants à la connais-
sance de toutes les sections et fédérations :
« Considérant : Que des adresses, des résolutions et des ma-
nifestes émanant d'une société française à Londres s'intitulaut
7a branche fédérale de ï Association des travailleurs ont été pu-
bhés dans des journaux du continent comme venant de l'Asso-
ciation internationale des travailleurs ;
« Quù r Association internationale des travailleurs subit en ce
moment de grandes persécutions de la part des , gouvernements
HT LE JACOBINISME. 95
français ot aulrichien qui saisissent les moindres prétextes pour
justifier ces persécutions ;
« Que dans de pareilles circonstances le conseil général
encourrait une grande resi)onsabililé en permettant à une
société n'appartenant pas à ï Internationale d'agir en son nom
et de s'en servir ;
« Le conseil général déclare que ladite hrnncho française
fédérale ù Londres a, depuis deux ans, cessé de faire par-
tie de l'Association internationale des travailleurs et n'a au-
cune communication soit avec le conseil général soit avec
aucune des branches de cette association sur le continent.
« Londres, 10 mai 1870. »
On ne saurait mieux jouer la comédie et surtout mentir avec
plus d'impudence. Il est si peu vrai que la branche française
ait cessé depuis deux ans d'appartenir à l'Internationale que
nous trouvons un de ses délégués au congrès de Bruxelles
(septembre 1868), le citoyen Matens, ouvrier mécanicien *. Ce
n'est pas là d'ailleurs la seule preuve que nous puissions invoque)-
pour démontrer tout ce qu'une pareille déclarationa de menson-
ger. En effet, au meeting tenu le 24 février 1869 par la branche
française pour célébrer l'anniversaire de la Révolution, le con-
seil général était représenté par des délégués officiels. Il re-
connaissait donc à cette époque que cette branche faisait encore
jiartie de la grande famille internationale.
Pendant que l'Empire poursuivait ainsi l'Internationale, ses
membres étaient également arrêtés à Naples et à Vienne (Au-
triche).
A Naples, ils étaient accusés d'avoir provoqué une grève
parmi les ouvriers tanneurs. Le président de la section, Capo-
russo, le secrétaire, Francesco Forte, et l'avocat Gambuzzi
étaient pour ce motif mis en état d'arrestation et détenus pen-
dant six semaines.
En Autriche, l'Internationale était pourchassée : des années
• Consulter la liste des délégués au congrès de Bruxelles, vuir l'inlcrnalio-
Mule, 1* édit., page 135.
'.»a I , •! N T i; H N A 'i' I 0 N AL K
de prison étaient infligées à ses membres déclarés coupables de
haute trahison contre l'Elat *, ses organes étaient supprimés,
son argent saisi, le droit de réunion aboli, les assemblées po-
pulaires prohibées.
Nous allons rechercher maintenant si l'Internationale a par-
ticipé au complot des bombes, et dans quelle mesure ; nous fe-
rons ensuite connaître le résultat des procès intentés à ses
membres, en ayant soin d'indiquer la nature de l'inculpation re-
tenue contre eux et de présenter le compte rendu des débats.
1 Obcrwiiider, l'un des iueuliiés, fui coudainné à six ans de cancre duro
(cachot); Sclieu, Most, Perrin et Pabst a cinq aiis de carcere dura, comme
coupables du crime de haute trahison, et cela après avoir subi une détention
préventive de quatorze semaines; neuf autres accusés furent condamnés à des
peines variant de deux à six mois de prison pour actes jiublics de violence.
Voici leurs noms Schafftner, Fichinger, Gehrke, Dorsch, Hecker, Sclai^nfelder,
Baudisch, Berka el Pfeiffer.
En Prusse, à Essen, le compagnon Riidt était arrêté et détenu pendant plus
de trois mois.
ET LE JACOBINISME. 97
CHAPITRE III
LE COMPLOT DES HOMBES. rARTICIPATION DE L INTERNATIONALE.
RAPPORT DU PROCUREUR GÉNÉRAL GHANPERRET. LETTRE DU SOL-
DAT VANEL AU CITOYEN ALBERT RICHARD, DE LYON.
On comprendra que nous ne prenions pas la i)eine de répondre
à ceux (|ui prétendent encore aujourd'hui que ce complot était
l'œuvre de la police et que c'est au commissaire Lagrange que
revient l'honneur d'en avoir organisé tous les détails. L'absur-
dité d'une pareille thèse ne se démontre pas. Au lendemain du
4 septembre, nous avons vu des journaux, et de ce nombre le
xJoiirnal officiel ^ insinuer que les accusés Guérin et Ballot,
revenant sur les déclarations consignées dans la procédure, au-
raient révélé les machinations coupables auxquelles ils s'étaient
livrés à l'instigation de i^a. police. Nous n'avons pas à apprécier
ici le mérite de pareils aveux, ni surtout à rechercher sous
l'empire de quelles circonstances ils ont été obtenus.
Les débats du procès ont été publiés.
Les prétendus accusés ont pu produire tous les moyens de
justification : la question du complot imaginaire a été vidée ;
une décision judiciaire est intervenue. Nous n'avons (ju'à nous
incliner devant l'arrêt de la justice.
Mais l'Internationale a-t-elle réellement pris part à ce com-
plot, et quelle a été sa participation ?
1 Voir documents justificatifs, (pièce S.) Une procéJure a même élé ouverte
contre les magistrats instructeurs, les juges composant la liante cour, quel-
ques membres du ministère public et le coiumissaire Je police Lagranire. Nous
serions heureux d'en connaître le résultat.
98 L'INTERNATIONALE
Le rapport du procureur général Grandperret, inséré dans le
Journal officiel du 4 mai, ne peut laisser aucun doute à cet
égard*. Nous voyons en effet, dès le 2 octobre, Dupont
(Amyntlie) écrire à son ami Guérin cette lettre assez si-
gnificative sur le concours que l'on attendait de l'Inleriiatio-
nale 2.
t Un hasard des plus heureux m'a fait mettre la main sur un
groupe tout constitué et dont je connais depuis longtemps les
principaux chefs, sans Avom jamais soupçonné qu'ils s'occu-
paient AUSSI ACTIVEMENT DE POLITIQUE. Cc sont dcs hoinuies, tout
ce qu'il y a de plus liommes, en tant que révolutionnaires s'en-
tend, et il nous les faut à tout prix. Donc, à samedi, alin qu'ik
puissent juger de notre organisation et se lier à nous en con-
naissance de cause ^. »
Plus tard, dans une réunion tenue le 30 janvier, nous trouvons
les délégués de l'Internationale mêlés aux chefs des groupes
de Puteaux, de Courbevoie et de Ménilmontant. Ils viennent dé-
clarer que, si une insurrection éclate, on peut compter sur eux.
Nous savons quelle part l'Internationale a prise aux troubles
du mois de février.
D'ailleurs la lettre de Varlin à Bastelica exphque assez la li-
gne de conduite adoptée par les sections parisiennes à la suite
du meurtre d'Auteuil et de l'enterrement de Victor Noir.
Ajoutons que parmi les individus renvoyés devant la haute-
cour de Blois, quelques-uns appartenaient à l'Internationale : de
ce nombre étaient Mégy, Gérardin, Ferré, Roussel, Gt)llot, Du-
pont, etc., etc.
Il est encore un autre document qui semblerait prouver que
Richard, de Lyon, était tenu au courant de tous les projets de
« ses frères et amis de Paris. » Il s'agit d'une lettre écrite à ce
dernier par un soldat, le nommé Vanel, que les lauriers des
* Documents justificatifs (Pièce T).
2 Pendant la commune, A. Dupont a été acclamé chef de la police munici-
pale ; il avait signé, le !2 mai 1870, le manifeste pul)lié par le conseil fédéral
des sections parisiennes.
5 Nous avons parlé plus haut de l'attitude des sections françaises au sujet
du 26 octobre ; il n'est pas sans intérêt de faire connaître que les inculpés de
Blois avaient décidé de faire, à la même époque, les armes à la main, une
manifestation insurrectionnelle.
ET LE JACOBINISME. 99
FayoUe et des Asnon empêchaient sans doute de dormir. Voici
les termes mûmes de cette lettre :
a A 3 mai 1870.
« Chaleureux démocrate,
a Si je t'écris aujourd'inii, c'estcjuo j'ai su que les êtres divers
qui devaient se charger de l'opcvalion chirnrfjiatlc du 29 avril
étaient membres de la lamcasc société intcrnntionnlo. Je L'a-
voue qu'il est vraiment fâcheux que le coup ait manqué, car le
progrès n'aurait plus eu deirein. Je vocifère contre cette pléiade
de moucliards qui ont découvert le complot. Tant pis, une autre
fois on j)rendra plus ses précautions et l'on pourra peut-être
réussir. Tu faisais prob.a.blement allusion a cette gihconstance,
LORSQUE TU ME DIS DANS TA LETTRE : Tu NE RECONNAITRAS QUE TROP
TÔT QUE TU AS EU TORT DE MANQUER DE CONFIANCE EN MOI. Je LE RE-
CONNAIS MAINTENANT. DÉCIDÉMENT TU ES PUISSANT
« X propos, que penses-tu de ce vote universel ? Quelle stu-
pidité de faire voter la troupe ! Mais ce sont des voix assurées,
et voilà pourquoi on a songé à cela. Dis donc, Badinguet va
ressembler pas mal à un chef de brigands entouré de ses com-
plices armés jusqu'aux dents qui forceront d'honnêtes bour-
geois garottés à faire leur volonté... sous peine de mort, hein I
« Ce vote à mes yeux n'est qu'une plaisanterie.
« Celui qui approuve ton dévouement à la sainte cause de la
liberté.
« Signé:YKNEL. .
'Voilà un petit échantillon des heureux résultats produits par
les tentatives d'embauchage et de corruption qui, à cette époque,
se pratiquaient sur une vaste échelle dans les casernes de nos
grandes villes. Nous savons par une douloureuse expérience
combien a été funeste cet esprit d'insubordination ouvertement
prêché dans les réunions publiques et propagé par tous les
iournaux de la nuance Marseillaise.
100 L'INTERNATIONALE
II
RESULTAT DES POUIiSUITES DIHIGEES CONTllE L INTEUNATIO.\ALE.
DÉSIGNATION DES INDIVIDUS POURSUIVIS. COMPTE-RENDU DES
DÉBATS. NATURE DIVEP.SE DES INCULPATIONS. — PEINES
APPLIQUÉES. TEXTE DES JUGEMENTS PRONONCÉS. ORDON-
NANCES DE NON-LIEU.
C'est devant le tribunal de Saint-Quentin (juc se déroula le
premier })rocès de l'Internationale.
Les inculpés étaient au nombre de quatre ; voici leurs noms :
i° Sauvag'eot (François-Joseph), 38 ans, tisseur à Saint-
Quentin, rue d'Isle, 135 ;
2° Huart (Joseph-Séraphin), 38 ans, tailleur d'habits, fau-
bourg Gérés, 77 à Reims ^ ;
3° Loth (Jean-Baptiste-Lucien), 30 ans, bonnetier, à Retliel,
rue du Sorbon ;
4° Thomas (Désiré-Jean-Marie), 28 ans, tisseur, Boult-sur-
Suippe.
Sauvageot et Huart étaient inculpés de participation à une
société non autorisée et d'affiliation à une société secrète. Tous
les quatre étaient en outre poursuivis pour délit d'excitation à.
la haine des citoyens les uns contre les autres.
L'affaire fut appelée à l'audience du 21 mai ; le tribunal, écar-
tant le chef de société secrète, condamna Sauvageot à un mois
de prison ; Loth et Thomas à trois mois de la même peine et
100 francs d'amende, et Huart par défaut à un an de prison et
100 francs d'amende. Nous reproduisons le texte de ce jugement
aux pièces et documents justificatifs. (Voir pièce U.)
Il nous paraît nécessaire de compléter ici par des renseigne-
gnement plus précis et plus détaillés les indications sommaires
' Cet inJivMu d'origine Lelge, repris de justice, n'avait pu être arrêté : il
s'était réfugié en Belgique en apprenant que l'Internationale était poursuivie.
Au mois d'avril 1871, il reparaissait à Rc\lielet essayait d'y provoquer un sou-
lèvement en laveur de la commune de Paris. Arrêté le 8 avril, il fut expulsé
de France.
ET LE JACOBINISME. ICI
fournies (tans notre premier ouvrage sur la situation de l'Inter-
nationale à Reims et ii Saint-Quentin.
Dès le mois de juillet 1809, le oiloycii Iluarl l'un dos vétérans
de la section bruxelloise, /<v Fùdcvidion, s'occupait de propager
l'Internationale à Reims. Le 10 août, il écrivait au compagnon
Yung, membre du Conseil général, qu'il travaillait à faire adhé-
rer à rinlernationale les deux grandes sociétés ouvrières de
Reims, les tisseurs et les lileurs : Si nous ne sommes pas encore
affiliés à flnlcrnnlionale, ajoutait-il, cest que les lois nctiicUes
de la France le défendent, mais moralement nous soiiniies des
volves, car nous poursuivons lo même but *.
Bientôt il so mottait en relation avccVarlin etAuljry; il orga-
nisait à Reims et dans les environs la société de résistance le
Droit et l'afilHait à f Internationale, ainsi que cela résulte de
la déclaration suivante signée par tous les membres du Conseil
général belge :
Timbre du conseil
général Belge.
« Bruxelles, 26 février 1870.
« Les soussignés, membres du Conseil général belge de l'As-
sociation internationale des travailleurs, déclarent avoir reçu
de Londres la nouvelle que le Conseil général avait accepté
l'affiliation de la société le Droit, société de résistance des travail-
leurs de Reims et des environs.
« De plus le Conseil général de Londa'es nous a déclaré qu'il
se mettrait en mesure pour régulariser la position de ladite
société et qu'il enverrait prochainement à cet effet les pièces
nécessaires. »
Ont signé : E. HINS; Alphonse VANDEHOUTEN; IIERRE-
BROULT; BRISMÉE ; CROISIER ; C. STANDAERT ;
VULORDAN ; C. de PAEPE.
Quelques jours plus tard, il constituait un comité lédéral à
Reims et en était nommé correspondant, le 22 mars, par le Con-
seil général de Londres -. 11 notitiail cette nomination aux sec-
tions parisiennes et exprimait à Varlin le désir de se fédérer avec
ellt s, A son instigation un sous-comité était établi à Saint-
1 Voir ceUe lettre aux documents justificatifs (Pièce V). — 2 /d,, ibid.
102 L'INTERNATIONALE
Quentin par Sauvageot, et une société de résistance et de soli-
darité forte de s'ix cents membres y était organisée .
Son adhésion à l'Internationale était proclamée dans une
réunion tenue ù Saint-Quentin, le 24 avril. C'est dans celte
réunion (ju'était commis le délit d'excitation à la haine des ci-
toyens relevé par l'accusation contre les quatre individus
poursuivis le 21 mai devant le tribunal de cette ville '.
A Rethel, les principes de l'Internationale avaient été égale-
ment propagés par Huart et par le citoyen Loth, dont le nom
figure parmi les délégués au congrès de Bàle. Un comité était
nommé et le 7 février il confiait à (rois délégués le soin de s'oc-
cuper de son affiliation à l'Internationale. Voici dans quels ter-
mes était conçu le mandat remis à ces trois délégués :
« Les membres du comité de Rethel déclarent donner pleins
pouvoirs à leurs trois délégués ci-dessous concernant l'affilia-
tion à l'Association internationale.
« Fait en réunion du comité à Rethel le 7 février 1870.
« Les trois délégués sont : Loth (Lucien), Lesuer (CJiarles,)
Potier (Jean-Baptiste.) »
Ont signé : CHAMPION; BOITTE; MARÉCHAL; BIL-
LAUDEL; MANGIN ; DOLIGNOU ; BONFILS.
Ces renseignements étaient indispensables pour permettre
d'apprécier de quels éléments disposait l'Internationale à Reims,
Saint-Quentm, Rethel, Boult-sur-Suippe, au moment de l'arres-
tation de Sauvageot, l'un de ses principaux meneurs. A Bazan-
court (Marne), le 20 mars, une réunion était tenue sous la
présidence d'Huart. On y parlait de la nécessité d'adhérer à
l'Internationale et, après la séance, des livrets étaient distribués
par ses soins aux ouvriers qui déclaraient vouloir s'y affîher.
Plusieurs lettres d'Huart à Sauvageot et à Varlin ({ue nous
reproduisons parmi les documents justificatifs compléteront
1 Dans cette réunion la suppression dn patronat et du capital fut le thème
favori développé par tous les orateurs. On représentait les patrons comme de
vils exploiteurs, ne vivant que de rapines et de vol, s enrichissant aux
dépens des ouvriers dont ils violaient les filles. On annonçait que dans un an
les frères et compagnons seraient maîtres de tous les établissements indus-
triels, soil par une révolution pacifique, soit autrement.
ET LE JACOBINISME _ l08
ulilein 'uL i'iiistorique du dévelo])pemenL de riuLernationale dana
ces 'Contrées ' .
En suivaul l'ordre chronologique nous arrivons au jugement
des inlernalionaux parisiens. Les débats de ce procès occu-
pèrent plusieurs audiences: commencés le 22 juin, il furent
continués les 29, 30 juin, 1, 2 et 5 juillet. Nous nous bornerons
à rapi)eler les noms des individus poursuivis et à indiquer les
peines prononcées contre chacun d'entre eux. Un compte rendu
de ces débats a été publié i)ar les soins de la commission de
propafjando du 3^ groupe de rAssociutio]i internationale ^. Il
devient donc inutile de raconter les détails de l'audienco, de
parler du réquisitoire si remarquable du ministère public et
d'indiquer les moyens de défense i)résentés parles prévenus.
Trente-huit prévenus étaient renvoyés devant le tribunal cor-
rectioimel : dix-neuf sous inculpation d'avoir, depuis moms de
trois ans, à Paris, comme chefs ou fondateurs, fait partie d'une so-
ciété secrète ; les dix-neuf autres pour avoir contrevenu à l'arti-
cle 291 du Gode pénal. Dans la première catégorie étaient |)lacés :
1" Langevin (Pierre-Qaniille), tourneur sur inélaux, (30, l'ue
de l'Égiise, né à Boixleaux, le 14 février 1813 ;
2° Rocher (Marie-Antoine,) homme de lettres, né le l^' sep-
tembre 1833, à Montournaix (Vendée) ;
3° Avrial (Augustin), né à Rovel (Haute-Garonne), le 20 no-
vembre 1840;
A° I^eblanc (Albert-Marie-Félix), ingénieur civil, né à Paris,
le 29 janvier 1844;
5"" Allard (Camille-Félix- Albert), étudiant en droit, rue
Sainte-Placide, 26, né à Dieppe, le 13 août 1848 ;
1 Voir pièce U.
2 Quelques jours, en effet, après le jugement, la lettre suivante était
adressée à tous les correspondants de l'Internationale : « Citoyen, les membres
de la commission de propagande du 3« groupe de l'Association internationale
faisant imprimer le dernier procès des sections parisiennes vous deman lent,
citoyen, de vouloir bien nous indiquer le nombre des volumes dont vous
pouvez avoir le placement dans votre groupe.
« Veuillez nous envoyer vos demandes le plus tôt possible et vous organiser
pont en placer le pins grand nombre, afi;i de donner une grande extension à
cette œuvre de propagande socialiste. Pour la commission de propagande,
le correspondant, Henry Bacliruch, 13, rue de l'Echiquier. — Pour les envois
d'argent, s'adresser au trésorier Delabaye, 58, rue des Amandiers. »
Oi L'INTERNATIONALE
6" Robin (Charles-Louis-Jean-Paul), professeur, rue Monge,
95 (cx-mcnibro du conseil général belge, expulsé de Belgique à
la suite des troubles de Seraing), né à Toulon le 3 février 1837 ;
7° Pagnerre (Gustave-Félix), feuillagiste ', rue de la Fi-
délité, 11, né à Étrcpagny (Eure), le 2 mars 1824 ;
8° Carie (Paul-Emilien-Florimond), rue Saint-Jacques, 214,
{correspondant de la section de la rive gauche), né à Laon
(Aisne), le 13 septembre 18-18 ;
9" Sabourdy (Pierre), pointeur au journal la Marseillaise,
rue du Roi-d'Alger, 16, né à Guéret (Creuse), le 17 juin 1826;
10° Colmia dit Franquin (Jules- Joseph-Étienne), né à Gap,
le 24 novembre 1838, ouvrier lithographe, rue de la Ver-
rerie, 42 ;
11" TMndy (Jean-Louis), menuisier, rue du faubourg du
Temple, 17, né à Bresl, le 3 juin 1840;
12° Joliannard (Jules), feuillagiste, rue d'Aboukir, 126 ^,
né à Beaune (Gôte-d'Or), le 22 janvier 1843;
13° Murât (André-Pierre), mécanicien, rue Saint-Maur,
200, né à Lyon, le 20 juin 1833 ;
14° Malon (Benoît), ouvrier teinturier, à Puteaux, rue
Mars-et-Roty, né à Prétieux (Loire), le 23 juin 1843 ;
15° Gombault (Amédée-Benjamin-Alcxandre), né à Tours, le
16 novembre 1837, ouvrier bijoutier, rue de Vaugirard, 289 ;
16°Héligon (Jean-Pierre), courtier en librairie, grande rue de
la Truanderie, 42, né à Paris, le 20 janvier 1834 ;
17° Varlin (Louis-Eugène), ouvrier relieur, rue Dauphine, 33,
né à Glaye (Seine-et-Marne), le 5 octobre 1839 ;
18° Passedouet (Auguste- Jules), journaliste, né à Recou-
* Signataire de la protestation publiée le 2 mai, par le conseil fédéral pari-
sien. Arrêté le 11 décembre 1851, il fut désigné, le 10 janvier 1832, pour la
transporlation à Gayenne et mis en liberté, quelques jours après, par décision
de la commission militaire.
- Johannard s'était réfugié à Londres en 186" à la suite d'un article qu'il
avait publié dans le Courrier français. Devenu membre du conseil général, il
remplissait les fonctions de secrétaire correspondant pour l'Italie. Rentré en
France à la suite de l'amnistie du mois d'août 1869, il devint l'un des ora-
teurs les plus violents des réunions de Belleville, et organisa la section du
faubourg Saint-Denis. Son nom figure parmi les signataires du manifeste anti-
plébiscitaire.
Johannard est le fils d'un marcliand de nouveautés de Beaune, déclaré en
état de faillite en 1856.
ET LK JACOBINISME. 105
vrauce (Finistère), le 2S avril 18ïi8, avenue de Choisy, 163 ;
19» Assy (Adoli)hc-Ali)honse) , mécanicien , né à Houbaix
(Nord), le 2H avril 1841.
A la deuxième catégorie appartenaient :
1° Malézieux, 42 ans, ouvrier forgeron, rue de Lévis, 84 ^
2" Ansel (Bernard-Gabriel), i)eintre sur porcelaine, rue d'Al-
sace, 35, né à Paris, le 16 octobre 1840 ;
3° Durand (Gustave-Paul-Emile), ouvrier Ijijoutior, rue Hani-
ponneau, 15, né à Paris, le 2 mai 1835 ;
4° Duval (Emile- Victor), fondeur en fer, rue de la Glacière, 21,
né à Paris, le 27 novembre 1840 ;
5° Frankel (Léo), ouvrier bijoutier, rue Saint-Sébastien, 37,
né à Bude (Hongrie), en février 1844 ;
6° Fournaise (Joseph), ouvrier en instruments d'opti([ue et de
précision, rue Villehardouin, 12, né à Paris, le l'^^ janvier 1828 ;
7° Landeck (Bernard), sertisseur bijoutier, boulevard Sébas-
topol, 86, né à Duren (Prusse), le 19 mai 1832 ;
8° Delacour (Alphonse), relieur, rue d'Assas, 52, né à Lor-
rez-le-Bocage (Seine-et-Marne), le 19 août 1839;
9° Dugaucquié (Jean-Désiré), mécanicien, passage Raoul, 17,
né à Bruxelles le 3 septembre 1840 ;
10° Cirode Barthélémy, sculpteiu*, rue Lecourbe, 43, né à
Nevers, le 30 octobre 18 i3 ;
11° Ghalain (Louis-Denis), courtier en librairie, né au Plessis-
Dorin (Loire), le 10 janvier 1845 ;
12° Bertin (Frédéric-Jean-Baptiste) , fondeur , rue d'Alle-
magne, 20, né à Torteron (Cher), le 16 octobre 1838 ;
13° Flahaut (Emile- Amour-Gustave), 33 ans, marbrier, bou-
levard Ménilmontant, 01, né à Thou (Belgique) ;
14» Boyer (Vincent), 29 ans, tailleur de pierres, rue de Van-
ves, 75 ;
15° Casse (Germain-Eugène-François), journaliste , rue de
Maubeuge, 94, né à la Pointe-à-Pitre, le 23 septembre 1837 ;
16° Theiz (Albert-Frédéric-Félix), ouvrier ciseleur, rue de
Jessaint, 12, né à Boulogne, le 12 février 1839 ;
17o Gollot (Adolphe), menuisier, rue Jean Robert, 6 his, né à
Montargis (Loiret^ le 12 novembre 1830 ;
i06 L'INTERNATIONALE
18° Giot (Ilippolyte), ouvrier peintre, rue des Rosiers, 14,
né à Tournon (Ardèohe), en 1839;
19" Mingold, professeur de dessin '.
Lejugemenlfutrenduà l'audienco du 8 juillet. Le chef de so-
ciété secrète était retenu à l'éyard de Vurlin, Malon, Àlurat,
Jolmnnard, Pindy, Coaibault et Iléligon. A raison de cette cir-
constance, le tribunal prononça contre eux la peine d'une année
d'emprisonnemeiit.
Assi, Dug-aucquié, Flahuut et Laudeck furent acquittés.
Tous les autres prévenus furent condamnés à 2 mois de iJii-
son et 25 francs d'amende comme coupables d'avoir, depuis moins
de trois ans, fait partie de l'Association internationale des tra-
vailleurs, société non autorisée et composée de plus de vingt
personnes.
Les considérants de ce jugement sont longuement motivés :
ils relèvent avec précision et clarté les principales charges ré-
sultant de la procédure. Nous les rejjroduisons aux documents
justihcatifs (Pièce U).
Nous devons mentionner que ce jugement fut fraiipé d'appel,
mais que la Cour n'a jamais eu à statuer, l'amnistie du 6 sep-
tembre étant survenue quelques jours après l'envoi du dossier
au parquet du procureur général. Ce dossier a échappé aux
investigations des coninnuiards, mais il n'en a pas été de même
des pièces saisies et autres documents importants qui ont été
consumés dans l'incendie du Palais de Justice.
La section de Saint-Etienne fut la seule qui osa protester
contre ces condamnations : sa protestation a été insérée dans
VEclaireur de Saint-Étienne du 29 juillet
Le citoyen Albert Richard tut tellement effrayé de cette con-
damnation qu'il se réfugia à Neuchàtel pour pouvoir, disait-il,
déhbérer en lieu sûr. La lettre qu'il écrivait à ce sujet à son
ami Palix est assez édifiante.
Quelques jours après le jugement des internationaux pari-
1 Tous les signataires du manifeste publié le 2 mai avaient été compris dans
les poursuites, mais l'identité de quelques-uns ne put être établie. D'autres
inculpés turent l'objet d'ordonnances de non-lieu, et notamment Routier,
Lacatle .
ET LH JAC0BI.NISM;E 107
siens, coimnciioaienl à Brest les débals de la poursuite dirigée
contre les uieiubres de la secliun organisée dans cette villL-, au
mois de septembre 18G9, par Fiiuly de concurt avec son ami Le
Doré*. Six inculpés comparaissaient devant le tribunal corric-
tionnel : le délit de société secrète n'était pas relevé contre eux.
Voici leurs noms :
Le Doré (Constant-Eugène), 29 ans, rue Kerl'autras, "2, écri-
vain à la direction d'artillerie de marine ;
Plouzané (Célestin-François), 19 ans, oiivrier pouiier au port ;
Plouzané (Claude-Marie- Victor), père du précédent, 51 ans,
tonnelier au port ;
Le Doré (Joseph-Eugène-Marie), 16 ans, menuisier, rue Ker-
fautras, 2 ;
Tréguer (Pierre-Jean-Marie), 25 ans, mécanicien ;
Moallic (Jean-Louis), 21 ans, voilier au port.
La défense collective fut présentée par Le Doré.
A l'audience du 23 juillet, présidée par M. Dupuy, ils furent
condamnés pour afiiiiation à l'Internationale, savoir : Le Doré
(Constant), à deux mois de prison et 50 francs d'amende, Plou-
zané (Célestin),àun mois de la môme peine, et les quatre autres
à 10 jours.
Par arrêt du 17 septembre 1870, la cour de Rennes statuant
sur l'appel interjeté le l^' août par Le Doré et les autres pré-
venus déclara le jugement non avenu, en se fondant sur ce que
le délit reproché aux prévenus était essentiellement politique et
prononça qu'il y avait lieu de les faire bénélicier du décrel du
gouvernement de la défense nationale en date du 6 septembre,
aux termes duquel amnistie pleine et entière était accordée pour
tous les crimes et délits politiques -.
• A l'époque do l'arrestation de Le Doré, cette section comptait une douzaine
de membres : nous verrons plus tard qu'au lendemain du 4 septembre, ce
nombre s'était élevé à plus de vingt. Le Doré (Constant) en était le secrétaire
correspondant; Plouzané (Célestin), le secrétaire adjoint. Le Doré entretenait
une correspondance très-active avec Pindy cl Malon. On pouria juger de son
lempt'rament révolutionnaire par les quelques lettres qui figurent aux docu-
ments justificatifs (pièce Y). C'était à son domicile que se réunissaient, tous les
mercredis, les membres de la section. Toutes les cartes délivrées aux socié-
taires portent la signature de Pindy.
- Nous reproduisons, aux documents justificatifs (pièce U), le dispositif du
jugement, le compte rendu de l'audience et la défense collective présentée
par Le Doré.
10S L'INTERNATIONALE
Los membres de la fédération lyonnaise ont été plus heureux
(jue loui-s compagnons de Paris et de Brest : aucune condam-
nation n'a pu èlre prononcée contre eux, et Albert Richard a
pu se remettre tout à son aise de l'elTroi ipie lui avait causé le
jugement du tribunal de la Seine. Il leur a été même loisible,
au lendemain du k septembre, d'aller retirer du greffe le dossier
de leur volumineuse procédure et d'en faire un auto-da-fé. C'est
au citoyen Beauvoir, l'un des prévenus, acclamé par lui-môme
membre du comité de salut public, (juo revient l'honneur de
cette mesure de précaution. De pareils faits peuvent paraître
étranges même au sein des plus grandes tourmentes révolu-
tionnaires. Voici les deux documents qui confirment notre as-
sertion.
I
RÉPUI3LIQLL; FUAXÇAISE.
Sous-comité des intérêts publics.
G Le citoyen Beauvoir est autorisé à prendre le dossier du pro-
ès de l'Internationale au greffe du tribunal correctionnel. »
Bon pour décharge au greffe.
Pour le comité,
Le délégué : JACQUES *.
Lyon, ce 9 septembre.
II
4 Je soussigné, Ch. Beauvoir, membre du comité de salut pu-
blic, déclare qu'en vertu de la décision dudit comité et de l'auto-
sation ci-contre, j'ai retiré le dossier du procès de l'Interna-
onale du greffe de Lyon, dont décharge -. -a
Sicjnô Ch. BEAUVOIR.
Lyon, le 10 septembre 1870.
convient d'ajouter ({ue, par une lettre insérée dans \eProjrrs
1 Ce citoyen Jacques est devenu plus tard commissaire de iiolico.
2 il est permis de s'étonner qu'un greffier livre ainsi des procédures sur le
vu d'autorisations de cette espèce.
ET LE JACOBINISME. 100
do Lyon du 20 octobre 1870, le même citoyen Beauvoir invitait
SCS collègues de riulernationalo avenir chercher au plus tôt les
parties de la procédure qui pouvaient les intéresser; il annonçait
que, passé un délai de huit jours, il brûlerait le dossier pour Jo
sousfi'iiirc aux ivt^hcrcJji's de In police '.
Nous avons à explifjuer mnintenant par suite de rpiol concours
de circonstances le procès de l'Inlernationale, à Lyon, plusiciu's
fois appelé et toujours renvoyé d'audience en audience, n'a ja-
mais reçu de solution.
Les scènes de désordre (jui se produisirent à Lyon vers
le 20 juillet et dont nous aurons plus tard l'occasion de parler,
l'agitation croissante des esprits, les préoccupations politiques,
la crainte de voir s'aggraver la situation en fournissant aux me-
neurs lyonnais un nouveau prétexte de manifestations, nécessi-
tèrent un }(remier délai : l'affaire, d'abord fixée au lundi 2i juil-
let, ne vint devant le tribunal correctionnel que le 8 août.
Trente-sept prévenus avaient été cités. C'étaient :
Richard (Albert), 25 ans, publiciste, quai de Serin, 20 ;
Blanc (Gaspard), employé des ponts et chaussées, rue de Ja-
rente, 31 ;
Bourseau (Victor), 43 ans, jjronzier, rue des Remparts-d'Ai-
nay, 24;
Michallet (François), 37 ans, teinturier, rue do la Vieille, 13;
Bret (Joseph), 52 ans, tisseur, rue Charlemagne, 12;
Pulliat (Jean-Pierre), 31 ans, tisseur, rue d'Austerlitz, 12 et 14.
Martin (Arthur), 29 ans, sculpteur, rue de Fleurieux, 8 ;
Martin (Louis), 31 ans, passementier, rue du Bon-Pasteur, 2;
Palix (Louis), 41 ans, tailleur d'habits, cours Vitton, 41 ;
Doublé (Jean-Baptiste), 46 ans, tisseur, rue Bugeaud, 140;
Ghol (Guillaume), 41 ans, cordonnier, rue j\Iazenod, 23 ;
Cevelinge (Louis), 34 ans, marbrier, cours Bourbon, 103;
Dupuis (Jean), 42 ans, tailleur, quai Vaïsse, 11 ;
Deville (Jacques), 52 ans, passementier, impasse Gigodot, 20;
1 Cet appel fut entendu : il a été trouvé, en effet, plus tard, cliez plusieurs
des individus compromis dans les divers mouvements insurrectionnels de Lyon,
quelques pièces appartenant au dossier de l'Internationale. Nous pourrions
citer tels internationaux qui possèdent encore leur interrogatoire, leur casier
judiciaire, les renseignements fournis sur leur compte par la police, etc.
110 L'INTERNATIONALE
Vernaz (Jacques-Joseph) , 30 ans, cordonnier, rue Sainte-
Jeanne, 7 ;
Beauvoir (Charles), 58 ans, représentant de commerce, rue
d'Algérie, 15 ;
Dumartheray (François) , 28 ans , enii)loye de commerce,
sans domicile fixe.
Yizot (Ulysse), 28 ans, marchand de porcelaines, rue Gre-
nette, 27 ;
Vallot (Eugène), 32 ans, apprèteur de chapeaux, rue Dugues-
clin, 84 ;
(jarnier (Pierre-Antoine), 45 ans, apprèteur, rue Bngeaud, 154;
Marmonnier, (Jean), 34 ans, passementier, rue Tholozan, 11 ;
Pichot. (Louis), 26 ans, tulliste, rue Neuve-des-Gharpennes, 4 ;
Ginet (Etienne), 31 ans, tulliste, rue Moncey, 212 ;
Placct (Balthazard), graveur, rue Masséna, 58 ;
Busqué (Léon-Antoine), 35 ans, sculpteur, rue de la Reine, 57 ;
Régipas (Antoine), 50 ans, tailleur, rue Vendôme, 102;
Barret (Narcisse) , 28 ans , garçon de café , rue Mas
séna, 20 ;
Poncet (Jean-Marie), ouvrier peigner, rue Saint-Georges, 10 ,
Tacussel (Louis-Joseiih-Hilarion), 34 ans, serrurier, avenue
de Saxe, 187;
Gharvet (François), 44 ans, tisseur, rue du Bon-Pasteur, 31 ;
Nalliod (Médard), 32 ans, imprimeur sur j Section de
étoffes ^ Neuville.
Meunier (Louis), 30 ans, idem !
Dupin (Pierre), 30 ans, velouli^'r 1
Dumas (Jean), 36 ans, passementier...... f Section de
Délaye (Philippe-Jean), 39 ans, passemen- ( Saiat-ELienne.
lier ]
Berger (Jean), passementier ) Section de
Philihert (Jean), passementier i Saint-Etienne.
Tous ces individus étaient inculpés d'avoir, étant membres
de l'Association internationale, commis le délit de société secrète
et subsidiîiirement celui d'association illicite '.
« Quelques-uns de ces prévenus ont joué un rôle important au 4 septembre,
ET LK JACODINISME. 111
Au début (le l'audience, l'honorable organe du ministère pu-
blic déclarait, quo, dans les circonstances critiques où se trou-
vait la patrie, et au lendemain de noti'c délaite de Reischoffen,
il ne sentait pas la liberté d'e-^piit nécessaire pour engager un
débat aussi sérieux. Il demandait au tribunal le renvoi fie l'af-
faire à trois semaines.
Le ciioyen Beauvoir protestait énergiquement contre cette
décision et réclamait le jugement immédiat ou une ordonnance
de non-lieu. Il insistait pour que Ij tribunal télégraphiât dans
ce sens au ministre de la justice. Ces observations étaient ap-
puyées par Albert Richard, Délaye, de Saint-É tienne, ]VP« Ghe-
iiel et Millaud. Tous les accusés se déclaraient prêts à faire leur
devoir et se refusaient à toute idée de grâce.
En dépit de toutes ces protestations le renvoi fut prononcé ;
le unième jour, le télégramme suivant, resté sans réponse, était
adressé au ministre de la justice :
« ^4 S. Exe. M. Olliviei', garde des sceaux {Paris).
€ U Inlevnationalc de Lyon, qui m'a confié sa défense dans le
jugement qui devait commencer le 8 août et qui a été renvoyé
à trois semaines, demande à être jugée immédiatement,
« Les irente-huit travailleurs inculpés dans cette affaire pro-
testent contre cette situation.
« Notre altiiude prouvera, comme notre langage l'a déjà
prouvé à l'ouverture de l'audience, qu'il n'y a dans ces graves
circonstances que des cœurs froissés et unis dans une douleur
et des espérances communes. Si l'on craint de notre part une
manifestation quelconque, nous repoussons ces soupçons conune
une offense.
« Il n'y a devant vous ({ue trente-huit citoyens français qui
notammenl Chol qui élait devenu commissaire central à Lyon. D'autres avaient
été acclamés, qui officier de paix, qui ?arde urbain.
Nous dexons ajouter que trois autres individus, les nommés Gonnard, Mailre
et Seigner, compris dans les poursuites, avaient été l'objet d'une or.lonnance
de non-lieu. L'identité de Gonnard et Maître n'avait \m être établie : quant
à Seigner, qui apparlenait à l'armée en qualité de ser^'ent, il s'était afiilié a
l'Internationale pendant la durée d'un congé, et au moment des poursuites, il
se trouvait devant l'ennemi.
112 L'INTERNATIONALE
veulent et peuvent triompher des inculpations qui pèsent sur eux.
. Nous nous refusons à toute grâce. Nous ne voulons que la
justice égale pour tous.
t Au nom des accusés, leur avocat qui vous salue
a respectueusement.
« Joseph GHENEL *.
t Rue des Céleslins, 2 (Lyon). .-'
L'affaire ne fut pas appelée à l'audience du 29 août; les préoc-
cupations poKtiques ne furent pas étrangères à ce résultat :
tous les accusés avaient été prévenus de ne pas se présenter,
leur procès étant remis à une époque indéterminée. Le 4 sep-
temlire survint, et nous savons comment le dossier de la pour-
suite a disparu.
Nous devons reconnaître que le tribunal de Rouen ne se laissa
pas arrêter par des considérations de cette nature ; le procès
de la fédération rouennaise, d'abord fixé au 10 août, appelé à
l'audience du 23 août, renvoyé à celle du 25 sur la demande du
défenseur de l'un des prévenus , fut défmitivement jugé le
30 août. Les accusés étaient au nombre de cinq :
Aubry (Emile- Victor), 41 ans, imprimeur lithographe à Rouen ;
Creuset (Jean-Claude), 44 ans, fileur, 110, rue du Carrefour,
à Sotteville-les-Rouen ;
Piéton (Eugène), 32 ans, tisseur, rue du Neubourg, 71, à El-
beuf 2 ;
Régnier (Arnoux-Antoine), 53 ans, tisserand à Elbeuf, rue
Saint-Jean, 42 ;
Julien (Pierre-Victor), 49 ans, épicier à Darnetal, rue du
Champ-du-Marais, 18.
Un seul délit était relevé contre eux, celui d'association non
autorisée.
Aucun des prévenus ne comparut à l'audience. Aubry fut
condamné à six mois d'emprisonnement et cinq cents francs
i Me Chenel est devenu, au 4 septembre, conseiller de préfecture à Mâ'^O'i
2 Piéton, secrétaire correspondant, à Elbeuf, du cercle d'études économique^
avait été délégué au Congrès de Bàle par le groupe d'Elbeuf.
ET LE JACO^.INI^ML:. US
d'cunende ; Piéton, Rôgnior, Julien et Crcusot, chacun a trois
mois de la même peine et cent francs d'amende *.
Ici s'arrête la série des persécutions exercées contre l'huma-
nitaire Internationale^ par la justice impériale. Toutes les au-
tres poursuites aboutirent à des ordonnances de non-lieu ou
furent abandonnées.
Dans cette catégorie nous devons ranger Dijon et Vienne
(Isère).
A Dijon, un seul individu, le sieur Focillon (Auguste), em-
ployé, rue Saumaise, 55, avait fait l'objet d'une information. Se-
crétaire de l'Association syndicale des comptables et employés
de commerce de Dijon, il avait assisté à l'assemblée générale
tenue, le 13 mars 1870, par la fédération lyonnaise. Les charges
relevées contre lui n'ayant pas été jugées suffisantes, une ordon-
. nance de non-lieu était intervenue en sa faveur le 28 juillet ^.
A Vienne, l'affiliation à l'Internationale des inculpés n'avait
]iu être établie et une décision semblable avait été prise le
27 mai.
Les inculpés étaient au nombre do quatre : 1° Ailloud (Jean-
Alphonse), 42 ans, tailleur, rue de l'Archevêché, ex-délégué de
la section de Vienne au congrès de Lausanne ; 2° ,Vaganey (Jean-
Louis), 37 ans, tisseur, place duMusée; STilloux (Jean), 40 ans,
fileur, rue des Carmes, 8; 4° Monnier (Charles), dont le domi-
cile était demeuré inconnu.
La situation qui fut faite à la Fédération marseillaise mérite
une mention spéciale. Plus de soixante-dix individus avaient été
compris dans les poursuites sous l'inculpation de participation
à une société secrète. A la suite d'une information laborieuse
qui n'a pas duré moins de cent trente-six jours, la poursuite
s'est terminée, le 15 septembre 1870, par une ordonnance de
non-lieu collective. 11 semble ' qu'après l'amnistie du 6, il eût
été inutile de recourir même pour la forme à ce dernier acte de
1 Les considérants de ce jugement offrent le plus vif intérêt. Le loclnur les
trouvera parmi les documents justificatifs (pièce U). — Consulter également
(pièce a) les lettres d'Aubry à Varlin et les autres déclarations relatives à la
Fédération muennaise.
2 C'est le député Raspail qui est l'auteur de cette lieurcn-e qualification,
s Voir documents iu-tificaiif s. pièce Z'.
8
fl4 L'INTERNATIONALE
procédure. On s'explicfue qu'une amnistie {c'est chose si ordi-
naire) ait pu couvrir Baslelica, Alerini, mais on comprend diffi-
cilement une ordonnance de non-lieu rendu en leur faveur.
Quoiqu'il en soit, nous croyons indispensable de présenter le
tableau de tous les individus poursuivis : nous aurons occasion
de retrouver plus tard ([uckiues-uns d'entre eux, au lendemain
du 4 septembre, publiant manifestes sur manifestes, et usurpant
les emplois publics après avoir été membres de la commune
révolutionnaire. Voici leurs noms et la désignation de la corpo-
ration qu; les avait délégués auprès de la Fédération.
Baslelica (André), 24 ans, employé de w^^^respondaiit de la Fédéra-
commerce, boulevard des Dames, 32. j ration marseillaise 1.
HenniUe (François), 39 ans, rue Fontaine- j Délégué de la corporation des
des-Vents, 8. ( Uthographes.
Béraud (Juslinien-Fortuné), 27 ans.
Chalandon (Guillaume), 27 ans. j
Bertholand (Jean), 45 ans, boulevai'd Na- [ Ide
tional, 356.
Fabi'B (Simon\ 26 ans, rue Larrey, 43.
m de la corpoiation des
Chaudronniers.
Bonnefoy (Joseph-Alidiouse), 27 ans, rue
Hoche, 12.
Blanc (Marius-Joseph), 29 ans, rue Beau-
mont, 6.
Bonifay (André), 31 ans, rue des Grandes-]
Armes, 77. (
Cloquemin (Jules-Simon) , 36 ans , rue
Fort-l'Empereur, 4.
Codonel (Joseph-Apollinaire), 31 ans, rue
du Nanquin, 3.
Simard (Jean-Baptisle), 41 ans, rue Neu-
ve, 18.
Blanc (Joseph), 45 ans, boulevard de Pa- j
ris, 67. r
Reiffort (Marius-Louis),41 ans, boulevard l
Rougier, 32. /
Idem, de la corporation des
l'aveurs.
Idem de la corporation des
Serruriers.
Idem do la corporation
des Chaisiers (octobre 1869).
Idem des Tailleurs de pierre
(décembre 1S69;.
\ A l'époque des arrestations iîastelica s'était prudemment replié sur Barcelone
où il logeait chez Farga Veiller. W, Calle Mercaders. Baslelica est d'origine Corse :
est néà Pastia.
ET LE .1 Ar.OrJINlSMF. 115
' néléguo des
Taulannc (Lambert-André), 3u uns, ruo ]
Devillicrs, 6. ' néléguo des chapeliers (dc-
Uriot (Jeau-naptistCy), li ans, rue Saint- l cembre ueo).
Ferréol, 2\. '
Aye (Jacques-Jean), 44 ans, rue Como- j
lut, 42. f /(/(?;» dos ou VI icrs Maçons. (De-
Dourgnon (IjOuis-dluirles), 36 ans, rue l légatioad'Ayeisjauvier hsto.
Dugère, 2. )
Chave (Léon- Auguste), 25 ans, rue des j
Bergers, 12. f
Gay (Pierre), 32 ans, rue Uuule-Sl-Do- 1 /'/«'« -^les .Menuisiers.
niinique, 14. /
Venel (Charles-Henri), 2(3 ans, boulevard i
de la Madeleine, 202. { Wc'« des Marbriers.
Bardel (Honoré), 31 ans, rue Paradis, 141. }
Lozier (Emile), 30 ans, rue Saint-Théo- \
dore, 2. ]'''*'" ^^^ ^Cordonniers. Lu2i;<r,
,, , , , /T • N t->T T-> i f démissionnaire de janvier
Gandolphe Louis), 33 ans, rue Boute- 1 ,.„ ^ ,^, , Janvier
\. * -^ r 1870, a été quelque temps
rie, 45. \ secrétaire do la féd6ralion.
Bernard (Pierre), 25 ans, rue Pastoit, 16. j
Couchoud (Joseph), 23 ans, rue des Pe- h,,,„„^^ ^^ ^^,^^.^^^ ^^^ ^^_
tites-Maries, 26. j vriers cordonniers.
Brun (Eugène), 42 ans, rue des Bous-En- ^
f t on I Délégués des Bouchonniers.
' • l Brun est président de cette
Henriot (François-Claude), 39 ans. Grand- 1 corporation, nenriot n'était
Chemin de Toulon, 17. ] que délégué supplémentaire.
Pacini (Pierre-Paul), 53 ans, quai du Ça-""
nal, 24. j
Duperron (Jean-Pierre-Gustave), 26 ans, f ^''^'" '^^^ '^'^P'"^'^''-'- ""P^non
,.. ,,1 • j^ Tj At,\ > n'a été délégué que pendant
\ieux-Lhemin de Rome, 110. / i„c ,„„ „ ^ ■ ...■
' l les mois de novembre et dc-
Lassus (Antoine-Henri-Guilhen), 34 ans.l cembre i869.
rue Curiol, 41. /
Meunier-Rivière (Georges), 30 ans, rue]
de Lodi, 136. f
T-. i- /» . \ o-i I m- • r ^'^fi"' des ouvriers Charrons
Fontes (Auguste), 37 ans, rue des Mini- l
mes, 12. )
Ronianin (Martin-Antoine), 29 ans, quai]
de Rive-Neuve, 81. //dm des Doreurs sur bois. Ar-
. 1 'TT • in 11 ^l niand délégué en fé-
.\.rmand [Henri), 29 ans, boulevard l vrier %-o
Raille, Hhi. • )
il6 L'INTERNATIONALE
Ariés (Guillaume), i3 ans, rue Gou- J
(lai'd, 37. Il)ël(5gii6s des Peintres. Déléga-
Borde 'r Jean-Frédéric), 33 an., rue Cha- | 'l°i\jTmo. '^^'"'"' ''
teaubriand, 1, ]
Ghachuat* iHcnri), 25 ans, menuisier en voilures, rue Navarin, 27.
(iayet- (Jean), 40 ans, mécanicien, rue Ijangeron, 11.
Bret (Joseph), 42 ans, boulevard du Mu-\,,/w , , ...
, ^ ^ ^ ' 1 Dolc'guos par la corporation (les
see, Al. ^ f Vcrnissoiirs. Coinbes était
Combes ^ (Louis-Étienne), ''21 ans, boule- l sccn^taire de la chambre fé-
vard de la Paix, 4. / '^^'^''^^^
Lemonnier (Alexandre), 54 ans, tailleur L_^.d.,^g,é au Congr..s de
d'habits, Vieux-Chemin de Rome, 43. j Bruxelles.
Roux (Étienne-Marius), 27 ans, rue de la]
Mure 7. f Délégués de la corporation dos
Aillaud f Jean-Baptiste-Léon), 34 ans,bou- i Tonneliers.
levard National, 156. ]
Gaffar (Guillaume-Gérard), 28 ans, rue de]
la Loge, 29. f jdem des Bouchonniers. Gaf-
Fabre (Barthélémy), 35 ans, rue de la( far délégué en mars i87o.
Loge, 18. )
Dubecco (Jean-Baptiste), 35 ans, rue"\
Hoche, 72. f hlem dos Chartiers-cliargeurs,
Durand (Antoine- Jean-François), 30 ans. l Dubecco délégué en novem-
rue des Petites-Mariés, 30. ) ""^^ ^^'^•'•
"\ Délégué en février I870 parla
Masse (Félicien), 46 ans, rue Désiré, 5. ( corporation des scieurs de
{ long, démissionnaire le 2* fé-
y vrier.
Sénéchal (Hubert -Nicolas), 29 ans, rue
Sainte-Eugénie, 33.
Mury (Antoine), 46 ans , rue Château- l ^'^^^^''^^ '^^^ vanniers.
Payon, 38.
Peleng (Joseph), 43 ans, rue Longue-des- ) Trésorier de la société des
Capucines, 71. i Vanniers (de juillet à dé-
7 cembre 1869).
Salicis (Louis), 27 ans, rue Dragon, 118 ) ^""'^'^""^ '^^ '^ '"^"'^ '^«■•po-
° ' ■ ) ration.
i Chachuat était à celte époque secrétaire de la société des libres-penseurs.
2 Oayet était membre de la même société, c'est un ancien condamné politique
déporté à Lambessa.
••« Combes appartenait déjà à L'Internationale en 1867, lors de la première organi-
sation de rette société à Marseille.
l.T l.K JACOBINISME 117
LongueviUo (Franeois-Mariu«). 4i ans. | ^^^-^-' ;^„tr"'' '"
Roger (Jean) , 41 ans, cours ^^''^'^-\u,,(.,^, ,,,,,, ^,^,,^„^,,,^
Louis, 12. )
Lafont (Émile-Victor), 28 ans, rue de) ;^^„, ^j^, Modeleurs-Mécani-
Chantérac, 4. j ciens (janvier 1870),
,, f ,,, ■„, M.,„:r, riômpiit ^ \ /''''«' fies Taiiissiers en meu-
Bonrguc ( loussaint- Marie - *.<icnieni ), i '
3't ans, rue Fontangcs, 9. )
Durand (Ferdinand-Gaspard), 28 ans, rue I y,,,,„; dos Fondeurs (jan-
Ste-Paulinc, 5. j vior i87o).
l^oche (Joseph-Siméon), 36 ans, rue des
, Idem des Maroquiniers.
Pistoles, 13.
Fourreau (André). 51 ans. menuisier, me)^^^^^^ ^^ ^^^^^.^ „^ „.,^
Navarin, 15. )
Foletti (Kugène), 26 ans, commis, prolon-L^^^^ délégation spéciale,
gement du boulevard de la Corderie, 2. J
Dumény (Gustave), 29 ans, rue d'An- | Délégué de la corporation des
vers, 1. . ( tonneliers en huile.
Massol (Pierre-Didier), 31 ans, marin , i [,i,„ p^r cette corporation
rue Ciary, 10. j en janvier H870'.
\ Secrétaire correspondant de
f la section de Barcelonuette,
A-lerini, > garant du Rappel de /•;<>-
/ vence, publié à Cannes .
Il est bon de faire remarquer que tous ces délégués nièrent
énergiquement toute affiliation à l'Internalionale.
Ils prétendaient n'avoir jamais entendu parler de l'infernafio-
iiale et ne connaître Bastelica que de nom.
Quand nous arriverons aux manifestes publiés par cette sec-
' Au Congrès de lîàlc, à la suite du rapport sur la situation de la Fédération mar-
seillaise, présenté par Albert Kichard, de Lyon, il était donné lecture d'une adresse
de l'Union des marins de Maneille donnant leur adhésion aux principes de l'Interna-
tionale (Voir Livre Bleu de l'Internalionale, page 118.) On peut consulter utile
ment sur l'activité de la l'édération marseillaise, la déclaration delà Chambre syn-
dicale des matelots français du port de Marseille insérée dans la Marseillaise du
23 avril 1870 et les lettres do lîastelica à Murât et autres que nous reproduisons aux
documents justificatifs, (pièce \V).
tiS I.'îXTKr.\ATin\.\ [.i:
lionnux mois de septembre et d'octobre 1870, nous verrons
combien de pareilles déclarations étaient sincères. D'ailleurs ils
mai'chaient sur les traces de leurs frères de Lyon, dont ([uol-
ques-uns étaient allés jusqu'à soutenir que l'Internationale
n'existait pas en France.
Il est nécessaire de dire un mot de cette chambre fédérale
qui avait été organisée d'après l'esprit et les i)rincipes de Flnlor-
nationaJe, etdonttous les délégués furent appelés à rendre compte
de leurs actes à la justice. Son organisation remonte au mois
d'août 1869. Elle est due à Bastelica, Vun des ronimis-voyagciirs
de rintei'iiRlioimlo les plus connus : témoins ses tournées dans
1<^ YaT, les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône, dont il a
lait lui-même le récit dans deux lettres, l'une écrite à (niil-
laume, de Neucliâtel, le 28 avril, l'autre insérée dans le journal
l'Internationale (numéro du l*^"" mai). Nous reproduisons ces
deux pièces : elles contiennent de précieuses indications sur les
résultats obtenus par Bastelica.
« Marseille, !28 avril 1870.
«t Mon cher Guillaume,
« La section de Marseille marche rapidement dans la voie des
grands progrès. -Je suis ù peine de retour d'une excursion parmi
les populations révolutionnaires du Var. Quel enthousiasme Tln-
ternationale a soulevé sur le passage de son propagateur ! J'ai
acquis cette fois la preuve invincible, irrécusable que les paysans
pensent et qu'ils sont avec nous. Ainsi, j'ai fondé en trois jours
de marches forcées et pénibles à travers ce pays des plus mon-
tagneux, cinq sections stratégiques autour desquelles rayonnera
toute la contrée, Gogolin , Saint-Tropez, la Gardc-Freinct,
CoUobrières et Goafaron.
« Les ouvriers et paysans des Alpes-'\îaritinies m'ont écrit
une lettre excellente , convaincue, m'invitant expressément à
leur porter la bonne nouvelle. Déjà Aix, la Ciotat, Annal et la
banlieue de Marseille se couvrent de sections industrielles agri-
coles. A bientôt le tour de l'Hérault.
ET Li; J A CO IJI X l"- M F.. llW
« Tout ce mouvement brise mes forces, mais augmente mon
courage.
« Salut cordial à Sehwilzgfuébel et. à tous les amis et frères
en révolution sociale. — A loi de cœur.
a André BASTELIGA. »
II
« Citoyen rédacteur',
« Je vous écris à la hâte ces quelques lignes, afin d'appuyer,
par l'expérience péremptoire des faits, votre article sur le
socialisme au village.
« Le numéro de la Marseillaise me tombe, en guise d'à-pro-
pos, ce matin sous la main, à Toulon, au moment où je quittais
avec deux compagnons le véhicule qui nous avait servi à ter-
miner la tournée propagandiste que nous avions entreprise
depuis (juelques jours dans les montagnes du Var.
« Après avoir visité ces énergiques populations agricoles et
industrielles, j'ai acquis cette certitude absolue qu'avec une
campagne bien menée, nous attirerons à nous la masse des
paysans.
a Ma conviction, dis-je, n'est plus idéale, mais bien expérimen-
tale. Les paysans seront, qu'on se le tienne pour certain, les
ennemis du socialisme tant que nous laisserons aux conserva-
teurs omnicolores et aux propriétaires le soin déhcat de le leur
expliquer par ces deux mots à sensation : partage et spectre
rouge!!!
« On s'indigne toujours injustement contre ces braves ou-
vriers des champs : que ne fait-on mieux, de les instruire, de
les éclairer, de les organiser sur place ?
« Délégué avec le citoyen E.Brun, syndic président de la
Corporation des houchonniers, guidé à travers ces pays monta-
gneux'par le citoyen Loujon, de la Garde-Freinet, pendant notre
courte mission, au moyen de réunions sérieusement organisées
par les comités locaux, nous avons instauré partout des so-
» Cette lettre avait été adressée au journal la Marseillaise.
120 L'INTF.RNAT lONALE
viélés de solidarité et parmi lea oiivriei^s houchonniers, et
parmi les paysans à vrai dira enthousiastes d'entrer dans la
voie du mouvement social; ensuite nous avons ébauché la
fédération parmi ces diverses sociétés, sans compter rétablis-
sement projeté d'une société de production {boulangerie), plus
cinq ligues d enseignement avec bibliothèques populaires :
cinq sections de P Internationale rayonnant sur tout le dépar-
tement.
« Tout ce travail, habilement préparé par les comités locaux
qui avaient invité à leurs réunions les hameaux environnants, a
été accompli en quelques jours seulement.
« Gela ne prouve-t-il pas surabondamment que l'esprit du
paysan est préparé à recevoir la semence ; ne tardons pas plus
longtemps . Je n'ose dire, de peur d'être taxé d'exagération,
que les résultats probables que nous attendons de cette propa-
gande énergique à travers les montagnes seront au-dessus de
nos espérances.
« Bientôt le tour des Alpes Maritimes viendra.
« Auparavant l'Internationale avait organisé les villes d'Aix
et la Ciolat.
1^ Je vous laisse à vos réflexions sur ce fait probant.
« Salut et égalité,
« A. BASTELIGA.
« Secrétaire-correspondant de la Fédération marseillaise. »
Revenons maintenant à la Fédération marseillaise. Organisée
au mois d'août 1869, elle avait son siège rue Dauphine, 5. Ghaque
corporation adhérente était tenue d'envoyer deux délégués : la
réunion de tous ces délégués constituait la Chambre fédérale
dont le bureau se composait d'un trésorier, d'un secrétaire * et
d'un président spécial pour chaque séance ^. G'est dans une
i Le secrétaire était chargé de la correspondance et de la rédaction des
procès-verbaux des séances. Ces fonctions d'abord remplies par Lozier l'ont
été ensuite par Combes.
•^ Chaque délégué devait présider à son tour et, à ce titre, signer lo procès-
verbal de la séance. Au mois d'avril 1870, 26 corporations faisaient partie de
la Fédération.
ET LE JACOUINIBMK. 121
réunion tenue à la salle du théâtre Musset qu'avait été décidée, à
l'instigation de Bastelica, l'organisation d'une chambre fédérale.
Une commission d'initiative et de propagande de cinq membres
était nommée à l'eftet do s'occuper de cotte organisation. Ariés,
peintre, Ghachuat, oufilleur, Lemonnier, tailleur, Poletti, em-
ployé, et Bastelica en faisaient partie.
Sous ce titre de Fédération ils devaient reprendre l'œuvre
inaugurée en 1867 par le ferblantier Vasseur *.
Nous avons signalé plus haut les tournées opérées à Aix,
Goufaron et autres centres ouvriers par Bastelica en compagnie
du citoyen Brun. Il nous paraît indispensable de donner quelques
détails sur les corporations organisées par leurs soins en syndi-
cats ou chambres syndicales et de relater les circonstances dans
lesquelles ces faits se sont accomplis.
La corporation des chapeliers d'Aix est l'une des premières
conquêtes opérées par le commis-voyageur marseillais^ elle re-
monte au mois de décembre 1869 (14 décembre) ; deux ou trois
réunions et la distribution de quelques carnets de l'Interna-
tionale lui ont suffi pour obtenir ce résultat. A son instigation et
à celle de Poletti et de Gombes, les ouvriers chapehers se sont
organisés en chambre syndicale; cette chambre comprenait à
cette époque environ 250 membres ; elle n'avait pas de prési-
dent, et était administrée par une commission composée de
13 membres. Cette chambre syndicale était représentée à la
réunion générale de la Fédération lyonnaise tenue , le
13 inars 1870, par l'un de ses secrétaii'es, le citoyen Goquillat ;
ce dernier était porteur d'un mandat de délégation signé par
tous les membres de la commission syndicale et visé par le se-
crétaire et le trésorier de la Ghambre fédérale Je Marseille.
Voici les noms des principaux membres de cette chambre
syndicale : cette indication aura son importance lorsque nous
arriverons à la tentative de soulèvement qui se produisit à Aix,
* Vassear est mort le 16 mai 1868. C'est lui gui avait fondé la section Mar-
seillaise au mois de juillet 1867 : à cette époque le bureau de la section dont
il était secrétaire se trouvait quai Napoléon, à l'entresol du café du Nouveau-
Monde. La cotisation mensuelle était de 10 centimes par membre. Bastelica
figurait parmi les adliérenls. — La section s'est désorganisée à la suite des
poursuites exercées contre les deux commissions parisiennes.
12.2 L • I N T K P, N A T I O N A L E
dfins la soirée du 4 avril, en laveur de la commune révolution-
naire de Marseille :
Bonnafoux (Auguste), 36 ans, ruo dos Bernardines ;
Cahassud (Louis), 3/i ans, rue Treille des Cordeliers, 36 ;
Trotebas (Charles), 36 ans, rue du Pont, 14 ;
Brissac (Antoine), 36 ans, rue des Cordeliers, 67;
Bertho (Louis) , 38 ans, rue des Bourrées, 25 ;
Porte (Jean-Baptiste), 3i ans, rue Fermée, 20 ;
Livon (Claude), 33 ans, rue des Épinais, 19 ;
Chapus (Calixte), 25 ans, rue de la Fontaine, 3 ;
Coquillet (Jude), rue Gourteissade, 20 ^
Livon remplissait les fonctions de trésorier; Calixte Chapus,
Bertrand et Bonnafoux, celles de secrétaire.
GouFARON, dans le Var, est la seconde étape de la cnmpagnn
ijjfornationnlo accomplie par Bastelica.
Dès le mois d'avril, les ouvriers de Goufaron * et même ceux
de Pignans étaient prévenus de la prochaine arrivée dans ces
contrées de Bastelica et de son compagnon de combat, le ci-
toyen Brun. Une réunion organisée par un certain Dubois était
en effet tenue à Goufaron, le 16 avril, sous la présidence do
Bastelica, dans une salle du café Bonnet. Une centaine d'ou-
vriers étaient présents; tous avaient été convoqués par lettre
spéciale. Dans ce nombre figuraient 15 ou 16 ouvriers de Pi-
gnans, notamment Cougourdan et Raynaud. Brun y prenait la
parole. Bastelica y traitait ensuite la question du plébiscite et
surtout la question de l'Internationale. Il en exposait les prin-
cipes et invitait les assistants à s'y affilier. Il leur expliquait que
le siège de cette société était à Londres, et que la cotisation à
payer pour en être membre était de 10 centimes par an.
Il ajoutait qu'un certain nombre de livrets de l'Internationale
seraient déposés chez le citoyen Dubois et que moyennant
10 centimes les ouvriers pourraient s'en faire déUvrer 3.
Quelques jours plus tard, le 20 avril, il conférait de sa propre
» Ce dernier était compris dans les poursuites dirigées contre l'Internatio-
nale : mais à cette époque il avait déjà quitté Aix et ne put être découvert.
2 Goufaron compte 90 ou 100 ouvriers bouchonniers.
3 30 livrets furent, en effet, remis à Dubois, par Bastelica : ils avaient été
préalablement visés parce dernier.
ET LK .i \<'.(,.I;1.\ISME. 12H
autorité à Dubois lo titre de socrétairo de la section de Goufaron:
cette nomination rlnit nno violation manifeste de l'articlo 9 des
statuts g"énéraux qui dispose que « chacpie sortion csl sonvcrnino
pour nommer ses covvcspondanls au conseil r/énérnl. » Basle-
lica, on le comprend, n'était pas homme à se laisser arrêter pour
si peu. Voici le brevet qui fut adresse par lui à ce nouveau colla-
borateur :
Association internationale
des travailleurs (Marseille).
« Marseille, 20 avril 1870.
« Cher citoyen Auguste Dubois, à Goufaron.
« Par cette présente, en vertu des pouvoirs à nous conférés
par le conseil général siégeant à Londres de l'Association inter-
nationale des travailleurs, nous déclarons nommer le citoyen
Auguste Dubois, ouvrier Louclioiuiier, secrétaire de la section
de la susdite association à Goufaron, département du Yar. Ses
pouvoirs particuliers consistent à propager partout où il lui
semblera propice et convenable, les principes de l'Internationale,
faire des adhérents, encaisser les cotisations, le tout en confor-
mité des statuts et règlements.
(c Le secrétaire général,
. BASTELIGA. »
Ce correspondant improvisé^ tout heureux d'être honoré d'une
pareille distinction, se mit à l'œuvre et parvint à distribuer une
dizaine de livrets et finalement à grouper autour de lui quelques
rares adhérents. Au mois de mai 1870, la section de Goufaron
ne comptait que sept membres inscrits ; c'étaient :
Dubois (Auguste), bouchonnier, rue des Puits, secrétaire de
la section ;
Maqiiet (Joseph), 43 ans, cordonnier;
Loujeon (Joseph), 48 ans, bouchonnier ;
Berne (Fortuné), 56 ans, idem ;
Martin (JuUien), 32 ans, idem ;
Joanès Matetto, 28 ans, idem ;
124 1/INÏKRNATlONALE
Chrysti (L(';on), 22 ans, bouchonnier '.
Après le succès obtenu par Bastelica à Goufaron, son mou-
vement de propagande se continuait les jours suivants à la Garde-
Freinet et Gogalin. En effet, le 17 avril, il se rendait à la Garde-
Freinet ; là, comme il l'avait fait à Goufaron la veille, il parlait
de l'Internationale et de la nécessité pour les ouvriers d'en de-
venir membres. Il était procédé, séance tenante, à la distribu-
tion de carnets contenant les statuts de V Internationale. Le
môme jour, à Gogalin, les principes de l'Internationale étaient
exposés par Bastelica et son acolyte, le bouchonnier Brun; le
lendemain les mêmes discours étaient tenus à GoUobrières, à
Pignans et autres centres ouvriers.
Nous avons encore à parler de la section organisée à Barce-
LONNETTE (Bassos-Alpos) par les soins d'Alerini, son secrétaire
correspondant, que nous retrouverons plus tard à Marseille
parmi les membres de la commission municipale instituée par
le préfet Labadié au mois de septembre 1870 ^.
Dans les premiers jours du mois de janvier de la même an-
née, Alerini, l'une des recrues de Bastelica, recevait d'Eugène Du-
pont les pleins pouvoirs pour organiser des sections de l'Inter-
nationale àBarcelonnette et dans les environs. A Barcelonette,
il faisait de la propagande jusque sur la voie publique : on le
voyait arrêter dans les rues les ouvriers, de sa connaissance,
môme ses anciens élèves et leur proposer d'entret dans l'In-
ternationale. Il leur remettait des livrets après leur avoir donné
connaissance des instructions qui lui avaient été adressées do
Londres et des pleins pouvoirs dont il était porteur.
En dépit de tous ses efforts, le nombre des adhérents fut
I Tous ces individus avaient été compris dans les poursuites ; ils ont béné-
ficié de l'ordonnance de non-lieu collective dont nous avons parlé plus
haut.
- Alerini (Charles), né à Bastia, le 20 mars 1842, était professeur de physique
au collège de Barcelonnetle. Suspendu de ses fonctions au mois de mars ou
avril 1.S70, par décision du recteur d'Aix, il devint gérant et plus tard rédac-
teur en chef du Rappel de Provence.
II avait été affdié à l'Internationale par Bastelica, et avait reçu des mains
de ce dernier un livret et une carie de sociétaire. Il fut arrêté à Cannes, le
20 mai, sous inculpation de participation à une société secrète el en vertu d'un
mandat délivré par le juge d'instruction de Marseille. Le même jour il était
transféré dans celte ville.
ET LE .IAc;c)1!IN1SML;. 125
toujours des plus modestes : à la fin du mois d'avril il n'était
jinrvenu à recruter que trois ou quatre adoptes, au nombre des-
quels figuraient un tailleur de nom de Brun (Adrien), et un
employé des ponts et chaussées, le citoyen Guende (Louis). Ce
dernier, enTabsence d'Alerini, remplissait les fonctions de sncré-
Inivocovvespondiuit pur intérim ; c'est en cette qualité qu'il écri-
vait, le 14 floréal an LXX VIII ^ au citoyen Albert Baume, alors ré-
dacteuren chef du journal le Rappel do Provence. Gomme on le
voit, l'Internationale était représentée à Barcelonnette par deux
lonctionnaires. Nous devons ajouter qu'à l'instigation d'Aleriiii,
nn cercle ninuiiol y avait été organisé ; Guende en était do-
venu secrétaire.
A la môme époque, l'Internationale cherchait à s'implanter à
Besançon ; les poursuites ordonnées par le ministère Ollivier ve-
naient la surprendre dans sa période d'organisation. C'est dans
la corporation des graveurs et guillocheurs qu'elle avait re-
cruté ses premiers adhérents. Cette corporation ne devait donc
pas échapper à la persécution qui sévissait alors. Plusieurs de
ses membres ayant été déférés à la justice, on s'explique com-
ment nous sommes amenés à raconter dans quelles circonstances
l'Internationale avait reçu droit de cité à Besançon. Cet histori-
que offre d'ailleurs un certain intérêt.
Dès le mois d'octobre 1869, les ouvriers graveurs et guillo-
cheur en horlogerie songeaient à s'organiser en association coo-
pérative de prévoyance. Des démarches étaient faites par l'un
d'entre eux, Robert, auprès du citoyen Fritz Hong, de la Chaux-
ele-Fonds ', aiin de connaître la marche à suivre pour entrer dans
l'internationale et pour être admis à faire partie de la Fédéra-
tion des graveurs de la Suisse. Dans sa lettre du 31 octobre,
Fritz Heng fournit sur ce point à son ami Robert des rensei-
gnements qui ont leur importance au point de vue des principes
qui règlent les rapports entre le conseil général et les sections.
Voici les passages les plus saillants de cette lettre.
a Je vois avec plaisir qu'à Besançon les ouvriers conipren-
1 Ffitz Heng était secrétaire de la section de l'Alliance de la démocratie tocia-
Uste, qui avait pour président le Russe Bakounine.
188 L'INTERNATIONALE
neni que ce n'est que par lu soliLhinlé du tous que le prolétariat
peut arriver à quelque chose pour amcliorer sa position. Vous
demandez de quelle manière vous devez vous l'aire recevoir de
l'Internationale et de la Fédération des graveurs de la Suisse.
Vous n'avez qu'à m'envoyer votre règlement : je le soumettrai
au Comité fédéral des sections romandes do l'Internationale,
qui se fera un plaisir de vous recevoir. Je dois vous ex-
pliquer ce que c'est que la Fédération romande. ly-dhorûVlnlcv-
nale comprend toutes les sociétés du monde en lier sans dis-
tinction de couleur, de nationalité et de religion. Cette vaste
association est organisée comme il suit :
<t Elle a s,on comité général appelé cojiseil général siàgcdid à
Londres lequel nmiGE toutes les affau^es générales de l'lmeu-
NATiONALE ; puis dans chaque pays ou région, l'Internationale
se forme en fédérations ayant leur comité fédéral avec lequel
chaque section correspond directement. Ce comité fédéral sert
d'intermédiaire entre la fédération et le conseil général. Pour
faire partie de l'Internationale il suffit donc d'adhérer aux sta-
tuts et règlements de l'Association et de faire connaître cette
adhésion au conseil général de Londres
« Fritz HENG. ^
Quelques jours après avoir reçu ces indications, Robert, qui
voulait avant tout se couvrir d'une apparence de légalité, solli-
citait du préfet du Doubs l'autorisation de fonder une société de
prévoyance destinée à établir un lien de solidarité entre les ou-
vriers d'un même état et à leur créer au moyen d'une cotisation
mensuelle, des ressources disponibles en cas de grèves, acci-
dents, chômages, mais non en cas de maladie.
La chambre de commerce de Besançon, consultée sur l'oppor-
tunité d'accorder cette autorisation, conclut au rejet de la de-
mande le 21 février 1870. Une décision ministérielle fut prise dans
le même sens sous la date du 21 mars : le refus était motivé
sur ce fait que' certains articles des statuts déposés et notam-
ment l'article 19 imposaient aux ouvriers et même aux patrons
des obligations contraires à la liberté du travail. (Article 19. « Le
ET LE JACOBINISME. 127
« sociétaire qui accepterait une diminution de prix sans consul-
« ter le comité sera rayé immédiatement. »)
En attendant l'autorisai ion (ju'il avait demandée, Robert était
loin de rester inactif; il entrait en correspondance avec Aubry
de Rouen et lui annonçait que l'inlenlion de .sa corporalion
était de se faire recevoir eu bloe iminédiaiemeiit aprùs non ur-
ganisation.W s'informait du lieu oii devait être adressé le mon-
tant des cotisations et priait Aubry de le mettre en rapport avec
Dupont de Londres dont il recevait plus tard des instructions
sous la date du 29 avril. Dans toutes ces lettres il exprimait son
ardoiit désir de faire adhérer le plus vite possible à l'Interna-
tionale le groupe des ij;Taveurri *.
En dépit du veto ministériel, la société des graveurs et guillo-
clieurs de Besançon était déiinitivcment organisée ; ses membres
allaient jusqu'à prévenir l'autorité de leur décision à cet égard
et à lui annoncer que la société commencerait à fonctionner le
1"' avril sous le titre d'Association ouvrière des graveurs et
guillocheurs de Besançon.
Les agissements de cette société lui valurent, au mois de mai,
les honneurs d'une poursuite. Ses membres furent d'abord ac-
cusés (V avoir fait partie d'une section de la société secrète
r Internationale. Douze d'entre eux: comparurent devant le tri-
bunal correctionnel de Besançon, à l'audience du 17 juin, et ne fu-
rent condamnés, le 24 du même mois, qu'à 25 francs d'amende
pour avoir fait partie d'une association non autorisée, ayant pris
le titre de Société ouvidère des graveurs et guillocheurs de Be-
sançon, association composée de plus de vingt personnes ^.
Voici les noms des individus condamnés :
Robert (Augustin), président de la société ;
Melin (Alphonse), secrétaire;
Petit-Jean (Jules);
Borel (Philandre), vice-président de la société;
Chevrier (Joseph), trésorier;
Wys (Emile) ;
Julien (Victor) ;
1 Toutes ces leUres, ainsi que les instructions d'Eugène Dupont, ont été
reproduites aux documents justificatifs (voir pièce b).
» Robert seul fut condamné à cent francs d'amende.
128 L'IN.TERNATIONALE
Ormancoy (Félix) ;
Robillier (Edmond) ;
Moreau (Léon).
Nous en avons iini avec les nombreuses poursuites dirigées
contre les membres de l'Internationale : nous aurons à étudier
maintenant dans quelle mesure ces persécutions ont ralenti son
œuvre, et à rechercher les actes accomplis par cette association
depuis le jour oii ont commencé ses épreuves jusqu'au moment
où les malheurs de la patrie permettront à ses coryphées d'usur-
per les fonctions publiques. Il est de notre devoir d'initier le
lecteur à tous les faits et gestes de l'Internationale pendant
cette période qui s'étend du mois de mai au 4 septembre. Qu'on
nous permette, avant de commencer ce récit, d'appeler l'atten-
tion publique sur un document do la plus haute importance.
Nous voulons parler des ALPHABETS SECRETS à l'usage des
chefs de l'Internationale.
ET LI:; JACOBINISME. 129
CHAPITRE IV
DICTIO.WAIRES ET ALPHABETS SECRETS A l'uSAGE DES AFFILIÉS.
Il n'est pas rare de rencontrer aujourd'hui des gens qui, se
faisant les apologistes de « Vlmmanitnirc Internationale », pré-
tendent que cette société ne dissimule aucun de ses actes
et qu'elle a toujours agi au (/ranci jour. Nous savons par
expérience à quoi nous en tenir sur le mérite de pareilles
affirmations.
Le ffrand jour, au nom duciuel on fait tant de bruit, consiste
à publier de temps à autre quel([ues manifestes dans les jour-
naux étrangers, manifestes reproduits par quelques journaux
français. Mais les instructions transmises au nom du conseil
général par les correspondants, les décisions adoptées par ce
même conseil général^ les résolutions prises à la veille ou à la
suite de tous les événements politiques, ces communications
privées dont l'envoi se fait avec un luxe inouï de précautions,
ces mots d'ordre .que l'on recommande de brûler, oîi en est la
publicité? Dans quelle feuille peut-on en prendre connaissance?
La vérité, la voici : nous ne savons de l'Internationale que ce
qu'elle veut bien nous faire savoir; elle a des mystères impéné-
trables, au secret desquels quelques rares adeptes sont seuls
initiés.
Remarquez, en effet, que tout ce qu'on a pu apprendre jusqu'ici
des menées de l'Internationale résulte ou de révélations obtenues
de « c/uelques traîtres » ou de pièces saisies dans les perquisi-
tions opérées au domicile des internationaux à l'époque des
poursuites dont ils ont été l'objet. Voilà les sources auxquelles
il a fallu s'inspirer : on comprend tout ce qu'un pareil procédé
offre d'incertitude.
En dehors de là, rien ne transpire de ce qui se passe au sein
9
130 L'INTERNATIONALE
(le l'Internationale : les adeptes seuls connaissent r/rosso modo
les réunions (jui ont eu lieu dans les diverses sections et les ré-
solutions (jui y ont été prises ; il leur est donné lecture de
quelques lettres dont on a soin de supprimer les passages à
sensation. Los correspondants, les hommes d* action, les intimes
sont seuls mis dans la conlidence des projets ou résolutions
d'un caractère compromettant.
Ces communications leur sont faites à l'aide des alphabets
secrets : nous avons eu la bonne fortune de nous procurer
quelques-uns de ces mystérieux documents. Nous n'hésitons
pas à les livrer à la publicité en ayant soin de reproduire les
remarques qui y figurent ainsi que les instructions à suivre
pour s'en servir i. Toutes ces annotations d'ailleurs son! l'œuvre
de James Guillaume, de Neuchâtel, rédacteur en chef du Journal
la Solidarité, une des autorités de l'Internationale, de Richard
et de Bakounine ; nous n'y ferons aucun changement, nous
copions textuellement les originaux qui sont entre nos mains.
» Parmi les individus qui se servaient « de ces béfises » (style d'Albert
Richard), nous pouvons signaler Perron, de Genève ; Guillaume, de Neucliàtel;
Bastelica, de Marseille; Varlin, de Paris; Robin de Bruxelles ; Richard, de
Lyon, etc., etc.
Le 11 janvier 1870, Guillaume écrivant à Richard lui recommandait de
faire une copie du dictionnaire pour Bastelica et de la lui envoyer d'urgence. II
ajoutait : Nous niions pouvoir entrer maintenant en correspondance suivie
•''ans avoir rien à craindre. Lundi, je t'écrirai une première lettre pour faire
'•'essai du système.
ET LE JACOBlMÏS^^ï:.
131
Premier système d'alphabet écrit par James Guillautne.
1. Je
2. Moi.
3. Me.
't. Tu.
5. Toi.
6. Te.
1. Il, elle.
«. Lui, elle.
y. Le, la (pronom).
10. Soi.
11. Moi-même.
12. Toi-même.
13. Lui, elle-même.
14. Mou,
15. Ton.
16. Son.
17. Oïl.
18. Tout.
19. Ce, cela.
20. Celui qui.
21. Ce qui.
22. Que.
23. Qui.
24. Rien.
25. A.
26. Avec.
27. Alors.
28. Ainsi.
29. .\ussi.
30. Avant.
31. Après.
32. Auprès.
33. Assez.
34. Autant.
35. Au moins.
36. Autour.
37. A présent.
38. Ailleurs.
39. Bien.
40. Bien que.
il. Heaucoup.
42. Car.
A.\. Cj:nme.
4i. Comment.
45. Combien.
46. Chez.
47. Ci, ici.
48. C'est, il est.
49. De.
50. Dans.
51. Depuis.
52. Déjà.
53. Donc.
54. Et.
55. En.
56. Encore.
57. Ensuite.
58. Entre.
59. Enfin.
60. Le (article).
61. Lorsque.
62. Longtemps.
63. Ici.
64. Jusque.
65. Juste.
66. ^Nlais.
67. Même.
68. Non, r,c
69. Ne pas.
70. Ou.
71. Oui.
72. Ou.
73. Ou.
74. Pas.
75. Par.
76. Pour,
77. Partout
1S2
l'internationalf:
IS. Parmi.
79. Presque.
80. Pas encore.
81. Pas du tout.
82. Pourquoi.
83. Quand.
84. Quoi.
85. Quel.
86. Quoique.
87. Quelque.
?. Recevoir
89. Si.
90. Sans.
91. Sur.
92. Sous.
93 Selon.
94. Sans doute.
95. Tout.
96. Tant.
97. Très.
98. Trop.
99. Tout à fait.
100. Un.
101. Etre.
102. Avoir.
103. Bientôt.
104. Y.
Les numéros suivants, de 105 à
233, qui avaient été établis d'après
un système reconnu ensuite défec-
tueux, ont été retranchés pure-
ment et simplement, pour ne pas
déranger la série. Le dictionnaire
continue par le n° 234.
[Annotation do James Guillaume.)
234. Besançon M. A.
235. Montagnes neuchâte-
loises. M-'e A.
236. Neuchàtel. M. B.
237. Chaux-da -Fonds. M"'» B.
238. Locle. I\L Cl.
239. St-Imicr. M""' C.
240. Jura bernois. M. D.
241. Bienne. M™« —
2i2. Berne. M. E.
2'i3. Zurich. M™** —
244. Alsace. M. F.
245. Bàlc. M™e —
246. Wuiiemberg. M, G.
247. Bavière. M™= —
218. Bade. M. H.
249. Provinces rhénanes. M™" —
250. Prusse. M. J.
251. Autriche. M"« —
252. Angleterre. M. K.
252. Belgique. M™« —
253. Londres. M. M.
254. Bruxelles. M™« —
255. Berlin. M. M.
256. Vienne. M'"* —
257. Leipzig. M. N.
258. Prague. M™« —
259. Dresde. M. 0.
260. Francfort. M™« 0.
261. France. M. P.
262. Pans. M^-^ P.
263. Lyon. M. R.
264. jNLarseille. M°»" —
263. St-Etienne. M. S.
266. Rouen. M»° —
267. Nantes. M. T.
268. Bordeaux. M™e _
269. Toulouse. M. U.
270. Nîmes. M°>e —
271. Montpellier. M. V.
272. Tours. M'"'' —
273. Lille. M. W.
274.
275. Luccrne. M. X.
276. Fribourg. M«>e _
277. Lausanne. M. Y.
278. Genève. M^-^ —
279. Savoie. M. Z.
280. Lugano. M"= —
ET LE JACOBINISME.
183
281. Tessin.
M. AA.
313. Russie.
M. AS.
28-2. Mont-Genis.
M'"" —
314. Pologne.
Mme
283. Simplon.
M. AB.
315. St-Pétersbourg.
M. AT.
284. St-Gothard
M™» —
316. Moscou.
Mme
285. Italie.
31. AC.
317. Le Volga.
M. AU.
28G. Naples.
Mme .^
318. Petite Russie.
Mme
287. Home.
M. AD.
319. Sibérie.
M. AV.
288. Sicile.
Mme AD.
320. Lithuanie,
Mme
289. Calabre.
M. AE.
321. Kazan.
M.AW.
290. Uomagne.
M..'c _
322. Kiew.
Mme
291. Bologne
M. AF.
323. Odessa.
M. AX.
292. Civita-Vecchia.
Mme
324. Riga.
Mme
293. Palerme.
M. AG.
325. Varsovie.
M. A Y.
294. Livoui-ne.
Mme _
326. Turquie.
Mme _
295. Gênes.
M. AH.
327. Constautinople.
M. AZ.
296. Venise.
Mme —
328. Algérie.
Mme _
297. Trieste.
M. AJ.
329. Egypte.
M. BA.
298. -Alilan.
Mme _
330. Balgarie.
Mma _
299. Turin.
M. AK.
331. Valachie.
^L BB.
300. Florence.
Mme
332. Servie (Turquie).
Mm» _-
301. Espagne.
M. AL.
333. Servie (Autriche).
M. BG.
302. Catalogne.
Mme _
334. Hongrie.
Mme _
303. Andalousie.
M. AM.
335. Transylvanie.
M. BD.
304. Murcie.
Mme
336. Pesth.
Mme _
305. Galice.
M. AN.
337. Constautinople.
M. BE.
306. Madrid.
Mme —
338. Athènes.
Mme —
307. Barcelone.
M. AO.
339. Alexandrie.
M. BF.
308. Saragosse.
Mme __
340. Bucharesl.
Mme —
309. Tarragone.
M. AP.
341. Amérique du Nord
M. BE.
310. Cadix.
Mme
342. — du Sud.
Mme BE.
311. Xérès.
M. AR.
343. New-York.
M. BF.
312. Malaga.
M"'c
ai4. Association Internationale des travailleurs.
3i5. Fédération romande.
346. Sections de Genève.
347. Sections de la fabrique (Genève).
348. Sections du bâtiment (Genève).
349. Sections des Montagnes (Neuchàtel).
350. Sections de la Suisse allemande.
351. Sections lyonnaises.
352. — parisiennes.
353. — marseillaises.
354. — rouennaises.
355. — italiennes.
Mme BF.
M. BG.
Mme
M. BH.
Mme _
M, BJ.
Mme
M. BK.
Mme
M. BL.
Mme
.M. BM.
m
L'INTERNATIONALE.
856. — espagnoles.
357. — belges.
358. — anglaises.
359. — allemandes.
3G0. Parti de la démocratie sociale allemande.
361. Parti _ . ^^ — auti'ichien.
362. Parti de Schweitzer.,
363. Conseil général de Londres.
363. Conseil général belge.
364. Comité fédéral romand.
365. Comité du parti démocrate socialiste allemand.
366. Comité central allemand pour l'Internationale.
36,7. Comité central international français.
368. — — — italien.
369. — — — espagnol.
370. Alliance de la démocratie socialiste.
371. — publique.
372. — secrète,
373. Section publique de Genève.
374. Organisation secrète de l'Alliance.
375. Organisation secrète international.
376., — — nationale.
377.. — — provinciale.
378. — — locale.
379. Allié secret internationale.
380. — — national.
381. — — provincial.
382. — — local.
383. Bureau central de l'alliance.
384. Bureau suisse.
385. — français.
3S6. — italien.
387. — espagnol.
388. — allemand.
389. — autrichien,
390. — belge.
391. — anglais.
392. Congrès de l'alliance
393. Membre de l'alliance
39_4. Délégué
395. Jung. M. CG.
396. Eccarius. M™« —
397. Lessner. M. CH.
398. xMarx. M"»* —
399. Dupont. M. CJ.
= la fête.
=^ cousine.
== parent..
400. Applegarlh.
401. Lucraft.
402. Corvell Stepney.
403. Becker.
404. Goegg.
Mme ^
M. BN.
M"« —
M. BO.
Mme —
M. BP.
M™e —
M. BU.
M"eBR.
M. BS.
]\lme — ,
M. BT.
M^e
M. BU.
Mme ,
M. BV.
Mme
M. BW.
Mme —
M. BX.
Mme _
M. BY.
Mme _
M. BZ.
Mme
M. CA.
Mme _
M. CB.
Mme _
M. ce.
Mme _
M. CD.
Mme
M. CE.
Mme __
M. CF.
Mme _
Mme _^
M. CK.
Mme —
M. eu
Mme _„.
ET LK JACOBINISME.
im>
405. Licbkaecht.
M. CM.
450
Napoléon.
M""' DJ.
406. Sehweitzer.
M"»* —
451
Eîugénic.
M. DK.
i07. Behcl.
M. GxN.
452
Plon-plou.
Mm. _
408. Hess.
Mme _
153
Orléans.
M. DL.
40n. Spici-.
M. GO.
4 .-.4
Jésuite.
M me —
410. Neumeyer.
Mme —
455
République bour-
411. Collin.
M. GP.
geoise.
M. DM.
41i. .la lias h.
M -ne
456
Gommune révalu-
413. Hhis.
M. GR.
tionnuire.
Mme _
41 i. De Paepe.
M tue —
457
Jacobin.
M. DN.
41ô. Rol)iu.
M. GS.
458
Socialiste d'Etat.
Mme —
416. Hiismée.
M-e _
459
Socialiste révolu-
41". Bakouiiine.
M. GT.
tiounaire anar-
418. Perron.
Mm. _
chiste.
M. DO.
419. Brosset.
M. GU.
460.
Tolain.
Mme _
'r20. Duval.
Mme —
461.
Longuet.
M. DP.
421. Schiiidler.
M. GV.
462.
Proudhon-,
Mme _
422. Liadeg-ger.
Mme _
463.
Laaglois.
M. DR.
423. Piiiier.
M. GW.
464.
Ghassin.
Mme
424. Mory.
Mme _
465.
Individualiste.
M. DS.
423. Guétat.
M. GX.
466.
Mutualiste.
Mme _
426. Grosselio.
Mme _
467.
Ligues de la Paix
427. Perret.
M. G Y.
et de la Liberté.
M. DT.
428. L'Egalité.
Mme
468.
Varlin.
Mme _
429. Le Progrès.
M. GZ.
469.
Malon,
M. DU.
430. Ij'InlornatioDale.
Mme —
470.
Rey.
Mme _
431. La Volkstimme.
M. DA.
471.
Reclus.
M, DV.
432. Le Volkstaat.
Mme —
472.
Ozeroff.
Mme _
433. Guillaume.
M. DE.
473.
Mroczkouski.
M. DW.
434. Fritz Robert.
Mme _
47ï.
Joukowsky,
Mme _
435. SchwitzguobeL
M. DC.
475.
Mad. Joukowsky.
M. DN.
436. Spiehiger.
Mme _
476.
Princesse Obo-
437. Graisier.
M. UD.
lensky.
Mme _
438. Ho(iu©t.,
Mme _
477.
Outine.
M, DY.
439. Heug.
M. DE.
478-.
Richard.
Mme
440. Chevalley.
Mme
479.
Palix-
M. DZ.
441. GouUery.
M. DF.
480.
Bastelica.
Mme _
442. Le Réveil.
Mme _
481.
Aubry.
M. EA.
443. Delescluze.
M. DG.
482.
Tasso,
Mme
444. Ledru-RoUin.
Mme _
483.
M. EB.
445. Félix-Pyat.
M. DH.
484.
Mme _
446. Blanqui.
Mb»<= —
485.
M. EG.
447. Jaclard.
M. DJ.
486.
Mme _
448. Parti. =
comédie.
487.
Gaporusso.
M. ED.
449. Partisan, ::^ b
ouffon.
488.
Gamljuzzi.
Mme _
136
L 'INTERNATIONALE
489.
Fanclli.
M. EE.
523.
L'Etat.
M. EX.
490.
Fiùszia.
Mme _
52 i.
Victor-
Emmanuel
. Mme —
491.
Sentinon.
M. EF.
525.
Garibaldi.
M. EY.
492.
Farga Pcllicer.
Mme —
526.
Mazzini.
Mme __
493.
José L. Pelliccr
527.
La Consorlcria.
M. EZ.
Pintor.
M. EG.
528.
Bismai
k.
Mme —
494.
Rubau.
M™e _
529.
Beust.
M. FA.
495.
Cordova.
M. EH.
530.
Gouvernement —
: Compa-
496.
Ceneg'orta,
Mme
gnie.
497.
Benito Rodriguez.
M. EJ.
531.
Gouvern. russe.
Mme FA.
498.
Lorenzo Asprillo.
Mme _
532.
—
prussien.
M. FB.
499.
Passiol.
M. EK.
533.
—
autrichien
M-ue _
500.
Tomas Gonzalès,
534.
—
français.
M. FC.
Grabador.
M"^« EK.
535.
—
italien. .
M'»e _
501.
CciTudo.
M. EL.
536.
—
espagnol.
M. FD.
502.
Garrido.
Mme _
537.
—
belge.
]\Ime
503.
Pi y Margall.
M. EM.
538.
—
anglais.
M. FE.
504.
Pierrad.
Mme —
539.
—
bavarois.
Mme
505.
Castelar.
M. EN.
540.
—
^vurtember-
506.
Orense.
Mme
geois.
M. ¥h\
507.
Prim.
M. EO.
541.
—
papal.
Mme _
508.
Serrano.
Mme _
542.
—
suisse.
M. FG.
509.
Candidat de Por-
543.
—
genevois.
Mme _
tugal.
M. EP.
544.
—
vaudois.
M. FH.
510.
Duc de Gènes.
Mme _
545.
—
neuchàte-
511.
Isabelliste.
M. ER.
lois.
]\ime _
512.
Carliste.
Mme
546.
—
bâlois.
M. FJ.
513.
Prêlres.
M. ES.
547.
—
zuricois.
},Ime _
514.
Libéraux.
Mme _
548.
—
tessinois.
M. FK.
515.
Progressistes.
M. ET.
549.
La police = les em-
516.
Démocrates.
Mme _
barras
, ou /a tante.
517,
Républ. centra-
ou mademoiselle
FK.
listes.
M. EU.
550.
Chimie
Mme FK.
518.
Républ. fédéra-
551.
Nitro-g
lycérine.
M. FL.
listes.
Mme _
552.
Picrate de potasse. M^e —
519.
Social, bourgeois.
M. EV.
553.
Armes.
M. FM.
520.
Social, rôvolut.
Mme _
554.
Poudre.
Mme _
521.
Le Pape.
M. EW.
555.
Muniti
ons.
M. FN.
522.
L'Eglise.
Mme —
556.
Argcn
Mme _
557
Paysans propriétaires.
M. FO.
558
Paysans prolétaires.
Mme _
559
La Liberté de Bruxelles.
M. FP.
560
La Liberté de Genève.
Mme _
561
La Federacion de Barcelone
M. FR.
562
Le Bulletin du coi
iseil sénéi
^al.
Mme _
KT IJ-. JACOBINISMK. 137
503. La Fratrriiiltj Aï" la Migaudière. M. FS.
5Gi. Chandcy. M""' —
565. Fiil)ourg. M- FT.
566. La Dcinocraiio de Chassin. M"" —
567. Victor Hugo. INL FU.
568. Le rtappol. M""' —
569. Berti Calura. -^1- i^'V.
570. Mazzoui. M"'= —
571. Journal de Jauasch. M. F\V.
572. Journal do Genève. M»" —
573. Le Bund (de Berne). M. FX.
574. La Montagne (journal de Coullery). M™« —
575. Journal radical ncuchàtelois. M- FY.
576. Dcr Deinokrat (journal do Zurich). M'"'' —
577. Der Volksfreund (journal de Bàle). M. FZ.
578. La Suisse radicale (journal genevois). M">e _
579. Fazy. M. GA.
580. Catalan. ' M'"'^ —
581. Campcrio. ^I- ''î^-
58-2. Noire. ^i""*" —
583. Votre. M. GG.
584. Leur. ' M"»" —
Uemarques *.
« Gc dictionnaire ayant été confectionné à la hâte, il s'y est glissé
plusieurs erreurs, ({u'on ne pourrait corriger que par une entente
commune, mais qui heureusement sont sans conséquence. Les voici :
« Le chiffre 252 est répété deux fois : on y obvie au moyeu du
signe ' Il en est de même du chiffre 363.
« Au n" 274 il y a une lacune, pour placer une ville de France qui
n'a pas été inscrite.
« Gonstantinople est répété deux fois, aux n»* 327 et 337.
« Les désignations M. BE., M'"^ BE,, M. BF. et M"'« BF., sont
répétées deux fois. Pour éviter une ei'reur, on n'a qu'à écrire à côté
de ces indications leur n» d'ordre, lorsqu'on s'en sert.
« On a laissé 4 places vides, de 483 à 486, pour les remplir ùvcn-
tuellement par des noms nouveaux.
« Enfin, plusieurs choses ayant été oubliées à leur place naturelle,
et écrites plus tai^d, le dictionnaire manque généralement d'ordre.
« La première partie de ce dictionnaire, n° 1 h 104, renferme des
mots usuels, que l'un écrit au moyen de leur numéro d'ordre, pour
1 Ces remarques et instructions sont l'œuvre do Guillaume ainsi que les deux
autres systèmes d'alptiabet qui figurent, poges 138 et 139.
138 L'INTERNATIONALE
s'éviter la peine de les chiffrer lettre par lettre. Pour les distinguer
dcsaulres wots chiffrés, on les luit suivi-e de deux points..
Beaucoup s'écrira 41..
Comment s'écrira 44..
(' Les mots des n<>» 231 à la fin, s'écrivent au moyen de Monsieur
ou Madame tel ou tel. Le numéro ne sert que dans les cas où il faut
éviter une équivoque.
« Ainsi Lyon s'écrit M. R.
Dakounine s'écrit M. CT.
Perron s'écrit M°"= Cï.
« Par des motifs que J'ignore, rnulcur du dictionnaire ifa pas
admis dans ses combinaisons la lettre q.
« Pour éviter la confusion, l'i et l'j ont été réunis en une seule
lettre.
DEUXIEME SYSTEME U ALPHABET.
a
b
a
d
e
f
g
h
1
J
k
1
m
98, 77, 49, 32.
86, 64, 24.
92, 59, 31.
88, 57, 23.
79, 71, 44, 39, 13.
85, 45, 30.
97, 58, 22.
82, 46, 21, 17.
91, 70, 55, 48.
87, 43.
78, 63, 11.
69, 56, 38, 96.
74, 61, 50, 33.
n
84, 68, 52,
47, 12
0
76, 67, 54,
37.
P
95, 67, 27.
y
81, 42, 16.
r
90, 66, 63,
36.
s
73, 51, 26,
10.
t
94, 41, 19,
15.
u
75, 29, 25,
14.
V
93, 65, 28,
18.
w
89, 60.
X
80, 10.
y
99, 35, 20.
z
83, 34.
« Pour écvh'G d'après cet alphabet, on prend, pour représenter une
lettre, fun ou l'autre des groupes de deux chiffres, en variant les
combinaisons.
« Au commencement de chaque nouvelle phrase, on place un chiffre
arbitraire, que le lecteur, en déchiffrant, doit hiffer.
« Ainsi ye viens s'écrira, avec le cliiffre arbitraire 2 :
287799391718473.
« Lin chiffre qu'il faut lu'e comme un nombre, doit être souligné.
EMPLOI DU DICTIONNAIRE DE BENARD.
17™« édition.
« Pour écrire un mot d'après ce dictionnaire, on cherche la page
ET LE JACOBINISME. 13^
OÙ st' trouve ce mol, et on eu iusci-il le clùlTre. Puis ou compte,
daus la colonne où le mol se trouve, (luel est sou rauy à partir du
haut fie la page, et ou inscrit encore ce chilTre ; si le mot est dans
la seconde colonne, on fait un Irait horizontal au-dessus de ce
claiffre.
a Exemple : je veux écrire le mol ville. Supposons qu'il soit à la
page 412, le 8^ mot de la seconde colonne, j'écris : 412, 8.
« Toutefois, ces chiffres ne suflisent pas. 11 faut encore des signes
pour indiquer le genre et le nombre, la personne et le temps des
verbes, etc.
« Ces signes supplémentaires ; les voici :
Masculin et indifférent : !'« personne !
Féminin ; 2°»« personne ?
Pluriel — 3°"^ personne, aucun signe.
Féminin pluriel ; —
« Quand les signes de ponctuation ont leur valeur ordinaire, on
les met entre parenthèses (.j (:) (;) (!) ;?).
Temps des verbes.
Présent 1.
Imparfait 2.
Passé délini 3.
Passé indéfini 4.
Plus-que-parf. 5.
Futur 6.
Futur nasse 1.
Conditionnel 8.
Conditionnel passé 9.
Impératif 10.
Subjonctif présent H.
Subjonctif passé 12.
Participe présent 13.
Participe passé 14.
Infinitif, aucun signe.
« On peut se dispenser d'écrire les pronoms qui précédent le
vei'be, l'indication de la personne suffit.
ï Encore deux signes :
v Pour indiquer l'inversion, c'est-à-dire le vei^be précédant le pro-
nom qui lui sert de sujet, comme, voulez-vous, on ajoute le signe ^
c Pour indiquer la négation accompagnant le verbe, comme, je
veux pas, on emploie le signe ^.
« Je veux écrire la phrase : les amis viendront bientôt. N'ayant
pas le dictionnaire de Bénard sous la main, je suis obligé de prendre
des chiffres arbitraires.
Les, petit dictionnaire, n° 60 (article).
Amis, dictionnaire Bénard, supposons page 36, l"'^ col, mot 8.
Venir, dictionnaire Bénard, supposons p. 450, 2™* col., mot 23;
gme personne, masculin pluriel, futur. (Pour un verbe, on écrit
d'abord le temps, puis la page et le numéro de la colonne, puis la
personne, le genre et le nombre.)
1 iO L ' I N T E \\ N A TI 0 N A L E
Bientôt, petit (liclionnairc, 11° 103.
60.. — 30,8 — G. iDOr^ — 103..
On peut donc :
1° Ou bien se sei'vii- du dictionnaire Bénard, complété par le
petit dictionnaire, n» 1 à 104;
2° Ou bien écrire tous les mots au moyen de l'alphabet chiffré;
3° Ou Ijicn écrire en style ordinaire, en remplaçant les noms
propres par M. ou M""^ ;
4° Ou bien combiner dans la même lettre l'un ou l'autre de ces
trois systèmes *.
iN.n. Robin et Perron n'emploient pas le vocabulaire à partir de 105,
AUTRE PROJET D ALPHABET.
Bureau central 777.
— français 666.
— italien 555.
— espagnol 444.
Signatures du bureau central = par exemple :
Additionner le chiffre avec l'année, puis le numéro d'ordi'e du
mois, puis le quantième formant un total.
L'homme insignifiant pose une lettre sans rien dire.
Celui qui dit : J'ai un numéro, etc. » qui dit le chiffre de ce nu-
méro est un homme de confiance.
Celui qui dit : « Je sais comment le numéro se fait, » est un
intime.
« Le chiffre obtenu par le
« moyen indiqué de l'autre côté
« étant ilécomposé, on prend l'une
« des deux lettres qui sjnt en
a regai'd de chaque chiffre.
« J'use des voyelles, comme je
(( l'entends. »
820 Palix.
821 Entrepreneurs
822 Lemonnier.
823 Cartier.
1 Ce projet d'alphabet a éié imaginé par Albert Richard : nous en possédons
l'original.
1
m
z
2
1
X
3
k
w
4
j
V
5
h
t
6
§
s
7
f
r
8
d
qu
9
c
P
0
b
n
ET LE JACOBINISME.
AUTRE ALPHABET ''.
U\
a 99 44
al 98 43
au 95 40
ay 94 89
1) 93 38
c 92 37
d 91 36
c 90 35
ca 89 34
ci 88 33
eo 81 82
eu 86 31
ay 85 30
f 84 29
g 83 28
h 82 27
i ^^l -:()
io 80 25
ie 79 24
io 78 23
ia 77 22
j 76 21
k 75 20
1 74 19
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ye 48
yo 47
yu 46
1 Cet alphabet a été arrangé par Michel Bakounine qui depuis longtemps est passe
maître en pareille matière. On mot au commencement de chaque nouvelle phrase
chiffrée un chiffre unique arbitraire que le lecteur efface avant de lire. Puis on
arrange les nombres comme on veut, en ayant soin de ne point embrouiller leur
suite. _ chaque lettre étant représentée par deux chiffres.
Lorsqu'on veut écrire un nombre réel, on met d'abord : (N») 71 ou 16, c'est-à-dire
l'un de ces chiffres représentant N», puis on écrit le nombre en faisant suivre le
dernier chiffre du nombre par un tiret — après quoi ces chiffres recommencent à
représenter des lettres.
L'INTERNATIONALE
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X
ET LE JACOBINISME,
143
AUTRE ALPHABET.
111 Fi'ance,
M.
Adalbcrl.
152
Genève,
M"!» Amél e.
U2 Nantes,
M.
Ilerward.
153
Les Monta-
113 Bordeaux,
M""" Herward.
gnes,
114 Toulouse,
M.
Delanglc.
154
lîàlc.
AI . de Lendry.
115 Nîmes,
Mme _
155
Belgique,
^kl»' de Lendry.
116 Montpellier,
M.
Thouvoncl.
156
Bruxelles,
in Marseille,
M">e Rigaud.
157
Angleterre,
118 Lyon,
M.
de Romeuf.
158
Londres,
M. de Forcade.
119 St-Etienue,
M-^e Berlioz.
159
Allemagne
120 Tours,
M.
de Parieu.
du Sud,
M""* Justin.
121 Paris,
M°>« —
100
r.onfédéra-
122 Rouen,
M.
Babinet.
tion du N.,
M. de Brenneville
123 Lille,
M"'* Babinet.
IGl
Berlin,
Mme jg Brenne-
124
ville.
125
162
Autriche,
M"»« Bentinch.
126
163
Vienne,
M. Bentinch.
127
164
ilussie.
Mrae Vuitry.
128
165 Pétersbourg
, M. Vuitry.
129
166 Moscou,
M. Duruy.
130
167
Pays du
131 Italie.
M.
de la Motte.
Volga,
Mme ijuruy.
132 Naples.
Mme _
168
Petite Russie,
133 Rome.
169
Pologne,
M. Veillot.
134 Sicile.
170
Varsovie,
135 Calabre.
171
Espagne,
M. Roux.
136 Bologne.
17-2
Madrid,
M«« Roux.
137 Romagne.
173
Barcelone,
M. Hébert.
138 Florence.
174 Sarragosse,
139 Turin.
175 Cadix,
140 Milan.
176 Andalousie,
M"'« Hébert.
141 Gènes.
177
Algérie,
142 Parme.
178
Turquie,
143
179
Constantino-
144
ple.
145
180
Grèce.
146
18i
Etats-Unis,
i47
182
New- York.
148
183 Richard.
Alphonse Guil-
14'J
lois
150 Odessa,
M.
de la 1-^aille.
18 i
Malon,
Julie.
151 Suisse,
M.
André.
185
Beauv,
Eugénie.
144
L'INTERN
ATI
ONALE
186 Basielica,
Eugène.
230 fnite,
maladie.
187 Aubvy,
Pauline.
231
délivrance.
mort.
188 De Paepe,
Alexandre.
232
coup d'état,
aventure.
189 Steens,
André.
233
état de siège
, persistance.
190 Delcsallc,
Gabi'icl.
234
troupes,
^l. York.
191 Hins,
Antoine.
235
massacre,
fête.
192 Eccarius,
lloirictte.
236
surprise,
agrément.
193 Dupont,
Marguerite.
237
conspiration
, relâchement.
194 Yvuy,
Sophie.
238
organisation
, conversation.
195 Bakcman,
LéopoldBôschu.
239
préparation,
échange.
196 Perron,
Laure.
240
agitation,
protection.
19" Heng,
Gyprien.
241
insurrection
négligence.
198 Duval,
Anna.
242
révolution,
négociant.
199 Guillaume,
Anselme.
243
propagande.
négociation.
200 Fritz Robert
, Lise.
244
brochure.
débit.
201 Morokowsk
, Renaud.
245
manifeste.
débiteur.
202 Fanelli,
Baptiste.
246
proclamatioE
, crédit.
203 Gambuzzi,
Fabien,
247
groupe,
créditeur.
204 Friscia,
Xavier.
248
correspon-
205 Garibakli,
Adolphe.
dance.
empêchement.
206 Mazzini,
Valentin.
249 affiliation,
épuisement.
201 Blanqui,
Yilhelm.
250
poste,
M. A.
208 Jaclard,
Louise.
251
lettre.
vin.
200 Reclus Elise
3 Paul.
252
dépèche,
tabac.
210 Rey,
Laurent.
253
courrier.
l'ami de M. A.
211 Empereur,
Adèle.
254
envoyé,
l'ami de M. B.
212 Plon-plon,
Valentine.
255
pleins pou-
213 Rouhcr,
Pulchérie.
voirs.
autorisation.
214 Ledru-Holliii
Mathilde.
256
chemin de
215 Louis Plane,
Urbain.
fer,
entremise de
216 Félix Pyat,
Madelaine.
M. A.
217 Les d'Orléans Nathalie.
257
télégraphe.
— de M. B.
218 le pape,
M. de P.uch.
258
moyens ma-
219 police,
agent.
tériels,
soieries.
220 armée,
coaimerce.
259
pillage,
ouvrage.
221 préfet.
commis.
260 incendie.
commandes.
222 espion,
ami.
261
Association
22S dénonciation, achat. j
internatio-
224 poursuite,
spéculation.
nale.
M. B.
225 perquisition.
vente.
262
conseil gé-
226 arrestation,
l'arrangement.
néral,
M. G.
227 prison.
hôtel.
263
comité fé-
228 condamna-
déral.
M. D.
tion,
cadeau.
264
comité local,
compagnie.
229 mort.
promenade.
265 section.
bureau.
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ET LE JACOBINISME.
266 membre,
domestique.
300 douane, tant
267 alliance,
M. E.
301 je, moi, me.
268 section pu-
302 tu, toi, te.
blique,
maison do M. E.
303 il, se, soi.
269 bureau cen-
304 mon.
tral,
M. I)D.
305 ton.
TIO bureau na-
306 son.
tional.
notre clientèle.
307 recommandation.
2T1 bureau pro-
308 prudence.
vincial,
nos acheteurs.
309 homme.
272 groupe se-
310 ce, cela, il.
cret de l'Al-
311 bon.
linnco,
succursale.
312 mauvais.
273 membre pu-
313 utile.
blic de
314 dangereux.
l'Alliance,
professeur.
315 impossible.
274 membre de
316 de suite.
l'allianco
[fiance.
317 plus tôt.
secrète,
homme de con-
318 plus tard.
275 fraternité,
M. E.
319 bientôt.
277 frère,
fils de M. E.
320 avant.
278 avoir.
321 pendant.
279 avoir besoin
322 après.
280 être.
323 de.
281 rester, dc-
324 a.
meue
325 par.
282 aller, partir.
?)26 pour.
283 venir, arrivei
327 en.
284 retourner, ren-
328 demander.
trer, revenir.
329 si.
285 passer.
330 annoncer.
286 faire. i
331 apprendre.
287 attendre.
332 que.
288 envoyer.
333 éclater.
289 recevoir.
334 qui.
290 se passer.
335 tout.
291 falloir.
336 loin.
292 argent,
échantillons.
337 près.
293 armes,
soie.
338 et.
294 munitions,
montres.
339 ou.
295 chimie.
dentelle.
340 où.
296 adresse,
nouvelles.
341 ici.
297 passeport.
portefeuille.
342 là-bas.
298 frontière,
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343 on.
299 contrebande
, nièce.
344 oui.
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345 non, ï\e.
3-16 pas.
347 alors.
348 lorsque.
349 parce que.
350 c'est, il est.
351 sans doute.
352 peut-être.
353 tant que.
854 tant.
355 autant que, de.
356 servir.
357 suivre.
358 deviner.
359 supposer.
360 savoir.
361 vouloir.
36-2 pouvoir.
363 devoir.
364 conseiller.
365 ordonner.
366 obéir.
367 informer.
368 apprendre.
369 attaquer.
370 désirer.
371 défendi'e.
372 tuer.
373 nouvelle.
374 des.
375 avertir.
376 dire.
377 faire dire.
378 écrire.
379 vite.
380 plus.
381 moins.
382 assez.
383 trop.
384 tard.
385 tôt.
386 accident.
387 circonstance.
388 condition.
389 moyen.
Iv INTERNATIONA LE
390 ami.
3i)i allié.
392 aide.
393 secours,
394 obstacle.
395 difticultc.
390 facilité.
397 diflicile.
398 facile.
399 avec.
400 sans.
401 sous.
402 au-dessus.
403 sur, sûr.
404 devant.
405 en sorte que.
406 car.
407 ahsolumont.
408 rencontre.
409 malheur.
410 bonheur.
411 succès.
412 faillite.
413 événements.
414 approcher.
415 éloigner.
416 rapprocher.
417 trouver.
418 arx'êter.
419 continuer.
420 ajouter.
421 joindre.
422 fort, paissant.
423 faible.
424 solide.
425 interruption.
426 communication.
427 machination, intrigue.
428 intrigant.
429 mensonge.
430 occasion.
431 voyageur.
432 justice.
433 tribunal.
34 tribunal militaire.
i
ET LE JACOBINISME.
135 condamnation.
479 chercher.
i36 exécution.
480 loUre d'échange.
137 transportation.
481 billot de bancpie
'i38 exil, exile.
482 emprunter.
439 émigration, émigré.
483 donner.
440 prier, enjoindre, recomman-
484 rendre.
der.
485 reprendre.
441 prévenir.
48G prendre.
442 à temps, temps.
487 gagner.
443 longiemps.
488 courage.
444 effet.
489 peur.
445 cause.
490 lâcheté, lâche.
446 entraîner.
491 confiance.
447 persuader.
492 déliance.
448 enfin.
493 manière.
449 pas encore.
494 voie.
450 presque.
495 instrument.
451 tout à fait.
496 lent.
452 être prêt.
497 obstacle.
453 l)ruit.
498 attendre.
454 faux.
499 époque.
455 juste.
500 grave.
456 voici.
501 très.
457 bien, très-bien.
502 entre.
158 mal, très-mal.
503 depuis.
459 heureux.
505 jusque.
460 comme, puisque.
506 environ.
461 peu.
507 auteur.
462 beaucoup.
508 arrêter.
463 beaucoup trop.
509 tout.
464 trop peu.
510 rien.
465 suffisant.
511 peuple.
466 insuffisant.
512 paysan.
467 suffire.
513 ouvriers.
468 encore.
514 chiffonnier.
469 pas encore.
515 tourbe populaire.
470 déjà.
516 voleur.
471 alors.
517 brigand.
472 regarder.
518 fonctionnaire.
473 entendre, écouter.
5i9 civil.
474 répandre.
520 militaire.
475 tâcher.
521 étudiant.
476 parvenir.
522 petit bourgeois.
477 trouver.
523 bourgeois.
47S perdre.
524 riche bourgeois.
147
148 ^
525 patron.
526 fabricant.
527 marchand, négociant
528 petit.
529 grand.
530 moyen.
531 milieu.
532 commencement
533 fin.
534 noblesse.
535 curé.
536 jésuite.
531 tromperie.
538 dupe.
539 monde officiel.
540 administration
541 bas.
542 haut.
543 élever.
544 abaisser.
545 relâcher.
546 accélérer.
547 précipiter.
548 manier.
549 savoir.
550 élémeait.
551 différent.
552 pareil.
553 ressemblant.
554 distrait.
555 jour.
556 sou.
557 semaine.
558 nuit.
559 mois.
560 an.
561 certitude.
562 doute.
563 probabilité.
564 il y a.
565 insignifiant.
566 devant.
567 derrière.
568 accord.
569 désaccord.
INTERNA|TIONALE
570 brouille.
571 crise.
572 habile.
573 stupide.
574 intelligent.
575 nombre.
576 nomljreux.
577 donc.
578 éviter.
579 menacer.
580 adversaire.
581 combattre.
582 victoire.
583 défaite.
584 garder.
585 prémunir.
586 réunir.
587 séparer.
588 concentrer.
589 répartir.
590 par-dessus, au delà.
591 en deçà.
592 dans.
593 chez.
594 cher.
595 quand.
596 combien.
597 comment.
598 quel.
599 présent.
600 absent.
601 coupable.
602 innocent.
603 responsable.
604 vite.
605 répondre^
606 participer.
607 s'abstenir.
608 retenir.
609 pousser.
610 engager.
611 combat.
612 joindre, unir.
613 réunion, assemblée.
614 quoi, que.
J
615 ajouter,
fi 10 augmenter.
617 diminuer.
618 remplir.
619 commission.
620 remettre,
621 renoncer.
622 réaliser.
623 somme.
62i chose.
625 projet.
626 incertitude.
621 confusion.
628 désorganisation.
629 panique.
630 peur.
631 châtier.
632 union.
633 au moins.
634 à moins que.
635 d'autant plus.
636 décider.
631 convenir.
638 c'est entendu.
639 quoique.
6'tO pourtant.
641 autant, tant.
642 selon.
643 essayer.
644 crier.
645 haut.
646 bas.
647 se plaindre.
648 protester.
649 envahir.
650 fuir.
651 résister.
652 renverser.
653 détruire.
654 établir.
655 rétablir.
656 ordre.
657 désordre.
658 passion.
659 anarchie.
ET LE JACOBINISME.
600 anarchique.
001 consolider.
002 calme.
003 discipline.
064 complet.
605 modérer.
660 penser.
007 parole.
008 action.
609 entreprise.
070 réussir.
071 visiter.
072 ensuile.
073 tandis que.
074 tout au plus.
075 exécuter.
076 sauver.
077 parmi.
078 risquer.
079 semer,
080 esprit.
081 tempérament,
682 caractère.
083 honnête.
084 noble.
685 vil.
086 incertitude.
687 paresse.
688 activité.
689 énergie.
090 pratique.
091 théorie.
092 connaître.
693 négligence.
694 exactitude.
095 oubli.
690 dévoué.
097 bon.
098 méchant.
699 brouiller,
700 réconcilier.
701 fidélité.
702 persévérance.
703 conséquence,
704 sagesse.
149
150
L'INTERNATIONALE
705 scicnco.
706 intelligence.
707 perfidie.
708 trahison.
709 dénonciation.
710 continuer.
7H cesser.
712 mais.
713 emporter,
714 apporter.
715 amener.
716 terme.
717 fixer.
718 nommer.
719 montrer.
720 dénigrer.
721 apercevoir.
722 regarder.
723 observer,
724 parti.
725 impérialiste.
726 jésuite.
727 orléaniste.
728 radicaux.
729 libéraux.
730 blanquistes.
731 proudhoniens.
732 communistes,
733 révolutionnaires, anarchistes
socialistes,
734 gouvernement.
735 police.
736 banque.
737 bourse.
738 morale bourgeoise.
739 caresses.
740 les bons.
741 les demi-bons.
742 dimanche.
743 lundi.
744 mardi.
745 mercredi.
746 jeudi.
747 vendredi.
748 samedi.
749 janvier.
750 l'évricr.
751 mars.
752 avril.
753 mai.
751 juin.
755 juillet.
756 août.
757 septembre.
758 octobre.
759 novembre.
700 décembre.
761 n'est-ce pas.
762 ainsi.
763 aussi.
764 maintenant.
765 avant.
766 après.
767 pendant.
768 situation.
769 malade.
770 année.
Un trait ajouté change les ver-
bes en substantifs et vice versa.
Un trait met les pronoms au
pluriel.
771 ralentir.
772 accélérer.
773 précipiter.
774 élément.
775 différent.
776 identique.
777 répartir.
778 force.
779 entourer.
780 devant.
781 derrière.
782 à côté.
783 vérifier.
784 certifier.
785 doute.
786 probable.
787 impossible.
788 patience.
789 impatient.
ET Lie JACOniNIï^MI':.
101
TJO danger.
791 ennemi.
Wl sigiiitiunl.
793 possible.
794 du tout.
795 marcher.
796 en avant.
797 en arrière.
798 hier.
799 aujourd'liui.
800 demain.
801 avant-hier.
802 après-demain
803 art financier.
804 ,^rand.
805 petit.
806 vérité.
807 semblable.
808 contredire.
80'J opposer.
810 consentir.
811 adopter.
812 repousser.
81 âriposter.
811 refuser.
815 observer.
816 violer.
817 promettre.
818 tenir.
819 rompre '.
A côté de ces dictionnaires el alphabets, il est d'autres docu-
ments de la même nature dont l'importance ne saurait nous
échapper. Nous devons tout d'abord rappeler que, lors des der-
nières poursuites dirigées contre l'Internationale, deux lettres
chiffrées furent saisies au domicile du citoyen Pindy : elles lui
avaient été adressées par le secrétaire correspondant de la sec-
tion de Brest, Le Doré. Elles ne purent être déchiffrées, Piudy
et Le Doré ayant refusé d'en donner la clef-. On pourra se rendre
compte par l'examen de ces deux pièces que les chiffres n'ont
pas été combinés d'après l'une des méthodes que nous avons
reproduites.
Première lettre.
Louis Pindy, rue du Faubourg- du-Temple, 17,
à Paris (Seine).
a Brest, vendredi 11 mars 1870, 9 heures du matin.
12133212 1122 111332 112 2222111322122
uesneiinlvnimuaeivlsnivenl r li nlpni
12 2 12 3 3 13 13 1 1 13 1113 113 2 2 12 2 2 11
Y n i j e c i r i g in 1 n c n p 1 i r n 1 v n v u e i j s
M Ton ami,
. LE DORÉ. »
» Ce système resté inachevé a été établi par Richard de concert avec Bakounine-
nous possédons les originaux de ce travail.
^ A l'audience, Pindy répondait : Ces 'chiffres sont notre propriété, je n'en donnerai
jamais la clef; ils nous permettent d'exprimer nos pensées. Ledoré, à Brest, tenait le
même langage.
1!)£ L'INTERNATIONALE
Deuxième lettre. — A Louis Pindy (Paris).
«r Brest, 7 avril 1870.
131122113311112132212 12111
ai Iveve lensnslv Incin ipccnl
11113211332 12121311311
vulvei inee in Invenlennp
« 8 heures du soir.
« Tous les amis sont content de toi.
« Ton ami,
« CoNST.\NT LE DORÉ, j)
Puisque nous sommes sur le chapitre des correspondances
chiffrées, il n'est pas sans intérêt de reproduire le petit alpha-
bet que le Russe Bakounine, l'un des héros de l'échauffourée
lyonnaise du 28 septembre, adressait à ses frères et amis de
Lyon, dans les premiers jours d'octobre. L'envoi de cet alpha-
bet était accompagné d'une lettre de nature à nous édifier sur
les tendances éminemment révolutionnaires de l'Internationale.
Nous aurons plus tard l'occasion, en parlant des mouvements
insurrectionnels de Lyon, de revenir sur le plan de campagne
indiqué par cette lettre ; mais en attendant nous devons la pla-
cer sous les yeux de nos lecteurs, afm qu'ils puissent juger de
l'importance que pouvait avoir à cette époque le dictionnaire
Bakounine.
A Palix et à Blanc.
(Lettre à brûler — dictionnaire à bien cacher).
< Chers amis,
« Marseille ne se soulèvera que lorsque Lyon se sera soulevé
ou bien lorsque les Prussiens seront à deux jours de distance
de Marseille. Donc encore une fois le salut de la France dépend
de Lyon. Il vous reste trois ou quatre jours pour faire une révo-
lution qui peut tout sauver. Pour la révolution de la vengeance et
du désespoir, il sera toujours temps jusqu'à ce que les Prus-
HT LK ,1 A coin NI fi M K. ■ ir..'5
siens entrent à l^yon. Si vous croyez pouvoir faire la révolution
salutaire, et si vous croyez que ma présence peut être utile, té-
légraphiez à Louis Combe * ces mots. Afous attendons Élionno. Je
partirai aussitôt en vous avertissant par télégramme à l'adresse
de Palix 2 par ces mots : Etienne sera chez madame Roche-
brune tel Jour, telle heure. Maurice. Madame Blanc se trouvera
à l'heure indiquée avec une voiture à la dernière station avant
Lyon désignée par le nom de madame Rochebrune (dans notre
dictionnaire), à cette môme station oii elle voulait me conduire.
— Je me mettrai en voiture avec elle, et elle me conduira tout
droit au logement que vous m'aurez secrètement et prudemment
préparé. Ce logement, qui ne doit pas être aux Brotteaux ^ oii
l'on connaît trop ma figure, ne devra être connu d'abord que de
Palix, Blanc et madame Blanc, aussi bien que mon arrivée parmi
vous. Nous verrons après quels seront les amis qu'il sera utile
de conduire chez moi. Tout ceci seulement dans le cas d'une
révolution salutaire.
« Quant à la révolution de vengeance et de désespoir, elle
doit être également utilisée en vue de la formation d'un grand
fonds révolutionnaire. Si vous croyez que ma présence peut être
utile encore dans ce cas, je viendrai également et de la même
manière. Cette dernière révolution demande encore plus d'orga-
nisation que la première. Il ne faut pas beaucoup d'hommes poiu*
elle, mais des hommes réellement énergiques et sûrs et bien
dévoués à la cause. Valence '* vous dira le reste. — Mon cher
Blanc, je te recommande deux choses : d'abord de venir t'ins-
pire/* toujours chez Palix et ensuite de me tenir chaque jour au
courant de ce qui se passe chez vous avec tous les détails pos-
sibles, ce qui te sera facile avec le dictionnaire que je t'envoie
et que tu dois garder et bien cacher chez Palix.
« Votre dévoué,
« M. B. » (Michel BAKOUNINE.)
1 Louis Combe, secrélaire de la chambre fédérale de .Marseille.
- Palix, membre influent de la section lyonnaise.
^ Quartier de Lyon, habité par liakounine, à l'époque où il préparait l'émeute
du 28 septembre.
* Valence liuukietzvitz. Polonais, ami de Bakouninc ; c'est à lui ([u'élaient
adressés la lettre et le dictionnaire.
1Ô4
(2)
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(H)
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(38)
L'INTERNATIONALE
* Basielica ^ Ange.
* Combe — Mauiùce.
* Michel — i£lieiino.
* Jean — Robert.
* Valence — Rodrigue.
* Palix — Louis.
* Blanc — Laurent.
* P lacet — Lucien.
* Fuvre — Antoine.
* Camée — Gamin.
* Bisclioff — Just.
* Paraton — Pierre.
* Beauvoir — Paul.
* Père Blanc — Père.
* Schottel — Fort.
* Richard — Démosthènes.
* Dupin — André.
* Ber tranche — Jules.
* Saignes — Eugène.
* Doubli — Gérard.
* Olivier — Jérôme.
* Colon — Joseph.
Amis — les utiles.
Municipalité — Colonie.
Préfet — Marie.
Avocat général — Louise.
Andrieiix — Pauline.
Général commandant —
Rose.
Boucha , commandant la
garde nationale — Clau-
dine.
Baudy — Marianne.
Hênon — Julie.
Férouillat — Catherine,
Brialou — Eulalie.
* Cluseret — Putain.
* Louis-Martin — Ferme.
Soldats — Comédiens.
Gardes mobiles — Acteurs.
Gardes nationaux — Artistes.
(39) Compagnies bourgeoises —
Mannequins.
(iO) Compagnies bonnes — Con-
sorls.
(il) Compagnie Luizcrne — Frè-
res.
(42) Corps-francs — Sœurs (bon-
nes oa mauvaises).
(43) Croix Rousse — Amis de
Pierre.
(4i) Brotteaux — Amisde Lucien,
(45) Guillolièro — Amis d'Eugène.
(46) Les- troupes — Les drôles.
(47) Artillerie — La mariée.
(48) Ofticier - Employé.
(49) Etat-major — Les prétentieux.
(50) Chef de compagnie — Sal-
timbanque.
(51) Les internationaux — Les
compagnons.
(52) L'Internationale — La com-
pagnie.
(53) Lyon — Madame Séraphine.
(54) Marseille — Madame Agrip-
pine.
(55) Besançon — M. Félix.
(56) Saint-Étienne — M. Grégoire.
(57) Creuset — M. Adhémar,
(58) Vienne — Madame Rolland.
(59) Valence — Madame Chavor-
nay.
(60) Tarascon — M. Tardot.
(61) Arles — ^ladame Boquet.
(62) Toulon — M. la Féré.
(63) Genève — M. Boudy
(64) Neuchâtel — Madame Boudy.
(65) Paris — M. Roux.
(66) Tours — Madame Roux.
(67) Gouvernement provisoire —
M. Clément.
(68) Ci'ômieuxa. Tours — Clémence
> Les noms précédés d'un astérique sont ceux de membres iiuporlants de
l'Internationale à Lyon ou à Marseille; les noms écrits en italique désignent
des fonctionnaires administratifs ou judiciaires*
i;t i.h jagouinismk
i5r
(69) Esquiros — Li' marié.
(70) * Charvct — Ernest.
(71) * Gaillj — rançois.
(72) * Le petit noir de Luizcrne K
— Arthur
(73) * Martin, ami de Palix — Be-
noît.
(74) Commerce — Soins.
(75) Révolution — Vente.
(76) Hôlel-de-Ville — Baraque.
(77) Pillage — Emprunt.
(78) Assassinat — Traitement.
(79) Incendie — Maladie.
(80) Tuer — Guérir.
(81) Arrêter — Loger.
(82) Organiser — Paralyser.
(83) Conspiration — Les affaires.
(84) Conspirer — Arranger les af-
faires.
(85)
(8G)
(87)
(88)
m
(90)
(91)
(92)
(9-i)
(95)
(96)
(97)
Mfiroiiaiids lU- vin — Los iia-
biles.
Les révolutionnaices — Les
glorieux.
Les Prussiens — Les en-
nuyeux.
Les forts — Les fonds.
Prendre — Acheter.
Dépêche — Le papier en
question.
Armes — Tabac.
Munitions — Café.
Dernière station avant Lyon.
— Madame Rochebrune
Lettre — Marchandise.
Courrier — Commis.
Ami — Acheteur.
Replier — Envoyer un aver-
tissement.
Ajoutons qu'au mois d'avril 1870, l'un des délégués de la
commune de Paris à Lyon, Albert Leblanc, membre de l'Inter-
nationale (section du Panthéon), envoyait à son ami Caulet de
Tayac, l'un de ses compagnons de captivité, un nouveau sys-
tème d'alphabet que nous croyons devoir reproduire à titre de
document, avec la lettre explicative qui l'accompagne.
« La méthode proposée par D ^ pour correspondre sans dan-
ger est mauvaise, il suffirait d'un ({uart d'heure et d'une ving-
taine do mots pour pouvoir lire constamment sans avoir la clef.
Pour t'en convaincre, inventes-enune, écris au moins six ou huit
lignes avec ton écriture et conserve ton secret, je t'enverrai
quand même la traduction. Voilà la seule bonne méthode. Soit
une phrase connue de nous trois, par exemple, Association in-
ternationale des travailleurs, et soit cette phrase à m'envoyor :
* La rue Luizerne est la rue où elait situé au mois de septembre l'hôtel de
police ; lo citoyen désigné sous le nom d'Arthur faisait partie à cette époque du
comité de sûreté générale : plus tard il a été employé dans un office de paix-
- 11 s'agit do Charles Dumont, ancien ouvrier typographe de la maison Dupont,
autre délégué de la Commune de Paris à Lyon, le même qui, dans une réunion
tenue le 5 avril 1870 au cercle de la rue Grolée, d''clarait qu'il f allô il ren-
verser l'Assemblée nationale et mettre à la place la guillotine pour tous
les réactionnaires.
156 L'INTERNATIONALE
Méfic-toi des intermédiaires. On prend les lettres et la phrase
type les unes après les autres, et on compte combien il y a de
lettres après jusqu'à la lettre que l'on considère, à partir de A
jusqu'à M — 12, — à^partir de S jusqu'à E — 11 — de S jus-
qu'à F, — 12 — etc., et j'ai le mot inrfie, 12, 11, 19, 12, 2. Ce
chiffre est impossible à découvrir sans connaître la phrase pri-
mitive : pour aller vite, on peut faire un tableau. IL'avantage
est de toujours pouvoir retrouver la clef. Si on n'a pas fait de
tableau, on en est quitte pour faire la même opération que celui
qui a fait la dépêche. »
13 u g g a
14 0 h h (1
15 p i i c
16 q j j b
n r k k g
18 s 1 1 k
19 t m n i
20 nu u j
21 V 0 0 t
22 X p p t
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e
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f
b
ET LK JACOBINISME. V,l
CHAPITRE V
LES GREVES. — GHKVE DES TUILIERS, PLATRIERS, PEINTRES ET OU-
VRIERS EN BATIMENT DE GENEVE. ATTITUDE DE L'iNTERNATIONALE.
LE CITOYEN GROSSELIN ET l'aSSEMBLÉE POPULAIRE DU 7 JUIN. TROU-
BLES DE VERVIERS. PROTESTATION DE LA SECTION VERVIÉTOISE.
Nous allons maintenant reprendre notre récit des faits et ges-
tes de l'Internationale : nous avons signalé son attitude pendant
la période plébiscitaire, reproduit ses manifestes et ses protes-
tations, énuméré les poursuites dirigées contre ses membres,
indiqué les condamnations prononcées contre eux, il nous reste
à rechercher les actes par lesquels elle s'est affirmée depuis
cette époque jusqu'au jour où ses membres seront appelés aux
emplois publics par V acclamation populaire.
Au moment où la persécution sévissait en France, les grèves
étaient partout à l'ordre du jour. Cette levée de boucliers était
comme toujours l'œuvre de l'Internationale.
Parmi ces grèves nous devons citer celle des charpentiers de
Neuchâtel et de la Chaux-de-Fonds, la grève des tailleurs d'ha-
"bits de Genève et d'Erfurt, celle des ouvriers fondeurs et mou-
leurs de Paris *, celle des mineurs de Rochebelle dans le Gard,
celle des ouvriers menuisiers de Saint- Vallier (Drôme), celle
1 « Depuis deux mois, disaient les ouvriers fondeurs en fer de Paris, dans une
adresse à tous les travailleurs, nous luttons contre l'exploitation ei, nous le
disons hautement, nous ne céderons jamais, dussions-nous tous quitter notre
patrie et abandonner notre profession
Qu'aucun ouvrier fondeur et mouleur d'Europe ne -vienne à Paris nous rem-
placer » ■
Sur les demandes de ces ouvriers, les unions de métiers en Angle-
terre, affiliées à l'Internationale, votaient une somme de 23,000 francs pour sou-
tenir les grèves sur le conlinent.
158 L'INTERNATIONALE
(les ouvriers, mécaniciens, ajiislcurs, tonneurs et serru-
^'iers de Carcassonne (Aude), des ouvriers cordonniers, maçons,
tailleurs de pierre, corroycurs do Lyon, des ouvrierri en métaux
de Vienne (Isère).
Il est deux de ces grèves qui méritent une mention spéciale
à cause de l'immense retentissement qu'elles ont eues et des
complications dont elles ont été l'objet, nous voulons parler de
la grève des tuiliers, peintres, plâtriers et ouvriers en bâtiments
de Genève.
A Genève, on effet, le conflit entre ouvriers et patrons prit
les proportions les plus graves.
Quelles étaient donc la signification et la portée de toutes ces
grèves? Ne serait-on pas frappé de cette coïncidence de l'agita-
tion plébiscitaire en France avec ces manifestations de la classe
ou\ rière se produisant simultanément à l'instigation de l'Inter-
nationale, à Genève et dans plusieurs autres centres. Gomment
trouver la clef de cette énigme? Nous laissons sur ce point la
parole au Journal de Genève, un des rares journaux sérieux
de r époque ; voici comment il s'exprime dans son numéro
du 8 mai.
« Y a-t-il parmi nous un seul homme assez ignorant de ce qui
se passe dans le monde pour ne pas comprendre ce que signifie
cette levée imprévue de boucliers faite à la veille u pléhisc ile
Irançais, assez naïf pour y chercher une cause purement locale
et assez aveugle pour ne pas la rattacher immédiatement à ce
que nous connaissons aujourd'hui des projets de cette société
révolutionnaire? On aurait pu prévoir d'avance que notre pays
n'échapperait pas à ses menées subversives, et qu'à défaut de
raisons plausibles, on susciterait quelque mauvais prétexte pour
Y élever de nouveau le drapeau de la guerre sociale. »
La grève des ouvriers tuihers servit de prétexte à ces agis-
sements de l'Internationale. Dès le 7 mai, les sections genevoi-
ses publiaient un volumineux manifeste oii les laits étaient dé-
naturés de la façon la plus odieuse, et qui n'était qu'un tissu de
calomnies et de mensonges les plus fantastiques. Ce document
mérite la peine d'être lu ; comme style enflé et déciamatoire
on ne- saurait mieux trouver.
ET LE JACOBINISME. 1&9
Association internationale des travailleurs.
« Frùres travailleurs !
« Au nom de votre bonheur commun, au nom de vos droits
dont on vous prive, écoutez la voix de vos frères tfui luttent cofl-
trc los persécutions les plus odieuses pour pouvoir gagner leur
pain au prix de leur travail.
« Après une longue attente et des démarches infructueuses
les ouvi'^iers tuiliers du canton de Genève ont dû recourir à la
grève.
« Ils travaillent seize heures par jour et même plus encore et
cela pour le misérable salaire de 2 fr. 70 et de 1 fr. 60, s'ils sont
nourris par les patrons. Pour ne pas mourir de faim, ils sont
obligés de prendre le travail à la tâche et d'appeler à leur aide
leurs enfants. Et lorsque sept ou huit mois de travail constant,
sans repos ni sommeil, ont usé à bout leurs forces, les patrons
les renvoient chômer sans s'inquiéter de leur sort ni de celui de
leurs familles. Et quand les tuiliers présentent leur tarif, de-
mandant 10 c. par heui^e et la limitation du travail à 11 heures,
les patrons, au lieu de toute réponse, s'arment de leurs fusiis et
bâtons et chassent les ouvriers parce qu'ils osent appartenir à
la grande Association internationale.
« A la lettre la plus conciliante de notre commission, les p<i-
trons répondent que, sans l'intervention de l'Internationale, les
ouvriers seraient toujours contents de leur misère et ne récla-
meraient jamais un salaire dû à leur travail !
•< Est-ce donc que l'ouvrier ne ressent pas la faim sans que
l'Internationale le lui dise ? Est- ce donc qu'il n'endure point toutes
les horreurs de la misère sans que-nous les lui racontions?
« Ce que l'Internationale veut, c'est l'union fraternelle qui
donne la force pour briser les chaînes de l'esclavage et pour
créer une nouvelle vie dans laquelle chacun jouira pleinement
du produit de son travail.
« En attendant, l'Internalionale viendra toujours en aide aux
souffrances des travailleurs. Les ouvriers des villes sont déjà
groupés, et nous appelons maintenant sous n.itre drapeau nos
160 L'INTERNATIONALE
frères des campagnes. Les ennemis du peuple veulent tenir les
campagnes dans l'ignorance pour mieux les exploiter, et dans
cette grève des tuiliers, les patrons osent faire à la campagne
ce que jamais dans la ville les citoyens ne permettraient de faire
à qui que ce soit : ils osent menacer les (nilicrs de les fusiller,
ils les couchent en Joue, et cela sur la grande route, comme si
le sol de la Suisse appartenait aux patrons et non au peuple :
ils oublient, ces patrons, que s'ils tiraient un seul coup sur les
travailleurs, tout le peuple de la républicpie se lèverait pour dé-
fendre sa liberté. Les patrons de Bellevue osent séquestrer les
tuiliers et exercer sur eux une pression révoltante pour ne pas
les laisser se joindre à leurs frères qui luttent pour les intérêts
communs. Le contre-maître, à Vcrsoi-v,se fait assister des gen-
darmes pour insulter les tuiliers et leur i^e fuser le payement ^.
«En présence de pareils actes, voyant que les patrons persis-
tent à ne pas se rendre à un arrangement favorable pour les
deux parties et ne veulent pas écouter la voix conciliatrice de la
commission toujours prête à servir d'intermédiaire entre eux,
les 30 sections de Genève déchirent qu'elles soutiendront éner-
giquement les justes demandes des tuiliers, et elles invitent
tous les travailleurs à aider leurs frères dans leur lutte pour
l'existence humaine,
« Au nom de l'Association internationale, nous vous adressons
cet appel fraternel, comme aussi, si la grève dure, nous nous
adresserons aux Fédérations internationales de tous les pays,
aux milliers de membres de notre Association qui n'ont jamais
encore abandonné leurs frères dans la nécessité et qui ne les
abandonneront jamais !
« Par décision des 30 comités réunis,
«Zfl commission de la grève :
« J.-P. BECKER, DUVAL, H. PERRET, GHÉNAZ,
. OUTINE, BENOIT, JAGCAZ, BAUMGARTNER. »
1 II est à peine utile de faire remarquer que ces prétendues fusillades
d'ouvriers sur les grandes routes n'ont jamais existé que dans l'imagination
des Outine et autres. Nous avons reproduit aux Documents justificatifs (pièce c).
deux autres proclamations relatives à cette même grève.
KT LH JAGOniNISMK. 161
AVIS.
• € Les .SO sections sont convoquées en assemblée générale
extraordinaire pour samedi 7 mai, à 8 heures du soir, .m
Temple-Uni(iue.
Ordre du jour :
« Question do la grève dos tuiliers.
Œ Question du journal.
« Pour le Comité central :
a Le président : FREPPAZ. »
En présence d'un pareil uJtimnliim,\es, xw^lives tuiliers, dans
une protestation des plus dignes et des plus fermes, se décla-
raient prêts à traiter individuellement avec les ouvriers, mais
ils se refusaient énergiquement à admettre en quoi que ce
soit l'arbitrage de l'Internationale. Voici leurs déclarations à
cet égard :
RÉPONSE
Des iunîlres tuiliers ù la proclaninlion de la Société inlernntio-
unie des travailleurs.
« En face dos accusations calomnieuses contenues dans le ma-
nifeste de l'Association internationale, les maîtres tuiliers
soussignés ne croient pas avoir autre chose à faire que de
livrer à la publicité la lettre suivante, qu'ils ont adressée le
30 avril dernier, au président de l'Association internationale.
a Ils se déclarent toujours prêts à traiter avec leurs ouvriers
individuellement, à protéger ceux qui voudront travailler, et à
maintenir par tous les moyens le droit d'être maîtres chez eux.
Ils font appel au bon sens des ouvriers disposés à travailler, et
leur font savoir que tant que les internationaux ne les en
empêcheront pas, ils trouveront chez eux de l'ouvrage aux
prix fixés ce printemps, et qui sont bien supérieurs à ceux
énoncés dnns -le manifeste de l'Internationale ; mais ils sont
11
162 L'INTERNATIONALE
décidés aussi à fermer leurs fabriques plutôt que de traiter
avec la société de l'Internationale .
a MOICHON; Société genevoise de Gri(fuerie; JOSSE-
RON; Simon EGGLY; GROBET; Félix EGGLY. »
REPONSE
Des maîtres tuiliers ù M. J.-P. DecAer, direct en r de F Asso-
ciation internationale des travailleurs.
« Monsieur,
« Nous avons l'honneur de vous accuser réception de votre
lettre du 26 courant, ainsi que du tarif des ouvriers tuiliers
qui nous a été communiqué quelques jours auparavant.
(i Ce document, rédigé dans une forme absolue qui ne paraissait
pas discutable, émettait des prétentions telles que, si elles
étaient maintenues, il ne nous resterait plus qu'à fermer nos
usines,
«Nous ne pouvons accepter, Monsieur, l'intervention que vous
nous offrez, pour discuter nos intérêts avec nos ouvriers. Nous
avons, cette année-ci déjà, augmenté le prix de la journée, et
nos ouvriers ne réclameraient rien si votre Société ne s'était
mêlée de nos affaires.
« Nous serons toujours prêts à discuter individuellement avec
nos ouvriers les conditions du salaire et du travail ; mais nous
n'accepterons jamais de devoir traiter avec un comité qui se
réserve le droit de juger souverainement toutes discussions
entre ouvriers et patrons \ »
(Suivent les signatures.)
Cette grève durait encore, lorsque les ouvriers plâtriers-
peintres abandonnèrent leurs ateliers. Ils alléguaient qu'aux
termes d'une convention signée en 1868 et renouvelée en 1869,
1 Quelques ouvriers ayant refusé de se mettre en grève, les tuileries où ils
travaillaient furent envahies par des bandes d'individus, et les ouvriers menacés.
11 fallut l'intervention de la policiî locale pour mettre un termo à de pareilles
manifestations et protéger dans leurs ateliers los ouvriers qui no demandaient
qu'à continuer leur travail.
ET LE JACOIUNIS ME. 16S
tous les ouvriers du bUiiiient devaient avoir la journée de
10 heures el ùlrc payés à raison de 45 centimes l'heure ; que
les patrons plâtriers avaient seuls refusé de faire droit aux
réclamations de leurs ouvriers ; que ces derniers n'en avaient
pas moins consenti à signer la convention et à reprendre le
travail, mais qu'aujourd'hui ils formulaient de nouveau leurs
prétentions et demandaient à être admis au bénélice d'une rému-
nération égale à celle des ouvriers des autres métiers. (Voir
documents justificatifs, pièce cl.)
Cette nouvelle grève ne tarda pas à prendre les proportions
les plus graves. Les patrons, comprenant qu'elle n'était qu'un
ballon d'essai, et que, si elle réussissait, tous les autres corps
de métiers viendraient successivement réclamer une augmenta-
tion de salaire et une diminution des heures de travad, annon-
çaient leur ferme résolution de continuer la lutte jusqu'au bout.
Ils se déclaraient soUdaires les uns des autres, et, dans une
assemblée générale tenue le 3 juin, ils décidaient à runanimité
que tous leurs ateUers seraient fermés si, le 9 juin, le travail
n'avait pas recommencé. Les ouvriers se moquèrent d'un pareil
ullimatiim : des meetings furent organisés par l'Internationale
pour protester contre la déclaration des patrons qu'elle quali-
fiait d'appel à la guerre civile, de provocation à la dissolu-
tion de l'Association internationale et à la proscription des
étrangers.
A son instigation, une assemblée populaire composée de plus
de 3,000 personnes avait lieu à Genève le 7 juin, dans la salle
du palais électoral. Le citoyen Grossehn, l'un des membres de
la section centrale de Genève et le porte-voix du parti radical
dont il a été le candidat aux dernières élections au conseil d'É-
tat, y prenait la parole : dans un langage des plus violent» il
s'élevait avec indignation contre les procédés in/juaIiûaL!es des
patrons. Il affirmait que les ouvriers étaient décidés à ne re-
culer devant rien pour obtenir le triomphe de leurs droits, et
qu'ils iraient sur la place pnbli'/ue, s'il le fallait.
Nous tenons d'un témoin oculaire qu'il fut volé par acclama-
tion que les internationaux descendraient dans la rue, les armes
à la main, si l'une de ces trois hypollièses venait à se réa-
liser :
164 I> ' I ^" 'l' ^ I^ ^' A '1 I 0 N A L E
1° Pi (les mesures répressiv(>s (''taieiiL prises j)ar le gou\erne-
ment de Genève contre rintcrnalionalc;
2° Si les étrangers étaient exi)nlsés ' ;
3° Si les patrons l'ennaieiit leurs ateliers le jeudi 'J juin,
comme ils l'avaient décidé.
Sur un pareil terrain, l'entente entre })atrons et ouvricis de-
venait difficile, sinon impossiljle : aussi les pourparlers engagés
avec l'intervention officieuse do M. Gampério, clief du dé})artc-
ment dejustice et police, ne purent aboutir.
Le 11 juin, les patrons, fidèles à la promesse (iu'ils avaient
faite, fermèrent tous leurs ateliers : plus de 3,000 ouvriers fu-
rent ainsi congédiés.
Dans une ville aussi agitée que Genève et oi!i se trouvent
réunis tant d'éléments de désordre, une pareille crise })0uvait
devenir le prétexte d'un conflit dont il était difficile de prévoir
toutes les conséquences. L'Internationale, qui en avait pris l'ini-
tiative, ne se dissimulait nullement la gravité exceptionnelle
d'une situation aussi tendue. Des appels pressanls étaient laits
à tous les travailleurs en faveur des grévistes genevois. L'Inter-
nationale publiait manifestes sur manifestes, proclamations sur
proclamations: les sections étaient en permanence, afin d'aviser
aux mesures à \ivenûve pour demcui^er unis en face du dan-
ger, sortir victorieux CCune crise provoquée à dessein par les
patrons, et répondre dignement au dcll de vie on de mort porté
par les bourgeois à toute l'Association intcrnationnle dont
l'existence était proclimée être à l'abri de toute attaque sérieuse.
Le 14 juin, il était décidé que les sections de métiers repren-
draient le travail sous la responsalnlité collective des corps de
métiers respectifs et se chargeraient d'exécuter tous les tra-
vaux qui leur seraient offerts en traitant directement avec les
propriétaires et architectes sans l'intervention désormais inu-
tie de tous entrepreneurs. Cette déclaration était rendue publi-
i L'Assemblée voulait faire allusion à un passage du manifcsln des chefs
d'atelier invitant les autorités compétentes à appliquer à certaines meneurs
l'article 77 de la constiLulion fédérale ainsi conçu : La Confédéralion a le droit
de renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la sûreté inté-
rieure ou extérieure de l;i Suisse. — (Voir aux IJocaiitcnls ju^lificatlfs le ma-
vifcsle des patrons f.l tous les attires plc^cards publics à Voccasion de cette
grève. Pièce e.)
ET LI-: JACOIîIXISMK. 165
que par la voie traClicliL;. Ou pi'occ'.'dail à la uoininalion d'une
commission de dix membres chargée de la direction de la grève *.
Des assemblées générales étaient tenues tous les soirs au
Teniple-Uniquo : les ouvriers déclaraient que, la grève diit-ollc
durer indé/iniincul, il no foraient jamais aucune démarche vis-
à-vis des patrons et qu'ils ne traiteraient jamais en dehors de
l'Internationale.
De leur côté, ceux-ci ne se laissaient nullement décourager i)ar
la résistance des ouvriers; ils refusaient énergiquement de trai-
ter avec la commission de grève instituée par l'Internationale.
D'honorables citoyens offraient leur intervention pour amener
un rapprochement sincère entre ouvriers et patrons et mettre
un terme à un conllit aussi désastreux. Une première entrevue,
dont rinilirilive revient à M. Amljerny, avait lieu le 18 juin, mais
aucune entente n'était possible, et tous les efforts tentés par
d'honorables intermédiaires dans deux conférences successives
venaient échouer contre la résolution prise par les parties inté-
ressées de ne vouloir céder sur aucun point. Les chefs d'atelier
déclaraient qu'il ne consentiraient à la reprise des travaux que
lorsque les plâtriers-peintres se seraient soumis au décret de
rentrée aux anciennes conditions.
Dès le 20 juin, les négociations étaient définitivement rom-
pues : un conseil d'arbitrage avait été voté dans une assemblée
nationale tenue le 21 du même mois, mais les patrons avaient
répondu par une fin de non-recevoir à cette nouvelle pro}iosition.
Cette crise industrielle appelait, on le comprend, une solution
définitive et prompte : il ne s'agissait rien moins que de la ruine
totale de l'industrie dubâtiment. D'ailleurs une colhsion paraissait
imminente. Le conseil d'État préoccupé de la nécessité de parer
à cet état de choses par la création de chantiers nationaux, ne
pouvait manquer d'intervenir.
Cédant à la pression de l'opinion publique et désireux do ré-
tablir l'union, les patrons offraient le 8 juillet la rei)rise des tra-
vaux aux anciennes conditions et la nomination d'une commis-
sion chargée de statuer sur la question des dix heures de tra-
1 Ces dix membres élaient Baumgarlner, Dailly, Grosseliii; TognieUe, Duoarc,
Hofer, Sleiiier,, Girod, Goy, Antoine.
\eG L'INTERNATIONALE
vail. Mais leurs offres étaient dêdnigneusement repoussées.
Les choses en étaient toujours à ce jioint lorsqu'éclata la guerre
entre la France et rAUcmagnc. Privées dorénavant des subsi-
des qui leur arrivaient de ces deux contrées, les sections gene-
voises comiirirent l'impossibilité matérielle où elles allaient se
trouver de lutter plus longtemps contre la persistance opiniâtre
des patrons. Une pareille situation mit la commission de la
grève dans la nécessité d'en demander la suspension. Mais
afin do pallier les conséquences de celte défaite, le journal VE-
galHô (numéro du 27 juillet) avait soin d'expliquer les motifs de
cette détermination et de démontrer ù sa ffiçon que la grève
avait été victorieuse sous plus d'un rapport.
« Avus sommes, disait celte feuille, arrêtés pour le moment
mais non par les patrons, non par leur coalition, mais par des
causes plus impérieuses et indépendantes de notre volonté:
nous faisons trêve pour le moment pour mieux assurer notre
victoire.
« Et ce n'est pas la défaite, mais la victoire qui a été arrêtée
à moitié chemin : ayant acquis la moitié de la victoire, nous
n'avons pas osé risqué de la perdre
a Nous n'avons cédé en rien : nous avons obtempéré aux
circonstances de force majeure. En suspendant momentanément
la grève, les sections se réservent plein droit de suspendre les
travaux à un moment propice, en considérant l'abandon des tra-
vaux comme la continuation pure et simple de la grève des pa-
trons. Les sections en bâtiment déclarent avec l'appui moral et
matériel de toute l'Association internationale qu'ils n'abandon-
neront pas leurs justes réclamations, qu'ils persisteront dans
leurs égitimes revendications, tant qu'ils n'auront pas obtenu
la durée de dix heures, l'abolition du travail aux pièces et la ta-
rification précise du salaire légalisée par les notaires.... Prépa-
rons-nous résolument, énergiquement à recommencer la lutte
qui devra éclater au moment propice et qui devra être couron-
née par la victoire décisive.
Cet ultimatum se passe de tout commentaire.
Nous avons cru devoir entrer dans tous les détails de cette
lutte entre le caiiital et le salaire afin de montrer une fois de
ET LE JACOBINISME. 167
plus la part active de l'Internationale dans les grèves. Nous de-
vons reconnaître que, jusqu'à ce jour, l'Internationale n'en avait
pas suscité d'aussi graves ; il a fallu tout le courage des patrons
pour triompher d'une pareille coalition. C'est grâce à leur en-
tente uiiaiiimc, à leur refus hautement manifesté d'accepter toute
proposition émanant de l'Internationale qu'ils ont dû de voir les
ouvriers reprendre le travail. Puisse cet exemple des patrons
genevois être d'un salutaire effet et montrer la puissance d'une
entente commune !
A peu près à la môme époque, des troubles éclataient à
Verviers. L'opinion publique était unanime à en faire remon-
ter la responsabilité à l'Internationale. Quand on se rappelle
en effet dans quelles circonstances se produisirent ces scènes de
désordre, on ne peut douter un instant du rôle joué par l'In-
ternationale.
La section verviétoise émue de pareilles accusations crut
devoir protester contre 7es calomnies dont elle prélendait être
l'objet. Les procédés de l'Internationale sont, comme on le voit,
partout les mêmes : elle excite, elle provoque, elle met tout
en œuvre pour déchaîner les masses ouvrières, et puis, quand
elle a réussi à susciter un soulèvement et à jeter les ouvriers
dans la rue , elle leur recommande le calme et la dignité.
Survient-il une rixe, une collision sanglante, elle déclare être
étrangère à tout ce qui se passe et ne voit dans de tels faits
qne l'œuvre de la police et le résultat de provocations dirigées
contre l'existence de l'Internationale, Voici le manifeste pubUé
le 22 juin par la section verviétoise.
Association Internationale des Travailleurs.
Section verviétoise.
« Dans un meeting extraordinaire tenu mardi 21 juin courant,
à 9 heures du soir, à Verviers, les conclusions suivantes ont
été votées à l'unanimité dos personnes présentes :
« 1° La section verviétoise de l'Association internationale des
travailleurs déclare être étrangère à tous les événements sur-
i 68 L ' 1 N T E R N A T 1 0 N A L I'.
venus dans ces derniers jours et ne les avoir ni préparés, ni
secondés en quelque maniôro que ce soit ;
a 2" La section vcrviétoise, loin d'avoir elle-même pris part à
ces événements, engage au contraire tous les travailleurs à
s'abstenir de toute manifestation pouvant contribuer à trou-
bler inutilement l'ordre public.
« Le bureau du meeting :
« Victor DAVE, membre du conseil général belge, prési-
dent du meeting ; Emile ROUBARD, membre du comité
de la section verviétoise ; Toussaint DÉJOZE, id. ; Jean
GROSJEAN, id. ; Denis DEBLUET, id. ; Nicolas WHATE-
LET, id. ; Jean HANSENNE, id. ; François HEREMAN,
id. ; Jean LELOTTE, id. ; Léonard MARÉCHAL, id ;
Toussaint RUWETTE, id. ; Jacques SAUNENIÈRE, id. »
II
situation des sections françaises APRES les arrestations du
mois de mai. agissements de la fédération lyonnaise, comptes
rendus de ses séances. albert richard se réfugie a neu-
chatel. la fédération parisienne et la statistique du tra-
vail, circulaire a tous les correspondants.
Les poursuites dirigées contre l'Internationale lui portèrent
un coup terrible ; son existence en France en fut sérieuse-
ment menacée. Une désorganisation à peu près complète s'en-
suivit, et sans les événements du mois de juillet et plus tard
les désordres et l'anarchie du mois de septembre, nous n'au-
rions jamais assisté au spectacle humiliant de voir l'Interna-
tionale maîtresse de Paris. Nous prouverons plus tard c[ue, déjà
puissante vers la fin de septembre, elle a fait le 21 octobre,
le 22 janvier et plus tard le 18 mars ; que le comité central a été
son œuvre et son instrument et qu'elle a été l'âme de l'insur-
rection. Nous la verrons dès le 10 septembre, avec son comité
de défense et ses comités de surveillance établis dans tous les
KT LE J ACOinXISMK. IGO
arrondissements pour cnipêchcr lu rcnclion ; nous devons bien
reconnaître dès à présent, que le choix des foncLionnaircs et
l'intronisation de quelques-uns de ses membres dans les
mairies et ailleurs devaient singulièrement faciliter son œuvre.
Mais n'anticipons pas ; ces événements seront Inentôt l'objet
de notre étude.
Seule de toutes les sections, la Fédération lyonnaise sem-
ble avoir conservé une certaine activité.
A l'arrestation de ses principaux membres elle a ré^jondu
par la nomination d'une nouvelle commission destinée à rem-
placer, dans ses fonctions et ses efforts de proi)ag\'!ude, celle
qui vient d'être incarcérée.
Cette nouvelle commission avait été, comme nous l'avons déjà
dit, nommée dans une réunion tenue le 5 mai, sous la présidence
de Dumartlieray. Elle n'était que provisoire et se composait
de 10 membres au nombre desquels figuraient Ubaudi, sculp-
teur, rue de Fleurieux, 4; Charvel *, tisseur, rue du Bon-
Pasteur, 31 ; Tournairc, tulliste, rue Bossuet, 67, devenu
au 4 septembre l'un des agents du commissaire central (]hol.
On n'était admis dans cette réunion qu'à l'aide d'un mot d'ordre
qui était pont.
Le sculpteur Ubaudi était devenu l'homme de la situation ;
il était chargé de faire la correspondance et recevait mission de
distribuer le montant des souscriptions recueillies en faveur
des détenus. Dans l'une des séances, il donnait communication
à l'assemblée de la lettre d'Eugène Hins que nous avons re-
produite et qui invitait les travailleurs lyonnais à no pas se
décourager et à continuer leur œuvre.
Dans la soirée du 6 mai, une nouvelle réunion avait lieu
dans une salle du café Jacquet, place Saint-Michel, Vingt-cinq
membres étaient présents ; trois membres de l'ancienne com-
i Cbarvet, nommé quelques jours après secrétaire correspondant de la sec-
tion lyonnaise en remplacement do Richard, se trouvait en armes, dans la
salle de Valentino, le 20 décembre 1870, au moment de la condamnation à
mort du commandant Arnaud. Il chargeait le fusil du jeune lîmile Boyer,
l'un des assassins, acquitté par le conseil de guerre comme ayant agi sans
discernement.
Charvet, arrêté à la suite de cet assassinat, fut tué d'un coup de revolver, au
moment où, conduit à la maison d'arrêt, il essayait de s'évader.
170 L'INTERNATIONALE
mission, mis en libertô la veille, Arthur Martin, Bret et PuUiat
et la citoyenne Virginie Barbet assistaient à la séance.
II était procédé à la nomination d'une nouvelle commission.
Etaient nommés Tacussel, serrurier, avenue de Saxe, 187 (mem-
bro de la commune lyonnaise lors de l'insurrection du 30 avril) ;
Penel , passementier , cours Vitton ; Bauzin , id ; Chan^et ,
tisseur; Favre, doreur sur bois, rue Béchevelin, 01; Vuitton,
marbrier, rue do Grillon ; Tournaire, tuUiste, etc. Les nouveaux
élus jurèrent de marcher sur les traces de leurs devanciers.
Deux jours après, nouvelle réunion dans le môme local sous
la présidence de Garnier. On agitait la ({uestion de savoir quelle
attitude devait prendre l'Internationale en présence des pour-
suites dont elle était l'objet. Après une vive discussion, il était
décidé que l'on continuerait l'œuvre entreprise par l'ancienne
commission. Un nouveau bureau était constitué. Il se composait
de Charvet , secrélaire correspondant, Tacussel , secrétaire
général de la commission, Vuitton, secrétaire adjoint, et
Garnier, trésorier. Une somme de cent francs, destinée aux
familles des individus arrêtés pour affiliation à l'Internationale,
était remise au bureau par une délégation du comité central
anti-plébiscitaire du Rhône.
La discussion du projet de statuts de la fédération était re-
prise. Enfin il était convenu que le citoyen Ubaudi et un délé-
gué des ouvriers verriers se rendraient le dimanche suivant à
Givors oîi devait avoir lieu une réunion de l'Internationale.
Le 23 mai, la fédération lyonnaise tenait deux séances : la
première, à une heure de l'après-midi, chez le restaurateur Bon-
nefond, aux Brotteaux, où aucune décision ne pouvait être prise,
les délégués ne se trouvant pas en nombre, et la secondQ, dans
la soirée, chez le cafetier de la place Saint-Michel. Blanc prési-
dait ; Tordre du jour portait : création d'une commission dé/ini-
tive ; création d'un cercle d'études sociales et économiques.
Sur la proposition du citoyen Doublé, il était décidé que la
commission définitive ne se composerait que de cinq membres
auxquels viendraient s'adjoindre deux délégués de chaque cor-
poration adhérente.
Quant à l'organisation d'un cercle d'études sociales, elle de-
vait être confiée à une commission d'initiative de cin(i membres
ET LK JAf'.OBINI^Mi:. 171
chargés de prendre toutes les mesures nécessaires pour la réa-
lisation de ce projet.
Les nominations de ces deux commissions étaient renvoyées
à une prochaine séance.
L'arrivée au miheu de la réunion des trois internationaux sté-
phanois, sortis de prison depuis quelques heures à peine, Du-
mas, Dupin et Délaye, était accueillie par des transports d'enthou-
siasme. Leur présence devenait le prétexte des récriminations
les plus violentes contre les mesures réucliunnaircs et brutales
adoptées par le gouvernement ; on y (lonnail lecture d'une lettre
rédigée i)ar Richard et dans la({uellc étaient énumérés tous les
actes arbitraires dont ses collègues de Saint-Etienne avaient été
victimes de la part des agents du pouvoir impérial. Il était con-
venu qu'une supplique serait adressée au procureur général afin
d'obtenir la mise en liberté des citoyens Palix et Richard qui
« gémissaient encore dans les cachots du bandit Bonaparte. »
A l'issue de la réunion, tous les assistants, au nombre d'une
quarantaine, se cotisaient pour payer les frais du voyage de leurs
collègues stéphanois et les reconduisaient triomphalement à la
gare. Le lendemain, tous ces faits étaient perlés à la connaissance
du citoyen Guihaume de Neuchâtel; deux lettres lui élaicnt écri-
tes à ce sujet par le secrétaire correspondant ^
On voit qu'en dépit des poursuites dirigées contre elle, la
fédération lyonnaise n'en persistait pas moins à poursuivre son
œuvre. La commission fédérative était défmitivement nommée
le 28 mai : elle se composait de Tacussel, Charvet, Favre, Des-
borde et Tournaire.
Le même jour, Richard, Palix, Doublé, Blanc, Poncet, Placet
et Busqué recevaient mission de s'occuper de l'organisation du
cercle d'études sociales dont la création avait été adoptée dans
une précédente réunion.
Les séances suivantes et notamment celle du 16 juin étaient
consacrées à l'examen des mesures à concerter pour la défense
commune des membres poursuivis. Dans la séance du 17 juin
(café Brochier, place Kléber) , la commission fédérative et la
commission d'initiative pour la création du cercle d'études so-
1 Ces lettres figurent parmi les Documents justificatifs (Pièce f).
\l-2 L ' I N T E R N A T I 0 N A LE
oiales ôlaiont réunies. Au noml)rc des assistants ^ iiquraicnt Ri-
chani, * I\ilix, * Martin, * Placot, * Dupuis, * Bret, Cormier,
Pinel, ' Cliarvet, Desljordcs, * Tacusscl, Favre, Tournaire, * Pi-
cliot, * Pulliat, * Dumartlieray, Adenot, ' Régipas, Valois,
Ricliard donnait communication à l'assemblée d'une lettre de
Bastelica, alors réfugié à Barcelone et qui sollicitait un mandat
de délégation poiu* représenter la section lyonnaise au congrès
qui devait s'ouvrir dans cette ville vers la fin du mois de juin.
Le secrétaire était chargé de l'envoi de ce mandat.
Après une courte discussion, les statuts de la fédération étaient
définitivement adoptés.
Enhardis par les retards que subissait leur jugement et croyant
à un abandon qu'ils regardaient comme possible des poursuites,
dirigées contre eux, les internationaux lyonnais avaient songé à
signifier par lettre au procureur général qu'ils regardaient l'ac-
cusation portée contre eux comme abandonnée et que, si dans un
délai de huit jours, aucun avis contraire ne leur était donné, ils
se croiraient autorisés légalement à reprendre leur œuvre. Ce
projet dont l'initiative appartient à Richard ne fut pas, il est vrai,
misa exécution, les condamnations « des frères et amis de Paris »
étant venues quehjues jours plus tard déranger tous leurs calculs.
En attendant, Ubaudi et Martin parcouraient le bassin houiller
de la Loire : des sections étaient organisées à Rive de Gier et
Givors parmi les ouvriers verriers de ces deux localités.
On songeait à convoquer une assemblée générale de tous les
adhérents lyonnais. Cette question agitée, le 22 juin, fut de nou-
veau discutée dans la réunion privée tenue le 27 juin, salle du
restaurant Guillerme aux Brotteaux. Sur la proposition de Ri-
chard, il était convenu qu'un appel serait adressé par la voie du
jounml le Progrès à toutes les corporations ouvrières afin de
les inviter à hâter l'envoi de leur acte d'adhésion et qu'une réu-
nion générale serait annoncée pour le 10 juillet -.
< Les noms précédés d'un astérisque sont ceux des individus compris dans
les poursuites.
■■2 Une demande d'autorisation devait être adressée à la préfecture relie
devait être signée par Tacussel, Penel (Claude), passementier, cours Vitton,42,
Bauzin, rue Robert, o3, Scliild (Jean\ chemin des Culattes, 7, Favre (Fran-
cisque), doreur sur bois, rue Madame, 98.
i:t lk jacoiîinismi-:. mv,
Des rcmercîinoals élaient votés aux membres do i'ariciiHi co-
mité anti-plébiscilairo pour les secours f{u'ils avaient donnés aux
familles des citoyens mis en état d'arrestation.
Il était ensuite procédé à la réception des actes d'adhésion de
quatre nouvelles corporations : Jcs pnsscmontiors^ les verriers,
les apprôtciirs sur iiiUes et les serruriers. Les membres pré-
sents à la séance étaient Régipas, président, Kicliard, L. Martin,
Foncet, Pidliat, Duuiartheray, Brot, Grinand, (lonnard, Sciiild,
Tacussol, Favre, Cliarvet, Desbordes, Toiirnairt^ Cormier, Fenel
et Bausin.
Juscpi'ici la section lyonnaise a agi dans l'ombre, elle a dis-
simulé son action : tous ses actes ont été accomplis dans le se-
cret le plus absolu. Elle a su faire le silence autour d'elle et
n'étaient les récits d'un affilié, nous n'aurions jamais su si elle
avait tenu des réunions et quelles décisions y avaient été prises.
ilais bientôt, se croyant à l'abri de tout danger, elle affirme de
nouveau son existence par plusiciu-s déclarations rendues publi-
ques. Voici ces documents :
I
Fédération ouvrière lyomiaise.
« La commission fédérale ouvrière lyonnaise prévient les so-
ciétés et corporations ouvrières adhérentes aux principes de
l'Association ir.ternationale des travailleurs, que le long et labo-
rieux travail d'organisation de la fédération est complètement
achevé dans sa partie fondamentale. Dix sociétés ont déjà en-
voyé à la commission fédérale leur ;,:dhèsion ofliciclle et délîni-
tive. 11 est temps que celles qui sont en retard sur ce point se
hâtent d'aider la commission à rassembler et à coordonner les
forces immenses jusqu'alors isolées du prolétariat.
« Nous devons rester calmes en présence des excitations de
nos ennemis, les partisans de l'organisation sociale actuelle ;
nous devons repousser les suggestions téméraires de la colère
et de la passion ; mais il est de notre devoir de poursuivre avec
une froide énergie l'accomplissemont de l'oeuvre que nous avons
entreprise.
174 L'INTERNATIONALE
« Une assemblée générale des adhérents à la fédération aura
lieu prochainement.
« La commission fédérale y fera un rapport sur ses travaux et
l'on étudiera ces principes et ces idées socialistes sur lesquels
notre fc'd(''ration s'appuie et que nos adversaires chercheront en
vain à dénaturer.
« Pour la commission fédérale,
« GARNIER; Louis MARTIN; Fiunçois
DUMARTHERAY. »
II
Aux citoyens qui ont fait partie du comité central
antiplébiscitaire à Lyon.
(i Citoyens ,
« Les inculpés dans l'affaire de l'Association internationale
des travailleurs et les membres de la commission fédérale ou-
vrière lyonnaise tiennent à vous donner un témoignage pubUc
d'estime et de sympathie bien mérité par votre conduite digne et
fraternelle pendant le cours de la détention préventive d'un cer-
tain nombre d'entre eux.
« Vous avez joint vos cotisations à celles des membres de l'In-
ternationale pour venir en aide aux prisonniers et à leurs fa-
milles, vous souvenant alors que, malgré les divergences qui
peuvent se manifester dans les actes et dans les opinions de
ceux qui composent la grande armée des amis de la liberté et de
l'égalité, il y a des sentiments et des devoirs qui leur sont com-
muns à tous.
a Vous avez donné un exemple que nous n'oubherons pas, et
qui sera certainement suivi dans d'autres circonstances. Pour le
moment, nous sommes heureux de constater que les intrigues,
les déceptions, les palinodies qui ont si souvent jeté le désarroi
dans le camp de la révolution, n'ont encore pu arriver à briser
la solidarité démocratique universelle. Que cette certitude soit
pour nous le sijne précurseur du triomphe prochain de nos
idées.
ET LE JACOBINISME 175
« Nous VOUS donnons une poignûo de main fraternelle. '
a François DUMARTHERAY ; GARNIER ; GHARVET ;
Aldert richard ; FAVRE ; BRET ; TAGUSSEL ;
ALATERNE; L. MARTIN; TOURNA YRE; GORNIER ;
PONGET; RÉGIRAS; P. J. PULLIAT ; PENEL ;
BAUZIN ; L. PALIX. :o
III
Fédération ouvrière Lyonnaise.
Lyon, le 18 juillet 1870.
€ La constitution de la Fédération étant complètement ache-
vée, la commission fédérale fait savoir à tous les adhérents
qu'elle a installé son bureau central, siège officiel de la Fédéra-
tion, dans un local adjacent à la salle du théâtre des Folies-Lyon-
naises, rue Basse-du-Port-au-Bois, n° 11, à la Guillotière.
« Tous les mardis et jeudis, de huit heures à neuf heures et
demie du soir, deux membres de la commission fédérale se trou-
veront au bureau à la disposition des corporations et des ci-
toyens qui désireraient des renseig-nements.
« Des exemplaires des statuts de la Fédération seront vendus
au prix de 10 centimes.
« Lyon, le 8 juillet 1870.
Pour la commission fédérale,
«B. PLAGET; PENEL; GHARVET. »
IV
a La Fédération ouvrière lyonnaise a annoncé que le local de la
commission était fixé dans une salle des Folies-Lyonnaises, rue
Basse-du-Port-au-Bois. Aujourd'hui ce local lui est refusé par
le propriétaire. On ne sait quelle influence a pu changer d'un
jour à l'autre les idées de celui-ci ; mais quoi qu'il en soit, le nou-
veau local sera annoncé incessamment par la voie du Prorjrès.
176 L ' I N T 1-: lî NATION A L E
La Fédùi'alion ne pouiTa pas alors clro taxée de société secrète,
à l'instar de ce qui a été fait pour l'Internationale *.
« En attendant, les renseignements relatifs à la Fédération se-
ront donnés par les citoyens dont les noms suivent :
« Tacussel, avenue do Saxe, 187; ïournayre, vuo Uos-
suet, 67; Gharvet, rue du Bon-Pasteur, 31. »
« TACUSSEL ; Eaule BARDEY ; PENEL ; GHARVET ;
François DUMARTHERAY; SGHILD JEAN; GOR-
NIER ; J. PREMILLIEUX ; A. GUILLERMET. »
La nouvelle des condamnations prononcées contre les inter-
nationaux parisiens jeta le désarroi le plus complet dans le
camp des Lyonnais. Les plus comi)romis furent effrayés de la
sévérité du tribunal de la Seine. En homme prudent, Albert Ri-
chard fut le premier à se mettre en lieu sûr et à se réfugier à
Neuchâtel. Du fond de sa retraite il exphquait à ses amis de
Lyon, que condamna d'avance et ne pouvant se défendre, il s'é-
s'était mis en lieu sûr pour délibérer plus mûrement siw les vé-
solulions ultérieures qu'il aurait éprendre.
Ses amis d'ailleurs n'étaient guère plus rassurés qne lui;
l'autorité administrative ayant refusé de leur accorder l'autorisa-
tion de tenir une assemblée générale le 10 juillet, ils se conten-
tèrent de protester timidement contre ce veto.
L'agitation provoquée par les bruits de guerre qui prenaient
chaque jour une nouvelle consistance vint ranimer leurs espé-
rances. Ils en prenaient prétexte pour protester contre la guerre ^.
Dans une réunion tenue, le 17 juillet, chez le sculpteur Ubaudi
et oîi assistaient Blanc, Tacussel, Gharvet, Busqué, Ghol,
A. Martin, Premillieux, Fax, Gennerel et une vingtaine d'ou-
vriers tisseurs de la Croix-Rousse, il était convenu (ju'une mani-
festation publique aurait lieu le jeudi suivant à 6 heures du soir,
«ur la place des Terreaux; que tous les membres de l'Iuternatio-
nale y seraient convoqués, que l'on protesterait contre la guerre
et qu'une délégation serait nonmiée sur la place même pour
1 11 n'y a jamais ou aucune ùlHivoncc enireVInlernalioiiaîe et la Fédération.
2 Nous les trouverons plus lard à la Rotonde, au mois de septembre, prê-
chant la ievoo en niasse et la guerre à oulranre.
ET LE JACOBINISME 177
mettre en demeure le préfet de fournir les motifs pour lesquels
il refusait à l'Internationale le droit de se réunir.
L'assemblée votait par acclamation l'envoi d'une adresse aux
sections prussiennes pour assurer les travailleurs allemands des
sympathies de la nation française. Il était décidé qu'en dépit
du veto administratif, le cercle d'études d'économie sociale serait
ouvert, mais que pour dérouter les recherches de la police, on lui
donnerait le nom de cercle des tisseurs et des corporations adhé-
rentes et qu'on chargerait du soin de T organiser vingt-cinq tis-
seurs des moins connus comme membres de V Internationale.
La manifestation projetée avorta : ses promoteurs furent ar-
rêtés la veille du jour oùelle devait se produire. Il est bon de rap-
procher cette manifestation organisée sous l'inspiration avouée de
T Internationale des scènes de désordre qui éclatèrent à cette épo-
que à Lyon . Nous voulons parler de ces promenades dans les rues,
drapeau rouge en tête, de bandes d'individus en blouse vociférant :
A bas la France ! Vive la Prusse ! Nous avons lieu de supposer que
les menées de l'Internationale n'y furent pas étrangères, avec d'au-
tant plus de raison que parmi les inculpés figuraient des membres
de cette société et que c'est l'Internationale qui avait pris l'initia-
tive d'une première démonstration en faveur du maintien de la
paix.
Mise de nouveau en éveil par l'arrestation de quelques-uns de
ses membres , la section lyonnaise s'occupa désormais des
moyens à concerter pour correspondre sûrement avec Paris et
les autres sections de l'Internationale : la plupart de ses séances
furent consacrées à cette discussion. Elle avait d'ailleurs à songer
à son procès dont les débats venaient d'être fixés au 8 août *.
Nous avons déjà eu l'occasion d'expliquer par suite de (juel
heureux concours de circonstances ce procès n'avait jamais
reçu de solution.
Ces délais, ces renvois d'audience à audience faisaient, on le
i II avait éié convenu dans une réunion tenue le 3 août par les membres
poursuivis : l» que Richard serait chargé de la défense collective des prin-
cipes de l'Internationale, de son but et de ses moyens d'aclion ; 2" que
Me Chenel défendrait l'ensemble des faits incriminés; 3° que le citoyen Deauvoir
présenterait la défense collective. On devait surtout se prévaloir de ce faivque
l'adhésion de la fédération lyonnaise à V Internationale ne pouvait avoir
qu'une valeur morale, la fédération ayant conservé sa complète autonomie.
12
t78 L'INTERNATIONALE
comprend, le bonheur de nos internationaux lyonnais ; ils ne
se di.ssiniulaicnt nullement tout l'effroi que leur attitude parais-
sait inspirer au pouvoir dans les circonstances criti({ues oii le pla-
çaient les événements et plus encore l'éloignement de l'armée. Ils
insistaient pour être jugés : ils en appelaient au ministre de la
justice et cherchaient par tous les moyens possibles à amener
des complications qu'il était prudent d'éviter.
Bientôt leur audace ne connaîtra plus de bornes ; elle gran-
dira avec les malheurs de la patrie : In levée en masse va devenir
leur mot de ralliement ; les cris « A la trahison et à l'incapacité ! »
leur moyen d'action. Us attendent une occasion favorable : ils
ont multiplié leurs conciliabules, arrêté les mesures à prendre au
lendemain d'un nouveau désastre dont ils entrevoient la possi-
biUté. Aussi les retrouverons-nous le 4 septembre à la tête des
envahisseurs de l'hôtel de ville décrétant l'armement delà nation.
Pendant que la fédération lyonnaise déployait autant d'activité,
les fédérations mai'seillaise et rouennaise, privées de leurs chefs,
ne donnaient plus signe de vie. Une protestation contre la guerre,
voilà tout le bilan des actes accomphs par ces deux sièges au-
trefois si importants de l'Internationale. Il faut arriver jusqu'au
mois de septembre pour retrouver sur la brèche les Bastelica,
les Combe, les Aubry et autres champions naguère si ardents
des idées socialistes.
La situation des sections parisiennes n'était guère plus bril-
lante : le mouvement de propagande était complètement arrêté.
Une seule commission fonctionnait encore : elle était chargée de
la répartition des secours recueillis en faveur des détenus et de
leurs familles. Quelques rares corporations osaient élever la
voix en faveur de l'Internationale et protester contre l'accusa-
tion de société secrète dirigée contre elle ; témoin cette décla-
ration de la commission administrative de la Société des reheurs :
a Nous soussignés, membres de la commission de la Société de
C'était lathése qu'avait développée quelques mois auparavant le citoyen Gaspard
Blanc, devant un groupe de tisseur.'?.
« Il y a, disait-il, en France, une difficulté au développemenl de l'Interna-
tionale, c'est un petit article de loi qui, je l'espère, disparaîtra bientôt de nos
Codes et qui ne permet pas son orj^'anisation, mais cette difficulté a été tournéf!,
et les travailleurs français en se déclarant non pas mernbres de l'Internatio-
nale, viais seulement adhérents à sfs iirincipcs, ne tombent pas sous ie coup
de cette loi impopulaire . »
ET LE JACOBINISME. 179
solidarilô des ouvriers relieurs de Paris, déclarons que l'Associa-
tion internationale, dont nous faisons partie, n'a jamais été une
société secrète,ses statuts généraux s'y opposant fornielleinent.
t Nous protestons énorgiquement contre cette accusation,
f Au nom de la société,
a La commission administrative,
« H. BELAZ, P. ROUDIER, E. BOGENVAL, A. CHAIL-
LOU, DUMONT, DUREL, FROEREISEN, LANGELIN,
MOULLAND, PUREN, SAGRÉ, SCHOTT, STERGKVAL,
STAUBER. .
Vers le 20 juillet, une commission de statistique entrait en
fonctions : elle avait pour mission de recueillir les éléments d'une
statistique générale du travail conformément aux résolutions vo-
tées par le congrès de Genève au mois de septembre 1866 *.
Voici la circulaire que cette commission adressait à toutes les
sections, avec la série des questions sur lesquelles ces der-
nières étaient appelées à fournir des renseignements ; ce docu-
ment mérite d'être connu, il offre une certaine importance :
ce Paris, juillet 1870.
« Giloyens !
a Nous vous adressons une série de questions sur les points
de statistique qu'il est utile aux travailleurs de connaître.
tt Nous fûmes, il y a quelque temps, nommes par le conseil
fédéral parisien de l'Association internationale des travailleurs
pour remplir ce devoir imposé par le congrès.
« Aujourd'hui, après la dissolution légale de l'Internationale,
nous continuons cette œuvre en notre nom personnel jusqu'au
moment où il redeviendra possible de rendre compte à ceux qui
nous avaient nommés.
a Nous comptons quand même sur votre concours actif. Nous
vous prions d'écrire sur cet imprimé la réponse auxquestions, et
de nous faire demander des imprimés semblables pour les grou-
pes déjà constitués ou en voie déformation, auxquels nous nous
1 Cette statistique faisait l'objet de l'une d's questions comprises dans le
programme du congrès qui devait se tenir en 1870, à Paris d'ibord, à Mayencc
ensuite, et dont les événements n'ont pas permis la réunion.
180 L'INTERNATIONALE
empresserons d'en envoyer, sur la promesse formelle de nous
les renvoyer, remplis cl sous enveloppe^ A l'une des adresses
ci-dessous.
« Salut et solidarité.
« PAUL ROBIN, rue Monge, 95; HENRY BAGHRUCH,
rue de l'Echiquier, 13; MANGOLD, rue des Partants, 49;
E. LANGEVIN, rue de l'Église, 60; Charles KELLER,
rue Tournefort, M.
QUESTIONS.
1° — Localité?
2» — Profession?
3° — Nombre approché des ouvriers
de la profession ?
4° — Nombre approché des ouvrières
de la profession?
50 — Durée du travail quotidien en
moyenne?
6« — Durée du travail quotidien au
maximum?
7° — Si le travail est à la journée,
quel est le tarif à l'heure, en moyenne?
8° — Si le travail est à la journée,
quel est le tarif h P heure, au maxi-
mum ?
Qo — Fait-on beaucoup d'heures sup-
plémentaires?
10° — Quelle est l'augmentation de
salaire pour les hem-es supplémen-
taires?
llo — Quel est le prix de l'heure du
travail du dimanche ?
12° — Si le travail est aux pièces,
indiquer les principaux prix ?
13° — Que représentent ces prix par
heure, en moyenne?
14° — Que représentent-ils par
heure, au maximum?
15° — Quels sont les salaires des
apprentis aux diverses époques?
REPONSES.
ET LE JACOBINISME.
181
QUESTIONS.
16° — Quelle est la durée moyenne
de l'apprentissage?
17° — De quel Age à quel âge?
180 — Commencement du travail
quotidien aux diverses époques?
19° — Quelles sont les heures de
repos ?
20° — Y a-t-il des chômages?
21° — Quelle en est la durée?
22° — Que font les ouvriers pendant
le chômage?
23° — Quelle est la dépense néces-
saire pour les outils ?
24° — Quelles sont les autres dé-
penses spéciales à la profession?
25" — Y a-t-il des pénalités aux-
quelles les ouvriers sont soumis?
26° — Quelle est la nature des vète-
menls?
27° — Quelle est leur usure ?
28° — Jusqu'à quel âge l'ouvrier
est-il capable d'exercer cette profession
en moyenne?
29° — Quel est l'âge moyen auquel
parviennent les ouvriei's de la pro-
fession ? (Pour cela donnez l'âge des
décès du plus grand nombre possible
de travailleurs. Les sociétés qui en-
terrent leurs membres décédés pour-
ront sans inconvénient faire ce tra-
vail.)
30° — Jusqu'à quel âge l'ouvrier
est-il capable d'exercer cette profession
au maximum?
31° — A quelle maladie, à quels ac-
cidents les ouvriers de la profession
sont-ils particulièrement exposés?
(Les sociétés organisées en pré-
voyance, secours mutuels, au lieu de
donner une simple appréciation con-
sulteront leurs registres et en extrairont
des renseignements précis.)
32» _ Quel est l'état de la ventilation,
REPONSES.
482
L'INTERNATIONALE
QUESTIONS,
de l'éclnirago, de la propreté chez les
grands et chez les petits patrons?
330 — Si le travail se fait en atelier,
quel est le nombre ordinaii'e des ou-
vriers ?
340 — Quel est l'espace accordé à
chacun d'eux dans les ateliers?
35° — La profession est-elle exposée
à la concurrence étrangère ?
36" — Quel est l'état d'instruction
des travailleurs de la profession ?
37" — Observations diverses.
REPONSES.
« Sous ce titre nous prions nos correspondants de nous adres-
ser tous les autres renseignements qu'ils jugeraient de nature à
intéresser les travailleurs *. »
(Signatures des correspondants; leurs noms et adresses.)
Si l'Internationale, fidèle à son programme, s'était toujours bor-
née à l'étude de questions de cette nature, nous n'aurions jamais
eu à signaler ses menées subversives et ses projets de destruc-
tion de tout ordre social.
Examinons maintenant les actes accomplis pendant cette
période par le conseil général de Londres et les sections
étrangères.
1 Ce questionnaire avait été rédigé d'après les instructions données par Je
conseil général de Londres, iors du congrès de Genève. Il avait elé en effet
décidé à celte époque que l'enquête devait porter sur l'espèce d'industrie,
l'âge et le sexe des ouvriers, les salaires et gages, les heures de travail, la
description de l'atelier cl du travail, les conditions morales, la description
de l'industrie, etc., etc.
ET LE JAGOIHNISME. 188
CHAPITRE VI
LE S AGISSEMENTS DU CONSEIL GENERAL — DESIGNATION D UN NOU-
VEAU LIEU DE RÉUNION POUR LE PROCHAIN CONGRES RESOLUTIONS
' PRISES PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL AU SUJET DU SIÈGE DU COJIITÉ
FÉDÉRAL ROMAND — PROGRAMME DU CINQUIÈME CONGRES.
Nous savons quelle fut l'attitude du grand conseil au lende-
main des poursuites dirigées contre les membres de l'Interna-
tionale par le gouvernement français.
11 vit dans un événement aussi imprévu une question de vie
ou de mort pour l'existence de l'association en France. Com-
prenant l'impossibilité matérielle pour le prochain congrès de
se réunir à Paris et ne voulant pas laisser péricliter l'œuvre, il
décida que les assises du travail seraient tenues à Mayence.
Cette résolution, adoptée dans la séance du 17 mai, était portée à
la connaissance de toutes les sections par la voie des journaux
de l'Internationale. Voici dans quels termes elle était conçue :
tt Le conseil général,
« Considérant : que par le congrès de Bâle, Paris a été dési-
gné comme lieu de réunion du congrès de l'Association inter-
nationale des travailleurs pour l'année 1870 ;
« Que tant que durera le régime actuel en France, le congrès
ne pourra se réunir en France ;
« Que néanmoins les préparatifs pour la réunion du congrès
rendent une solution immédiate nécessaire ;
« Que l'article 3 de nos statuts oblige le conseil général à
changer, en cas de besoin, le lieu fixé par le congrès pour la
réunion du nouveau congrès ;
184 L'INTERNATIONALE
c Que le comité central du parti prolétaire démocratique
social allemand * a invité le conseil général, de l'Association
inlernalionale à transférer son congrès en Allemagne ;
a Le conseil général, dans sa séance du 17 mai 1870,
a unanimement résolu que le congrès (jui doit s'ouvrir le
5 septembre prochain, se réunirait à Mayence -. »
(Suivent les signatures des membres du Conseil général.)
Dans notre premier travail sur l'Internationale, nous avons eu
soin de signaler la scission qui s'était produite au congrès de la
Chaux-de-Fonds (avril 1870) au sujet de l'admission des
délégués de la section de FalHance de Genève. Le conseil
général jugea nécessaire d'intervenir dans ce conflit et de
rendre un arrêt aux termes duquel le comité fédéral romand
siégeant à Genève devait conserver son titre, et celui installé
à la Chaux-de-Fonds par la minorité scissionnaire adopter
tel autre titre local qui lui plairait. (Documents justificatifs»
pièce /.)
Cette décision mécontenta vivement la Solidarité de Neu-
châtel. -James Guillaume, son rédacteur, contesta au conseil
général le droit d'imposer ainsi sa volonté à la fédération
romande. Il déclarait que le conseil général avait manqué à tous
ses devoirs en intervenant pour donner tort ou raison à une
majorité ou à une minorité. Il ajoutait qu'une telle manière
d'agir et d'imposer son autorité dans des choses qui ne con-
cernaient absolument que les groupes intéressés était tout à
fait incompatible avec les principes de l'Internationale.
Il est assez curieux de voir des énergumènes comme
Guillaume vouloir faire acte d'indépendance vis-à-vis du conseil
général : ne résulte-t-il pas surabondamment de tous les faits
que nous connaissons, des écrits des membres de l'Interna-
tionale, des lettres d'Eugène Dupont, des déclarations mêmes
de la presse internationale, que le conseil général dirige
1 Nous reproduisons aux Documents justificatifs le programme du parti social
démocratique allemand (voir pièce h).
2 Dans la même séance, le conseil général prononçait la radiation comme
organe officiel de l'Association du journal le Beehive, parce qu'il était devenu
l'organe de la clique capitaliste {Egalité, 28 mai 1870).
ET LE JACOBINISME. 18ô
toutes les aflaires, que sa volonté est souveraine et ({ue tous
les affiliés sont, quoi qu'ils veuillent en dire, ses lirs-hiiinhlcs ser-
viteurs. Nous en trouverions au besoin une preuve suffisante clans
les récriminations de Guillaume qui essaye de se roidir contre
une autorité dont il est en mesure mieux que personne d'appré-
cier toute la puissance, et qui s'exci'ce sans contrôle. A quelle
époque en effet avons-nous vu le congrès ou les sections infli-
ger un blâme au conseil général ? toutes les résolutions prises
par lui en dehors du congrès n'ont-elles pas toujours été exécu-
tées servilement et sans soulever la plus légère protestation?
Cet état de choses n'est certes pas nouveau : dès 1867 le bureau
de Paris, dont la gestion avait sans doute à souffrir des allures
autoritaires du conseil général, se récriait contre un pareil
despotisme ; l'un de ses membres, Cliémélé, allait jusqu'à repro-
cher à Dupont de constituer à Londres un petit gouverne-
ment *.
Le 12 juillet, le progranmie du prochain congrès était arrêté,
dans une assemblée tenue par le conseil général ; les questions
qui devaient être soumises à ses discussions ont une significa-
tion qui n'échappera à personne : l'abolition de la dette publique
figure au premier rang. Voici ce programme tel que nous le
trouvons reproduit dans une communication faite par Eugène
Dupont au correspondant lyonnais :
I. De la nécessité d" abolir la dette publique. Discussion sur
le droit d'indemnité à accorder.
IL Des rapports entre l'action politique et le mouvement
social de la classe ouvrière.
III. Des moyens pratiques pour convertir la propriété fon-
cière en propriété sociale.
IV. De la conversion des banques de circulation en banques
nationales.
V. Condition de la production coopérative sur une échelle
naturelle.
VI. De la nécessité pour la classe ouvrière de faire la statisti-
« a. Vous venez nous jeter cette insulte, lui écrivait Dupont, le 20 août 1867,
de nous croire un petit gouvernement Qui donc peut être accusé de
gouvernement, est-ce Paris ou Londres? »
186 L'INTERNATIONALE
que générale du travail * conformément aux résolutions du con-
grès de Genève de 1866.
VII. Nouvel examen de la question sur les moyens de suppri-
mer la guerre.
VIII. (Question proposée par le conseil rfônôral belge.)
Des moyens pratiques de constituer des sections agricoles au
sein de l'Internationale, et d'établir la solidarité entre les prolé-
taires de l'agriculture et les prolétaires des autres industries.
11 est inutile d'ajouter que les complications politiques sur-
venues en Europe quelques jours après ne permirent pas la dis-
cussion de ces questions ; il fut décidé que la convocation du
congrès général serait renvoyée à une époque plus favorable.
II
LA DÉCLARATION DE GUERRE ET l'aTTITUDE DE l'iNTERXATIONALE.
— MANIFESTE DU CONSEIL GENERAL ET DES SECTIONS. — MEE-
TINGS ET RÉUNIONS POPULAIRES.
La déclaration de guerre fut une bonne fortune pour l'Inter-
nationale : elle en prit prétexte pour s'affirmer hautement et se
répandre en récriminations violentes contre le despotisme césa-
rien. Elle essaya de dissimuler sous le couvert de bruyantes
protestations la Joie qu'elle ressentait intérieurement de voir
r ennemi commun : « l'empire » aux prises avec de nouvelles dif-
ficultés qu'il avait eu l'imprudence coupable de ne pas aplanir.
C'était le moment ou jamais de recourir à cette grève générale
votée au congrès de Bruxelles pour le cas où la guerre vien-
drait à éclater.
a Nous ne sommes pas encore prêts, avouait F Egalité de Ge-
nève (27 juillet 1870) ; malheureusement nous ne sommes pas
encore assez organisés ni assez nombreux pour pouvoir faire la
grève générale, car, si nous l'étions, nous l'aurions faite depuis
longtemps, sachant bien qu'une pareille grève équivaut au der-
nier acte de la révolution sociale qui s'accomplit en ce moment.
» Nous avons déj.à vu que quelques membres de l'ancienne fédération pari-
sienne s'étaient mis en mesure d'exécuter cette partie du programme.
ET LE JACOIilNISME. l>il
Les internationaux soupirent déjà après le jour probable où
les malheurs de la patrie leur fourniront l'occasion de renverser
« rédUlco bariolé de la tyrannie. » Albert Rir-liard, l'une des lu-
mières de rintornationale, trahit lui-même le secret de ses espé-
rances dans un article que nous recommandons à la mé-
ditation de nos lecteurs, et qui a i)Our titre : F Internationale et ht
Guerre. Il donne la mesure exacte du patriotisme de son au-
teur, que nous verrons plus tai*d se laisser condamner à six
mois de prison pour insoumission au service mihtaire ! ! !
« L'Internationale, écrit-il, traverse en ce moment une crise ter-
rible dont le dénoùment ne se fera pas attendre. Au moment
où elle prenait en France un développement prodigieux qui éta-
blissait enfin sa supériorité sur tous les partis et sur toutes les
coteries pohtiques, au moment oii elle se répandait et se conso-
lidait enfin dans tous les pays de l'Europe à la fois, alors que
les masses ouvrières avaient partout déjà reconnu en elle la ré-
demptrice de notre société, elle a été poursuivie en France et
en Autriche avec acharnement.
Œ Et. maintenant que ces poursuites ne sont pas encore termi-
nées, voici qu'un événement inouï vient préoccuper presque
exclusivement tous les esprits.
« Les haines nationales se réveilleront-elles? Le patriotisme
des Français et des Allemands dominera-t-il en eux tout autre
sentiment? Question terrible, question de vie ou de nicrl, que
les gouvernements français et allemand ont voulu poser aux
peuples avant que la révolution soit assez forte et assez bien
organisée pour y répondre..
a Nos adversaires se seront peut-être trompés dans leur
calcul machiavéUque.
a Dans toute l'Internationale, dans tous les grands centres in-
dustriels, on sait que ce prétendu intérêt national au nom du-
quel se font toutes les guerres n'existe que pour une intime
minorité de tyrans et d'exploiteurs qui, à l'aide de la centra-
lisation politique, réussissent à inoculer au peuple leurs idées
malsaines, comme la puissante organisation théocratique réussit
à entraver de ses dogmes et de ses superstitions la marche
progressive de l'humanité. On sait et c'est là surtout le carac-
tère distinctif, le hoc sir/no vinces de notre génération, que la
18s L'INTERNATIONALE
double tyi'aniiio morale et inaLénclle, lhùuci';iti({ue et politique
est la consécration nécessaire, la garantie naturelle et indispen-
sable de l'organisation sociale actuelle.
« Là oîi la loi du plus fort est la première de toutes, là où les
hommes sont insolidaires, là uii cette insolidarité est coiislam-
menl accrue par VhêrêdiLô, par Faliénation du sol et de toute
la 2-ichesse sociale au profit dos uns et au détriment des autres,
là où des hommes se tordent dans les angoisses de la misère
tandis que leurs semblables nagent repus et insensibles dans le
bien-être et dans l'opulence, — là il faut qu'il y ait des hommes
qui se fassent un devoir, une mission de conserver et d'entre-
tenir la souffrance, de protéger la ruse, l'égoïsme et rop])res-
sion.
(£ Et c'est quand de tels hommes viennent nous parler à nous
les victimes, les exploités, les danmés de cet enfer qu'on appelle
la civilisation européenne, c'est quand de tels Iwmmes viennent
nous parler d'honneur, de gloire et de patrie, que nous senti-
rions vibrer nos cœurs et que jious mettrions au service de ces
chimùves notre courage et notre intelligence! Qu'y a-t-il de
commun entre eux et nous, entre T honnêteté et Finfamie, entre
la justice et rinic/uité, entre le travail et F oppression?
« On ose venir nous parler au milieu de toutes nos préoccu-
pations économiques, malg-ré les aspirations de tous les travail-
leurs vers une société où le droit de tous soit reconnu dans la
paix et dans la fraternité universelles ; on ose venir nous parler
de Français et de Prussiens, d'intérêts nationaux, et l'on pousse
à se massacrer, non-seulement deux peuples qui s'estiment et se
respectent, mais des travailleurs qui ont absolument les mômes
intérêts, qui souffrent des mêmes maux, qui ont les mêmes en-
nemis à combattre et les mêmes droits à revendiquer I
« La conscience se révolte devant de pareils faits.
oc Bien des gens se croient engagés par le sentiment de la di-
gnité nationale, c'est-à-dire par un intérêt moral. Ceci est du
fanatisme pur et simple. 11 n'y a pas de dignité nationale, il y a
la dignité humaine qui nous commande à tous de nous respec-
ter les uns les autres, et il y a la dignité des travailleurs qui
leur prescrit de s'organiser pour résister aux prétentions et aux
privilèges des bourgeois.
KT LE JACOIilNISME. 189
« En 1867, lorsque h\ guerre monaraiL d'éclater entre la France
et la Prusse, de nombreuses i)rolostations des ouvriers français,
allemands, belles cl suisses parurent dans les journaux : un
immense mouvement se fit dans louto l'Europe contre la p,uerre.
a Cette fois on nous a à peine laissé le temps de manifester
nos sentiments; la g'uerrc est tombée sur nous comme un coup
de foudre. Cette tacti({ue ne prévaudra pas, nous l'espérons,
coniro l'expérience du peuple et contre des faits tels que le mé-
contentement général des soldats français et prussiens, le vote
de cinquante mille soldats contre l'empire qui les mène à la ])0U-
cherie, et cela malgré la pression des colonels entre les mains
desquels tous les bulletins de vote devaient passer,
« Le despotisme veut se retremper dans le carnage ! C'est
bon signe. Malheur à ceux (jui ne s'appuient (|ue sur la force ma-
térielle, car dans une épociue comme la nôtre, la dernière vic-
toire doit appartenir à la force morale, Aprrs les halaillons de
la Franco et de la Prusse, l'armre de In révolution sociale en-
trera en lice, un cri de justice sortira de toutes les poitrines, et
l'ennemi qui sera vaincu alors n appartiendra à aucune natio-
nalité, ce sera cet ennemi séculaire de tous les hommes et de
tous les peuples qu'on appelle le droit du plus fort et l'insoli-
darité.
« En Franco où ces idées sont déjà devenues prépondérantes,
les travailleurs anxieux regardent vers P Allemagne, pi'éf s à s'u-
nir avec leurs frèi'cs contre rennenii commun. Le moment est
suprême !
« Que les travailleurs allcjnands et français se serrent les uns
contre les autres. Nous ne sommes plus aujourd'hui au temps do
Napoléon l*"" et il faudrait désespérer de notre génération si
elle ne savait pas profiter de cette occasion pour affirmer ses
principes et ses intentions. »
Voilà les intentions de l'Internationale clairement dévoilées ;
désormais le patriotisme de ses membres est jugé : profiter de
foccasion pour s'unir avec les travailleurs allemands contre
y ennemi commun. Le moment est suprême.
Ces déclarations d'Albert Richard sont de nature à nous édifier
sur la valeur de toutes ces protestations contre la guerre publiées
à cette époque par tous les groupes internationaux, et qui devaient
190 L'INTERNATIONALE
contraster si étrangement avec leur attitude au mois de septem-
bre. Car, il faut bien ([u'on le sache (et nous le démontrerons par
desdociunents irrécusables), Jn lulleà outrance n'eulT^as déplus
chauds partisans que les internationaux. La salle de la Rotonde,
à Lyon, retentit encore dos discours belli(iueux des Richard,
des Bastehca, des Saignes et autres recrues qui, les Jours d'é-
meute et d'insurrection , se cachent prudennnent, après avoir
jeté dans la rue quelques misérables comparses. Le mot de
ralliement avait été changé pour les besoins de la cause : au lieu
de protester une fois de plus contre la guerre et d'appeler de
tous leurs vœux la conclusion de la paix, il n'était plus question
alors que de levée en masse, d'appel aux armes, d'enrôlement
de volontaires, etc.
Les internationaux parisiens furent les premiers à protester
contre cette nouvelle levée de boucliers : ils rom})aient ainsi le
silence qu'ils avaient si prudemment gardé depuis le mois de
mai. Leurs nombreuses protestations figurent dans notre pre-
mier ouvrage sur l'Internationale ; nous nous bornerons donc
à en faire mention sans les reproduire de nouveau. Qu'on nous
permette cependant une oliservation. Nous avons prétendu que
les sections de Paris avaient été complètement désorganisées
par l'arrestation de leurs membres : nous maintenons le fait. Les
protestations dont il s'agit sont l'œuvre d'internationaux agissant
individuellement ; il n'y avait plus à cette époque de sections
constituées ; et si quelques-unes de ces protestations sont indi-
quées comme émanant de telle ou telle section, cette désigna-
tion n'a aucune valeur. Elle a été employée pour donner plus de
poids à la protestation qui paraissait ainsi être le fait de tout
un groupe, alors qu'en réalité ce n'étaient que quelques adhé-
rents qui en avaient pris l'initiative. Pour ne citer qu'un exem-
ple, la section des Gobelins existait si peu à cette époque que
nous trouvons au mois de mars 1871 dans le Cri du peuple un
appel adressé à ses anciens membres pour les inviter à travailler
à se reconstituer. Ah uno disce omnes. Nous avons (pielque rai-
son de croire que ce n'est pas pendant le siège de Paris qu'elle
avait été désorganisée.
L'exemple donné par les internationaux parisiens ne devait
pas tarder à trouver des imitateurs.
ET LE JACOBINISME. 194
Dans toutes les sections les protestations contre la guerre
étaient à l'ordre du Jour, à Bàle, Barcelone, Rouen, lîi-uxelles,
Leipsick, Lyon, etc., etc. Ce n'étaient partout ({ue manifestes
et adresses de la classe ouvrière. Nous ne pouvons résister au
plaisir de reproduire ici queltpies échantillons do cette littérature
sortie des oflicines de l'Iuternationalc : on jugera combien le
ton en est pacifique et rassurant.
La section bruxelloise ouvre la marche par un appel à la guerre
sociale
« Vous, ouvriers, les grands souffre-douleur , les parias,
non-seulement vous fournirez la chair à canon, non-seulement
on vous forcera de par la discipline à égorger vos frères sous
prétexte qu'ils parlent une autre langue que la vôtre, mais le
travail, votre unique ressource, venant à cesser subitement,
vous n'aurez plus qu'à opter entre la mort par la faim ou la
mort par le plomb.
« Voulez-vous sérieusement la paix, voulez-vous l'assurer à
tout jamais ! eh bien 1 sachez vouloir ce qui peut seul assurer la
paix, aidez-nous à détruire le régime social actuel, seule cause
de tous nos maux.
« Travailleurs, frères de tous les pays, courage, la délivrance
approche : de l'excès même de nos maux sortira la délivrance.
Faisons tout poui' empêcher le sang de couler, mais que tout le
sang qui coulera retombe sur la tête des auteurs directs et in-
directs du massacre, et que les martyrs de la guerre qui débute
soient nos derniers martyrs.
« N'oubliez pas, quand sonnera T heure, votre héroïque c/e-
vise :
« Vivre en travaillantou mourir en combattant. »
Le manifeste des sections espagnoles et celui de la fédération
rouennaise expriment les mêmes sentiments dans des termes
aussi violents contre V omnipotence du capital. En voici quelques
extraits :
œAu nom de la solidarité qui unit tous les travailleurs de notre
grande et vaste Association,
« La fédération ouvrière rouennaise croit qu'il est de son de-
voir de protester contre l'emploi des armées pour résoudre les
conflits européens.
192 L'INTERNATIONALE
« Elle proteste de toute son énergie contre les procédés de la
vieille politique qui, sans respect pour la tranquillité des fa-
milles, va jeter, sans avoir consulté les peuples, des milliers
d'ouvriers les uns contre les autres.
<( Appartenant à la même Association qui ne connaît de dis-
tinction, ni (le race, ni do couleur, ni de nationalité, qui partout
ne voit que dos frères courbés sous le joug du même despotisme,
romnijw lance du capital, intéressés à combattre les abus parle
développement de la solidarité, nous vous prions, chers compa-
gnons qui composez les ai'mées de tous les pays, de croire à
toutes nos sympathies.
a La fédération ouvrière rouennaise proclame bien haut
qu'elle ne connaît de guerre juste que celle qui a pour but de
résoudre le grand problème à l'ordre du jour, V abolition du ser-
vage moderne.
« Rouen, li juillet 1870. »
a C'est au moment oià,nous, ouvriers, réunissons tout ce que
nous avons d'idées, deforces, d'aspirations, dans une vaste Asso-
ciation internationale, c'est à l'instant où. nous déclarons que
la fraternité est la loi suprême de l'humanité, que des hommes
aveugles, derniers restes des races sauvages et barbares, en-
treprenent audacieusement d'entretenir et d'éterniser entre nous
des germes de division et de haines nationales
« Aujourd'hui plus que jamais, devant la destruction nous re-
présentons Vcdiûcation ; nous sommes la vie, en face de ceux
qui sont la mort; nous symbolisons le droit et la paix, eux
n'ont jamais été, ne seront jamais autre chose que la gnerre et
l'injustice.
(Manifeste des sections espagnoles de Barcelone, 17 juillet
1870.)
Le 16 juillet, un meeting considérable des ouvriers de Bruns-
wick exprimait sa parfaite harmonie avec les sentiments pro-
clamés par les sections françaises et repoussait toute idée d'en-
tagonisme national contre la France. ^
ET LK J ACOniNI^MK. 193
Le 17 juillet, une grande assemblée composée «le plus de
60,000 travailleurs était tenue à Cliemuit/. (Saxo) sous les
auspices de Bebel et de Liebknecht ; la résolution suivante y
était unanimement adoptée :
« Au nom de la démocratie allemande, et spécialement au
nom des travailleurs du i)arti démocrate socialiste allemand,
nous déclarons la guerre actuelle purement dynastique. Nous
ne nous y mêlerons pas plus que les démocrates français, et
spécialement les travailleurs du parti démocrate socialiste
français. Nous touchons avec bonheur la main fraternelle que
les travailleurs français nous tendent dans leur adresse pu-
bliée dans le Réveil du 12 juillet. Enfin, nous rappelons la de-
vise de l'Association internationale des travailleurs : Prolétaires
de tous les pays, unissez vous ; nous n'oublierons jamais que les
travailleurs de tous les pays sont nos amis, que les despotes de
tous les i)ays sont nos ennemis.
« Dites encore aux travailleurs français qu'à Leipzig et d'au-
tres villes allemandes, des assemblées populaires seront convo-
quées pour prendre des résolutions pareilles. Le comité central du
parti socialiste allemand, siégeant à Brunswick- Wollénbuttel,
fera en outre une réponse officielle, au nom du parti démocrate
socialiste qu'il représente, à Tadi'esse des travailleurs français '.
« Au nom des travailleurs saxons.
« Salut fraternel.
a BEBEL, LIEBKNECHT, EKSTEIN, DEMLER. »
A la même époque, la ville de Aladrid était le théâtre de mani-
festations populaires contre la guerre. Des colonnes de milliers
il'ouvriers parcouraient les rues ])récédées d'iui drapeau rouge
sur lequel étaient écrits ces mots : Le peuple a faim.
On se rappelle encore, la mort dans l'àme, avec quel enthou-
siasme frénétique fut accueillie par toute la population la décla-
ration de guerre à la Prusse: on n'a pas perdu le souvenir de ces
démonstrations belhqueuses qui se produisirent alors à Paris et
1 Nous avons reproduit cette adresse officielle dans notre premier ouvrage.
(7« édition, page 284.)
13
194 L ' I X T E R X A T I 0 X A L E
ailleurs. Les cris A liei'lin! Au Rhin! retentissent encore flon-
lourensement ù nos oreilles.
L'Internationale ne vit dans toutes ces manifestations ({Wune
manœuvre de police , que le fait de quelques bandes d'individus en
relations plus ou moins intimes avec la police impériale (La So-
lidarité, numéro du 28 juillet 1870).
Le conseil général élevait à son tour la ^■nix pour flétrir
la conduite de Bismark et de Bonaparte. Voici le inanifeste
qu'il adressait à toutes les sections d'Europe et des États-Unis ;
les injures les j)lus grossières, les calomnies les plus odieuses
et les attaqiu^s les plus violentes s'y trouvent réunies :
MANIFESTE
DU CONSEIL GÉNÉRAL DE l'aSS0CL\TI0N INTERNATIONALE DES TR.W AIL-
LEURS AUX MEMBRES DE l' ASSOCIATION INTERNATIONALE DES TRA-
VAILLEURS EN EUROPE ET AUX ETATS-UNIS.
« Dans le manifeste d'inauguration de l'Association internatio-
nale des travailleurs, publié en novembre 1864, nous disions :
a Si l'émancipation des classes ouvrières requiert leur fraternel
concours, comment pourront-elles remplir cette grande mission
avec une politique étrangère à la poursuite de desseins crimi-
nels, exjjloitant les préjugés nationaux et prodiguant en guerres
de pirates le sang et les trésors du peuple ? s
a Nous définissions la politique étrangère à laquelle Vlnterua-
tionale aspii'e, en ces termes : « Revendiquer les simples lois
de morale et de justice qui devraient présider aux relations en-
tre les individus, comme devant régir souverainement les rap-
ports entre nations. »
(c Quoi d'étonnant que Louis Bonaparte ait, dès le premier mo-
ment , traité V Internationale en ennemi dangereux , lui qui
usurpa le pouvoir par l'exploitation de la guerre des classes en
France et le maintenait par des guerres périodiques au dehors ?
« A la veille du plébiscite, il ordonna des razzias contre les
comités administratifs de l'Asi^ociation dans toute la France, à
Paris, Lyon, Marseille, Rouen, Brest, etc., sous prétexte que
KT L1-: JACOBINISME. 1«R
V Internationale étnit une société secrète, pataugeant dans un
complot poui' son assassinat, prétexte (|iii lut bientôt exposé
dans toute son absurdité par ses juges à lui.
a Quel était le véritable crime des sections françaises de
V Internationale^ Elles avertissaient le peuple irançais, publique-
ment et à voix baute, (jue voter le plébiscite, c'était voter le
despotisme au dedans et la guerre au dehors. En réablé, c'était
l'œuvre de nos sections françaises cpie, dans toutes les grandes
villes, dans tous les centres industriels de France, la classe ou-
vrière s'est levée comme un seul homme pour rejeter le plébis-
cite. Malheureusement, la lourde ignorance des campagnes a fait
tourner la balance ^ La bourse, les cabinets, les classes gou-
vernantes et toute la presse d'Europe ont célébré le plébiscite
conune une victoire signalée remportée par l'empereur fran-
çais sur la classe ouvrière française, et ce fut le signal d'un as-
sassinat, non d'un individu, mais de nations.
« La guerre, ourdie en juillet 1870, n'est qu'une édition revue
et corrigée du coup d'Etat de décembre 1851. Tout d'abord cette
guerre parut si aljsurde ({ue la France n'y voulut pas croire. Elle
croyait plutôt à la parole du député qui dénonça les discours
guerriers du ministère comme un tripotage de bourse. Lorsque,
à la fin, la guerre fut officiellement annoncée, le 15 juillet, au
Corps législatif, l'opposition en masse refusa les premiers sub-
sides préliminaires d'une guerre que Thiers môme stigmatisa
de détestable ; tous les journaux indépendants de Paris la con-
damnèrent et, chose étonnante, la presse provinciale s'y joignit
presque à l'unanùnité.
« Sur ces entrefaites, les membres parisiens de V Internationale
s'étaient remis à l'œuvre. Dans le Réveil du 12 juillet, ils pu-
blièrent leur manifeste « aux ouvriers de toutes les nations »,
duquel nous extrayons les passages suivants :
€ Une fois encore, sous prétexte d'équilibre européen, d'hon-
neur national, des ambitions pohtiques menacent la paLx du
monde. Travailleurs français, allemands, espagnols, que nos voix
s'unissent dans un cri de réprobation contre la guerre...
» Voir aux. Documents justiflcatifs (pièce i) un article du journal ['Egalité,
sur la propagande dans les campagnes el le résultat du plébiscite.
196 L'INTERNATIONALE
« Nous protestons contre le sang- répandu pour la satisfaction
odieuse de vanités, d'amours-propres, d'ambitions monarclii-
({ues, froissées ou inassouvies.
« Oui, de toute notre énergie, nous protestons contre la guerre,
comme hommes, comme citoyens, comme travailleurs...
(c Frères d'Allemagne, nos divisions n'amèneraient, des doux
côtés du Rhin, que le triomphe complet du despotisme...
ce Travailleurs de tous les pays, quoi qu'il arrive de nos efforts
communs, nous, membres de l'Association internationale des
travailleurs, qui ne connaissons plus de frontières, nous vous
adressons comme un gage de solidarité indissoluble les vœux
et le salut des travailleurs de France. »
ce Ce manifeste des sections de Paris fut suivi de nombreuses
adresses françaises semblables, dont nous ne pouvons citer ici
(jue celle de Neuilly-sur-Seine, publiée par la Marseillaise du
22 juillet : « La guerre est-elle juste ? — Non ! La guerre est-
elle nationale? — Non! Elle est purement dynastique. Au nom
de l'humanité, de la démocratie, des véritables intérêts de la
France, nous adhérons complètement et énergiquement à la pro-
testation de l'Internationale contre la guerre. »
ce Un curieux incident vint bientôt montrer que ces protestations
exprimaient les vrais sentiments des travailleurs français. La
hande du 10 décembre, que Louis Bonaparte organisa à l'époque
de sa présidence^ ayant été déguisée en blouses et lâchée dans
les rues de Pai'is pour y simuler les contorsions de la fièvre
ffuerrière, les vrais ouvriers des faubourgs iirent des démons-
trations tellement imposantes en faveur de la paix, que le pré-
fet de police Piétri jugea prudent d'interdire sans retard la po-
litique des rues, sous prétexte que la féale population parisienne
avait donné un cours suffisant à son patriotisme comprimé et à
son enthousiasme échevelé pour la guerre. — • Quels que puis-
sent être les incidents de la guerre de Louis Bonaparte contre
la Prusse, le glas funèbre du second empire a déjà sonné à
Paris. Il finira comme il a commencé — par une parodie. Tou-
tefois n'oublions pas que ce sont les gouvernants de l'Europe
qui ont mis à même Louis Bonaparte de jouer pendant dix-huit
ans la farce féroce de V empire restauré.
« Du côté allemand, cette guerre est une guerre défensive. Mais
ET LE JACOLUNISME. 197
(jui a mis rAll('iniii,'no dans la nécessité do so dclendre? Qui a
Iburni à I3t)iiai)arto l'occasion do lui faire la guei-ro? Lti Prusse.
C'est Bismark qui conspirait avoc le mémo Louis Jiona])arte,
afin d'écraser l'opposition populaire à l'intérieur et d'annexer
l'AUemag-ne à la dynastie des IlohonzoUorn. S'il avait perdu
la bataille de Sadowa, au lieu de l'avoir gagnée, des batail-
lons français auraient envahi l'Allemagne comme alliés de la
Prusse.
« Après sa victoire, le gouvernement prussien songea- t-il un
instant à opposer une Allemagne libre à une France esclave? Au
contraire. Tout eu prescrivant soigneusement les beautés innées
de son ancien système, il y ajouta tous les trucs du second em-
pire, son despotisme réel et son pseudo-démocratisme, ses
fourberies politiques et ses tripotages financiers, son langage
ampoulé et ses vils tours de main. Le régime bonapartiste, qui
jusqu'alors ne florissait (]ue d'un côté du Rhin, avait trouvé sa
contrefaçon de l'autre côté. D'un tel état de choses, que pouvait-
il résulter sinon la f/iu}ri'o ?
« Si la classe ouvrière allemande souffre que la guerre actuelle
perde son caractère strictement délensif et dégénère en une
guerre contre le peuple français, la victoire ou la défaite seront
pour elle également désastreuses. Tous les maux qui ont accablé
l'Allemagne après sa guerre de l'indépendance revi\ront avec
plus d'intensité.
« Néanmoins les principes de l'Internationale sont trop grande-
ment répandus et trop profondément enracinés au sein de la
classe ouvrière allemande, pour que nous ayons à craindre la
réalisation d'un tel malheur. La voix des travailleurs français a
rencontré un écho en Allemagne , Un immense meeting d'ouvriers
tenu à Brunswick le 16 juillet a exprimé son adhésion complète
au manifeste de Paris, a repoussé avec indignation l'idée d'un
antagonisme national contre la France et a résumé ainsi ses
résolutions :
« Nous sommes ennemis de toutes guerres, mais surtout des
guerres dynastiques c'est avec une profonde tristesse que
nous nous voyons forcés de soutenir une guerre défensive
comme un mal inévitable; mais nous faisons, en même temps,
appel à toute la classe ouvrière allemande, pour rendre le retour
198 L'INTERNATIONALE
d'un aussi épouvantable malheur social impossible, en revendi-
quant pour les peuples eux-mêmes le droit de décider de la paix
et de la guerre et en les rendant maîtres de leurs propres des-
tinées. »
« A Chemnitz, une réunion de déléf^ués représentant 50,000
ouvriers saxons a adopté à l'unanimité une résolution à cet effet :
<t Au nom de la démocratie allemande, et spécialement des ou-
vriers formant le parti démocrate-socialiste, nous déclarons la
guerre présente exclusivement dynastique... Nous sommes
heureux de serrer la main fraternelle qui nous est tendue par
les travailleurs de France Nous rappelant le mot d'ordre de
l'Association internationale des travailleurs : Prolétaires de
tous les pays, unissez-vous, nous n'oublierons jamais que les
travailleurs de /o?;s les pays sont nos amis, et que les despotes
de tous les pays sont nos ennemis. »
« La section de Berlin de l'Internationale a également répondu
au manifeste de Paris :
« Nous nous associons de tout cœur à votre protestation
solennellement nous vous promettons que ni le bruit des tam-
bours, ni le tonnerre des canons, ni victoire, ni défaite ne nous
détourneront de notre travail poiu* l'union des prolétaires de tous
les pays. »
« Qu'il en soit ainsi.
a A l'ombre de cette lutte homicide se dresse la sinistre figure
de la Russie. C'est un signe de mauvais augure que le signal de la
guerre ait été donné au moment même où le gouvernement mos-
covite venait de finir ses lignes stratégiques de chemin de fer et
concentrait déjà ses troupes sur le Pruth. Quelle que soit la
sympathie que les Allemands peuvent réclamer dans une guerre
de défense contre l'agression bonapartiste, ils se l'aliéneraient
en permettant au gouvernement prussien de demander ou d'ac-
cepter l'aide du cosaque. Qu'ils se souviennent qu'après leur
guerre de l'indépendance contre le premier Napoléon, l'Allema-
gne est restée, durant des générations, abattue aux pieds du
czar.
« La classe ouvrière anglaise tend une main fraternelle aux tra-
vailleurs français et allemands. Elle est intimement convaincue
que, quels que puissent être les résultats de cette horrible
ET LE JACOBINISME. l09
L,'uerre, l'alliance des classes ouvrières de tous les pays finira par
tuer la guerre. Le fait seul que, pendant que la France et l'Alle-
magne officielles se précipitent dans une lutte fratricide, les ou-
vriers de France et d'Allemagne échangent des messages de
paix et de fraternité, — ce grand fait, sans parallèle dans l'his-
toire du passé, nous fait entrevoir un avenir meilleur. Il esl. la
preuve qu'en opposition à la vieille société avec ses misères
économiques et son délire polili(iue, une nouvelle société surgit
dont la règle internationale sera \apaix, parce que le régulateui'
national sera partout le même — 7e travail. Le pionnier de cette
société nouvelle est Y Association internationido des travail-
leurs.
Le Conseil général :
« Robert APPLEGAfiTlI ; Martin J. BOON ; Fréd. BRAD-
NIOK;CowELL STEPNEY; John HALES; William HA-
LES ; George HARRIS ; Fréd. LESSNER ; W. LINTERN ,
LE( iREULIER ; Maurice ZEVY ; George MILNER ; Thomas
MOïTEllSHEAD; Charles MURRAY ; George ODGER ,
James PARNELL ; PFANDER ; RUHL ; Joseph STE-
PIIERD ; STOLL ; SCHMITZ ; W. TOWNSHEND.
Secrétaires correspondants :
« Eugène DUPOxNT, pour la France; Karl MARX, pour
l'Allemagne ; A. SERRAILLIER, pour la Belgique, la
lande et l'Espagne ; Herman YUNG, pour la Suisse ; Gio-
vanni BORA, pour l'Italie ; Antoine ZABIZKI, pour la Po-
logne ; James COHEN, pour le Danemark ; J.-G. EGCARIUS,
pour les États-Unis ^ .
« Benjamin LUCRAFT, président de la séance.
« John WESTON, trésorier.
ft J. Georges EGCARIUS, secrétaire général.
« Londres, le 23 juillet 1870.
« Bureau : 256, High Ilolborn, W. G. »
Les arrêtés d'expulsion rendus par le gouvernement français
• Georges Eccarius est d'origine allemande ; Yung, d'origine suisse.
200 L'INTERNATIONALE
contre les Allemands résidant en France ne pouvaient manquer
de soulever les récriminations de l'Inlei-nalionale. De pareilles
mesures lui parurent odieuses et dignes des temps les
plus bar])ares. Le Volks/aaf s'empressa de déclarer, on réponse
à certaines accusations portées contre l'attitude en cette circon-
stance des ouvriers français, que ceux-ci, en tant qu'ils appar-
tiennent à T Internationale, considèrent les ouvriei^s allemands
comme leurs freines, et que c'étaient les membres français de
l'Association internationale qui, seuls, pouvaient mener à bonne
lin la chute de l'empire sans dnnrjor pour la liberté de la France
et deïAUemaffne.
Cette déclaration nous édifie sur le véritable Lut que poursui-
vait l'Internationale en France, pendant que l'ennemi en souillait
déjà le sol.
Nous devons ajouter que les inculpés dans l'alTaire du com-
])lot, par une déclaration rendue publique, adhérèrent à la protes-
tation pacifique de l'Internationale. Voici cette déclaration; elle est
sous la date du 14 juillet :
« Quatre-vingt-unième anniversaire de la prise de la Bastille par
le peuple souverain et jour de notre départ pour Blois.
« Nous, républicains, internés à Mazas depuis cinq mois révo-
lus, par ordre du ministère Ollivier, — nous qui sommes pour la
fraternité des peuples contre l'alliance des rois, — déclarons
complètement adhérer à la protestation pacifique de l'Associa-
tion internationale des travailleurs.
« DUPONT, J. FONTAINE, GARREAU, M.-A. GROMIER,
A. JOLY, PELERIN, H. SAPPIA. »
III
LE GOUVERNEMENT AUTRICHIEN ET LA DISSOLUTION DE TOUTES LES
SOCIÉTÉS OUVRIÈRES. CONGRES DE BARCELONE.
Nous avons déjà vu que le gouvernement autrichien était loin
de professer une très-grande sympathie à l'endroit des doctrines
de l'Internationale et qu'il poursuivait avec acharnement tous
les propagateurs des idées socialistes.
KT Lie JACOHlMSMi:. 201
Drs le mois d'août il procédailà lîi confiscation du join-nal le
Volkswvillo (volonté du peuple), organe de la section de Vienne.
Tous les clubs ouvriers et les vingts-cinq trade's-unions de
Vienne étaient supprimés à cause de leur tendance socia/is/o et
(hwfjcreuso pour l'FAat.
Voici les noms de ces trade's-unions :
Société des maçons et tailleurs do pierres ;
— des teinturiers et bronzier ;
— des apprcteurs ;
— des potiers ;
— des selliers, corroyeurs, liandagistes, couverturiers,
faiseurs de malles;
— des boulangers ;
Union des relieurs, laiseurs d'éluis, cartouuiers, peintres
de cartes à jouer et autres brandies semblables ;
Société des pelletiers, des faiseurs de casquettes, teininriers
en peau et pelleterie ;
— des fondeurs en métaux et potiers d'élain ;
— des tailleurs ;
— des ouvriers en fer ;
— des teinturiers en soie, laine et coton ;
— des menuisiers et ébénistes ;
— des tourneurs, ouvriers sur l'écume de fer et sur l'nm-
br© et boutonniers ;
— des lithographes et imprimeurs lithographes ;
— de tous les faiseurs d'instruments de musique ;
— des doreurs, peintres et vernisseurs ;
— des charrons ;
— des bijoutiers, orfèvres et joailliers ;
— des ouvriers cotonniers, tisserands, ruJjannieis, ou-
vriers sur la soie, passementiers, ouvriers sur les
cordonnets, lacets et galons ;
— des compagnons cordonniers ;
— des armuriers ;
— des chapeliers;
— des vitriers, marchands de verres, polisseurs el tail-
leurs de glaces ;
Cette dissolution était qualifiée de barbare i)ar tous les or-
202 L'INTERNATIONALE
ganes de l'Internationale, qui poussaient à cette occasion les
hauts cris de l'indig'nation et de la veng-eance.
La réaction Irionipho, s'écriait le Volkslvillc, mais nous n'a-
^'ons pas peui' de cette réaction : elle passera, et notre temps ne
tardera pas à venir.
Le langage du Volsktaat de Leipsick et de V Egalité de (ienève
était encore plus explicite :
« En Autriche comme dans toute l'Allemagne, les travailleurs
n'ont jamais séparé les deux questions politique et sociale, dans
leurs aspirations : c'est ce qui permet d'espérer que si, d'un
côté, la guerre bonapartiste a eu son contre-coup à Vienne dans
la dissolution des associations, d'un autre côté, si la ruine de
la France, la dévastation et tous les revers de la guerre brisent
enfin la patience trop magnanime du peuple français et l'amènent
à se lever unanimement contre l'oppression insupportable, la
révolution française aura aussi son contre-coup à Vienne. »
(Égalité, 10 août 1870.)
« Nous remercions bien les ministres d'État autrichiens : ils
prennent bien soin pour c[ue le tonnerre do la révolution fran-
çaise trouve son écho sur le Danube. » {Volskstaat, 10 août 1870.)
Nous devons ajouter que cette dissolution fut accompagnée
de quelques scènes de désordre et que même des collisions san-
glantes se produisirent à Vienne et à Gratz. Il y eut quelques
morts et plusieurs blessés.
Comme on peut en juger, le gouvernement français n'avait pas
été le seul à sévir contre l'Internationale : il est juste cependant
de reconnaître qu'il ne fut pas aussi loin dans cette voie que l'Au-
triche et qu'il ne recourut jamais à des mesures aussi extrêmes.
Si l'Internationale perdait du terrain en Autriche, il n'en était
pas de même en Espagne. Le congrès de Barcelone venait im-
primer une nouvelle impulsion au mouvement socialiste dans la
Péninsule. De toutes parts les ouvriers se groupaient, se fédé-
raient et envoyaient leur adhésion à l'Internationale. La fédéra-
tion de Barcelone était définitivement constituée, avec un effectif
d'une cinquantaine de sociétés formant un total de quinze
mille membres. La fédération espagnole, dirigée par des hom-
mes énergiques et résolus, allait devenir une des plus actives et
des plus importantes de rintcrnationale.
ET LE JACOBINISME. 203
CHAPITRE VII
LES PREMIÈRES TENTATIVES DE LA. DEMAGOGIE. — TROUBLES A LYON
ET A MARSEILLE. — PILLAGE d'aRMES A SAINT-ETIENNE. AFFAIRE
DES POMPIERS DE LA VILLETTE. — AGITATION A COSNE ET AU
GREUZOT.
Pendant que l'Inlernationale levait si audacicusement l'éten-
dard de la guerre sociale et proclamait qu'elle aurait hienlôl son
Jour, la démagogie, dont le concours lui était depuis longtemxjs
assuré, faisait ses premières armes.
Nous n'avons pas à apprécier ici à quelles inspirations elle
obéissait ; mais ce que nous tenons à proclamer bien haut, c'est
que ces tentatives étaient doublement criminelles et qu'elle a
assumé devant l'histoire une partie de la responsabilité de nos
désastres. Il est vrai que, pour elle comme pour sa digne sœur,
Vlnternatioi^le, la patrie n'est qu'un vain mot : le désordre,
l'anarchie, voilà sa seule devise.
Son réveil commence avec l'agitation plébiscitaire : elle es-
saya pour la première fois ses forces dans les réunions tenues à
cette époque et put compter ses membres.
Au mois de juillet nous la retrouvons sur la brèche, plus forte
et plus ardente que jamais. Le temps des théories et dos dis-
cours est passé : le moment de l'action paraît venu.
Lyon donne le signal : durant plusieurs jours des scènes tu-
multueuses s'y produisent ; des bandes d'individus, drapeau
rouge en tête, parcourent les rues en vociférant : A bas la France!
Vive la Prusse! Des attroupements stationnent en permanence
sur les places publiques et, dispersés sur un point, vont aussitôt
se reformer sur un autre.
Les établissements religieux et notamment le couvent des je
gO-i L'INTERNATIONALE
suites, rue Sainte-Hélène, sont envahis et saccagés, les vitres en
sont brisées ; les agents de l'autorité sont assaillis à coups de
pierres. On entend des gens exprimer publiquement l'espoir que
la France sera vaincue. Nous pourrions citer tel négociant de Ta-
rare, qui, de ce chef, a été condamné à trois mois de prison. On
aperçoit, comme aux plus mauvais jours, des figurés sinistres, co-
horte habituelle des émeutes. Au lendemain do notre première dé-
faite, les mômes excitations sont mises en œuvre; le sang coule
à la suite d'une échauffourée aussi ridicule qu'insensée, provo-
quée par le notaire Lcntillon ' dont le 4 septembre devait abréger
la captivité et faire un membre du comité do sid/it public. Nous
démontrerons plus tard qu'il s'y trouvait en bonne compagnie
et que la révolution devait trouver à Lyon un terrain tout préparé.
Les démagogues stéphanois tenaient à honneur de se montrer
dignes de leurs voisina : ils ouvraient la campagne par un pil-
lage d'armes. Un pareil début promettait pour l'avenir : le -4 sep-
tembre ouvrait aux pillards les portes de la prison et rendait
à la société ces victimes politiques.
Au Greuzot, le drapeau rouge était promené dans les rues;
quelques cris de Vive la Prusse ! étaient proférés. Et quel était
l'auteur de celte démonstration? Un certain Supplissiz, devenu
plus tard commissaire de police au Greuzot, et compromis dans
les troubles dont cette ville fut lo théâtre, les 26 février, 26 et
27 mars 1871.
Bientôt l'agitation révolutionnaire et démagogique gagnait la
Nièvre, Sous la haute direction du célèbre Gamboni,une tentative
de soulèvement, aussitôt réprimée , avait lieu à Arquian et à
Neuvy, dans les environs de Gosne, le 21 août 1870. Le tocsin
était sonné, et les cris : Aux armes ! poussés dans les rues. Au
nombre des instigateurs figuraient, entre autres, RoberE, Malar-
dier et deux membres de l'Internationale ^ que nous retrouverons
1 Le citui'on Lentillon, notaire à Tliurins (Rhône), fut condamné, le 3 sep-
tembre, à un an de prison par le 2^ conseil de guerre de la 8« division militaire.
Mis en liberté le lendemain, il a eu le triste courage de rechercher la défense
de Deloclie, l'un des inculpés de l'affaire d'Arnaud, et de venir à l'audienco
essayer la réhabilitation du plus lâche des assassins.
- Les citoyens Fournier et RigoUet. (le dernier était secrétaire do la section
de Cosne. 11 était porteur, au momenlde son arreslalion, d'une lettre d'Eugène
Dupont, lui conférant ce titre.
HT LE JACOIHMSME 20y
plus tard à la tôte do rémcule conunmirirdr t[\ù so jjrodiiisil à
Gosnc dans la journée du 17 avril dernier.
Marseille no pouvait rester en arrière dans une voie si bi'il-
lammenl inaug-urée. A la lu'cmière nouvelle des dés.istres de
ReisciiolTcn, des bandes s'ori^-anisaient et, grossies jjur les cu-
rieux et les désœuvrés, se rendaient sur la place do la Préfec-
ture où, à g'rands cris, elles demandaient des armes sous le
prétexte de courir à la frontière. Cette manifestation, qui n'eût eu
rien que de louable si elle avait éLé dit'tée par un sonlimont j);:-
triolique, n'avait d'autre but que d'augmenter l'agitation du pays,
d'enlrclcnir une iiKpiiètudo regi-ettable et d'aggraver par des
trouijles intérieurs la situation déjà si critique de la P>ance.
Le 8 août, les mêmes scènes se renouvelaient à l'instigation du
comilc répnblicnhi socialislc dont nous avons reproduit une
proclamation à l'armée. « Les amis et frères » étaient convoqués
au cours du Giiapitre et, de là, se portaient de nouveau sur la
place de la Préfecture où, comme la veille, des armes étaient ré-
clamées. Sur la réponse faite par l'autorité que des armes ne se-
raient délivrées qu'aux enrôlés volontaires, un certain nombre de
membres du comité socialiste se réunissaient aussitôt dans leur
salle habituelle, rue Vacon. Il était décidé qu'on se rendrait à
l'hôtel de ville pour y rédiger une pétition. Cette déclaration
était communiquée à la foule, qui se pressait à la porte de la
salle, et accueiUie par de frénétiques applaudissements. On se
mettait bientôt en route : les membres du comité marchaient en
tête, drapeau déployé. Quelques minutes après la mairie était
envahie par une populace sans cesse grossissante et qui se ruail
dans le vestibule. Un agent de police, ayant été reconnu par la
foule au moment où elle se précipitait dans l'escalier, fut frappé
et renversé ; ses vêtements furent mis en lambeaux. Pendant ce
temps les membres du comité s'installaient dans la grande salle et
y rédigeaient une pétition pour demander au préfet l'autorisation
d'établir un comité d'enrôlement. La plupart d'entre eux étaient
porteurs d'armes prohibées : les uns étaient armésde poignards ;
les autres de revolvers ou de pistolets ; quelques-uns portaient
des cannes à épée, de gros bâtons pouvant servir d'assommoirs.
Sur ces entrefaites, la force armée, accourue en toute liâte,
dégageait les abords de l'hôtel de ville, cernait cet établis-
^06 L'INTERNATIONAIJ':
sèment et ne tardait pas à s'emi)arer des quarante individus
<[ui s'étaient constitués en comité d'initiative privée.
Pendant (jue ce comité rédij^'-cait sa pétition, des coups île
pistolet partis de la foule qui s'agitait au dehors fin-ent sur le
point d'allumer la g-uerre civile et de devenir le signal d'une
collision sanglante. Le bruit de ces détonations avait produit un
tumulte indescriptible et il l'allut toute la présence d'esprit des
chefs de la force armée, tout le calme et la prudence des
hommes placés sous leurs ordi'es, pour conjurer l'orage.
Mais qui trouvons -nous à la tête de cette démonstration soi-
disnnt pnipioliqiic ? Les mêmes individus que nous verrons plus
tard proclamer la commune révolutionnaire ou s'associer à son
œuvre : ces socialistes dangereux, ces (jeus déclassés, ces ambi-
tieux politi(jues dont les récents conseils de guerre de Mai'-
seille viennent de débarrasser la société. Il est intéressant de
constater que sous tous les régimes l'émeute et la guerre civile
retrouvent toujours les mêmes artisans; que, conspirateurs
hier, ils le sont aujourd'hui, ils le seront demain et toutes les
fois que l'occasion leur en sera donnée.
Nous tenons à indiquer les noms des individus qui se trou-
vaient dans la salle de l'hôlel de ville au moment où la police
y pénétra. C'étaient : Grémieux, Giraud, Sorbier, Maviel, Alerini,
Tardif, Onkelinx, Holkinson, Blanqui, Bordes, Fonteneau,
Hentz, Gombes, Hayand, Pillard, Castagne i, Matheron (Cé-
lestin), Armand, Gilbert, Barthélémy, Maurel, Bosc, Gonteville,
Lafage, Icard, Ismael, Verdier, Matheron (Emile), Lapierre,
Blanc, Delon, Anthelme, Vieux, Gros, Lombard, Gérard, Ro-
main, Giraud, Fossat, Carenca.
Parmi ces individus figurent de nombreuses recrues de l'In-
ternationale, et de ce nombre, Combes, Alerini, Maviel, Pillard,
Vieux, etc. Sept d'entre eux ont fait partie de la commune révo-
lutionnaire installée à Marseille le l^"" novembre : Sorbier, Gon-
teville, Castagne, Maviel, Combes, Bordes, Bosc. On n'a pas
I Castagne, devenu garde civique au 4 septembre et plus tard membre de la
commune révolutionnaire, était signalé par l'opinion publique comme l'auteur
de i'attenlat commis sur la personne du préfet Cent au moment de son
arrivée à Marseille. Arrêté à la suite de ce fait, il a été remis en liberté, l'ins-
ruction n'ayant relevé aucune charge sérieuse contre lui.
ET LE JACOBINISME. 207
oublié* le rôle joué dans l'émeute du mois d'avril par Sorbier,
Crémieux, Matheron et autres. Nous no faisons ici ((u'indiquer
ces fails; nous aurons bientôt l'occasion de les étudier dans
tous leurs détails.
Tous les membres du comité républicain socialiste arrêtés
dans la salle de l'hôtel de ville ne furent pas poursuivis : une
ordonnance de non-lieu fut rendue en faveur de quelques-uns
d'entre eux.
Quinze seulement furent traduits devant le !•"■ conseil de
guerre de Marseille (audiences des 27 et 28 août 1870) et con-
damnés, savoir :
Gaston Crémieux, avocat, à 6 mois de prison ;
Paul Giraud, avocat, à 1 mois;
Sorbier (Auguste), journaliste, à 6 mois ;
Tardif (Joseph), employé, à 1 mois;
Maviel (Joseph), cordonnier, à 1 an ;
Bernard (Pierre), cordonnier, à i mois * ;
Combe (Etienne), vernisseur, à 6 mois :
Bosc (Victor), maçon, à G mois;
Frédéric Bordes, peintre, à 8 mois;
Conteville (Auguste), ajusteur, à 1 an ;
Philibert Gilbert, tailleur, à 1 an;
Eugène Barthélémy, employé, à 1 mois ;
Esprit Tourniaire, maçon, à 3 mois ;
Félix Debray, entrepreneur, à 1 an de prison et 4,000 francs
d'amende -.
Quelques jours plus tard, des faits d'une plus haute gravité
se produisaient à Paris : nous voulons parler de la scène de
tumulte et d'agression de la caserne de la Villette et des assas-
sinats commis sur la personne des pompiers qui l'occupaient.
Le dimanche, 14 août, vers 3 heures du soir, une bande de
60 à 80 individus, tous armés de revolvers et de poignards, ar-
rivant du haut de la Villette, attaquaient le poste de la caserne des
ï Bernard (Pierre) était le délégué de la corporation des cordonniers au sein de
la chambre fédérale ; Combes, celui des vernisseurs ; Bordes, celui des peintres.
- Deliray était l'auteur des six coups de revolver tirés dans la foule ; il était
accusé de violence et voies do fait, et d'avoir crié Vive la Prwse ! en passant
sur le trottoir du café-Glacier.
208 L ' I NT E R N A T I 0 N A L E
pom))iers située sur le boulevard du même nom. Aous voulons,
avait dit le chef de la bande au lieutenant du poste, procliinior lu
république. Donnez-nous vos fusils cl marchez avec nous au
Corps législatif. Sur le refus de ce dernier d'obtempérer à
d'aussi brutales injonctions, ces forcenés se ruaient sur le fac-
tionàaire et le renversaient d'un coup de revolver. Le poste était
envahi : plusieurs pompiers étaient grièvement blessés, et
quelques fusils enlevés par les émeuliers.
Les sergents de ville de la rue de Tanger, prévenus de ce qui se
passait, accouraient en toute liàte' : ils essuyaient à leur tour une
violente décharge et l'un d'eux tombait mortellement frappé. A
quelques pas du lieu de la scùne, une petite tille de cinq ans
recevait une balle en pleine poitrine. Pendant un instant la lutte
fut des plus acharnées et la mêlée devint générale. Cependant les
émeutiers, déconcertés par l'attitude hostile de la foule et vigou-
reusement attaqués par les sergents de ville, commencent à
reculer, et, au bout d'une heure, l'ordre était rétabli par la
police, puissamment secondée par la population. De nombreuses
arrestations étaient opérées.
Démagogie, voilà de tes coups ! Tu peux à ton aisecouvrir de
ta responsabihté ces assassins qui tirent sur des hommes dé-
sarmés, ces misérables qui tuent des enfants !
L'Internationale n'a-t-elle pris aucune part à ce complot contre
la sûreté de l'État? Certes, en dépit de la protestation des sec-
tions parisiennes, il est bien permis de penser le contraire,
surtout lorsqu'on retrouve à la tête de la bande l'un des adeptes
les plus fervents de l'Internationale, le citoyen Eudes. C'est lui
qui a tout préparé, qui, armé jusqu'aux dents, dirige l'attaque et
■ somme le lieutenant du poste de lui livrer ses armes et de le
suiwe au Corps législatif. Il est encore un autre fait qui a son
éloquence : c'est que ce même jour une réunion de l'Internatio-
iiale devait être tenue à 2 heures rue de Flandres, et, qu'au
moment où les frères et amis se rendaient à cette séance, ils
étaient prévenus qu'elle ne pouvait avoir lieu. On devine le
motif d'une décision aussi subite : il fallait à tout prix assurer
le succès de l'émeute qui allait éclater, et ne pas jeter les uns dans
la rue pendant que les autres délibéreraient. Tous ces inter-
KT LK JACOB IN ISMK. 20»
uatioiiaiix convoqués à dessein une heure avant que le mouve-
ment n'éclate à quehiuospas du terrain de la lutte étaient des-
tinés à venir grossir le nombre des émcutiers et à leur prêter le
concours le plus efficace. Leur présence dans les rangs des
insurgés ne saurait être mise en doute, puisque parmi les in-
culpés nous retrouvons certains membres do l'Interuatioualc,
et iiolanmient un sieur Périn, l'un des invités de la réunion de
la rue de Flandres.
Il était réservé à la citoyenne André Léo, qui vient de faire,
il y a quelques jours, les déliées du congrès de Lausanne, de
découvrir dans l'affaire delà Villette une manœuvre de la police,
un complot contre l'Internationale. Voici dans quels termes
grotesques elle raconte les faits :
« On a demandé, dit-elle, le grand jour sur les faits qui se
sont produits à la Villette. Il ne se fera probablement pas. Mais
voici ce que je sais, ce que j'ai compris dans le premier mo-
ment, et ce que sont venues contirmer les calomnies des feuilles
officieuses. Il y a effectivement un complot dans l'affaire de la
Villette, un complot contre l'Internationale, une manœuvre
indigne.
« Dimanche dernier, une réunion de l'Internationale devait
avoir lieu, rue de Flandres, à deux heures. Les menaces du
commissaire de police au concierge de la salle empêchè-
rent cette réunion au dernier moment, en sorte qu'un grand
nombre de personnes venues pour y assister se trouvaient
de trois à quatre heures, sur le boulevard à l'issue de la rue
de Flandres. C'étaient des groupes paisibles , calmes. On
s'y entretenait des malheurs publics. De quel autre sujet
parler ?
« Je quittai ce point vers trois heures et demie, peu avant
l'événement que j'appris seulement le soir par plusieurs amis
Ils en éprouvaient comme moi une stupéfaction douloureuse.
Ils en avaient été témoins, puisque les nôtres à cette heure
remj)lissaient le boulevard. Cette coïncidence nous frappa r
nous pensâmes qu'on avait voulu compromettre l'Internationale.
Qui ? Nous ne savions ; mais nous nous rappelâmes le dicton :
à qui la chose doit- elle profiter?
« Mai'di, on lit dans le petit Moniteur : « Le chef de l'attaque do
14
210 L'INTERNATIONALE
« la Villette parait être un nommé Périn, un des chefs de l'in-
< ternationale, »
a L'Internationale n'a pas de chefs. Et Périn ne figure nulle-
ment sur la hstc des gens arrêtés *.
(c Et maintenant la Gazette dos Tribunaux vient de nous
apprendre l'existence de poignards dits de l' Internationale ^
donnant ainsi l'apparence d'un fait constaté à une invention
infâme.
« L'Internationale n'a pas de poignards. Elle n'a pas pris part
à l'attaque de la Villette ; elle a cru seulement y reconnaître
Guérin échappé de Blois.
«Mais quoi! l'occasion est si belle pour les feuilles officieuses
d'accuser toute une association, tout un parti ! Honnêtes gens !
Regardez donc un peu où vous êtes et ce qui se passe autour
de vous; regardez donc la France envahie, saignante, épuisée.
N'essayez plus de jouer au spectre rouge. Que pourrait-on
craindre désormais? De la sécurité, de la fortune du pays, que
reste-t-il? »
a André LEO. »
Ainsi, d'après le récit de cette aimable citoyenne, la police
a profité de la présence des internationaux sur le boulevard de
la Villette pour faire une émeute et compromettre V Internatio-
nale. C'est assez instructif.
Les internationaux parisiens n'osèrent pas aller jusque-là :
ils se bornèrent à protester timidement contre les prétendues
calomnies prodiguées à leur mère, l'Internationale, par la presse
bourgeoise. Voici cette protestation :
a Tandis qu'en Prusse, Bismark et Guillaume poursuivent et
proscrivent V Association internationale, ici d'infâmes calomnies
la signalent comme l'agent du despotisme prussien.
ff Nous, soussignés, membres français de cette association,
nous mettons publiquement au défi les misérables calomniateurs
d'avouer les sources oh ils puisent ces ignobles accusations.
i Double mensonge. Personne aujoui'd'hui ne peut douter que Vlnternatio-
nale n'ait des chefs et de véritables chefs. Quant à Périn, il figurait si bien
parmi les acteurs du drame de la Villette, qu'il fut condamné par le 1" conseil
de guerre de Paris (audience du 31 août) à la peine do cinq années de détention
pour complot contre la sûreté de l'Etat.
ET LK JACOlilNlSME. 211
Et nous en appelons à l'oxpérience publùjuo pour qualifier cet
odieux système de dénonciation anonyme qui ne peut avoir (ju'un
])ut : nous rendre suspects à nos concitoyens, parce (pie depuis
longtemps nous avons affirmé en même temps les ilroits du
travail et l'amour de la liljerté.
« Henri TOLAIN; Emile LANDRIX; DEMAY; PEHHA-
CHON ; CAMÉLINAT ; SAINT-SIMON ; GÉRARD; MER-
VILLE; MOREL ; Léon LANDRIN ; DUDAGH ; LAMPÉ-
RIÈRE. »
Nous devons ajouter (pi'à la même époque retentissaient dans
les rues de Paris des cris, isolés il est vrai, de Vive In Prusse!
A bas la France ! et que plusieurs fois le tribunal cori'eotionnel
eut à juger les individus cjui les avaient proférés.
■ 1 ' J, IN'J KRNATIONALK
CHAPITRE VIII
LE 4 SEPTEMBRE. — LES COMITES DE SALUT PUBLIC, DE SUUETÉ GÉNÉ-
RAL, DU SALUT DE LA FRANCE ET LE COMITÉ CENTRAL FÉDÉRATIF
A LYON. — LEUR COMPOSITION. — LEURS ATTRIBUTIONS, LEURS
EXPLOITS. — LA POLICE LYONNAISE AUX MAINS DE l'inTERNATIO-
NALE. — CHOL COMMISSAIRE CENTRAL. — OFFICIERS DE PAIX ET
GARDES URBAINS.
Nous n'avons nullement la prétention de raconter ici tous les
événements qui se sont accomplis le -4 septembre, à Lyon,
Marseille, Paris et autres villes ; nous nous bornerons à re-
later les faits où s'est montrée l'action de l'Internationale et du
jacobinisme, qui dès ce jour se sont donné ouvertement la
main sur le terrain de Li révolution sociale.
Nous suivrons les membres de l'Internationale dans les
fonctions publiques oi!i vient de les appeler l'acclamation popu-
laire. Nous étudierons leurs actes, leurs décisions ; nous si-
gnalerons les manœuvres coupables auxquelles ils se livraient
pendant que la France agonisait sous les étreintes d'une horde
de barbares. Nous les verrons dans les clubs révolutionnaires
prêcher à l'ombre du drapeau rouge la guerre civile, le pillage,
voire même l'assassinat ; nous mettrons sous les yeux de nos
lecteurs les placards et manifestes incendiaires répandus à
profusion par leurs soins. En un mot nous dévoilerons leurs
agissements ; nous indiquerons comment de concert avec le
jacobinisme ils préludaient à l'œuvre du 18 mars. Nous allons
d'abord nous occuper de Lyon.
Lyon peut à juste titre revendiquer la plus large part dans
l'œuvre révolutionnaire qui a préparé la Commune. Dès
le 4 septembre, l'Internationale y prend possesion de l'hôtel de
ET LE JACOBINISME, alS
ville et de tous les services publics. Le citoyen Beauvoir, l'ur
de ses coryphées, proclame du haut du balcon de l'holel de ville
la déchéance de l'empire et l'armement de la nation ; un co-
mité de salut public est installé. Nous en indiquerons tout à
l'heure la composition.
Pendant tpie toutes les mairies sont envahies, que les Conc-
tionnaires, les magistrats sont décrétés d'arrestation par une
tourbe de voleurs, de repris de Justice, de gens tarés, que
quelques soldats improvisés lèvent la crosse en l'air et frater-
nisent avec le peuple, les Dumartheray, les Codex et autres
membres de l'Internationale volent à la prison où do nobles vic-
times (lu despotisme césarien attendent l'heure de la délivrance.
Les portes en sont brisées à coup de marteau ; un commissaire
de police, accouru où l'appelle son devoir, n'échappe que mira-
culeusement à une mort presque certaine et à une noyade dans
le Rhône ; les prisonniers sont arrachés et conduits triomphale-
ment devant le comité de salut public dont ils sont proclamés
membres. Les arsenaux sont pillés ; le drapeau rouge do l'In-
ternationale, « ce ûer étendard de la patrie en danger, » flotta
sur tous les édifices publics ».
L'Internationale triomphe : ses membres siègent à l'hôtel de
ville ; la police est sous ses ordres. C'est elle qui va présider
désormais aux destinées de Lyon. Les beaux jours de la Ro-
tonde et de Valentino vont renaître.
Il importe en cette matière de préciser les faits, alin
qu'aucun doute ne puisse surgir dans l'esprit de personne sur la
situation désastreuse où les menées de l'Internationale et de la
démagogie ont plongé la ville de Lyon pendant plusieurs mois.
Esquissons d'abord à grands traits la physionomie de ce fa-
meux comité de salut public qui venait ainsi de par la volonté
du peuple souverain s'imposer à toute une cité. On y trouvait
réunies les personnalités les plus étranges : l'élément canut y
dominait ; les comptables et teneui's de livres y étaient large-
ment représentés ; quelques coryphées de la démagogie, plu-
sieurs internationaux, et deux ou trois orateurs des réunions
> Proclainaiiou du conseil municipal de Lyon : -2i septembre ;1870
^▼oir Pièce)!.
214 L'INTERNATIONALE
publiques venaient tempérer agréablement les allures par trop
réactionnaires de nos canuts.
D'ailleurs, il faut bien le reconnaître, le nombre de ses mem-
bres allait s'aiigmentant chaque jonr. Ils n'avaient été que 13
pour proclamer la république, mais au 15 septembre on en
comptait déjà plus de 100. Il n'est pas sans intérêt d'indiquer
leurs noms : cette désignation aura plus tai'd son importance,
quand nous étudierons les mouvements insurrectionnels
des 28 septembre , 4 novembre , 20 décembre , 22 mars
et 30 avril.
Le comité provisoire de salut public installé à l'hôtel de ville
dans la matinée du i septembre se composait de 13 individus
dont les noms figurent au bas de l'affiche officielle apposée sur
les murs de la ville quelques heures après l'envahissement de
l'hôtel de ville. C'étaient :
Ghai'les Beauvoir , membre de l'Internationale , rue d'Al-
gérie, 15;
Lombail, idem ;
Gordelet (Jean-Marie), 89 ans, représentant de commerce,
rue du Commerce, 6;
Louis Ghaverot, 48 ans, peintre-plâtrier, rue Mercière, 82 ;
Moussy (Jacc[ues), 51 ans, commis, rue deSaint-Cyr, 3;
Em. Vollot, 29 ans, pharmacien, Grande-Côte, 9 ;
Reignier.
Gros (Polidore),42 ans, commis, quai de Serin, 40;
Griffe (Louis), 40 ans, employé, cours du Midi, 36;
Tarre;
Soubrat (Denis), 33 ans, dessinateur, place des Tapis, 6;
Bonnet ;
Fournier (Léonard), mécanicien.
Quelques jours après, une liste définitive était arrêtée : elle
comprenait soixante-dix-huit membres. Voici leurs noms avec
leurs attributions et l'indication des fonctions qu'ils occupent
actuellement * :
1 Nous devons rappeler que plusieurs semaines avant le 4 septembre, on
comité central avait été établi à la Croix-Rousse; des sections avaient été orga-
nisées dans chaque quartier, en vue de nommer des délégués chargés de gérer
les affaires publiques,qaind l'heure regardée comme prochaine en serait venae.
ET LE JAGOniNISME. 215
Présidents.
Chépié (Jean-Baptiste), 35 ans, tisseur, rue Sainte-Blandine, 9 ;
Ghaverot, i)làtrier, ruo ^lercière, 82 ;
Perret (Jean-Marie), 00 ans, comptable, rue Vilieroi, 21, ac-
tuellement membre du conseil général du Rhône ;
Scci'vlnires.
Maynard (Louis- Séraphin), teneur de livres, cours des Char-
treux, 29;
Vallier (Germain), 49 ans, comptable, rue Jean-de-Tournes, 15;
Despeignes (Nicolas), 37 ans, comptable, rue du Pont de la
Gare, 20, à Vaise ;
Garel (Louis), 30 ans, homme de lettres, rue de Créqui 44 (ré-
cemment condamné à la déportation dans une enceinte for-
liliée pour avoir pris une part active aux événements du
23 mars) ;
Sous-comilé des finances.
Grinand (Jean-Baptiste), 56 ans, commis voyageur, rue du Bon-
Pasteur, 3;
Rossigneux (Auguste), 31 ans, comptable, rue Lafayette, 26;
Garlod (Pierre-Alexandre), 47 ans, marchand de nouveautés,
place de la Groix-Rousse, 11;
Durand (Pierre-Sébastien) , 55 ans , officier de santé , rue
Neuve, 30 ;
Roux ;
Bruyat (Jean-Pierre), 52 ans, balancier, rue de Marseille, 65
(affaire Arnaud) ;
Lentillon, notaire à Thurins (en prison au 4 septembre, affaire
du sergent de ville Garican) ;
Soubrat (Denis), 33 ans, dessinateur, place des Tapis, 6 ;
Sous-comité de la guerre.
Président. — Ganguet PieiTe), 42 ans, maître tisseur, rue Ri-
vet, 10, actuellement encore en fonctions ;
•216 L'INTERNATIONALE
Favier (Antoine), 60 ans, relieur, rue Saint-Joseph, 19, ex-direc-
teur du fameux cercle de la rue Orolce ;
Andrieux (Louis), 81 ans actuellement procureur de la Répu-
blique, à Lyon;
Barodet (Désiré), 47 ans, ex-instituteur, rue de la Barre, 5;
Velay (Benoît), 58 ans, ouvrier tuUiste, membre de l'Internatio-
nale (réfugié à Genève, compromis dans l'insurrection du
30 avril) ;
Bonnet (Jean), 51 ans, tisseur, rue de la Madeleine, 10;
Beauvoir (Charles-François), 58 ans, représentant de commerce,
rue d'Algérie, 15;
Hénon (Jacques), 71 ans, médecin, cours ^lorand, 56;
Marinier (Jean-Baptiste), 2o ans, tisseur, cours Vitton pro-
longé, 42;
Tissot (Alphonse-Pierre), 42 ans, tisseur, Grande-Côte, 22, ré-
cemment condamné à la déportation dans une enceinte for-
tifiée ;
Doublé (Jean-Baptiste), 46 ans, membre de l'Internationale,
concierge du cimetière de Loyasse ;
Borel (Jean-Claude), 71 ans, cordonnier, place Louis XIV, 16;
Fournier (Léonard), mécanicien, employé dans le mouvement in-
surrectionnel du 30 avril ;
Sous-coniitê des intéi'êts publics.
Baudy (François), 39 ans, cordonnier, rue Madame, 162 ;
Garnier Barthélémy, 50 ans, tisseur, rue des Gloriettes, 9;
Maire (César- Auguste), 50 ans, tisseur, grande place de la Croix-
Rousse, 3 ;
Jacques (François-Paulin), 44 ans, plus tard commissaire de
police, aujourd'hui révoqué;
Guillerme (Jean-Charles), 48 ans, restaurateui', rue Gari-
baldi, 108 ;
Grosbois (Pierre), 42 ans, fabricant de formes, passage de
l'Hôtel-Dieu, 11;
Michaud (Claude), 48 ans, lissevu', rue du Mail, 28;
Josserand (Nicolas), 39 ans, parqueteur, route de Bourgo-
gne, 13;
KT LE JA(;:Oin.NISMK. 217
Fournier (Edouard-Philibert), 48 ans, horloger ;
Verrière (Guillaume-François), 60 ans, horloger, quai Saint-An-
toine, 2;
Vérat (Gaspard-Auguste), 58 ans, courtier en charbons, i-iic
Vauban, 19, actuellemont conservateur des théâtres de Lyon ;
Garnier (Pierre), apprcteur do tulles, rue Bugeaud, 15i (In-
ternat.) ;
Placet, graveur, rue Masséna, 58 (Internat.), décédé.
Ghanoz (Jean-Baptiste), i2 ans lluternal.), tisseur, rue des
Fantasques, 8 * ;
Didier (Jean), 34 ans, rue Tramassac, 22, sculpteur, membre
de l'Internationale;
Archivistes.
Ghapitet (Jean), 47 ans, teneur de livres, place du Perron, 1,
compromis dans l'affaire du 23 mars, actuellement conseil-
ler d'arrondissement (rue Grolée) ;
Gharavey ;
Membres sans attribution spéciale.
Langiade, pharmacien, rue Thomasin,8;
Vincent (Guillaume) ;
Gros (Polydore), 42 ans, commis, quai de Serin, 40;
Duguerry (Louis-Marie), 62 ans, tisseur, montée Rey, 5;
Vaille (Pierre-Emmanuel), savetier, 60 ans, rue Pailleron, 15 ;
Laurent, tisseur, montée du Gourguillon, 31 ;
Gannet, (Ennemond), 39 ans, tisseur, rue du Pavillon;
Ghol (Guillaume-Jean-Marie) , 40 ans (Internat.), cordon -liér,
condamné à la déportation [affaire Arnaud) ;
Cler (Pierre-Etienne- Jean), 63 ans, homme de lettres, chemin
des Pins, 32 ;
Gomte ;ELienne), 68 ans (Internat.), fabricant de navettes, rue
d'Austerlitz, 17 ;
' C'est à Chanoz que revient l'iionneur d'avoir conduit en prison l'ex-préfet
du Kliône, M. Sencier, et d'avoir signé le registre d'écrou. Cet individu --e
trouve impliqué dans l'iasurreclion de la Guillotière.
218 L'INTERNATIONALE
Michaloud (Jean-Marie), 42 ans, tisseui', rue de Sèze, 126 ;
Henry (Louis), 54 ans, tisseur, montée Saint-Barthélémy, 34 ;
Ohanal (François), 42 ans, papetier, rue Lafont, 18 ;
Gastanier (Jacques), 45 ans, mécanicien, rue de Gondé, 33 ;
Grestin (Melchior-François), 58 ans, médecm, £?rande rue de la
Guillotière, 113 ;
Bouvatier (Aimé), 44 ans, rue des Trôis-Pierres, 78;
Gandy (Pierre), 50 ans, chauffeur mécanicien , cours La-
fayette, 131 ;
Ychalelte ;
Bergeron (Joseph), 48 ans, tisseur, rue de la Terrasse, 4, l'un
des émeutiers du 30 avril ;
Vendry (Internat.);
Montfouilloux (Etienne), 54 ans, tisseur, rue Bossuet, 110;
Rafin (Etienne), 37 ans, tisseur, montée de Garillan, 11 ;
Belon (Jean-Marie), 40 ans, ouvrier ajusteur, rue de Gondé, 10;
Gottin (Pierre), 40 ans, tourneur sur cuivre, rue Saint-Geor-
ges, 41;
Ghavant (Jean), 59 ans, relieur, rue Sainte-Catherine, 15 ;
Jeanin (Emmanuel), 37 ans, peintre -plâtrier, rue Sainte-Elisa-
beth, 214 ;
Vollot (Emile), 29 ans, pharmacien, Grande-Gôte, 9 ;
Fouillât ;
Varambon (Francisque), 40 ans, actuellement procureur général
à Besançon ;
Gharvet (François-Noël), 44 ans (Internat.), tisseur, ruû du
Bon-Pasteur, 31, imphqué dans l'affaire Arnaud ;
Pahx (Louis), 42 ans, tailleur d'habits, com's Vitton, 41 (In-
ternat.), l'un des héros du 28 septembre.
Tacussel (Louis-Joseph), 34 ans, serrurier, avenue de Saxe, 187
(Internat.), membre de la commune révolutionnaire installée
à la Guillotière le 30 avril, a lait partie de la Ligue du Midi ;
Lombail (Internat.).
ET LE JACOBINISME. Sl'J
APPENDICE.
Il nous a paru nécessaire de compléter par des renseigne-
ments supplémentaires les quelques indications que nous avons
déjà données sur le nombre, la situation et l'importance des di-
verses sections de l'Internationale établies en France.
Nous allons passer en revue les différentes villes où l'Inter-
nationale avait réussi à s'implanter et dont il n'a pas été ques-
tion dans notre premier ouvrage.
CASTELNAUDARY.
Dès le mois de mai 1867, un certain Nègre, se disant profes-
seur en congé, et domicilié place du Collège, entrait en rela-
tion avec le bureau de Paris. Le 14 mai, il écrivait à Chémalé :
« Nous sommes ici quelques hommes qui, désirant prendre une
part active à l'évolution qui, dans les deux mondes, porte 1^
classe ouvrière vers la conquête légitime de ses droits, avons
formé le dessein de nous constituer en section de la société In-
lernationale. Ayant écrit dans ce but, nous avons reçu de Lon-
dres, de M. Eugène Dupont, secrétaire pour la France, une
réponse par laquelle il nous conseille do prendre le titre de
Société de crédit mutuel et nous engage à nous adresser à vous
pour avoir les statuts et règlements des sociétés qui, sous ce
titre, fonctionnent à Paris depuis trois ans.
« Nous vous serons bien obligés de nous aider de vos conseils
et de vos renseignements sui' le mode le plus efficace et le plus
légal de constituer notre section. Nous vivons au sein d'une
population très-arriérée, très-réfractaire à toute idée de progrès
et de civilisation, très-dominée par le fanatisme et l'ignorance.
Dans un tel milieu, il est de grande importance que nous trou-
vions moyen d'avoir les apparences de la dégalité
« Pour le groupe de première formalion.
« Signé NÈGRE. »
•220 L ' 1 M- K I { N A T 1 0 N A L E
Quelques jours auparavant une lettre conçue dans des termes
identiques avait été adressée au citoyen Beslay., rédacteur du
Courrier Français. Elle portait les signatures suivantes : Nègre,
professeur, Connac, Gaubcrt Jean, Busson.
Enfin, le 22 mai suivant, Eugène Dupont portait à la con-
naissance do la section de Paris qu'un bureau venait d'être
formé à Gasteinaudary (Lettre du 22 mai 1(S67 au citoyen Ghé-
malé). Il était donné lecture au Congrès de Lausanne (séance
du 7 septembre) d'une lettre du professeur Nègre exprimant des
vœux pour le succès de l'œuvre entreprise par l'Internationale.
KUVEAU (Bouclies-du-Rhône).
Nous avons déjà fait connaître qu'une section avait été orga-
nisée, en 18G7; dans celte localité par le citoyen Vasseur, de Mar-
seille, et que ce résultat avait été obtenu à la suite de deux grèves
successives qui avaient éclaté parmi les ouvriers mineurs. Le
bureau de Paris, représenté par ses correspondants, Varlin, To-
lain et Fribourg, en avait profité pour réclamer en leur faveur
l'appui moral et matériel des membres de l'Internationale
et porter l'existence de cette grève à la connaissance de toutes
les sections de l'Association. Voici en effet l'appel qui était pu-
blié à cette occasion par le Courrier Français, l'organe spécial
de l'Internationale à Paris, dans son numéro du 21 avril 1867,
Association internationaie des travailleurs.
(Bureau de Paris.)
« Deux grèves successives ont éclaté parmi les charbonniers-
mineurs de Fuveau (Bouches-du-Rhône).
s 11 ne s'agitpoint d'une augmentation de salaire; ici encore,
c'est une question de règlement non débattu et que la compa-
gnie veut imposer.
« Une première fois, un changement dans les heures du tra-
vail de nuit avait amené la grève. Quoique ce changement dimi-
nuât le temps du repos, les mineurs avaient été obligés de s'y
soumettre.
ET I.P: JACOniNlSMK. 22*
« Un nouvel article ajouté à ce règlement, en aggravant encore
leur situation déjà si pénible, a causé une seconde fois la ces-
sation des travaux.
« Quatre cents mineurs sont en grève depuis trois semaines.
Dans cette crise douloureuse, les ouvriers de Fuveau ont donné
l'exemple du plus grand calme, et prouvé ainsi (Qu'ils avaient
conscience de leurs devoirs et de leurs droits d'hommes et do
citoyens.
« En conséquence,
« \'u le paragraphe du pacte constitutif:
« L'association considère comme un devoir de réclamer,
« non- seulement pour ses membres les droits d'homme et de
« citoyen, mais encore pour quiconque accomplit ses devoirs, j>
Œ Le bureau de Paris porte le fait à la connaissance des bu-
reaux de l'Association, avec la confiance que l'appui matériel
et moral des membres de ladite association est acquis désor-
mais aux mineurs de Fuveau.
oc Pour la commission parisienne, les correspondants,
« VARLIN, TOLALN, FRIBOURG.»
Le 4 août 1867, le bureau de Fuveau était définitivement cons-
titué ; son secrétaire correspondant, Antoine Barthélémy, écri-
vait au citoyen Tolain la lettre suivante pour lui faire connaître
les noms des membres de ce bureau.
Association internationale des travaileurs.
(Bureau de Fuveau.}
Fuveau, 4 août 1867.
« Monsieur Tolain,
«Nous avons l'honne urde vous annoncer que le bureau de
l'Association des travailleurs vient d'être ouvert à Fuveau ;
depuis longtemps nous luttions et nous venons d'atteindre ce
but. Au moment où nous écrivons ces lignes, notre secrétaire
Barthélémy vient de recevoir de Londres l'appel du conseil
!222 L ' I N T VA{ N AT 1 0 N A L E
général au congrès de Lausanne Nous espérons y avoir un dé-
légué.
« Voici les noms des inemljres du bureau de Fuveau :
a Secrétaire correspondant : Antoine Barthélémy ;
a Trésorier correspondant : Mathieu Richaud ;
« Président : Gervais Vidal. »
Quchpies jours plus tard, Kugrne Dui)ont informait Chémalé,
de Paris, que rinternationalc comptait 300 membres à Fuveau.
Chémalé s'empressait aussitôt de leur adresser des carnets de
l'Internationale. Cette section avait nommé un délégué au con-
grès de Lausanne, le citoyen Barthélémy; mais ce dernier, faute
de fonds, ne put se rendre à ce congrès et remit son mandat à
Vasseur, de Marseille, qui fut ainsi chargé de représenter et la
section de Marseille et celle de Fuveau. Voici dans quels termes
Barthélémy expliquait cette détermination au correspondant du
bureau de Paris, Chémalé :
« Fuveau, 30 août 1867.
Vous me parlez d'un délégué
au congrès de Lausanne : c'est moi (pii ai été nommé, mais
comme le bureau était formé nouvellement, et que les fonds
nous manquent, nous avons envoyé notre mandat par le délé-
gué de Marseille, Fuveau... L'année prochaine nous serons or-
ganisés pour faire nous-mêmes la corvée. J'ai reçu les 350 car-
nets,
« Pour la commission.
« Sir/iié : A. BARTHELEMY. »
coNDÉ-suR-NOiREAU (Calvados).
Cette section était représentée au congrès de Lausanne par le
citoyen Longuet, délégué plus tard à la rédaction du Journal
officiel de la Commune.
Toussaint, l'un des membres de cette section, portait ce fait à
la connaissance du bureau de Paris par une lettre écrite à Fri-
ET LK JACOBINISME. 2I8
boui'p:, l'un de ses correspondants, le 20 août 1867. Nous en
extrayons les })assag'es les pins saillants :
« Nous serons représentés cette année au congrès, avec Caen,
})ar M. Charles Longuet, ancien secrétaire i)0ur la Belgique
près le conseil conti'al de Londres.
« i\I. Ch. Limousin lait-il encore partie de notre association ?
J'ai vu avec peine son nom figurer parmi les rédacteurs du Sid-
clc, ce journal nous étant hostile, je crois.
« Notre association a fait peu de progrès dans notre localité,
mais maintenant, avec l'appui du Courrier français, j'espère,
en le propageant , faire de nouvelles recrues.
« Siffné : TOUSSAINT. .
viK.NAE (Isère).
Pour compléter ce que nous avons déjà dit sur l'origine de
cette section, nous devons signaler que c'est à l'instigation des
ouvriers lyonnais et par leur intermédiaire qu'elle fut organisée
au mois d'août 1867.
Cette section comprenait 5 à 600 membres divisés par groupe
de 20 membres ; chaque groupe avait une caisse particulière.
La cotisation mensuelle était do 30 centimes : chaque socié-
taire était tenu le jour de sa réception de verser 1 fr. 25 cent,
comme droit d'entrée. Elle était administrée par un comité di-
recteur élu et composé de 18 membres. Ailloud en avait été
nommé président; Vaganey, trésorier, et Marcheval, tisseur,
(juai de Gère, 5, secrétaire correspondant.
Cette section était en fréquentes relations avec le bureau de
Paris.
AMIENS.
Les débuts de la section d'Amiens furent assez laborieux.
Dès le 12 mars 1867, un certain Frédéric Petit se mettait en
rapport avec le bureau de Paris et lui adressait la lettre sui-
vante : « Quatre ou cinq travailleurs qui désireraient s'affdier à
V Association internalionalo m'ont chargé de prendre les ren-
seignements nécessaires pour cela.
284 L'INTERNATIONALE
« Le Courrier ïi'onf^'iiis, à qui J'avais écrit, me priedem'adres-
ser au bureau de Paris.
« Quelle serait la situation de ces travailleurs isolés par rap-
port à l'Association ? Quels liens les y rattacheraient? Quelles
communications recevraient-ils des travaux de l'Association? A
quel groupe auraient-ils à se rattacher, et quelle part pourraient-
ils prendre dans leur isolement aux délil)érations des adhérents
français de l'Association? A qui enfin devraient-ils adresser leur^
cotisations et quelle en est l'importance? j>
Le correspondant du bureau de Paris s'empressa de lui
adresser avec les renseignements demandés plusieurs exemplai-
res des statuts de l'Association. Le citoyen Petit se mit aussitôt
à l'œuvre et lit de pressantes démarches auprès de plusieurs
corporations d'Amiens, notamment celle des typographes, pour
les entraîner dans l'Internationale. Mais ses tentatives échouè-
rent en partie, et le 21 avril, il n'avait encore recruté que neuf
adhérents. Il était convenu qu'en attendant que le premier
groupe amiénois fût assez nombreux et eût réuni des éléments,
assez lettrés pour organiser avec fruit un bureau de correspon-
dance, les adhésions et cotisations seraient envoyées au bu-
reau de Paris, et qu'Amiens serait une annexe de ce bureau
(Lettre de Petit à Chémalé, 7 avril 1867).
Quelques jours plus tard; paraissait dans le Courrier fran-
çais l'acte d'adhésion de ces neuf adhérents. Voici cette pièce
qui offre au point de vue de l'histoire de l'Internationale en France
un certain intérêt.
Atts membres de l'Association internationale formant le bureau
de Paris.
(Les Iravailleurs soussignés résidant à Amiens.)
a Ghers citoyens,
a Paul Caruelle, ajusteur, rue des Corroyers, 141 ;
<r Raoul Caruelle, mouleur, id. id. ;
a. Firmin Sinet, cardier, rue du Béguinage, 3 ;
a Auguste Vimeux, peigneur, rue Neuve-de-Gouty, 23 ;
« Léopold Durier, liquoriste, rue Septenville, 25 ;
1 : T L !•; .1 A C U It I \ 1 < M E. 22r>
« Airwible Maicliiiiid, inoiiloui', routu d'Albert, ÏJ2 ;
« J. B. Tassencourt, iiié^issier, rue de l'Union, 27;
« Lucien Boulanger, impasse Sans-Boutons, 29 ;
« Alphonse Lngan, ébéniste, rue du Lycée, 30.
« Voulant al'lii'nier la solidarité qui les unit à tous les li-avail-
leurs, sans distinction de profession ou de nationalité, et con-
courir d'une manière orfective au mouvoment d'émancipation
économique et sociale qui doit relever les ouvriers d'un servage
séculaire.
«[ Adhèrent à la déclaration de principes du congrès de Ge-
nève du 3 septembre 1866, et aux statuts et règlements élabo-
rés par les délégués au congrès.
« Ils demandent en conséquence à être admis à titre de colla-
borateurs par le bureau de Paris, aucfuelils désirent se ratta-
cher par des liens fraternels, en attendant que les travailleurs
aniiénois, éclairés sur leurs véritables intérêts, répondent à leur
appel, et se ralliant à leur initiative, permettent d'organiser le
bureau particulier delà section d'Amiens.
« Amiens, le Hl avril 1867. ^
« Ont signé: R. CARUELLE; P. CAHUELLE ; F. SINEÏ ;
AiMALLE MARCHAND ; Auguste VIMEUX ; BOULANGER;
A. LUGAN ; DURIER ; TASSENCOURT. «
tt Le siège de correspondance est provisoirement établi chez
M. Frédéric Petit fils, à Amiens, 47, rue du L^'cée. »
Ce dernier avait eu soin d'expliquer à Chémalé que les adhé-
rents auraient été plus nombreux, si l'on avait voulu accepter les
cotisations de ceux qui refusaient de donner leur signature de
peur de se compromettre ; mais il avait cru ne devoir admettre
que ceux qui avaient eu le courage de montrer leur visage.
(Lettre de Petit à Chémalé, 25 avril 1867.)
Le 5 mai, les adhérents amiénois, imitant l'exemple de leurs
frères de Paris, élevaient la voix pour protester contre les exci-
tations belliqueuses d'un chauvinisme arriéré. Nous reprodui-
sons celte )iroLestation.
•ir.
.Ittô 1. ' 1 N l' 1^ l\ N A 1" 1 ( > N A L E
Association internationale des travailleurs.
Section il'Aiiiifiis.
« Amiens, 5 mai 18bT.
« Los travailleurs aiaiénois, membres de l'Association inter-
nationale, saluent avec joie les espérances et les manifestations
pacitiques qui s'aflinnent chacjue jour davantage.
<t Comme leurs frères de Paris et de Berlin, ils s'élèvent avec
énergie contre les horreurs que ferait surgir une guerre entre
la France et l'Allemagne. Ils savent que c'est du meilleur sang
des travailleurs que s'arrosent les champs de bataille, sur les-
quels ne croît jamais que le droit du plus fort, et préfèrent au.K
lauriers stériles d'une gloire douteuse et inhumaine, les fruits
féconds de la paix.
« La guerre, cet apanage des temps barbares, aurait, aujour-
d'hui surtout, les conséquences les plus funestes. Elle ne ferait
«{n'apporter une diversion fâcheuse aux problèmes économiques
et sociaux que les peuples cherchent avec ardeur à résoudre, et
reculer pour longtemps peut-être une solution qui s'impose aux
classes laborieuses de toutes les nations dont les intérêts sont
partout solidaires.
« Les travailleurs soussignés ont conscience de faire acte
de patriotisme et d'humanité en opposant aux excitations bel-
liqueuses d'un chauvinisme arriéré une énergique protesta-
tion.
a Paul GAHUELLE, ajusteur ; R\oul GARUELLE, mou-
leur ; A. LUGAN, ébéniste; J.-B. TASSENGOURT, mé-
gissier; A. MARGHAND, mouleur; 0. ROHANT, mé-
gissier ; E. SLNET, cordier ; J01JRDAL\, mégissier ;
VIMEUX, peigneur. »
En dépit de toutes ces déclarations, la situation de la section
d'Amiens était des plus précaires : témoin la lettre écrite
le 7 mai, par son secrétaire-correspondant, où nous trouvons
ce passage signiticatif :
KT LE JACOBlNlb.MK. 2i'-
K Le bureau d'Amiens a bien de la peine à se constituer [tar
suite du petit nombre, de l'insuflisance des éléments et du peu
de zèle de cpielques-uns. »
Il ajoutait : « Les jours '1^ réunion ont cependant été lixés ;
le règlement particulier du bureau de Paris a été adopté. Le
chiffre ou droit d'admission et de la cotisation hebdomadaire est
le même que celui qui avait été spontanément adopté. .. Vous
avez reçu une adresse en faveur de la paix émanant du bureau
d'Amiens. J'ai cru ({u'il était l>on que lapj'ise de possession d'A-
miens par Vlntovnnliunah' lut al'lliniée ouvertement et avec un
certain éclat. Ne l'audrail-il pas que le Courrior français el les
autres publications à notre disposition reproduisent cette mani-
festation? Notre bureau ne compte encore que douze adhérents;
prochainement aura lieu le choix définitif de la commission et
des correspondants. »
Désormais l'activité de ce bureau ne se révèle plus (jue par
quelques actes isolés, tels que : adhésion au banquet commémo-
ratif organisé , le 14 juillet 1867, par la section de Paris, demande
de statuts, appel en faveur de la g'rève des ouvriers teinturiers en
coton d'Amiens.
Il ne put se l'aire représenter au congrès do Lausanne : son
organisateur, le citoyen Petit, était forcé d'avouer dans deux let-
tres successives écrites à Ghémalé (22 août et 4 décembre 1867)
que le bureau d'Amiens n'avait pris aucun développement, et
qu'il serait difficile qu'il se recrute parmi la population ouvrière
de cette ville, a l' abrutissement, l'ivrognerie générale des
travailleurs rendant le progrès des idées très-lent, pour ne pas
dire impossible. »
Plus tard ses membres songèrent à organiser une société coo-
pérative de boulangerie et un cercle du Progrès social; mais par
suite du veto administratif,ce projet ne put être mis à exécution,
et les poursuites exercées contre le bureau de Paris vim-ent com-
pléter la désorganisation d'une section qui ne fut jamais d'un
puissant secours pour propager les idées et les doctrines de l'In-
ternationale '.
1 Dès le mois de juin. Paul Caruelle avait été nommé secrétaire correspondant
du bureau d'Amiens.
226 L ' 1 N T E 1 V N A 1 1 U N A L K
NEUFCHATEAU.
La section de Neulchâteau est toujours restée stationnaire.
Constituée dans les premiers jours de 1867 à l'instigation
du citoyen Emile Lefebvre, elle n'a jamais compté que huit
membres dont les cotisations étaient adressées au bureau de
Paris, chargé de les faire parvenir au conseil central de Lon-
dres.
CHOLLET (Mahie-et-Loire).
Des tentatives d'affiliation à l'Internationale avaient eu lieu
dans cette ville par les soins du nommé Barré, secrétaire de la
société d'épargne et de crédit des ouvriers tisserands ; le nou)-
bre des adhérents recrutés dut être des plus insignifiants, la
soction de GhoUet n'ayant jamais donné signe de vie.
LisiEUx ((^alvados),
La ville de Lisieux, qui compte six mille ouvriers environ,
a toujours été un des centres les plus actifs de l'Internatio-
nale. En 1866, elle était parvenue à y étabhr une section dont le
citoyen Duhamel avait été nommé secrétaire correspondant. Le
bureau de Paris avait été chargé de donner à ce dernier tous les
renseignements nécessaires pour l'organisation de ce nouveau
groupe. A chaque adhérent, écrivait Fribourg à Duhamel, vous
demanderez son nom, sa profession, sa demeure, et vous le por-
tere sur un livret spécial ainsi que le numéro matricule de la
carte, et sur la carte vous n'aurez qu'à mettre le nom de l'adhé-
rent ainsi que la somme qu'il a versée.
La section de Lisieux échangeait à cette époque une corres-
pondance des plus actives avec Eugène Dupont. En 1867, Duha-
mel adressait au Conseil général un état sommaire de la situation
et des ressources pécuniaires de la section.
Elle périclita après les poursuites dirigées contre les interna-
tionaux parisiens, mais rintcrnationnlp n'en a pas jnoins ton-
i;r m: ,iA<;r)i!i n i s mh :;-2''
jours (^oas(M'V(' (l(^ iiciinhi'ouscs raiiiilications dans (•elle villi' iii-
(lusli'icllo, ot aujourd'hui oucoi'e elle y coiuijIo des adliôrenls par
centaines.
Nous devons ajouter qu'au mois d'avril 1871 l'inteiiiatioualc
a essayé de provoquer des soulèvements parmi la population ou-
vrière de Lisieux ; que la présence de ses agents y a été constalôe,
mais (lue tous les efforts faits par eux pour y faire proclamor
une commune révolutioiuiaire sont demeurés sans résultat.
CAEN.
Pendant longtemps l'Internationale a été représentée à Oaon
par le citoyen Edouard Talbot, devenu au mois de février 1871
rédacteur du journal le Franc-Parleur do Caen el condamné
récemment pour délit de presse à une année d'emjn'isonne-
ment.
Nommé secrétaire correspondant de la section de Caon, il
écrivait, en 1867, à Duhamel, de Lisieux, une lettre où l'on re-
marque ce passage :
<c M. Fribourg, graveur à Paris, m'a fait savoir que vous êtes
correspondant de l'Internationale à Lisieux comme je le suis
moi-même à Caen Si vo^.^ manquiez de cartes de sociétai-
res, je suis à même de vous en envoyer. »
ce <Si'^;2é; TALBOT. »
NEUVILLE-SUR- SAONE (RhÔnc).
L'Internationale s'était implantée à Neuville dès les premiers
jours de l'année 1866 ; elle y avait étabh une section forte de
six cents membres ; Eugène Benière en avait été nommé secré-
taire correspondant \ C'est en cette qualité qu'il écrivait,
le 14 juin 1867, au citoyen Ghémalé de Paris pour lui annoncer
qu'une section de l'Internationale venait d'être constituée à Tour-
non (Ardèche). Plus tard, le 4 décembre 1869, Varlin lui notifiait
officiellement la constitution de la fédération parisienne et la no-
mination de ses secrétaires correspondants.
Nous retrouvons le citoyen Eugèno Benière dans une réunion publique
i:<0 l.'INTF.rîN AT[O\■.\Î.F
FLEURIEU-S(;R-SA0NE (Rhône).
L'Internationale comptait encore des adhérents à Flenrien, pe-
tite commune des environs de Neuville : elle y était représentée
f/jciellement par Louis Baudrand.
TOUR NON (Ardèche).
La section de Tournon a été organisée, le 10 juin 1867, par
deux délégués de Lyon et Neuville, Albert Richard et Benière.
Elle comprenait un noyau de quarante-cinq membres, tous ou-
vriers imprimeurs sur étoffes.
Baudrand et Benière s'empressaient de télégraphier ce résul-
tat au bureau de Paris; ils réclamaient l'envoi de carnets afm de
pouvoir remettre à ces nouveaux sociétaires une pièce niithonti-
que établissant leur titre d'adhérents à l'Internationale.
« Par notre active propagande, écrivait Baudrand à Varlin,
le 15 juin 1867, et les connaissances que nous faisons tous
les jours nous sommes invités par une quarantaine d'amis de
Tournon à les former en section de l'Association interna-
tionale le 10 juin. Etant dépourvus de tout titre international,
je viens vous demander l'envoi de 50 carnets de l'Interna-
tionale.
« Salut et fraternité,
a Louis BAUDRAND »
Le 14 juin suivant, Benière rendait compte en ces termes à
Chémalé de son voyage à Tournon :
a Nous avons réussi à jeter les premiers fondements de
électorale tenue, le "l avril 1870, à Neuville, traitant la question de l'organisation
dans l'agriculture du crédit mutuel et liLre pour li^s travailleurs pauvres afin de
leur permettre d'acquérir l'outillage. [1 ajoutait que, dans tout programme poli-
tique, il est certaines questions dont la solution ne peut être l'œuvre que des
intéressés, telles que l'organisation du travail, ses rapports avec le capital, le
libre échange, ainsi que le fonctionn-îment du crédit et de la mutualité parmi
les travailleurs {Progrès de Lyon, 6 avril I870u
Kl LK ,IAt:OUINlSM i;. 231
notre œuvre avec un succès au-dessus de nos espérances, eu
égard aux mœurs et à l'état des esprits de ce pays.
alla été formé un conseil qui nous donne la certitude, par sa
composition comme hommes, d'une grande extension de nos
principes, dans un avenir très-prochain.
« Nous leur avons remis des cartes d'adhésion de la section
lyonnaise dont les délégués avaient eu le soin de se pourvoir à
cet effet.
« Pour la section de Neuville,
-c Eugène BENIÈRE
« Secrétaire correspondant. ><
Quelques jours plus tard, Baudrand adressait à Chémalé une
lettre du président de la section de Tournon, avec prière de la
faire insérer dans le Courrier français, en évitant toiitetois d'-
compromettre le président. %
Il recommandait à Chémalé d'écrire à ce dernier une lettre
bien assaisonnée d'énergie .
Nous devons ajouter qu'au congrès de Lausanne (séance
du 7 septembre), une protestation contre un acte arbitraire de
la police de Tonrnon était déposée sur le bureau du congrès
])ar les délégués Palix et Schettel de Lyon, Chassin, de Ville-
i'ranche, Rnbaud, de Neuville-sur-Saône et AHIoud, de Vienne.
Voici les termes de cette protestation :
« La section de Lyon a a se plaindre d'un abus de pouvoir
de la part d'un commissau'e de police de Tournon (Ardèche).
■i Ce monsieur, ayant appris qu'une section se formait dans
cette localité par l'intermediau'e de la section de Lyon et des
sections voisines, s'est permis de faire arrêter le citoyen
Richard^ délégué lyonrjais. Mais après diverses explications
fournies par ce dernier, le commissaire a pourtant eu la cour-
toisie de le relâcher. Ouehpies jours après, il faisait compa-
raître devant lui les adhérents de Tournon et leur faisait
déposer leurs cartes. Donc, abus de pouvoir.
« C'est pour ce motif que le délégué Palix et ses cosigna-
taires réclament du congrès ime protestation énergique con-
tre un employé d'administration qui, en outre-passant son
2S2 L'IXTF.RNATIONALK
mandat, a paralysé l'initiative individuelle et les intérêts mo-
raux et matériels d'un nombre important de citoyens. »
Le Congrès, à l'unanimité, déclare se joindre à la protestation
formulée dans cette pièce.
ROUBAIX.
En 1867 , loi-S de la grève des ouvriers roubaisiers,
Charles Lécluse, demeurant à cette époque, rue de Beaunard,
au Grenadier-Français s'occupait activement de la constitution
d'un comité. Quelques extraits des lettres qu'il adressait à cette
époque aux membres du bureaju de Paris ne peuvent laisser
aucun doute à cet égard.
Ainsi, dans les premiers jours d'avril, il faisait connaître à
Chémalé son intention d'organiser à Roubaix une section de
l'Internationale.
tt Nous avons l'intention, écrivait-il, de fonder une association
ici ; depuis dix-huit mois une petite réunion d'amis a lieu sous
le titre Association bibliophile ; nous avons pour prétexte
une bibliothèque en cas de malheur. J'ai proposé aux amis
qui font partie de celte réunion d'établir une section, d'adopter
votre règlement, suivre vos principes de solidarité et de nous
tenir la main en toutes circonstances. Nous ne recevrons dans
notre association que des amis de notre sentiment. La liberté
et la solidarité, voilà notre devise...
a Votre frère,
« LÉCLUSE. »
« 15 avril 1867.
(i Nous sommes en train de constituer un comité, mais comme
nous ne sommes pas très au courant de ces sortes de choses,
nous voudrions que vous nous fassiez parvenir immédiate-
ment les renseignements nécessaires, ainsi que vos statuts et
règlements.
« Je suis allé à Lille voir des amis qui m'ont aussi promis
leur aide.
l'.T l.!: ,1 \ (;<>i:i\lS M !•:. 233
Cl J'ai vu M. Ma/urc, l'édaclt'ui- en clu'l'dii l'i-oiji-rs du .'S'ord,
qui m'a promis toute sa satisfaction à cet égard, s
Le 20 avril, ilinibrmeChémalé ({u'aussitôtlo comilô constitué,
il enverra les noms et adresses des amis qui en font partie. Il
ajoute qu'il fera tous seseffoi'ts pour les faire abonner au (lour-
l'iev français, afin (//l'ils piiisscjif /jrondrc avis dos Ijcanx ar-
ticles qu'on y rencontra souvent et (/u'on a tant de plaisir à lire,
principalement ceux de MM. Vermorel et Duchêne {sic).
Le 21, il lui réclame instamment l'envoi de statuts jwo«7' /;o//-
Yoir organiser leur association sur la même échelle c/ue la leur.
Beaucoup d'amis de Lille et do Rouhaix, lui écrit-il, sont très-
contents de faire une association.
Le 4 mai, il lui annonce que le ministre de l'intérieur vient
d'appeler sur lui l'attention du préfet du Nord et que le com-
missaire central de Roubaix a été cliargé de procéder à une en-
quête sur son compte.
Il ajoute : « Quant aux carnets, règlements et statuts que
vous m'avez envoyés, je n'ai rien reçu. Vandal aura sans doute
agi en cette circonstance; car c'est de là le rapport du ministre ;
nous reprendrons notre revanche un jour, Vandal sois-en
sûr nous ne t'oublierons pas. ->
Les 11, 22 et 28 juin, nouvelles lettres de Lécluse
à Chémalé pour lui rendre compte du résultat de ses efforts et
de sa propagande.
« 1 1 juin 1S67.
« Dimanche, 9 courant, j'ai été voir de nouveau M. Mazure; il
est enthousiasmé de l'Association internationale. Je crois qu'il
se décidera à former un bureau à Lille. »
« 2^2 juin 1867.
« Notre petit comité s'organise très-bien ; j'espère que nous
réussirons à établir une section à Roubaix. Ces messieurs de
2S4 L'INTERXATIONA L F,
Lille sont, d'avis de commencer, je leur ai remis un carnel et
des statuts. Je crois que M. Mazure s'en occupera ; il est pos-
sesseur de la lettre par laquelle vous demandez de nous rrunir,
les villes de Lille, Tourr.oins: el, Houbaix.
•< -18 juin 1867.
« M. Mazure m'a promis d'insérer toutes les correspondances
qu'on voudrait bien lui envoyer ; vous pouvez expédier de nou-
veaux carnets.
" Nous sommes une douzaine pour le comité. Adressez les
carnets chez notre secrétaire Philippe Paul, 48, rue de Tour-
coing.
« Pour le comité,
" LÉCLURE. .
LE HAVHK.
Au mois d'avril 1867, un ouvrier de l'imprimerie Fournier, le
nommé Lefebvre, signalait aux membres correspondants du bu-
reau de Paris, la présence au Havre d'un groupe d'ouvriers dis-
posés à adhérer à l'Internationale. Il demandait l'envoi de sta-
tuts et la marche à suivre pour constituer une section. Nous ne
pouvons indiquer si ce projet a été réellement mis à exécution.
ANNEXES
PIÈCES ET DOCUMENTS J[JSTIFICATIFS
Toutes oes pièces ont été classées en suivant l'ordre dans lequel
elles ont été citées dans l'ouvrage.
ANNEXES
PIÈCES IT DOCUMEINTS JUSTIFICATIFS
PIÈCE A.
LIGUE INTEKNATIONALE DU UESAHMEMENT,
ha. cause première de la guerre,
c'est l'armée.
u Considérant :
« Que l'axiome : Si vis paccin, pnvn bolhnii (Si vous voulez la
paix, préparez la guerre) a jusqu'ici reçu des événements le plus
complet démenti;
« Que les armées permanentes, loin d'être un gage de sécurité
pour chaque nation, sont, au contraire, devenues, par suite de la
surexcitation belliqueuse qu'elles développent chez l'homme enrégi-
menté, une occasion de conflit, un défi continuel jeté aux nations
voisines;
« Que ce système d'armement tend à faire prévaloir l'idée de
/b/'ce sur l'idée de (iroiY;
« Qu'au point de vue politique, la paix armée, fausse dans son
principe, funeste dans ses résultats, a pour conséquence immédiate
de déterminer chez tous les peuples un armement excessif ;
« Que, d'une part, un tel ordre de faits ne pouvant se continuer
sans amener la ruine des peuples, et que d'autre part, ces efforts
ayant trop coûté aux nations pour qu'on puisse les déclarer inutiles,
la conquête devient l'idéal de chaque armée ;
« Qu'au point de vue économique, l'homme arraché violemment
à la vie sociale, aux habitudes du travail, livré sans réserve au
culte de la force, revient difiicilement à sou premier état ;
038 L'INTERNATION ALL:
« Qu'ainsi, uou-seulcmcat ce système arrête la production dans
le présent, mais encore l'entrave dans l'avenir;
(' Considérant, en outre, que si, dans l'état actuel de l'Europe, il
est des circonstances où la justice, la liberté, la dignité et l'indé-
pendance nationales ne peuvent trouver de sanction que par les
armes, les milices nationales offriraient en cas d'agression, par la
levée en masse et l'élan spontané des citoyens, plus de garanties
jiour la sécurité des peuples que le militarisme professionnel, (pjii
consomme en pure perte les ressources de la nation,
« Les soussignés déclarent :
(( Réprouver énergiquement le système actuel d'armement qui,
faisant de la guerre un métier, rend la guerre inévitable;
« Protester contre les armées permanentes et réclamer, comme
moyen transitoire, l'organisation des milices nationales, moyen le
plus eflicace de détruire à tout jamais la prépondérance de la force
brutale sur la puissance intellectuelle et morale des peuples.
« Désarmement général, organisation des milices. Telle est la
devise inscrite sur notre drapeau. »
COMMISSION h INIllATIVK.
France. — MM. Ch. Beslay, propriétaire, 11, rue Oberkampf;
— E. Fribourg, graveur-décorateur, 44, rue des Gravilliers; — E.
Chémalé, dessinateur, 64, rue de l'Ouest ; — H. Tolain, ciseleur,
24, rue Saint-Lazaie ; — P. Gautier, bijoutier-employé; 4, rue
Sainte-Opportune; — G. Laplanche, sellier-carrossier, 1, rue
Gauthey.
Allemagne. — MM. Schily, avocat, 4, rue Saint-Quentin; ~-
Hugo Rothschild, négociant, 54, rue Lafayette.
Angleterre. — M. Cowell Stepney, 6, Witton Terrace, Palace
Rood, London.
Belgique. — M. Louis Debock, typographe, 5, rue Vincent.
Hongrie. — MM. Pompéry, 41, rue des Acacias ; — Karoly Dras-
kulcs, 47, rue des Acacias.
Danemark. — M. L. Petersen, fourreur.
Russie. — iNL Reinfeld, ébéniste, 18, rue d'Aval.
Suède. — M. Wollin, tailleur, 14, rue d'Argenteuil.
Suisse. — M. Antoine Muller, Zurich.
Les souscriptions, ainsi que les listes d'adhésion, sont provi-
soii'ement reçues, 54, rue Lafayette, chez M. Hugo Rothschild.
Lé versement minimum unique est iixé à 10 centimes *.
' Celte ligue u'était que la mise en pratique des résolutions adoptées contre le?
armées permanentes par le congrès de Genève.
ET LF. .lACOBINISME. 239
il
AS SOCIATION INTERNATIÛNALB DES TRAVAILLEUnS
(Bureau de Paris.)
« 26 avril 18b7.
« Ouvriers de Berlin,
<' Nous avons reçu avec joie votre salut pacifique; comme vous,
nous ne voulons que la paix et la liberté.
" Comme citoyens, sans doute, nous aimons la mère-patrie ;
mais quand l'esprit du passé essaye d'éterniser les préjugés, quand
les adorateurs de la force veulent réveiller les haines nationales,
ouvriers, nous n'oublierons jamais que le travail qui nous fait tous
solidaires ne peut se développer que par la paix et la liberté. •
a 11 ne s'agit point de décider par les armes la nationalité d'un lam-
beau de territoire, mais bien de réunir nos efforts pour y faire
régner l'équité.
« N'avons-nous pas à combattre assez de causes de misères, de
souffrances, assez de malheurs immérités, sans aller de nos pro-
pres mains détruire et dévaster ; laissant le champ on friche, la
machine inerte.
« Vainqueurs ou vaincus nous n'en serons pas moins victimes.
« Le travail, c'est le devoir et le droit. C'est la loi de l'homme
moderne.
a La guerre entre peuples ne peut être considérée que comme
une guerre civile, un recul de la civilisation.
« Ouvriers d'Allemagne ou de France, nous n'avons pas trop d(!
toutes nos forces et de toutes nos énergies pour nous organiser en
vue dli travail et de l'échange.
« Nous voulons la paix et la liberté.
« La paix! pour produire, échanger ensemble.
« La liberté! pour établir entre nous des relations toujours plus
intimes, plus pacifiques; car à mesure que nous nous connaissons
mieux, nous nous estimons davantage.
« Frères de Berlin, frères d'Allemagne ! C'est au nom de la soli-
darité universelle, invoquée par ÏAssocialiou iniernulionale, que
nous échangeons avec vous le salut pacifique qui cimentera à nou-
veau l'alliance indissoluble des travailleurs !
« Pour la commission parisienne .
« Les covresporiclatits : TOLAIN» FRIBOURG, VARLIN. »
-240 L ' 1 N T !•: 1 ; N A T 1 1 > N A L, L
III
LES SECTIONS DE LYON ET DES ENVIRONS , DE L ASSOCIATION INTERNA-
NATIONALE, AUX TRAVAILLEURS DE RERLIN ET d'aLLEMAGNE.
« Frères!
« Encore une fois, l'Europe s'ag-ite épouvantée dans la crainte
d'une guerre entre deux des peuples les plus puissants et les plus
avancés de la terre. De l'un et de l'autre côté du Rhin, des cris de
cannibales se font entendre ; on cherche à réveiller ces vieilles et
absurdes rancunes nationales qui ont toujours fait le malheur
des peuples. Jusq\i'à quand donc serons-nous les jouets du pré-
jugé? jusqu'à quand donc laisserons-nous nos fils et nos frères
aller engraisser de leur sang et de leurs os le terrain des champs
de bataille, pour y faire germer le despotisme et la misère?
« Elevons nos voix et nos cœurs, travailleurs d'Allemagne qui
souffrez des mêmes maux et réclamez les mêmes droits que nous ;
que le monde entier sache bien que ce n'est pas nous, nous la por-
tion la plus nombreuse et la plus utile de la population, qui vou-
lons la guerre. Et par-dessus les ambitions des grands, les colères
des lâches et le fanatisme des ignoi'ants, tendons-nous la main en
jetant un cri de réprobation qui soit un jour notre signal de rallie-
ment dans le champ fertile de la solidarité.
« Albert UICHAIID ; Louis FAURE; A.-P. BLANC; SCHET-
TEL; Louis PALIX; DOUBLÉ; BENIÈRE »; BAUDRAND ;
MARCHEVAL °-. »
PIEGE B.
ASSOCIATION internationale DES TRAVAILLEURS.
(Branche française de Londres.)
" Aux révolutionnaires !
(' Le meeting commémoratif des glorieuses journées des i2-2, 28
et U février 1848 aura lieu le lundi, 24 février 1868, à Cheveland
Street, Fitzroy square, à huit heures du soir.
' Butiiére remplissait les fonctions de secrétaire correspondant de la section de
-Neiiviile-sur-Saône.
- Uaudrand était secrétaire correspondant de celle de Ileurieu-sur-Saùne, Mar-
cheval, tisseur, quai de Gère, iJ, de celle de Vienne (Isère).
KT l.K .1 ATOI! IM SMK. 241
[>es riloyciis de tous pays, nmis de la l'évolution, sont invités à
y .issister. — Entrée libro.
.. Si;j„r : KudKNK DUPONT. BKSSON,
LE l.UBEZ, etc., etc. »
l'IÈGE C.
PROTESTATION DU (illOljl'K (■F;m;vOIS CONTUK I,KS JUr.KMEXT'ï PF.c. DF.IX
PHEMIÈRES COMMISSIONS I)i: HUREAU UK PAIllS.
" Ouvriers !
'( Le lu juin, les membres du bureau de l'Association interna-
tionale de Paris ont vu confirmer le jugement du 20 mars, qui les
condamne définitivement à trois mois de prison et 100 francs d'a-
mende, pour avoir aidé et secouru leurs frères, les ouvriers de
Genève, en temps de grève, et, comme le dit l'arrêt de la Cour,
pour avoir eu pour but l'amélioration de la condition de tous les ou-
vriers, sans distinction de nationalité, par la coopéi'ation, la pro-
duction et le crédit.
« Cet arrêt est une déclaration de guerre aux idées sociales et
aux principes de la Révolution de 89, comme l'ont très-bien dit
les accusés Varlin et Combault dans leur défense.
« Apparemment, on ne se gène plus! On a jeté le masque et l'on
nous dit franchement : Nous vous croyons sincères, moraux, sé-
rieux ; mais nous ne pouvons admettre que vous preniez en main
le maniement de vos affaires, que vous étudiiez votre position
et que vous aspiriez à la solution du grand problème : l'établisse-
ment de l'ordre, de la justice, de l'égalité et de la fraternité dans
l'humanité.
X Cet arrêt monstrueux , qui s'appuie sur une loi tombée en
désuétude, n'a rien qui doive nous étonner de la part de gens qui
se sont agenouillés devant tous les pouvoirs ; aussi nous di-
sent-ils :
« Vous autres ouvriei's , vous êtes esclaves et vous i-esterez
esclaves; car tel est notre bon plaisir. C'est une loi naturelle que
le riche exploite le pauvre, ({u'il vive à ses dépens. »
« Ouvriers,
« En face de tels procédés, quel est notre devoir?
« Certes, d'invoquer d'abord contre les actes d'une telle magis-
trature l'indignation publique, d'en appeler à tous les hommes hon-
nêtes, sans exception de parti , puis de prouver, par un surcroit
d'énergie, ijuc nous ne sommes pas les indignes confrères de
16
-'42 1/ 1 N T E H X A T 1 0 N A L E
ces défenseurs héroiqurs de la cause du iicuplc, et .[iie iiou .^ nu les
laisserons pos seuls sur la Jjrèchc. Noti-e honneur, surtoul à nous
ouvriers de Genève, est enyagé : monlrons par l'action que la
fraternité chez nous n'est pas une vaine parole, et que nous
sommes dignes d'appartenir au grand parti social, au parti de la
régénération de l'humanité.
* Au nom du comité central des sections de la Suisse Homandc.
e Le présidcul : GRAGLIA (François) ; *
« Le sccfcUtirc r/éncral : PERHET (Henri).
« Genève, o juillel 18U8. 5>
PIECE L).
I
J.ES RÉUmONS FLBMOUES de 18l3'J appréciées far les l.NTEKNAilONAUX.
(CovrespondHucc pnrticuliève do 7'Egalité.)
« Paris, le 9 février 1869.
« Le mouvement social prend chaque jour plus d'extension et plus
d'intensité parmi notre population ouvrière. Les réunions publiques
pour la discussion des questions économiques augmentent en
nombre de jour en jour et sont de plus en plus fréquentées, en
même temps que le besoin de groupement qui, chaque jour, se fait
sentir davantage chez les travailleurs, entraîne la formation de
nouvelles sociétés dans toutes les professions qui jusqu'alors n'a-
vaient pas encore songé à se solidariser.
« En présence de ce mouvement presque magique qui s'empare
des masses pour les porter en avant vers la recherche des améliora-
tions sociales, les socialistes sentent s'affermir leurs espérances et
redoublent d'efforts pour satisfaire à leur mission régénératrice.
« Les orateurs doivent se multiplier pour satisfaire aux discus-
sions des plus intéressantes, mais des plus ardues que l'on ne
craint pas de mettre brusquement à l'ordre du jour, sans se pré-
occuper de savoir s'il se trouve dans le public des hommes assez
instruits et assez dévoués aux intérêts du peuple pour apporter à
la tribune des renseignements suffisamment complets sur la situa-
tion, et des propositions de solution aux vices de l'organisation
économique qui pèse sur nous.
K La génération actuelle, élevée sous un régime d'obscurantisme
complet, est avide d'apprendre, et la gravité des circonstances qu
HT l.K .1 AC.Oin.NlSMK. 243
se préparent fait (ju'elle veut savoir de suite. Aussi, voyons-nous
poser simullanémcut à l'ordre du jour presque toutes les cpiestions
économiques qui, dans leur cnsemMe, oonstituent la ({uesfiou
sociale.
« Il suffit, pour montrer l'importance de ce mouvement, d'indiquer
les principaux ordres du jour des réunions publiques. Les voici :
« Des privilèges; de l'hérédidé ; des chômages; des monopoles ;
salariat et paupérisme ; des patentes ; de la société de Jésus,
considérée comme corps enseignant ; de l'éducation et de l'instruc-
tion ; des chambres syndicales ouvrières; de l'inlérèt du capital;
communisme et mutualité ; du paupérisme ; de l'assistance publi-
que ; de la lutte de l'homme dans la nature et des moyens de la
continuer ; salariat et propriété ; droits et devoirs des individus
dans la société moderne, etc.
« Malgré les restrictions de la loi sur les réunions et la présence,
dans chacune d'elles, de l'autorité sous la figure d'un commissaire
de police, accompagné d'un secrétaire et d'un sténographe, les
orateurs, soutenus d'ailleurs par le sentiment des assemblées,
n'ont pas hésité à porter la discussion sur son véritable terrain,
c'est-à-dire n'ont pas craint d'examiner la (Question sociale dans
son ensemble et d'attaquer les principes constitutifs de l'organisa-
tion actuelle.
« Il est vrai que leur audace a déjà valu à plusieurs l'avantarjc
d'aller soutenir leurs doctrines devant la correctionnelle, pour de
là aller prendre quelques mois de repos à Sainte-Pélagie ; mais en
somme le résultat obtenu est satisfaisant, la loi s'avachit, et le pu-
blic prend goût à la libre parole.
« Les oreilles des commissaires commencent à s'habituer à toutes
ces théories malsaines, à toutes ces idées subversives de liberté,
d'égalité, de mutualité, de fraternité, de communauté, etc., qui tout
d'abord déchiraient le tympan, et ^naturellement ils se relâchent.
« Mais si les commissaires, obligés d'entendre répéter ces choses
tous les jours, ont pu s'y habituer, il n'en est pas de même de nos
lionorables du Corps législatif, qui n'en ont entendu que les échos
répercutés par le Pays, des Cassagnacs. Aussi, se sont-ils empres-
sés, aussitôt l'ouverture de leur réunion publique, de demander à
interpeller le gouvernement sur l'application de leur loi.
« L'affaire promettait d'être grave; on s'attendait à de nombreuses
récriminations de la part de nos députés satisfaits ; on croyait même
qu'il serait question du retrait de la loi. Il n'en a rien été. Les au-
teurs de l'interpellation ont simplement demandé que l'on fût plus
rigide envers les orateurs des réunions ; le ministre de la justice
a promis des sévéï'ités, et la gauche démocratique et libérale, par
la voix de M. Pelletan, a fait cette déclaration : « On a demandé au
gouvernement des poursuites plus fréquentes ; le gouvernement
24 'i T. ' I N T !•; H N A T I () N A L li
les a promises. La question ainsi i)Osée ne regarde pas le parti de
la liberté. »
« Nous ne nous attendions pas à mieux de la part de nos députés
i-épublicains. Bourgeois de la gauche ou de la droite se valent,
nous le savons depuis longtemps : lorsqu'il s'agit de leurs per-
sonnalités, lorsqu'il s'agit d'avoir la direction des affaires publi-
ques, ils se font la grande guerre; mais dès qu'il y. a des socia-
listes à condamner, ils sont d'accord.
i< P.-S. Dans quelques jours je vous enverrai une lettre sur les
sociétés ouvrières. »
(Autre conespumlance. j •
« Paris, le 10 février 1869.
« Depuis que VEgalitê nous a l'ait connaître la grève de Bàle, nous
nous sommes occupés d'organiser une vaste souscription pour ve-
nir en aide à nos frères bâlois, frappés parla vindicte des patrons.
D'ici quelques jours nous espérons commencer à leur envoyer
quelques secours, et nous continuerons à les soutenir tant qu'ils
auront besoin de notre aj)pui.
« Hier, lundi, à la réunion publique de 13elle\^lle, le citoyen Héli-
gon, membre de l'Association internationale, a porté à la connais-
sance de l'assemblée la grève des ouvriers de Bàle et tous les faits
y relatifs.
c L'assemblée a appris avec autant de surprise que d'indignation
la conduite inique des patrons, car, jusqu'alors, nos nombreux
journaux, qui tous prétendent, plus ou moins, s'occuper des inté-
rêts du peuple, s'étaient bien abstenus de mentionner cette grève,
sans doute pour ne pas avoir à signaler le rôle odieux que les pa-
trons y ont rempli.
<' Après l'appel chaleureux du citoyen Hcligon, il a été fait immé-
diatement une collecte qui a produit 135 francs ; il a été en outre con-
venu qu'à chaque réunion on lecevrait des cotisations tant que du-
rerait la grève. f>
KÉîtalUé. 1.3 février 1869.)
I
LE RÉSULTA r DES ELECTIONS DE 1869, AP1>RÉC1É PAR LES LXTERN.VriO-
NAUX. — RÉCIT DES TROUBLES QUI ÉGLATKHEXT A CETTE ÉPOQUE A
PARIS.
« Paris, le 1^ juin 1869.
« Le résultat du premier tour de scrutin électoral avait surpris
tout le monde en France. La majorité écrasante donnée au radica-
KT. \.K .l.\ C. Oni NISMK. 2^1 :.
lisme à Paris et dans les villes eu môme k'iniis ([ue l'éiîliec pres-
que général des libéraux, accusait très-nettement la situation : d'un
côté les irréconciliables, la révolution ; de l'autre, les conserva-
teurs, le stutii quo. Toutes les nuances intermédiaires, tous ces
hommes à trempe modérée, tous ces politiques aux i)etits moyens
qui veulent concilier l'eau et le feu, la paix et la guerre, la liberté
cl l'autorité, la souveraineté du peuple et l'empire eniin, tous ou
presque tous avaient échoué.
« Ce résultat aussi stupéfiant qu'imprévu a pu effrayer bien des
gens; pour nous, socialistes et radicaux, amis des situations net-
tes, il nous satisfaisait grandement.
« Mais il restait un assez grand nombre de sci'ulius de ballottage
4 faire, soixante environ pour toute la France. La lutte recommence
aussitôt. Cette fois la situation s'accentue encore, à Paris surtout.
Les candidats officiels arrivés troisièmes et quatrièmes au pre-
mier tour s'effacent et la lutte s'engage entre républicains modérés
et républicains- radicaux. Le gouvernement se trouve dans cette
piteuse alternative, ou d'abandonner complètement la lutte et de
laisser ses ennemis s'entre-dévorer, ou de prendre fait et cause
pour les moins dangereux.
« Le gouvernement n'hésite pas, il fait voter tous ses amis, ses
employés, ses sergents de ville et municipaux pour Jules Favre el
Garnier-Pagès, les chefs de l'opposition démocratique au derniei"
Corps législatif , que la population parisienne veut repousser
maintenant comme trop doux et que les socialistes combattent a
outrance à cause de leur haine bien connue pour le socialisme.
'« Grâce à la coalition officielle, cléricale et libérale, les radicaux
sont battus sur toute la ligne à Paris, mais ce n'est pas sans réunir
d'imposantes minorités. L'ancienne opposition rentre triomphante
au Corps législatif. En somme le gouvernement est toujours le
plus battu.
« Dans les départements, on avait espéré que tous les ballottages
seraient à l'avantage de l'opposition; il n'en est rien. Le gouverne-
ment est tellement tombé dans la déconsidération publique, il est
tellement avéré que l'empire est usé et qu'il va s'écrouler d'un mo-
ment à l'autre, que les partis politiques au lieu de se liguer contre
lui, comme en 1863, préfèrent se disputer l'honneur de lui porter les
derniers coups et cherchent à prendre position pour profiter de la
débâcle. Aussi, de même qu'à Paris, le gouvernement battu au
premier tour avait appuyé les libéraux contre les radicaux au
deuxième, de même dans plusieurs départements les libéraux ont
fait cause commune avec le gouvernement contre les radicaux.
Malgré tout , plus de trente députés opposants sont nommés au
deuxième tour de scrutin.
« Pour nous l'important n'est pas tant d'avoir beaucoup de
o'iC, L'INTERNATIONALE
dépulés ojjposants, mais bien d'avoir des opposants qui nous repré-
sentent, ou tout au moins ne soient pas nos ennemis. Les gens do
l'union libérale sont pour nous aiissi dangereux que l'empire ; nous
les avons vus à l'œuvre après juin en 48. Nous devons les com-
battre par avance, il vaut mieux retarder un peu la chute de l'em-
pire et que du mémo coup nous puissions abattre toutes les préten-
tions monarchistes et parlemcntaristes.
« Maintenant que je vous ai parlé des manifestations légales et ré-
gulières, passons aux événements singuliers dont Paris a été le
théâtre cette semaine.
« Quelques jours avant le scrutin de ballottage, le bruit s'était déjà
répandu que le 7 juin, au soir, la police se proposait de profiter de
l'émotion que le résultat du scrutin, bon ou mauvais, ne pouvait
jnanquer de produire pour tenter un coup, provoquer les citoyens,
frapper et disperser violemment les groupes et procéder à des ar-
restations.
« Quelques journaux s'étaient fait l'écho de ce bruit et avaient en-
gagé les citoyens à éviter tout rassemblement et surtout toute colli-
sion.
« L'avis passa presque inaperçu. Les citoyens ne pouvaient croire
à de pareilles manœuvres. Cependant au comité Rpchefort, aux
bureaux du Rappel et dans divers endroits où la foiile se pressait
pour connaître le résultat du scrutin, des bandes do sergents de
ville armés de coup de poing et massés par cinquante, par cent et
quelquefois plus, se précipitaient sur la foule inoffensive, frappant,
bousculant, et arrêtant les citoyens qui faisaient mine de résister
ou qui poussaient quelques cris. Plusieurs membres du comité
Rochefort qui se trouvaient parmi la foule pour annoncer le ré-
sultat ont été aussi arrêtés.
« L'émotion était grande dans Paris ce soir-là. ]\|ais c'était une
émotion triste. Le résultat du scrutin défavorable aux radicaux et
avec cej^ les bousculades des sergents de ville et les ari^estations
avaient semé la contrariété sur toutes les figures.
« Le^ rues, les boulevards, les faubourgs retentissaient des cris
s^ns cesse répétés de : Vive Rochefort ! Vive Raspail ! Vive 7a Lan-
terne! Plusieurs cafés où ces cris étaient également répétés furent
envahis pqr les sergents de ville, mais non sans l'ésistance de la part
des consommateurs, qui brisèrent les choppes, les canettes et les
tasses sur la tète des agents. Là de nombreuses arrestations furent
encore opérées.
« La provocation de la police était flagrante. Tous les hommes
sérieux regrettaient cette attitude et évitaient de se trouver dans
les mêlées, sentant trop bien où on voulait en venir.
« Après cette soirée passée on pensait que te calme allait se réta-
blir en mémo temps que l'émotion disparaîtrait. C'est ainsi on
RT LE JACOFJINISMi:. 5'i7
clïel qu'il aurait dû en cMre, Oui, mais on complail sans la police.
u Le lendemain et les jours suivants un spcelacle bien plus étiange
étaif réservé aux Parisiens.
« Après la journéo tranquillement passée, le soir, des Landes d'in-
dividus, sortis on ne sait d'où, parcouraient certains quartiers,
chantant la Marseillaise et criant Vive Rochefort! Vivo /;/ Lanlcvno!
Le public badaud avait bientôt transformé ces groupes en masses
compactes et un grand nomljre de jeunes gens naïfs augmcntaien<
vite le nombi'C des tapageurs. Puis revenaient les bris de vitre, de
becs de ga? et de devantures de boutiques, les renv.ersements de
kiosques et même des tentatives de barricades faites sur le boule-
vard Montmartre avec deux ou trois kiosques renversés et quelques
bancs. Enfin la police arrivait.
« Chose étrange, les sergents de ville et les municipaux à pied et
à cheval se trouvaient justement massés bien avant l'heure de
l'émeute dans les quartiers où elle devait se produire. Ils se te-
naient cachés dans la cour d'une mairie, dans les postes ou autres
lieux et sortaient justement quand les dégâts étaient accomplis pour
rétablir l'ordre et arrêter nombre de citoyens attirés par la curiosité
ou môme entraînés par le bruit.
« Comme plusieurs journaux s'étaient plaints de ce que les agents,
dans leur brutalité, négligeaient les sommations légales avant de dis-
pei'ser les groupes, on voulut nous donner la comédie complète.
Alors, des commissaires ceints de leur écharpe et précédant les
gardes de Paris, à pied et à cheval, vinrent faire les sommations
légales, d'avoir à se disperser, aux foules compactes attirées par la
curiosité.
« En présence des sommations, les foules s'écoulaient par les rues
adjacentes et revenaient ensuite, derrière la troupe qui, après avoir
parcouru quelques hectomètres de distance, ne trouvait plus per-
sonne devant elle et devait faire volte-face pour recommencer la
cérémonie.
« Nous n'aurions qu'à rire de la déconvenue de la police dans cette
.affaire si, s'apercevant qu'aucun des hommes d'action ne tombait
dans ses embûches, elle ne s'était décidée à les arrêter chez eux.
C'est ainsi que le jeudi 10 juin, entre 2 et i heures, une vingtaine
de citoyens connus par leur activité et leur énergie ont été enlevés
à leur famille et à leurs occupations ordinaires après perquisitions
faites à leur iloinicile. .. On les accuse de complot contre la sûreté
de l'État.
« Parmi les citoyens arrêtés se trouvent deux membres de l'Asso-
ciation iuleruationale, Héligon et Murât, les membres du comité
Uaspail, deux candidats socialistes, Briosne et Lefrançais, quatre
rédacteurs du Béveil, deux du Rappel et quelques autres citoyens.
u Le soir et le lendemain de ces arrestations le déploienient de
forces devenait plus imposant encore. Cette fois, c'étaient les csea-
o/,s I.'IN IKUNATION AL F.
lirons de ruirassiers ci de chasseurs i[ui (tiiargérenl dans les rues
et sur les boulevards où grondait l'émeute. .Mais, dérision amère,
personne ne résistait et les calèches et voitures découvertes rem-
plies de dames du monde suivaient les escadrons pour voir de près
cette révolution de fantaisie.
« Heureusement l'opinion publique n'a pas été dupe de cette odieuse
manœuvre. Les citoyens n'ont pas pris les armes, ils n'ont pas
fourni au gouvernement l'occasion qu'il demandait de sauver encore
une fois la société, le prétexte qu'il cherchait pour remettre en vi-
gueur la loi de sûreté générale qui lui aurait permis de déporter
sans jugement les citoyens qui le gênent.
« Aujourd'hui le gouvernement est tout déconfit, tout honteux de
l'insuccès de sa tentative ; et le résultat de cette triste cérémonie,
qui a fait mettre en état d'arrestation douze à quinze cents personnes
actuellement entassées pour la plupart dans les casemates du fort de
Bicêtre, se tourne complètement contre lui : les gens les plus pai-
sibles, les plus modérés sont indignés de ces odieuses manœuvi'es.
« Depuis deux jours la tranquillité est complètement rétablie. Les
soldats, qui étaient restés consignés dans leurs^casernes pendant
huit jours, peuvent sortir; les rues reprennent leur aspect ordi-
naire.
« Le Corps législatif est convoqué pour la fin du mois, nous ver-
rons comment le gouvernement expliquera les derniers événe-
ments. >
{Correspondance pai'ticulière de 7'Egalité.)
« Lyon, le 8 juin 1869.
K Nos élections sont terminées ; le second tour de scrutin n'a point
affirmé à Paris une tendance aussi radicale que le premier : Jules
Favre, Thiers et Garnier-Paj,. - ont passé. Considérée dans son
ensemble, examinée sous toutes les formes, la situation générale, au
point de vue démocratique et socialiste, est bien meilleure qu'elle
n'était en 1863. Les esprits ardents qui devancent leur époque sans
tenir compte des obstacles de tout genre qu'il faut renverser, se
montrent eux-mêmes satisfaits.
« Mais, il ne faut pas s'illusionner, l'action du suffrage univei"sel
ne peut pas avoir l'efficacité qui semble lui être inhérente, dans le
milieu ambiant où nous vivons. Un de nos amis de Maiseiile nous
l'écrivait : « Le suffrage universel qui lit la Révolution n'est pas
celui qui fit l'Empire. » Que prouvent ces déplorables fluctuations?
Ellles prouvent que : 1" dans un pays centralisé le suffrage uni-
versel n'est pas libre, parce que à l'aide d'innombrables fonction-
naires on l'influence de toutes les façons; 2" que là où le droit des
minorités, même les plus imposantes, n'est pas respecté, le pays
KT I.K JACDI'.lNl SMi:. 249
l'st mal représt'uté ; 8" que là ou hi (itioslioii sotîiale u'cst pas if^solue
OU tout au moins poussée vers sa solution, lédutratiou et l'iustruc-
tion du peuple sont encore à faire après quatre-vingts ans de révo-
lutions presque continuelles.
€ C'est là un enseignement i»récieu\ ; les révolutionnaires, qui
(l'une part ont malgré tout l'ait l'aire un pas en avant a la question
sociale, profitent de l'autorité que leur donne ce succès pour faire
ressortir aux yeux de tous les hommes d<; progrès un tel ensei-
gnement.
« Et c'est avec plaisir qu'on voit ceux t[ui pensent s'arrêter à cette
conclusion : Dans le système politique et surtout dans le système
économique actuel, le suffrai^e universel est un anachronisme, et
comme tel, il est très-surprenant qu'il donne quelques bons ré-
sultats.
« A Lyon, l'élection de Baneel et de Raspail nous a valu un im-
mense avantage entre toiis, celui de nous avoir débarrassés d'une
puissante coterie bourgeoise qui depuis de longues années nous
faisait avaler son généreux libéralisme et ses candidats. Des ambi-
tieux qui espéraient se faire céder une circonscription par les ma-
tamores de la démocratie sociale ont été impitoyablement écartés
en même temps que leurs patrons. Dans la 3'»«= circonscription du
Rhône, aux portes de Lyon, Alphonse Esquiros a réuni plus de
10,000 voix et le candidat ofUcicl 14,000; Esquiros eût évidemment
passé sans les manoeuvres du fonctionnarisme. En tout cas, une
pareille manifestation faite par des paysans a une réelle valeur.
Cette manifestation ne sera pas la dernière : à Lyon et dans les
environs, les libres penseurs s'agitent beaucoup, on fonde des
journaux, on fait des conférences, on se réunit. Au lieu de s'ar-
rêter à la négation comme autrefois, on commence à affirmer des
principes nouveaux; on attaque le déisme, le mysticisme des francs-
maçons : de là au socialisme, il n'y pas loin. Les socialistes n'ont
qu'à bien s'unir en dépit des divergences de vues qui pourraient
les séparer, et ils auront bientôt de grandes satisfactions.
M Un dernier mot à ceux qui nous reprochent de n'avoir pas, malgré
toutes les entraves et toutes les considérations, posé des candida-
tures ouvrières comme à Rouen et dans une circonscription de la
Seine. Tant que la masse sera plongée dans une ignorance l'elative,
c'est-à-dire, tant que la question sociale ne sera pas résolue, il y
aura de raines hommes dont le rôle sera beaucoup plus actif et
beaucoup plus important que celui des autres. On a le plus grand
besoin de ces hommes-là. Mais comme la masse est assez intelli-
gente pour exiger des garanties de ceux auxquels elle confie un
mandat, ce n'est que quand les socialistes pourront lui présenter
des personnalités remarquables qu'elle votera avec eux. Même
pour diriger un mouvement sérieux dans le même sens, mais d'une
250 L'INTERNATIONAI.E
autre innnière, il faut de telles personnalités. Les sooialistes qui
veulent les empêcher de surgir commettent donc la faute la plus
dangereut^e : il est temps qu'ils s'en aperçoivent.
« AuiERT lUCIlAlU) ..
PIÈGE E.
I.KS 1>1:TITES injures de ces messieurs. — INCIDENT TOLAIN, YESIXIER,
FRIBOURC. ET AUTRES.
« Paris, 10 février 1866.
« A Monsieur le directeur du Journal /'Espiègle.
« Mieux vaut lard que jamais. »
t Mousieuv,
« Peut-être trouverez-vous qu'il est un peu tard pour vous adresser
une réponse à un de vos articles publié dans votre journal du 29
octobre 1865 ; néanmoins ne vous hâtez pas de nous juger : nous
aurions répondu de suite, «li de suite ce pamphlet idiot nous avnit
été communiqué.
« Mais à chaque jour suffit sa peine et nous espérons, Monsieur,
qu'il n'y aura pas de prescription pour notre réclamation.
tt Ceci dit, permettez-nous d'entrer dans le vif du sujet.
« A peine votre brave correspondant anonyme, M. V , nous
a-t-il nommés — que disons nous? il ne nous a encore qu'indiqués
— qu'il nous accole une épithète aussi injurieuse pour nous que
pour le conseil central dont il fait partie ; — cette calomnie si
niaise est même le fond et le but de son article, il n'y en a pas
d'autre, et la preuve en est que, sans utilité pour ce qu'il avance, il la
répète et répète encore à satiété, et pour les seuls besoins de sa
diatribe ; ne lui demandez plus d'être un homme, ce serait inutile.
Pourquoi? Il a voulu convaincre une assemblée et n'a pas réussi :
cela suffit pour déterminer chez lui un accès de rage folle ; il lui
faut à tout prix des victimes. Les prendra-t-il près de lui? Que
nenni ; pas si simple le V : il descend en droite ligne de
Tartuffe et Bazile : il choisira ceux qui sont (lésarmés, ceux qui,
même avertis, ne pourront se procurer le libelle injurieux, et d'ail-
leurs, pour plus de précaution, il prendra bravement un pseudo-
nyme, ce qui lui permettra de nuire à ceux près desquels il reste.
u Tout est bien calculé : il est à Londres, il écrit en Belgique une
calomnie sur des Français. o\ cette calomnie esl de celles ((u'il sait
F-rr LE JAtJolUNIBMlK. 2DI
ne pouvoir être rf^levéo sans danyi-r ; il se dit : « Us auront peur
d'un éi'lat qui rejaillirait sur l'Association, ils se taii-ont et je pren-
drai acte de leur silence. » N'avious-nous pas besoin de vanter la
bravoure do cet excellent et honorable M. V ?
€ Kh bien ! iM. V se trompe, nous relevons ici la calomnie et
la combattons publitjueniLMit. IVun, non, nous ne somnjcs pus des
honupurtislcs, ol nous wo/tODs au ilufi quiconque d'inlirmer notre
dire, non par des paroles en l'air, mais par des faits ; quo celui
d'enlrc nous sur lequel on pourrait fournir ou un mot, ou une lettre,
OU un acte authentique, soit démasqué, nous le voulons, nols lk
DEMANDONS ; mais jusqu'à ce moment, jusqu'aux preuves, nous
crierons à tous les V du monde : Vous èles des lâches et des
Itii])uissants.
. C. LIMOUSIN, II. ÏOLAIX, E. VAHLIN, FRIBOIJRG. »
« Messieurs Tolain, Fribourg, Limousin et Varlin,
« M. le rédacteur en chef de Y Espiègle a bien voulu me communi-
quer la lettre me concernant que vous lui avez adressée.
« Il parait que mon « pamphlet idiot » ne l'est pas autant que vous
voudriez le faire croire, puisqu'il vous a mis dans une si grande
fureur.
« Mon article, publié dans l'Espiègle du 29 octobre dernier, n'était
pas anonyme, j'avais eu soin de signer le manuscrit ; c'est la per-
sonne à laquelle je l'avais adressé pour le remettre à Y Espiègle
qui a jugé à propos de le faire suivre d'un pseudonyme. Vous pou-
vez vous assurer de la vérité de ce fait, en vous adressant à la ré-
daction du journal ci-dessus cité.
« Il entrait si peu dans ma pensée de ne pas avouer publique-
ment mon article et de ne pas vous avertir de sa publication que
j'ai dit à tous ceux qui ont voulu l'entendre que j'en étais l'auteur,
et particulièrement à un de vos amis et à un membre du conseil
central de l'Association internationale, afin qu'ils pussent en infor-
mer les personnes qu'il intéressait. Et enfin, pour que vous n'en
ignoriez, je vous l'ai adressé, avec ma signature au bas, par la
poste sous pli cacheté, à Paris.
« Vous conviendrez que pour un « descendant en droite ligne de
Tartuffe et de Bazile », tout cela aurait été très-maladroit si j'avais
voulu garder bravement l'anonyme.
« Voyons maintenant si je me suis conduit en lâche :
« L'article en question est le compte rendu exact d'un incident
des conférences de Londres de la Société internationale.
« L'acrusation de hoiiapnrtiswe, qwi soulève bien tardivement votre
252 I . ' I N' 1" K R N A T I 0 N A L E
courroux, je vous l'iii portée alors eu face, et vous ne ui'eu avez
pas ilcmaudù raison. Ne seriez-vous courageux qu'à distance et
seulement après quatre mois de réllexion ?
« Je maintiens tout ce que je vous ai dit, et tout ce que contient
mon article du 29 octobre dernier, me réservant d'en prouver bien-
tôt l'exactitude, le temps indispensable pour le faire me manquant
aujourd'hui.
« Je désire, avant tout, ne pas rester une heure sans vous répondre
sous le coup des injures que vous me prodiguez. Ne pouvant, pour
cause politique, aller à Paris vous infliger le châtiment physique
que mérite l'outrage qui termine votre lettre, je vous en demande
réparation. Je vous attendrai à l'adresse où vous avez envoyé votre
lettre précédente.
a Le 15 mars iSHK.
.. VÉSINIER. ..
La réponse de Tolain, Varlin, Fribourg, et Limousin ne fut pas
insérée dans le journal V Espiègle : le rédacteur, l'ayant trouvé trop
injurieuse, se borna à leur faire remai'quer que les gros mots n'étaient
pas des arguments et qu'injurier ce n était pas répondre. Cet inci-
dent fut terminé à la suite de la lettre suivante" de Vésiaier en
réponse aux injures de ses adversaires :
« Messieurs Tolain, Fi-ibourg, Limousin et Varlin,
« Après m'avoir outragé, vous me refusez réparation. Vous m'in-
sultez de nouveau et joignez la menace à vos injures.
« Je constate cette conduite que tous les hommes de cœur appré-
cieront et je cesse tout rapport avec des gens de votre espèce.
« VÉSINIER. »
m' ij: j \(,(h:i.msmi;. 25s
l'IKOE K.
r.ANDIDATUnE IVKMII>K AL'IîRY. — i-hogrammk dks comm-ks cor-
poratifs DK ROUEN. MAMFKSTK KLKCTORAT. DU CF.RCI,K DKS ÉTUDK!^
ÉCONOMIQUES DK L'aRRONDISSEMKNT I)K ROUK.N. — PROFKSSION DO FOI
d'émii.k ATHRY.
Élections générales de 1869 pour le renouvellement du Corps lé-
gislatif. — Emile Aubry, candidat ouvrier.
MANIFESTE ÉLECTORAL DU CERCLE ÉCONOMIQUE DE
L'ARRONDISSEMENT DE ROUEN.
Aux ouvriers des i"'*" c/ "^e rirconscri/itioiis de la Sciuo-Iiil'érioiire.
'• Si les ouvriers, en 1S69, votent «iiL-Dro iiour Imirs pn-
Irons politiques, ils retardent leur iiffranchissemenl de
«Inquante uns. » l'.-j. PROUDHO.N. Des Capaciirx po
Utiqucs (le la classr ouvrière.)
< Chei-s camarades,
< Dans ({uelques jours, la Fram-e sera appelée à renouveler le
mandat de ses représentants au Corps législatif.
" Industriels, négoeiants, banquiers, commerçants, hommes de
lettres, professeurs, prêtres, avocats, propriétaires et fonction-
naires, chacun dans son organisation respective, s'agitent et se
concertent pour proposer ti la masse des éleeteui's le candidat de
leur choix appelé à défendre les inti^rêts généraux qu'il sera chargé
de représenter.
t Seuls les ouvriers des champs et de l'industrie, ainsi que la
petite bourgeoisie, cette distributrice de la production nationale,
restent indifférents à l'organisation de la solidarité de leurs inté-
rêts, et, par cette absence d'ordre sérieux, n'ont pu jusqu'à présent
être représentés.
« En effet, depuis l'immortelle révolution de 89, qui proclama
l'égalité civile et politique des citoyens, jamais un ouvrier, jamais
un petit commerçant ne sont entrés directement dans les corps
délibérants pour représenter et défendre les intérêts de la classe à
laquelle ils appartienneni ; et cependant, nous sommes la majorité :
c'est par nous que les fortunes s'élèvent, que la richesse nationale
se crée et s'accroît; enlin, sans notre labeur, la nation ne serait
qu'un grand corps sans vie, qui se décomposerait rapidement.
« Les causes de cette anomalie ne sont autres que la persistance des
préjugés politiques, qui faii^iiienl croiie ;nix classes déshéritées (ju'ou
25'i [-'INTERNATIONALE
dehors ries préoccupations exclusivement politiques, l'émancipation
du travail ne pouvait avoir lieu; de là ces troubles périodiques qui
ont ensanglanté notre nialheui-cux pays, en le faisant passer par
différentes formes gouvernementales, sans jamais donner satisfac-
tion aux nombreux intérêts de notre classe,
« Depuis quatre-vingts ans, nous nous plaignons constamment :
tantôt nous nous attaquons à l'énormité des impôts dont nul autre
que nous ne supporte le poids, malgré les tièdes protestalions du
privilège ; tantôt nous accusons la forme politique d'être la cause
directe do nos misères, sans nous apercevoir qu'outre le septième
de la production- enlevé par l'Etat, deux autres septièmes et demi
sont adroitement soulevés par le monopole iinancier, bancôcratique,
terrien ou industriel, à l'aide d'engins économiques, dont le prin-
cipal est la prélibation de la ceniralisation financière sur la force
vive du pays : le travail, quelle que soit l'opinion politique qui
le mette en mouvement.
« Oui, chers concitoyens, les partis politiques, en désaccord
sur ce qu'ils appellent leurs principes, sont tous partisans de con-
sidérer le travail et sa distribution comme la bète de somme qui
doit supporter le fardeau de toutes les innovations fiscales, impôt
de l'État et impôt du monopole capitaliste, divisées de façon à pou-
voir échapper à notre observation, en employant pour l'Etat comme
pour le capital la contribution indirecte; c'est-à-dire qu'à l'aide de
cette forme, tous les produits, quels qu'ils soient, renferment dans
leur prix de vente le salaire du fonctionnaire et du capitaliste : ven-
dus à des doses infinitésimales, ils se payent sans que nous nous en
apercevions, et dérobent, à chaque «nstant, à notre jugement les
véritables causes de nos misères.
« Piien de surprenant que jusqu'alors les choses se soient passées
ainsi. Malgré les aspirations quelquefois généreuses des gouver-
nants, force leur a toujours été de s'incliner devant la majorité des
représentants envoyés par la nation, qui toujours étaient pris dans
la classe ayant des intérêts opposés aux nôtres, et dont la consé-
quence a été constamment les sacrifices du plus grand nombre.
Plus préoccupés de la forme que du but, nous nous sommes,
jusqu'à ce jour, laissé abuser par les promesses des solliciteurs
de suffrages.
« Il est temps de rompre avec une si funeste habitude de confier
nos inlérêts sans raisonnement plus perspicace. Nous devons bien
nouspénétrer que l'époque actuelle est beaucoup plus économique que
politique ; cependant, cette dernière doit continuellement se mettre
à l'unisson des besoins du jour, et s'incliner devant les impérieuses
nécessités de la première': quelle que soit sa forme, son devoir est
de revêtir le caractère propre à satisfaire les exigences écono-
miques de la société, qui est, en majorité, composée de travailleurs
K T L E ,1 A C 0 H 1 N I 5 M hi. 256
agricoles ot industriels, dirigeant leurs travaux il'après les décou-
vertes suci^essivcs de la science.
« L'économie sociale prime tellement la politi(}ae depuis quatre-
vingts ans, que le despotisme d'Efat n'a pas d'autre cause que la
tyrannie du capital. Qui, depuis quehjues années, a le plus élevé de
protestations contre les droits économiques qui ont été accordés aux
ouvriers? Le capital, aujourd'hui centralisé entre quelques mains,
faisant à son gré l'abondance et la disette, l'avilisseinent et la
cherté des prix des subsistances, suivant les besoins de l'agio. Gela
est tellement vrai, que les traités de commerce, qui devaient avoir
pour conséquence logique une diminution de la valeur de beaucoup
de produits, ont, au contraire, déterminé une hausse générale. Les
politiquants quand môme oseraient-ils soutenir que l'effet de cette
contradiction est dûcntièrement à l'absence des libertés politiques?
Alors qu'ils étaient au pouvoir, ils confiaient aux juifs de la liuance
les intérêts économiques des masses, et écrasaient celles-ci d'impôts
pour relever le cours de la rente, et cependant, à cette époque, les
libertés politiques fleurisaient ; malgré cela, île travail dépérissait,
et la nation atteignait à peine, dans cette année de phraséologie
révolutionnaire, la moitié du chiffre de la production générale en
temps ordinaire, conséquence logique de l'ineptie des gouvernants
pour tout ce qui regardait l'économie sociale, malgré les avertisse-
ments et les conseils qui leur étaient donnés. Ce qui prouve qu'un
peuple qui n'a que le droit de contrôler ses gouvernants apparents,
sans avoir celui de rechercher les causes qui créent et tuent la
richesse générale, ressemble beaucoup à des marionnettes, qui
ignorent complètement l'existence des fils qui les font mouvoir.
Voilà pourquoi la démocratie devient la plus souvent de la pure
démagogie, malgré la bonne foi de ceux qui sont chargés de la
représenter.
« Le cercle d'études économiques do l'arrondissement, fondé pour
la propagation des idées appelées à transformer le vieux monde
économique qui n'a donné au 'travail aucune satisfaction , fait
appel au bon sens de tous ceux qui ont hâte de donner à leur vote
la signification qu'il doit avoir, et qui doit être l'affranchissement
du travail et des échanges de toutes les entraves fiscales, bancocra-
tiques et bourgeoises qui les tiennent en lisière depuis tant d'années
et les empêchent de développer la civilisation à la hauteur réclamée
par le siècle actuel.
e Ne voulant, en aucune façon, procéder comme nos adversaires,
nous ne voulons pour représentants que ceux choisis par le tra-
vail, c'est-à-dire par les corporations ouvrières de Tarrondissement,
et encore ne le seront-ils qu'à la condition de se conformer au pro-
gramme ci-dessous, arrêté préalablement par les ditï(^rent3 comités
des sociétés ouvrières orti'anisèes.
2r>(; l.'INTKlt NAI' 10 .\ ALK
I. Nous voulons d'abord que tous ceux qui seront jugés dignes île
d( -fendre nos intérêts déclarent accepter un mandat impératif.
* Nous repoussons l'institution du mandat à terme, qui permet au
mandataire inlidèle do mettre sa conscience à l'enchère, se re])osanl
sur la durée déterminée de la délégation, qui force les électeurs à
su|)porter, sans mot dire, la trahison de leui" représentant.
« En conséquence, les comités corporatifs, qui ont élaboré le pré-
sent manifeste, sont invités à le soumettre de nouveau à la discus-
sion dans leurs sociétés respectives, pour, dans la quinzaine ((ui
suit, les inviter à faire connaître leur appréciation, et à désigner
le CANDIDAT OUVRIER qui acceptera la rude lâche de défendre les
intérêts des travailleui-s des deux circonscriptions, devant les huit
millions d<: prolétaires qui enrichissent et défondent la France,
avec le mandat conçu ainsi qu'il suit :
MAJ^JDAT IMPÉRATIF.
« 1" -le, soussigné, représentant agrée par la fédération ouvrière
de la circonscription électorale de la Seine-Inférieure ,
m'engage à défendre l'esprit du programme d'icelle, et à en référer
auprès d'elle chaque fois qu'une question imj)révue par ledit pro-
gramme surgira dans le cours de lu session législative, et à la
juger d'api'ès la décision de la fédération, à la condition qu'elle
réunisse au moins 2,000 voix. Dans le cas où les électeurs se par-
tageraient sur le sort de la question soumise à leur jugement, je dé-
clarerais le mien insuffisamment celaii'é, et m'abstiendrais dans
mon vote.
« 2o Je m'engage aussi par le présent, que je signerai en autant de
copies qu'il me sera piésenté, d'être le fidèle exécuteur des vo-
lontés de mes mandants ; de môme, je déclare être déchu de mon
mandat le jour où je n'exécuterais pas, non-seulement une partie,
mais le programme entier auquel j'adhère complètement de cœur
et d'esprit ; et, par le fait, m'engage à donner ma démission lors-
qu'elle me sera signifiée par la moitié plus un des électeui's qui
m'auront nommé, soit pour pourvoir à mon remplacement, soit pour
des motifs de dignité politique, économique et sociale qui me
seront commandés par la circonscription qui m'aura élu.
« 3° Egalement, je m'engage, en acceptant la candidature, à me
présenter dans toutes les réunions qui me seront désignées par le
comité électoral ouvrier, pour répondre à toutes les questions et
observations qui me seront soumises, tant au point de vue poli-
tique qu'économique, excepté celles qui auraient pour but de com-
promettre inutilement ma personne, comme, par exemple, de la
ffirrne politique, présente et à venir, de l'Etal.
" Voilà, chei's camai-ades, le mode nouveau (rélection que propose
ET LE JACOBINISME. 257
le cercle d'études écononiitincs do raiTondissemont aux. ouvriers et
petits liourg-eois de la i)rcmiùi'e et de la iloiixième circonscription.
Ce fait, sans précédent dans l'hisloirc des peuples, fera réfléchir
ceux qui jusqu'alors ont l'habitude de solliciter nos suffrages, sans
tenir compte de leurs promesses ; de celte façon la rhétorique dis-
paraît de la lutte électorale, et fait place au bon sens des électeurs
et à la bonne foi de l'élu, qui est forcé de connaître à fond les
questions du programme qu'il doit défendre au Corps législatif,
après l'avoir préalablement défendu dans les réunions, soit pu-
bliques, soit de comités.
V^oici maintenant le programme que nous soumettons aux élec-
teurs de notre classe qui n'ont pu assister aux séances des comités
et des corporations ouvrières de la circonscription, ainsi qu'aux
électeurs de la petite bourgeoisie, qui doivent comprendre, api'ès
la dure et rude expérience que nous avons faite ensemble, que leur
cause et leurs intérêts sont identiquement semblables aux nôtres.
PROGRAMME
KLABORÉ PAn LES COMITÉS CORPORATIFS ET ADOPXK APRES DISCUSSION
PAR LES SOCIKTÉS ORGANISÉES DE l'.^RRONDISSMEENT.
l» Décentralisation politique, avec retour aux communes de
toutes les franchises municipales, sans autre injonction que l'obli-
gation de contribuer aux frais généraux de la nation, d'après le
nombre des habitants ;
2o Liberté individuelle, garantie par la responsabilité permanente
de tous les fonctionnaires, quel que soit leur rang ;
3° Réforme générale delà législation ; élection de la magistrature
par le suffrage universel, avec mandat révocable ; établissement du
jury pour toutes les affaires civiles et criminelles; tous les citoyens
admis à en faire partie; renouvellement par tiers tous les trois
mois, appliqué à toutes les juridictions ;
i° Abolition de toutes les entraves administratives s'opposant
aux droits de réunion et d'association ; liberté complète de se
réunir et de s'associer, sans autre forme préalable que la déclara-
tion simple, sur papier libre, à l'administration communale ;
5» Abolition du cautionnement et du timbre ; liberté complète de
publier tout ce qui concerne la pensée, le commerce, le travail
agricole et industriel, soit par la voix des journaux, soit par la bro-
chure, sans autre formalité que le simple dépôt par l'imprimeur ;
6o Abolition du monopole de l'université ; liberté entière de l'en-
seignement, sans formalité autre que le dépôt du programme ;
7° Instruction, aux frais de la circonscription communale, laïque
17
258 L'INTERNATIONALE
obligatoire, la même pour tous et accessible à tous, à tous les de-
grés ; concours publics entre les élèves jugés les plus capables
pour la continuation des études spéciales; sommes suffisantes
accordées aux concurrents admis pour terminer ces études ; in-
demnité transitoire aux. élèves, proportionnée à leurs progrès, le
tout fixé par le conseil communal ;
Diplômes délivrés par un conseil fédéral élu chaque année par
tous les membres du corps Guseignanl ;
8° Liberté des banques avec faculté d'émettre du papier-crédit,
sans autre formalité que la publication très-étendue et exigée des
manières d'opérer ;
9« Abolition du monopole de la banque de Fi-ance ;
10° Liberté des cultes et des croyances, sans formalité autre que
leur diffusion en plein jour ;
H" Suppression du budget et du ministère des cultes ; séparation
absolue de toutes les Eglises et de l'Etat ;
12° Abolition de tous les monopoles industriels, y compris ceux
exercés par l'État ; liberté entière de toutes les industries ;
13'' Abolition de la conscription et suppression des armées per-
manentes, remplacées par une institution déclarant tous les citoyens
aptes à la défense du tex'ritoire national ;
14» vVbolition des impôts indirects, tels que douanes, octrois, etc.,
remplacés par l'impôt unique individuel et proportionnel;
15» Abolition des emprunts extraordinaires, remplacés par une
élévation consentie et temporaire de l'impôt unique proporlionnel
et individuel ;
16«» Abolition de tous les monopoles politiques et économiques,
tels que cumuls, subventions, chemins de fer, canaux, mines, sels,
tabacs, théâtres, etc. ;
17° Extinction de la dette publique par la suppression de la rente,
cette dernière représentant l'annuité du taux de remboursement ;
18° Les colonies s'administrant comme la métropole, et représen-
tées, dans tous leui^s intérêts, par des mandataires élus, au même
titre que ceux représentant la nation.
Le cercle d'études économiques de l'arrondissement de Rouen
est convaincu que la réalisation de ce programme tTansformerail
rapidement l'organisation économique de la société, sans jeter la
perturbation dans les relations sociales,
11 croit que tous les. ouvriers à qui il s'adresse comprendront
l'importance qu'il y aurait de faire entrer au Corps législatif un
camarade, faisant entendre nos griefs et nos plaintes, et que cela
ayant lieu, toutes les sphères de l'activité sociale seraieni ouvertes
et accessibles aux travailleurs; conséquemment la disparition suc-
cessive de la misère et de l'ignorance, par le développement de la
solidarité, nullement enlravco par les exigences du monopole ûnan-
ET L1-: JACOBINISME. u59
cior qui nous défend do nous créditer sans payer une rodevance au
privilccjc do la Banque do Franco, aurait iudubilal)lomciit lieu dans
une très-courte période.
Les temps sout arrivés où le travail doit s'aflirincr sérieusement
et dire à la bourgeoisie : Je veux être libre, et j'exige la suppres-
sion complète des entraves politiques et économiques qui m'ont
empêché, depuis quatre-vingts ans, de m'élever au niveau de mon
aînée ; au nom de ma dignité, si méconnue par le monopole du
capital, je demande à être considéré suivant la place que j'occupe
dans l'échelle sociale, qui est celle de créateur de toutes les richesses
nationales; je n'exige point que l'on se mette ù genoux devant
moi, mais je proteste, avec énergie, contre le rôle de valet de la
production que me font remplir, depuis 89, les privilèges écono-
miques de la bourgeoisie.
Tel est le langage, cliers camarades, que désoi'mais le travail
doit tenir à ceux qui refuseraient de reconnaître qu'un 89 social
s'accomplit en ce moment au fond de nos consciences.
DECISION DES COMITES CORPORATIFS»,
RÉUNIS EN ASSEMBLÉE GENERALE LE 25 AVRIL 1869.
Les soussignés, invités à se réunir pour discuter le manifeste et
le programme ci-dessus, déclarentlesavoir adoptés tels qu'ils sont, et
proposent comme candidat au suffrage des électeurs des 1" et 2«
circonscriptions de la Seine-Inférieure, pour représenter les inté-
rêts politiques et économiques de la classe ouvrière, le camarade
1 11 est nécessaire, pour l'intelligence du lecteur, d'expliquer quelle est l'organi-
sation des comités corporatifs de Uouen, Elljeuf et des environs.
Cette organisation comprend dix sociétés corporatives : i" lithographes ; 2" fileurs
de laine de Darnetal; 3" fileurs de laine d'Elbeuf ; 4° tisseurs de calicot ; y tis-
seurs de bretelle; 6° /Heurs de colon; 1" les charpentiers ; 8° les menui.iierx ; Q° les
teinturiers ; 10" les fondeurs. Ces différentes sociétés comprennent environ l,l0Oad,
hérents, dont 250 à Darnetal, 350 aElbœuf et les 500 autres répartis entre Uouen,
Sotteville, Uissel, le grand et le petit Quevelly. Elles aboutissent à une société
Centrale, composée de délégués de toutes les corporations, à raison de un délégué
par fraction de 50 membres, et qui se nomme la Fédération rouennaise, laquelle re-
lève immédiatement du conseil général de Londres par l'intermédiaire de son se-
crétaire correspondant, et se rattaclie à ï Internationale par une cotisation annuelle,
de dix centimes.
Chaque société corporative s'administre par un comité de douze membres élus.
Quelquefois la corporation se subdivise en branches; ainsi, la corporation des tis-
seurs est partagée en tisseurs de bretelles et tisseurs de calicot : dans ce cas, la
subdivision s'administre aussi par un comité élu de douze membres.
Mais la caisse spéciale, alimentée par la subdivision, se centralise tous les mois
dans celle de la corporation.
Les fileurs de coton, étant très-nombreux dans le département, sont subdivisés
en commissions cantonales.
Toute cette hiérarchie s'alimente par des cotisations heldomadaires ou de quin-
zaine qui vont à la caisse de chaque comilé spécial, et sur lesquelles s'opère un
prélèvement destiné au comité supérieur.
260 L'INTERNATIONALE
Emile Audry, ouvrier lithographe, dôlégnc de Rouen aux congrès
des travailleurs de (icnève, Lausanne et Hruxelles.
Le dévouement que ce camarade a constamment apporté dans la
défense des intérêts de la classe à laquelle il n'a jamais cessé d'ap-
partenir, ainsi que son acceptation du mandat impératif ci-dessus
transcrit et qu'il a signé en autant de copies qu'il existe de comités
corporatifs, nous faisait un devoir de l'honoi'cr de notre confiance ;
pei'suadés que nous sommes qu'il ne cessera de s'en rendre digne,
son passé étant la meilleure garantie de sa conduite avenir. Dans
le cas contraire, nous déclarons publiquement que nous mettrons à
exécution les clauses du contrat, en faisant apprécier sa manière
d'agir par toutes les corporations réunies. Tel est, à notre avis, le
meilleur mode que nous puissions employer pour flétrir les manda-
taires infidèles.
Convaincus que tous nos camarades sauront apprécier le choix
que nous avons fait, nous comptons sur leur bon sens pour lui
donner leur voix, afin de déclarer solennellement à la bourgeoisie
que nous n'acceptons plus sa tutelle et que désormais nous défen-
drons nos intérêts nous-mêmes, l'expérience de quatre-vingts an-
nées nous ayant démontré que jusqu'alors elle ne s'en était pas
inquiétée.
Pour le Comité du cercle :
Le secrétaire de correspondance, Emile AUBRY ;' le secré-
taire du bureau, MARQUES ; le caissier, Pierre JULIEN^
Pour le Comité électoral ouvrier d'Elbeuf :
COURONNÉ, PIÉTON, DEPERNEY, Alfred DURÉ, PAR-
MENTIER ;
Pour les Comités :
Les présidents, fileurs de /a/fles ; FERRET, PELTIER (Dar-
nétal) ; Alfred DUPRÉ (Elbeuf).Fi7e?/rs decoton .-CREUSOT
(Rouen) ; HÉNAULT (Darnétal). Tisseurs calicot : Jean
STÉPHAN, SAVALLE, ROUSSEAU (Sotteville). Tisseurs
bretelles : LAURENT, DESCANIÈRE, CAPPON, VIMONT
fils (Rouen). Imprimeurs lithograpbes : E. AUBRY, GLAS-
SON, DELAHAYE, BOULARD, HARDY, A. SÉGARD,
GOUPIL. Imprimeurs sur indienne : MERCIER. (Darnétal).
Teinturiers grand Leint : BARTHÉLÉMY, GOUELLAIN,
HALLOT et Jules TUYÉE {Idem). Teinturiers petit teint :
JAJOU {Id.]. Chauffeurs : FLEUTRY (Id.). Charpentiers :
JULLIEN (Id.). Mécaniciens : WELHELLE, STÉPHAN {Id.
Plombiers: Henri BERROUX {Id.).
i;t lk j Ac:oi;iNiSME. 261
AUX ÉLECTEURS DES 1« ET 2» CIRCONSCRIPTIONS
UE L\ SEINE-INFÉRIEURE
ouvniEUS i;t petits commerçants.
Chers compagnons de lutte,
Cédant à l'invitation, faite par irois mille camarades, de vouloir
bien arcopter la rude mission de planter, dans les deux, circonscrip-
tions du département, le drapeau de la dcmocvalie ouvrière ie viens
faire appel au désir, maintes fois exprimé, de prouver à la bour-
geoisie que, désormais, nous prendrons en main la défense de nos
intérêts.
Las de toujours servir d'appoint dans les luttes que se livrent nos
adversaires depuis quatre-vingts ans, sans jamais en avoir obtenu
que déceptions de toutes sortes, aggravation de charges, et finale-
ment misère progressive, nous devons déclarer à notre aînée, qu'à
l'avenir, nous ne nous mêlerons plus de ses querelles politiques
dont nous avons toujours été les dupes.
Payant de notre sang, sacrifiant l'existence de nos familles pour
des intérêts qui n'étaient point les nôtres, nous devons déclarer
solennellement que maintenant nous ne ferons de sacrifices que
pour nous seuls.
L'heure de la revendication do nos droits politiques et l'conomiques
est arrivée ; il est temps de mettre en pratique l'adage des philoso-
phes anciens : « Fais ce que tu dois, advienne que pourra. > Quels que
soient les obstacles qui s'opposent à notre affranchissement, notre
devoir est de les briser ; nous possédons une conquête chèrement
acquise qui, dirigée habilement par les travailleurs, pourra renver-
ser facilement les digues savamment construites par le monopole
pour arrêter noire développement économique. Nous avons le
suffrage universel ! nous avons le droit d'organiser les forces ré-
volutionnaires du travail par la solidarité des métiers : avec cette
organisation, tout doit se transformer; puisque nous avons le
nombre, nous serions coupables de ne pas le mettre au service de
nos intérêts, et ce serait trahir notre cause.
Le moment est favorable. La discorde règne dans le camp de
nos adversaires; laissons-les débattre leurs affaires, elles ne doi-
vent nullement nous préoccuper.
Nous sommes le travail, la production !
Us sont le capital, la non-production !
Les intérêts sont diamétralement opposés. Notre rôle, dans cette
grande lutte électorale, est de peser de tout notre poids dans le
plateau de la balance contenant la production, pour le faire pencher
enotre côté.
262 L'INTERNATIONALE
Ce n'est pas à vous, chers camarades, qu'il est besoin de dire
que, jusqu'alors, nous avons été traités en parias par la société
moderne.
Qui de vous ignore que le monopole, il y a peu de temps de cela,
osait dire que nous ne pourrions jamais rien faire sans son con-
sentement? N'allait-il pas jusqu'à avancer que, sans lui, nous ne
pourrions manger? Nous, les créaleurs de la richesse !
Il est vrai qu'en cette époque de fièvre électorale, tous les can-
didats bourgois s'évertuent à nous démontrer qu'ils sont les vrais
représentants des intérêts généraux du travail ; malheureusement
pour eux, ils oublient que, depuis vingt ans, nous sommes habi-
tués à ce langage. Il est temps que cette rhétorique de circonstance
se termine.
Je me permets, camarades, de supposer chez vous une inten-
tion bien arrêtée de ne plus servir d'instruments à tous ces solli-
citeurs : les pièges qu'ils vous tendent sont vieillis par un usage
trop prolongé. J'ai la certitude que tous ceux qui vivent du travail
auront à cœur de prouver à la bourgeoisie qu'il n'y a plus possibi-
lité de compter sur nos voix pour satisfaire ses rivalités, et que
vous n'hésiterez nullement à les donner au candidat désigné par
trois mille ouvriers organisés corporativement, qui mettent leur
confiance dans le bon sens de tous ceux qui ont hâte d'en finir avef
l'exploitation du monopole financier, agricole et industriel.
Mon nom ne représente pas une personnalité, c'est une protesta-
tion vivante contre l'organisation économique d'une société qui
nous refuse : propriété, bien-être, instruction, liberté, justice !
Ainsi que le mentionne le manifeste du Cercle d'études économi-
ques de l'arrondissement de Rouen, j'adhère de cœur et d'esprit au
programme ; si vous m'honorez de votre confiance, je m'engage à
le soutenir énergiqucment en acceptant le mandat impératif, sau-
vegarde des électeurs et garantie du mandataire.
Dans cet espoir, croyez, chers compagnons de lutte, au dévoue-
ment de votre camarade,
E. AUBRY,
Ouvrier litliographe, secrétaire de correspondance du cer-
cle délégué de Rouen aux congrès des travailleurs de
Genève, Lausanne et Bruxelles.
ET LK JACOBINISME.
«68
PIECE G.
LE SOCIALISME.
A propos dos élections JcgisJ ulives.
Le sort commun de
toute vérité nouvelle qui
surgit est d'effrayer au
lieu de séduire, de bles-
ser au lieu de convain-
cre; c'est qu'elle s'élan-
ce avec d'autant plus de
force qu'elle a été plus
longtemps comprimée ;
c'est qu'ayant des ol)sta-
cles à vaincre, il faut
qu'elle lutte et qu'elle
renverse, jusqu'à ce que
comprise et adoptée par
la généralité, elle de-
vienne la base d'iN nou-
vel ORDRE SOCIAL.
L.-N. BONAPARTE.
DE 1869.
PAR
ALBERT RICHARD
Ex-dôlégué
des ouvriers lyonnais aux con-
grès de Bruxelles et
de Berne en septembre 1868.
Ce ne sont |i;:s les mi-
sérables qui ''ii\l des
épargnes; car qui n'a
pas de quoi vi , re nu met
guère de côté. C'est \
LEURS DÉPICNS C'L'E LES
Kl'AUGNF.S SdNT FAITES.
J'en conclus : que
quoiqu'il y ait incontes-
tablement, dans tous les
Etats d'Europe, des pro-
duits épargnés chaque
année, cette épargne ne
porte pas en général sur
les consommations inu-
tiles, ainsi que le vou-
draient la jiulilique et
l'humanité, mais sur des
besoin-s- véritables : ce
qui accuse le système
politique et économique
de beaucoup de gouver-
nements.
J.-B. 8AY.
PAS DE DROITS SANS DEVOIRS. — PAS DE DEVOIRS
SANS DROITS.
I
Bien que l'Association internationale des travailleurs ait été dis-
soute en France, l'oeuvre qu'elle y avait inaugurée avec un certain
éclat dès 1865 n'a pas laissé que d'y faire des progrès qui déjà sont
assez apparents pour que personne ne puisse plus les nier.
Il est vrai que les socialistes de Paris, de Lyon, de Marseille et
d'autres villes de France, qui adhèrent aux principes de l'Associa-
tion internationale, ne se sont point manifestés dans les dernières
élections avec cet ensemble et cette spontanéité qu'on aurait pu
attendre d'eux.
264 L'INTERNATIONALE.
Cependant, ils ont agi comme la force des choses et la nature
des circonstances leur ont jiermis de le faire.
Et, somme toute, ils ne sont par mécontents du résultat obtenu.
A Paris, des programmes socialistes franchement radicaux ont
été publiés, et plusieurs ont réuni des milliers d'adhésions. Des
candidatures socialistes s'y sont produites dans plusieui-s circons-
criptions.
Enfin, l'honmie du 15 mai, le prisonnier de Vincennes, le dévoué
Kaspail a triomphé à Pains et à Lyon. Or, l'arrivée de Raspail à
la Chambre, c'est l'avénemcnt du vieux socialisme de I80O et de 1848,
préparant l'avènement du nouveau socialisme, qui se développe et
s'organise sous le drapeau de l'Internationale.
Nous ne voulons pas mettre au nombre de nos succès les nom-
breuses protestations de dévouement à la classe ouvrière dont un
grand noml)re de candidats démocrates, et même de candidats con-
servateurs, ont chargé leur programme : c'est là cependant un signe
du temps.
Quant à la rude leçon infligée à M. Jules Favre, l'un des plus
grands adversaires du socialisme, c'est un indice certain de la ten-
dance de plus en plus accentuée des esprits à suivre le mouvement
dont les socialistes forment l'avant-garde.
Mais, qu'on y fasse bien attention : si les socialistes, mettant de
côté toute considération subjective, n'avaient vu que l'objectif qui
leur est propre, ils auraient pu s'affirmer envers et contre tous, et
cette résolution aurait pesé d'un certain poids dans la balance.
Pourquoi ne l'ont-ils pas fait?
Voilà ce que nous voulons apprendre à nos concitoyens, et no-
tamment aux électeurs de la 2'' circonscription du Rhône, à laquelle
nous appartenons.
De nombreux socialistes de cette circonscription avaient depuis
longtemps formé le projet de poser aux élections de 1869 la candi-
dature d'un démocrate socialiste. Plusieurs réunions privées avaient
eu lieu à cet effet, quand tout à coup est apparue, avec l'auréole
d'une immense popularité , la candidature du citoyen Baneel.
L'apparition de cette candidature, concordant avec le réveil général
de la France à la vie politique, dut nécessairement modifier les
intentions des socialistes; car après s'être demandé s'ils ne devaient
tenir aucun compte de ce grand mouvement politique et l'entraver
au besoin pour marcher directement à leur but, l'affranchissement
du travail, ils se firent une réponse négative.
Les obstacles politiques sont en France tellement obstruants,
tellement pénibles à supporter, que, malgré le pas en avant fait par
le gouvernement impérial, ils frappent encore avant tous les autres
les yeux de la masse intelligente.
Partout des règles, partout des limites, une presse accessible
ET LK JACOniNISMK. 265
aux seuls bourgeois, une centrulisatiou ;il).soibantc, ilos budgets
écrasants.
La candidature Daucel ('lait une prolestaliou contre ont état de
choses, et les socialistes comprirent que la Franco entière, cher-
chant à se délivrer de l'étreinte d'un système qui n'a plus de raison
d'être, ils seraient mal venus, quel que fût le prétexte qu'ils pussent
alléguer, à se mettre en travers d'une si grandiose et si légitime
revendication,
Il ne leur restait que deux partis à prendre : ou s'abstenir, ou
voter pour le citoyen Oancel.
Un moment, l'abstention, ou plutôt le vote par bulletin blanc,
sembla prévaloir.
Cependant, il est si dur, pour dos hommes jouissant do leurs
droits civiques, conquis au prix de tant d'el'l'orts de tout genre, de
ne pas on user quand le cas se présente; de plus, il est si difficile
de rester neutre en face des candidals officiels ou officieux, qu'au
dernier moment tous nos amis se décidèrent à voter pour le citoyen
Bancel.
Du reste, les courageux vaincus de 1852 avaient droit à do tels
égards. Nous en convenons, pour qu'on ne nous accuse pas de
partialité, quand nous rappelons aux peuples d'autres vaincus non
moins glorieux et non moins intéressants.
Peu de jours après qu'eut été prise la décision dont nous venons
de parler, un groujie de socialistes étrangers à l'Association inter-
nationale, et qui ne s'était point concerté avec nous, fit afficher une
invitation de voter par bulletins blancs. Nous respectons d'autant
mieux les intentions de ces socialistes, qu'elles ont été un instant
les nôtres; mais, nous le répétons, nous avons cru de notre devoir
de ne point y persévérer.
II
Ceci posé, nous nous sentons forts pour dire à tous les démo-
crates ouvriers :
« Nous avons tous ensemble revendiqué énergiquement nos
droits de citoyens; conservons cette union, qui nous a donne la vic-
toire, pour revendiquer nos droits de travailleurs. »
Nous ne voulons pas profiter de la circonstance pour agiter le
légendaire spectre rouge. Nous savons d'ailleurs que la loi no
nous permet pas de porter atteinte au principe de la propriété, mais
nous voulons au moins expliquer, une bonne fois, aussi claire-
ment que possible, et cela sans exaltation, sans haine, sans colère,.
ce que nous entendons par nos droits de travailleurs.
266 L'INTERNATIONALE
Les membres de la société actuelle ont à remplir deux fonctions
qui, bien que distinctes, se corroborent l'une l'autre.
L'une est la fonction de citoyen^ qui se rapporte à l'ordre politi-
que; l'autre est la fonction de travailleur, qui se rapporte à l'ordre
économique.
Pour agir et se développer, l'homme, en tant que citoyen et
en tant que travailleur, a besoin de ce milieu salubre, de cette at-
mosphère légère, de cet horizon immense qui s'appellent la Liberté.
La liberlé du citoyen, ou la liberté politique, est bien loin d'être
suffisante.
Faut-il encore rappeler, pour le prouver, les sinistres souvenirs
de juin 1848 ?
]\îais regardons plutôt les pays libres qui avoisinent le nôtre.
En t'uisse, des grèves éclatent à chaque instant, et les ouvriers
oppressés ne savent comment se débarrasser du fardeau qui les
écrase. En Belgique, la misère est à son comble, et les capitalistes,
non contents de molester les travailleurs, les font fusiller par les
troupes du gouvernement.
Et l'Angleterre?
Peut-il être une condition plus déplorable que celle de la
majeure partie des prolétaires anglais? Et ces statistiques offi-
ciel les qui constatent que tous les ans des milliers d'ouvriers an-
glais meurent de misère, ne sont-elles pas une honte pour ce pays
delà liberté politique, delà richesse et de l'égoïsme?
Les économistes nous disent : Avec la libeiié d'association, les
travailleurs, par leurs seuls efforts, fermeront peu à peu toutes
ces plaies; le capital, bien loin de les en empêcher, les y aidera
au contraire.
Nous avons beau faii-e tous nos efforts pour arriver à partager
cette agréable conviction, nous ne pouvons y parvenir.
Non la liberté d'association, qui est une liberté politique, n'est
pas suffisante ; et quand même tous les travailleurs seraient assez
instruits et assez pénétrés des pinncipes modernes de solidarité
pour s'associer tous ensemble, pour organiser le crédit mutuel
gratuit sur une vaste échelle, la centralisation capitaliste les étouf-
ferait encore et paralyserait leurs efforts.
Car cette centralisation va toujours croissant, à mesure que le
mouvement général delà production et de la consommation se dé-
veloppe dans notre société. Et il ne peut pas en être autrement,
parce qu'on ne peut pas se passer du capital, et parce que des as-
sociations, fondées avec des ressources insuffisantes, ne peuvent pas
détourner ces grands canaux par lesquels les capitalisies aspii'cnt
toute la richesse publique, la rente foncière, l'intcrèt au capital, le
patronat et Pagiotage.
Proudhon lui-même a cru à la possibilité d'une transformation
ET LK JAGOltlNISME. 267
sociale opérée par les travailleurs avec les seules ressources donl
le capital les laisse disposer.
Nous admirons Proudhon, mais pas exclusivement, et nous pen-
sons qu'il s'est trompé plusieurs fois, et cette fois-ci entre autres,
qui, du reste, n'est pas arrivé qu'à lui.
Que faut-il donc aux ouvriers pour qu'ils puissent enfin travail-
ler sérieusement et efficacement à leur émancipation?
()n propose parfois des moyens radicaux, et nous en avons pro-
posé aux congrès de Bruxelles et de Berne.
Le premier de ces congrès a reconnu la nécessité de l'entrée du
sol à la propriété collective.
Le second a repoussé le principe de l'égalité économique ; mais
il a étudié cette question, en a reconnu l'importance, et notre dé-
mission de membre de la Ligue de la paix, que nous avons cru
devoir présenter, en compagnie de nos amis Bakounine, Jaclard,
Elisée Reclus, Aristide Rey, Fanelli, etc., a été une nouvelle et so-
lennelle affirmation du socialisme radical.
Mais les moyens préconisés à Bruxelles et à Berne ne sont ap-
plicables que dans un milieu rendu favorable à leur action par des
circonstances toutes spéciales.
Outre que nous ne pouvons pas on parler sans imprudence, nous
tenons à prouver qpie les socialistes ne sont révolutionnaires qu'au-
tant qu'on les force de Vêtre, et qu'ils ne demanderaient pas mieux
que de devenir de vrais amis de l'ordre et de chauds conscrvateui's.
Il ne faudrait pour cela qu'une simple reconnaissance des droits du
travail par l'État, c'est-à-dire qu'il faudrait donner aux travailleurs
ce que nous appellerons la liberté sociale, corollaire indispensable
de la liberté politique.
III
Donc, nous nous plaçons sur le terrain de la modération et nous
demandons ici, non pas des moyens radicaux, non pas une trans-
formation immédiate, mais des moyens transitoires, dont on puisse
se servir pacifiquement et sans nuire à personne.
Mais qu'est-ce que la liberté sociale?
La constitution de 92 nous en donne la définition, en nous don-
nant celle de la liberté politique.
De même que la liberté politique est la faculté pour chaque ci-
toyen de faire tout ce qu'il veut jusqu'à la limite de la liberté d'un
autre citoyen, la liberté sociale est la faculté pour chaque travailleur
l'68 L'INTERNATIONAL F.
(le faire tout ce qu'il veut jusqu'à la liniile de la liberté d'un autre
travailleur.
Or, si la liberté politique n'existe que quand elle est délinie, as-
surée, garantie par des lois d'ordre politique, la liberté sociale ne
peut exister que si elle est définie, assurée, garaplie par des lois
d'ordre social.
Dans les républiques grecque et romaine, la liberté politique
existait, mais la liberté sociale n'existait pas : elles avaient des es-
claves.
Le Brésil et l'île de (^,uba nous présentent encore le même spec-
tacle.
Dans nos sociétés européennes, la liberté politique existe, un
peu plus ou un peu moins développée, mais la liberté sociale n'y
existe pas : elles ont des prolétaires. La misère s'y montre à côté
de l'opulence ; une inégalité choquante y divise les citoyens en
castes ennemies; l'anarchie et la confusion régnent dans le sys-
tème économique : on n'y connaît point de droits, et la loi du plus
fort, qui est la loi du plus riche, est la seule que l'on y suive.
Mais comment établir la liberté sociale ?
Il faut pour cela trois grandes réformes législatives bien sim-
ples, et dont l'application ne présentera de difficulté que pour ceux
qu'aveugle le préjugé et qui se rattachent avec une opiniâtreté in-
sensée au débris d'un passé dont nous nous éloignons avec tant
de rapidité.
Ces trois réformes sont celles pour lesquelles nous avons demandé
au citoyen Bancel de se prononcer, dans la dernière réunion publi-
que électorale qui s'est tenue dans la salle du Trianon, à Vaise. La
première, c'est l'établissement de l'impôt proportionnel et progres-
sif. Quoi de plus juste qu'un impôt de ce genre, substituant à la
multitude d'impôts directs et indirects, dont nous sommes accablés et
<{ui pèsent tous directement ou indirectement sur le travail, substi-
tuant à ces impôts, disons-nous, un système qui ferait payer à cha-
que citoyen une portion de charges; publiques proportionnée à ses
ressources personnelles.
Le citoyen Bancel, sentant tout ce que cette idée a d'avenir, a ad-
mis la proportionnalité de l'impôt, mais il a repoussé la progression.
Nous serions d'accord avec lui, si nous nous trouvions en pi^é-
sence d'une société vraiment égalitaire, c'est-à-dire où chacun
ne disposerait que des fruits de son travail ; mais la différence qui
existe actuellement entre la fortune est si grande, que la i^ropor-
tionnalité sans la progression ne serait plus la proportionnalité.
La seconde réforme, c'est la suppression des monopoles d'Etat,
tels que ceux dont jouissent la Banque de France, des sociétés
financières, des compagnies de chemins de fer, des compagnies
d'assurances et autres entreprises.
ET LE JACOIUNISMi;. 26i*
Il est facile de comprendre (juc ces sociétés i)riviléyices, offrant
à la fois des avantages plus considérables et de meilleures garan-
ties, attirent à elles tous les capitaux disponibles, qui deviennent
ainsi une précieuse ressource pour la centralisation capitaliste' et
un moyen de plus pour lui asservir le travail.
Nous pouvons en donner une idée à nos lecteurs :
11 n'existe en France que cinq milliards de francs eu numéraire,
dont deux milliards seulement sont en circulation. Cependant, les
spéculateurs, à l'aide de leurs privilèges, accaparant le crédit public,
prêtent une somme de soixante milliards de francs au moins, repré-
sentée par des valeurs fiduciaires, c'est-à-dire par des valeurs fic-
tives qui deviennent ainsi réelles à leur profit exclusif.
Ces papiers de toute sorte sont des dettes d'P^tat, des dettes hypo-
Ihécaii'es, des actions, des obligations, valeurs ohirographaires, etc.
Pour payement des frais qu'ils provoquent et de leurs intérêts,
ils enlèvent à la production une somme annuelle de cinq milliards
<|ualre cents millions ! Nous constatons avec plaisir que le citoyen
Baneel a reconnu la nécessité de supprimer ces monopoles.
La troisième de nos réformes, qui est la plus importante, parce
que, sans elle, les précédentes qui pourraient la compléter si utile-
ment seraient faciles à éluder et ne serviraient par conséquent de
rien, consiste dans la création de lois spéciales et de tribunaux
spéciaux pour régler dans un sens démocratique et égalitaire les
rapports entre les capitalistes, propriétaires et patrons d'une part,
et les travailleurs dans la plus vaste acception du mot d'autre
liart.
L'institution des prud'hommes est déjà un tout petit pas fait dans
cette voie.
Ces lois et ces tribunaux économiques détermineraient claire-
ment les droits et les devoirs de tous les intéressés dans l'ordre
économique, fixeraient la durée des journées de travail, s'inspire-
raient à la fois des intérêts généraux de l'industrie, du commerce
et de l'agi'iculture, et des intérêts particuliers de tous les intéressés
sans distinction aucune. Ils s'occuperaient même de coordonner
dans la mesure du possible le mouvement de la production et de la
consommation, celui de rimportaliou et de l'exportation, la con-
currence et l'échange.
Enfin, ils assureraient du travail à tout le monde, même aux
dépens des capitalistes, si cela était nécessaire.
La vie de l'homme est sacrée; son indépendance sociale et sa
dignité, sans lesquelles il n'est pas un homme, mais une brute^ doi-
vent l'être également. Aucune [considération d'aucun ordre ne peul
primer celles-là. Une société civilisée qui ne sauvegarde pas en-
vers et contre tous la vie de l'homme, son indépendance sociale et
sa dignité n'est pas digne du nom de société civilisée, et l'histoire
270 L'INTERNATIONALE
est là pour nous démontrei" qu'elle nourrit le monstre qui doit la
dévorer.
On parle sans cesse d'initiative individuelle. C'est seulement
après l'établissement des réfoi^mes que nous venons d'exposer
qu'on pourrait on parler avec raison, car les membres de la
société, placés comme citoyens et comme travailleurs sur le ter-
rain solide du di'oit, pourraient déployer en toute sécurité et sans
porter préjudicL' ù autrui toute leur activité morale et matérielle.
L'instruction et l'association deviendraient des arines puissantes
entre les mains des ouvriers, et, le socialisme entrant de la phase
théorique dans la phase pratique, cet abominable specti'e rouge
deviendrait la plus complète réalisation du progrès dans la paix et
dans la liberté, par la science et par le travail.
Sans l'epousser directement une proposition si conforme à la jus-
tice et aux besoins de notre époque, le citoyen Bancel, s'égaranl
dans des considérations d'un ordre purement politique, nous a ré-
pondu en parlant de liberté et d'initiative individuelle.
Il n'est pas étonnant qu'il ne nous ait pas compris; prévenu
depuis longtemps contre les théoriciens, il croit qu'ils sont encore
possibles maintenant et il se tient sur ses gardes.
IV
Nous convenons sans peine qu'il ne manque pas d'objections à
faire à notre troisième proposition, mais nous défions nos adver-
saires d'en trouver une seule qui soit irréfutable.
La plus forte est celle qui repousse l'intervention de l'Etat dans
le système économique. C'est aussi la moins solide.
Car, qu'est-ce que l'Etat dans le sens le plus légitime du mot ?
L'Iîltat, c'est la société, c'est nous, citoyens et travailleurs. Nous
avons donc le droit de faire des lois et d'intervenir dans nos pro--
près affaires, au point de vue économique comme au point de vue
politique.
Voici une autre objection :
En détruisant le chômage et la misère, en améliorant d'une ma-
nière si sensible la condition des travailleurs, nous dit-on, on pro-
voquera une augmentation considérable du prix des objets de con-
sommation, et en dépit de tout la situation redeviendra la même
qu'auparavant.
Nous répondons que cela est impossible parce que l'augmenta-
tion de la production concordera uécessaircment avec l'augmenta-
tion de la consommation.
RT LE JACOBINISME. 371
On pouiTu dire encore : Mais la moyenne des revenus et salaires
est en France de dix-huit sous par jour pour chaque personne.. Si
les uns gagnent beaucoup plus, il faut nécessairement f[u'il y ail
des mallieureux.
Nous ne voulons pas discuter le chiffre de dix-huit sous; il y a
tant d'ouvriers qui ne gagnent guère plus el qui ont une femme et
des enfants !
Mais nous ferons observer qu'il semble que ce soit très-peu
parce qu'on ne réfléchit pas que derrière ces dix-huit sous jour-
naliers, il y a toute la richesse publique, propriété foncière,
immobilière, capital industriel, monnaie, etc., qui, si elle était
également répartie, rendrait chaque individu, homme ou femme,
enfant ou vieillard, propriétaii'C d'une valeur de trois mille
francs.
D'ailleurs, non-seulement l'impùl proporlionnel et progressif
remédierait à l'inégalité des gains, mais l'augmentaliou de la pro-
duction et de la consommation porterait le revenu général à sou
maximum, qu'il est bien loin d'atteindre aujourd'hui, tandis que nous
ferions de jour en jour des pas plus considérables dans le sens de
l'égalité économique.
Une dernière objection et la plus digue d'être combattue est celle
par laquelle on pourrait nous reprocher de gêner la liberté indivi-
duelle.
Mais, quand la liberté individuelle des uns dégénère en licence,
c'est-à-dire quand elle porte atteinte à la liberté individuelle des
autres, la société a le droit et le devoir do la gêner.
Ceux qui ne voient que la liberté et l'initiative individuelles,
ranavchic et le fédéralisme, ne voient qu'un seul côté de la ques-
tion. Esl-ce que le droit d'un seul doit annuler le droit de tous ?
Est-ce que le droit individuel doit annuler le droit social ?
Non!
Pas plus que le droit social ne doit absorber le droit individuel.
Ces deux droits qui n'eu font qu'un doivent s'amalgamer, se
corroborer. C'est la loi naturelle d'attraction et do répulsion ap-
pliquée au système économique.
Au surplus, nous n'avons aucune prétention à l'infaillibilité.
Non-seulement nous ne redoutons pas la discussion orale ou
écrite, mais nous l'appelons, nous la provoquons. Si nous som-
mes dans l'erreur, qu'on nous le prouve.
Les socialistes d'aujourd'hui ne sont point des révélateurs so-
ciaux : au contraire, ils ne détestent rien tant que les prophètes
et les systèmes. Les socialistes sont purement et simplement des
travailleurs qui veulent qu'on respecte les droits imprescriptibles
qu'ils tiennent de leur double qualité d'hommes et de travailleurs.
Leur grand ennemi, ce n'est pas la bourgeoisie, ce n'est pas la
Tri L'INTERNATIONALE
j-eligion, ce n'est pas la propriété, e'esl le mal social dans sa cause
passive, l'ignorance, et dans sa cause active, l'égoïsme.
Mais, s'écrie-t-on, ils veulent tout nivclei* ; c'est là pour eux le
Lut messianique!
Les socialistes no veulent rien niveler du tout. Ils veulent la
réalisation matérielle de la justice qui n'est autre que l'égalité
acclamée en 92.
Et qu'est-ce que c'est que cette égalité ?
C'est l'obligation du devoir et la reconnaissaince du droit pour
tous les individus avec l'équilibre entre les droits et les devoirs de
chacun d'eux.
Qu'y a-t-il là de si effrayant ?
Vous ne voulez pas que les paresseux et les débauchés profitent
des peines des autres ?
Nous ne le voulons pas davantage.
Vous voulez qu'on respecte la propriété qui a poui- origine le
travail ?
C'est précisément celle-là que nous vouions respecter.
Vous voulez que les citoyens vivent en bonne intelligence en-
tre eux?
Mais, c'est absolument ce que nous vovilons.
Vous voulez que les paysans conservent leur morceau de ter-
rain?
Non-seulement nous le voulons, mais nous voulons ({ue ceux
qui n'ont qu'un terrain insuffisant en aient un plus grand, que les
fermiers et les journaliers deviennent propriétaires, qu'enfin, per-
sonne n'ait plus lieu de se plaindre, ni dans les campagnes, ni dans
les villes.
Et cependant, on nous insulte, on nous bafoue, on nous prête
des intentions telles que les traîtres de nos grands drames en
cinq actes et douze tableaux ne nous en montrent point d'aussi
terribles !
A de certaines époques, et l'époque des élections est une de celles-
là, les journaux réactionnaires sont amusants au possible. D'hon-
nêtes rédacteurs transformés en croquemilaincs de parade embou-
chent la trompette du jugement dernier pour jeter, sur un ton
sépulcral, ces avertissements épouvantables à leurs débonnaires
lecteurs:
C'est la vengeance, le pillage, les proscriptions, dissimulés à
ET LE JACOBINISME 278
u Les représentants de la justice, Ollivier, nernier et C'c vou-
draient bien trouver quelque chose ({ui les sauvilt du ridicule, et
peine sous le nom de révolution sociale, qu'il faut aux radicaux et
aux socialistes. Ils ne veulent que satisfaire par tous les moyens
leurs rancunes et leurs convoitises. »
Ciel et terre ! Est-il possible ?
Hommes de vengeance, de pillage et de proscrijjtion, où ctes-
vous ? Apparaissez si vous existez. Mais nous ne voyons rien à
l'horizon, à moins que ce ne soient les fameux points noirs en
question.
Les démocrates libéraux attaquent le socialisme avec moins de
violence, mais avec autant d'ardeur. Défenseurs de la bourgeoisie et
de ses privilèges, arrière-garde attardée des générations qui ont
joué leur rôle en 89, en 1830 et eu 1848, ils sentent qu'ils ne sont
plus les hommes de l'avenir et qu'à une situation nouvelle il faut
des hommes nouveaux. Mais leurs routines, leui- ignorance en ma-
tière d'économie sociale et surtout leurs craintes les jettent dans
le trouble. Et ils pactisent avec la réaction quand il s'agit de
nous jeter la pierre. Qu'ils y réfléchissent désormais : cette alliance
monstrueuse a déjà coûté bien cher aux Jules Favre, aux Garnier-
Pagès, aux Marie, et ce ne sont pas là les dernières surprises qui
nous soient réservées.
Quant aux économistes, ils sont incorrigibles et ils nous répètent
comme toujours que « l'ouvrier intelligent et honnête sait bien que
par son travail il peut arriver à être patron, qu'il peut acquérir
l'aisance et souvent la fortune. »
Ouvriers lyonnais qui par votre travail acquérez l'aisanee et la
fortune, où étes-vous ?
Montrez-vous !
Allez, messieurs les adversaires du socialisme, soyez tranquilles,
nous ne vous rendons pas la haine que vous avez pour nous.
Et savez-vous pourquoi?
C'est parce que, de par la loi suprême qui préside au développe-
ment des sociétés humaines, l'avenir nous appartient.
Vous aurez beau faire et beau dire, nous triompherons à notre
heure.
Nous triompherons, parce que notre devise est : Vérité, Justice,
Morale.
Nous triompherons, parce que nous avons derrière nous tout un
corps d'armée, et que ce corps d'armée, c'est le peuple, le peuple
qu'on peut abuser, tromper un instant, le peuple qui paye bien cher
les fautes qu'il lui arrive de commettre, mais qui porte dans son
sein le germe de tous les progrès et de toutes les grandeurs.
Lyon, le 3 juin 1869.
18
374 L'INTERNATIONALE
PIEGE H.
PROTESTATION DES DELEGUES DES SOGIETl» OUVRtEBES DE PARIS CONTRE
LE MASSACRE d'aUBIN.
« Les délégués des sociétés ouvrières, réunis pour conolure un
« pacte fédératif, protestent de foute leur énergie contre les actes
« sanglants rommis sur les travailleurs dos mines d'Aubin.
« En présence de pareils attentats contre la vie et le droit du
« peuple,
« Nous déclamns qu'il nous est impossible de vivre sous un ré-
(I gime social où le capital répond à des manifestations, quelquefois
« turbulentes, mais toujours justes, par la fusillade.
« Les travailleurs savent ce qu'ils ont à espérer de cette caste qui
« n'a exterminé l'aristocratie que pour hériter de ses injustes
« prétentions. Etait-ce pour aboutir à de tels résultats que le peuple
c( scella de son sang la proclamation des droits de l'homme?
a Les faits accomplis nous autorisent à affirmer de nouveau que
« le peuple ne peut attendre que de ses propres efforts le triomphe
« de la justice.
« SYLVESTRE, imprimeur en taille-douce, rue St. -Jacques, 187.
SOLIVEAU, imprimeur en taille-douce, rue Lctort, 1 AVRIAL,
mécanicien, passage Raoul, 15. MARTIN edouard, forgeron,
boulevard Ronne-Nouvelle, 25. DROUCHON Gustave, mécani-
cien, rue Oberkampf, 131. MARGHAL, menuisier en bâtiment,
marché Ste-Catheriiie, 9. CAPUT, menuisier en bâtiment, rue
St-Maur, 140. ROUILLY, wagonnier, rueSte-YIarie, 12. DAM-
BRUN, menuisier en sièges, rue duFaubourg-St-Antoine, 255.
FRrVNQUIN, litbographe, rue de la Verrerie, 42. BLON-
DEUX, lithographe, rue de Douai, 28. SAUZET, tourneur sur
métaux, rue St-Maur, 195. VIGNERON, sculpteur sur bois,
rue de la Villette, 68. PRUDHOMME, sculpteur sur bois, rue
du Faubourg-du-Temple, 82. VERONA richari>, porcelainier,
rue Neuve-Gabi ielle, 15(Gharenton). UXRBIER, peintre en cé-
ramique, rue des 'Chaufourniers, 21. MEVRE, peintre en cé-
ramique, rue Ramponneau, 32. GASPARD, ébéniste, rue Tra-
versière, 43. ANDRÉ, /c/em, idem. RERGON louis, tisseur en
canevas, boulevard Vangirard, 163. LOTHON, brossier pour
joei/3i(/re,ruedesTrois-Bornes, ibhis. PARROT aîné, brossivr
pour peinture, rue de Reuilly, 67. PABROT jeune, brossier
pour peinture, rue du Cloître-St-Merry, 1. MÉNARD, brossier
KT l.K JACOBINISME. 275
pour peinture, rue Beautreillis, 13. ROUSSEL, ferhianlier', rue
du Vcrfbois, 22. I)U(-IION, ùhni, rue Turenno, 62. ACHARD,
inégissierpaIissonnciir,v\ie de Lourcine, 75. FOUHCAND, mà-
gissirr palissonncur, rue Mouffetard, 269. DPZLPONT, tailleur
de pierres, rue Banville, 8. PARRY, tailleur de pierres, rue
Jean-de-Beauvais, 11. BERLIOZ, /(/(,7/j. PAGNERRE, fcuilla-
giste, rue de la Fidélité, 11. DELORME, papiers de fantaisie,
rue des Pruuiers, 22. ROUVEYUOL, orfèvre, rue de Tour-
telle 23. BRANSAUU, idem. LOREAU, sculpteur sur pierre,
rue Oberkampf, 95. LAGHENE, rue La^àlle (Montmartre).
ROUILLARD, cuirs et peaux, rue du Four, 25. IIOUEL, cor-
royeur. JAILLON, instruments de musique, rue Prévost, 26.
DURAND, bijoutirr. CHAMPI (louis), idem. BOUVET, em-
ployé de commerce. LECLERCQ, idem. ROLLAND. MURAT.
charpentier. TUEIZ, bronzior, rue de Jessaint, 12. LANBRIN
HU'POLYTEj bronzier, rue deBelleyme, 12. VARLIN, relieur,
rue Dauphine, 33. LÉVY Lazare, de la société civile des
opticiens, rue de Sévigné, 26. »
(La Réforme, 14 oétdbre 1869.) '
PIEGE I
LA FUTURE REPUBLIQUE EN FRANGE.
Programme social et politique.
« Il y a trois formes distinctes de république : l'une dite consti-
tutionnelle, l'autre despotique et la troisième socialiste.
« La dernière doit être le couronnement de l'édifice et le but su-
prême de la révolution.
« Sont arrêtés et proclamés les points suivants :
« Banqueroute de l'Etat;
« Vente des propriétés nationales;
« Confiscation des biens acquis par les hauts fonctionnaires de
l'Empire durant leur administration;
« Allocation de 4 à 5 millions par an sur les fonds de la nation
aux corporations ouvrières ;
« L'impôt proportionnel et progressif;
« L'impôt sur le revenu;
« La suppression de l'armée régulière et permanente.
« La terreur et le despotisme, dès le commencement de la répu-
blique, afin d'empêcher toute réaction.
i>.H'> L'INTERNATIONALE
« Pas d'église catholique.
« Exil — sinon la mort — des prêtres et des religieux.
« Un seul journal, la feuille officielle du gouvernement.
« Clubs en permanence, autorisés pour les ouvriers seulement,
n Interdiction absolue de toute autre réunion entre les citoyens.
« L'armement de la classe ouvrière, à l'exclusion de toute autre
classe.
« L'éducation des enfants et de la jeunesse gratuite cl obliga-
toire, dans les seuls établissements de la nation.
« Suppression de tout culte chrétien qu'on pourra remplacer par
un culte national empi^unté au paganisme des Grecs anciens.
« Suppression du droit de propriété.
« Le travail imposé à tout citoyen valide, comme condition pour
recevoir de la république les vivres et les autres choses néces-
saires à l'existence.
« Les pillages, incendies et massacres pourront être ordonnés dès
le commencement de la révolution, s'ils sont jugés nécessaires
pour déblayer le terrain politique.
c Un tribunal révolutionnaire secret est formé dès à présent.
(Minière en fut nommé le président. Hustave Flourens fut évincé de
la composition de ce tribunal.) Les arrêts et sentences qu'il portera
seront exécutés par les membres de l'Internationale' que le sort
aura désignés *.
Moyens d'action et de préparation.
« Réunions publiques ;
« Diffusion des journaux socialistes;
« Contributions légères, mais hebdomadaires, des ouvriers, ver-
sées dans une caisse générale, au profit de la cause socialiste;
« Grèves nombreuses et fréquentes;
« Engagement pris par tous les affiliés d'obéir fidèlement aux
ordres qui leur seront donnés.
« Fait et arrêté à Paris, en janvier 1870. >
• La personne de qui nous tenons ce canevas effroyable, et dont le caractère
et la situation nous permettent d'affirmer, que ce n'est point là un lugubre cau-
chemar, ajoute ici en note : « Deux mois après il y eut à Paris plusieurs person-
nages jugés et désignés pour la mort par ce soi-disant tribunal, pour la sentence
être exécutée suivant les occasions et les circonstances qui paraîtraient les plus
favorables. » [Note de la rédaction.)
(Extrait ûe Paria-Journal, 6 septembre 1871.)
Eï LE JACOBINISME. 277
PIEGE J.
MA.MFESTK UES FEMMES I.YONNAISES ADHERENTES A l'iNTERNATIONALE,
pour engager les jeunes gens de 1870 à refuser le service mili-
taire, adopté par une réunion privée tenue, sallo Valentino, à la
Croix-Rousse, le 16 janvier 1810, et communiqué à toutes les
sections et comités de l'Internationale.
t Citoyens,
« Dernièrement un groupe de nos concitoyennes ont adressé aux
députés socialistes, Raspail et Rochefort, une protestation contre
les armées permanentes, avec prière de la remettre au Corps légis-
latif. Protester, c'est bien, mais de l'avis d'un très-grand nombre
d'entre nous, ce n'est pas assez. En voici la raison : présentée à
une chambre composée en très-grande majorité de gros capitalistes,
de grands exploitants qui n'ont rien moins en vue que les intérêts
des masses, cette réclamation contre la loi de l'impôt du sang dont
ils sont les heureux privilégiés, puisque pour 2,000 francs, somme
insignifiante pour leur fortune, leurs fils en sont affranchis, les
trouvera récalcitrants et passera comme tant d'autres sans
succès.
f C'est par un acte révolutionnaire, celui du refus de la cons-
cription, qu'il faut protester et non par d'inutiles réclamations. Car,
depuis un an que la démocratie radicale se morfond en protesta-
tions qu'a-t-elle obtenu? Rien. Confiant dans le dévouement de
ses plats valets du Palais-Bourbon, l'Empire se joue du jieuple, se
moque de ses doléances, et si nous continuons sur ce ton, bientôt
il ne nous prendra plus au sérieux. Les impériaux, et avec eux,
toute la race des oppresseurs du prolétariat se gênent si peu avec
nous qu'ils ne prennent môme plus la peine de couvrir leurs actes
arbitraires de l'apparence de la légalité.
t De turpitudes en turpitudes, de forfaits en forfaits cette noble
engeance a comblé la mesure de la dégradation morale. Elle nous
frappe sans pudeur comme sans merci. Eh bien! quand on a eu le
malheur de tomber sous la domination de pareilles gens et que l'on
veut s'arracher à leur joug odieux, on ne perd pas son temps en
de vaines réclamations, surtout on ne rabaisse pas sa dignité d'hnn-
nète homme à parlementer avec eux : on prépare la lutte,
on fait appel à ses moyens et on agit. Mais, dit-on, l'Empire est
trop fort : quels que puissent être nos moyens d'action, il nous
278 L'INTERNATIONALE
vaincra. Telle n'est pas notre appréciation. Un fait acquis au monde
entier, c'est que le gouvernement de Bonaparte est aujourd'hui
perdu dans l'opinion, et que la^France entière lui est hostile, sans
en excepter l'armée qui, pour en donner une preuve éclatante, n'at-
tend qu'un appel du périple.
« Dans cette situation, l'Empire se trouve sans appui moral, et
cette force que la frayeur nous montre si redoutable ne repose que
sur quelques cent mille chassepots placés en des mains toutes dis-
posées à en faire usage, non contre le peuple, mais contre ses op-
presseurs et exploiteurs.
« La force dont l'Empire dispose contre nous est donc toute maté-
rielle, et qui la lui fournit? Tous les Français, ses ennemis. Pour
exercer sa pression sur eux, il puise dans leurs forces, et ils se
laissent faire. Si encore nous nous bornions à nous laisser dévaliser,
mais, ù comble de la couardise, les citoyens vont jusqu'à se livrer
en personne au service de sa cause. Tous nous devrions eu avoir
le rouge au front. Nous nous disons civilisés, émancipés, erreur!
nous ne sommes encoi'e que de misérables esclaves et, ce qu'il y a
de plus triste, c'est que nous le sommes non-seulement matérielle-
ment, mais encore moralement, puisque, sans nous révolter, nous
sulùssons la condition qui nous est faite. Quand donc compren-
drons-nous dans quel abaissement on nous tient courbés? Quand
donc, par un acte viril, nouveaux Spartacus, nous rpdresserons-nous
contre la tyrannie?
« Jeunes citoyens de la classe de 1870, vous faites partie de la
génération nouvelle, par conséquent vous êtes appelés à bénéficier
les premiers des réformes issues de la révolution sociale; c'est
donc à vous, à vous que revient l'honneur et le devoir d'ouvrir la
lutte. Une occasion se présente à vous de donner un exemple de
dignité humaine, ne le laissez pas passer. Dans quelques jours
l'Empire vous appellera pour vous enrôler sous les drapeaux fran-
geux, ne lui répondez pas ou plutôt répondez-lui ceci : nous
sommes les soldats de la France, nous ne sommes pas les
vôtres, car enti'e la France d'aujourd'hui et vous, il n'y a rien de
commun. Nous ne voulons pas servir dans votre armée. Savez- vous
pourquoi? Parce que, par vos exploits de Mentana, de Chine, du
Mexique, surtout par vos massacres de la Bicamarie et d'Aubin,
cette armée vous l'avez déshonorée, vous l'avez avilie.
» Faites cela, citoyens, le monde entier vous applaudira et vous
aurez bien mérité de la révolution- Que craignez-vous? La prison?
Nous, vos mères, vos soeurs, vos amies, nous veillerons sur vous,
nous combattrons avec vous. Aussitôt que nous aurons appris
qu'un ou plusieurs d'entre vous ont été arrêtés, nous irons en
fo\ile vous réclamer à l'autorité compétente, et il faudra bien qu'on
nous rende justice.
ET LK ,1AC0BINISME. 279
« Mettez-nous à l'épreuve, jeunes citoyens, et l'on verra que les
l'itovenncs françaises n'ont pas dégénéré, qu'elles sont susceptibles
d'autant d'énergie et de civisme que leurs aïeules de 1"98.
€ Cet appel à la résistance à une loi civique, puisqu'elle ne frappe
qu'une partie des citoyens, a été adopté à l'unanimité dans une
réunion privée, salle Valcntino, à Lyon, le 16 janvier 1870.
a Pour les citoyennes présentes à la réunion et par ordre,
<( Virginie BARBET.
« Membre de l'Association inlernalionale des travailleurs'. »
PIÈCE K.
COMPTE RtiNDU DU MEETING TENU A LONDRES, LE 24 FÉVRIER i8~0, PARLA
BRANCHE FRANÇAISE POUR CÉLÉBRER LeS2* ANNIVERSAIRE DE LA PRO-
CLAMATION DE LA RÉPUBLIQUE.
AssociriUon jutcriintionalc des travailleurs.
a L'Association internationale des travailleurs, branche française,
section fédérale le conjointement avec la société révolutionnaire
Va Teutonia (Allemande) ont tenu un meeting public pour célébrer
l'anniversaire de la proclamation de la république, le "24 février 1848.
« Une puissance occulte nous ayant fait refuser lu salle du Cleve-
land-Hall, la réunion a eu lieu au Bell Tavern old Bailly, sous la
présidence du citoyen Besson,
« La réunion était nombreuse et enthousiaste. Les citoyens Bes-
son, Weber, Paintot, Prévost , Kaufmann, Denempont, Lelubez,
Holtporp et Debord ont pris successivement la parole, et ont
énergiquement revendiqué les droits du peuple aux applaudisse-
'ments des auditeurs.
« La proposition suivante, présentée par les citoyens Mouraille,
Denempont et Victor Gudfin a été votée a l'unanimité avec le plus
grand enthousiasme :
1 Cette aimable citoyenne, qui était plus qu'à la hauteur des pétroleuses Pari-
siennes, tenait à cette époque un débit do boissons, rue Moncey 123. Elle a publié
dans le Progrès du Locle plusieurs articles sur le déisme et l'athéisme où le gro -
tesque le dispute à rodieu> .
Nous la retrouvons au Creuzot le 21 février 1 871, vociférant dans les clubs révolu-
tionnaires organisés sous le patronage du citoyen Dumay, alors maire du Creuzot
de par la vûlunlé du prcjel Frédéric Morin : qu'il ne fallait pas en. vouloir aux Prus-
tien-i ; qu'en irùlant et saccageant la France, ils avaient appris au peuple ce qu'il fal-
lait faire contre la réaction : que si l'on pouvait faire sortir de Paris les Irav ailleurs,
elles pauvret, elle terail heureuse d y mettre le feu.
280 L'INTERNATIONALE.
K L'assemblée proteste contre l'arrestation du seul représentant
« qui a accepté le mandat de la souveraineté permanente du peuple,
«le mandat impératif; elle engage le peuple à ne jamais accorder
« sa confiance à ceux qui la repoussent. »
«A l'issue de la réunion, une collecte a été faite au profit des
«détenus politiques.
«On s'est séparé au chant de la Marseillaise et aux cris mille fois
répétés de vive Rochefort! vive la République démocratique
sociale et universelle!
« Pour la branche française,
« Le secrétaire :
« Signé : G. PÉTRE. »
{Marseillaise, 28 février 1870.)
PIÈGK L.
LETTRE D EUGENE DUPONT A COMBAULT, I. INFORMANT QU IL A REMPLI LA
MISSION dont! il l'avait GHAnGÉ AUPRÈS DE BESSON ET DE FÉLIX PYAT.
Londres.... janvier 1870.
« Mon cher Combault,
c Je vois avec plaisir que tu te dévoues toujours à la propagande
de notre chère association. Mais je ne comprends guère ton long
silence, car depuis la lettre où tu réclamais l' intervention dePyat
et de Besson comme chose indispensable pour faire la révolution je
n'ai rien reçu de toi. J'avais cependant répondu h cette dernière et
fait ta commission.
c Je t'engage à prendre rendez-vous avec Varlin, Héligon, Johan-
aard, Malon pour voir Murât: je lui envoie les pièces officielles:
il y a en outre une autre lettre qui vous concerne tous.
« Je n'ai pas répondu aussitôt que tu le désirais, d'abord parce
que ta lettre ne m'a été remise qu'au conseil général et qu'en-
suite je voulais savoir si dans cette dernière affaire aucun de nos
amis n'était compromis.
Signé : Eugène DUPONT. >
ET LE JACOBINISME. 281
PIEGE M.
ADRESSE I)U CITOYEN CLUSERET AUX TRAVAILLEURS AMÉRICAINS POI'R LEUR
NOTIFIER SA NOMINATION AU I>OSTE DE REPRÉSENTANT VK LA ClIAMURE
FÉDÉRALE PARISIENNE EN AMÉRIQUE.
Aux travnillenrs américains.
« Càtoyeiis,
« Élu par la chambre fédérale des sociétés ouvrières de Paris
représentant des intérêts du travail français en Amérique, jn dé-
sire me mi'Itre en communicalion immédiate avec les représentants
des sociétés ouvrières américaines, afin de commencer ma mission,
qui consiste à mettre en rapports constants et directs les sociétés
des deux pays, dans le but de solidariser les intérêts du travail,
d'un bout du monde à l'autre.
« L'émancipation des travailleurs n'est pas un problème pure-
ment local ou national ; au contraire, ce problème intéresse toutes
les nations civilisées, sa solution étant nécessairement subordonnée
à leur concours théorique et pratique. {Statuts de rinternationale.
« Fédérer et solidariser les sociétés ouvrières d'un centre comme
Paris ou d'une nation comme la France, est certainement un grand
pas accompli. Relier cette fédération à celles d'Angleterre, d'Alle-
magne, de Suisse, de Belgique est plus encore ; mais ce n'est pas
assez. L'œuvre ne sera efficace que quand elle sera universelle,
c'est-à-dire quand chaque corporation -dans chaque pays sera fé-
déralisée avec les autres corporations des autres pays.
« Dans la lutte de plus en plus acharnée du travailleur contre le
capitaliste ', ce n'est pas trop des efforts combinés de tous les tra-
vailleurs contre la fédération si puissante des capitalistes. Tant
que les deux termes de l'équation sociale ne seront pas renversés,
tant que le travail ne commandera pas au capital, il n'y a ni sta-
bilité, ni| sécurité possibles pour les sociétés.
« Ici plus que partout ailleurs, le problème est palpittint d'actua-
lité, car l'Américiue présente cette étrange anomalie d'un travail
esclave dans une nation libre. Libre politiquement, le travailleur est
socialement serf du capitaliste, dont les exigences et l'influence gran-
1 II est assez curieux de connaître comment on définit dans le langage Je Vliiter-
nationalc les capitalistes et les banquiers. Nous trouvons cette dc^'finition dans le
journal l'Internationale , (janvier 1870) ce sont des vautours, aux doigts eroehus, qui
planent au-dessus du commerce, cherchant un cadavre à dévorer.
282 L'INTERNATIONALE
dissent de plus en plus ; à ce point qu'après avoir contrôlé le marché
il contrôle aujourd'hui la politique, et malgré le vœu unanime du
peuple, fait prévaloir la politique de ses intérêts sur celle du pays.
« Tant que les salaires ont été assez élevés pour que le travailleur
ne s'aperçut pas de l'immense tort que lui faisait le capitaliste dans
la répartition des richesses, tout a bien été. Le travailleur peu
soucieux de sa nature, vit au jour le jour. Et pourvu que le salaire
lui donne le bien-être, il passe facilement condamnation sur le
reste. Aujourd'hui les choses ont bien chanyé. Tout a augmenté.
Le salaire seul est resté stationnaire pour les deux tiei^s des produc-
teurs; et tandis que l'émigration fait la fortune du pays et des ca-
pitalistes, elle opère momentanément l'abaissement des salaires
par la concurrence.
« Or, l'élévation des salaires est aussi importante à la grandeur et
à la prospérité de la république que l'accroissement constant de
l'émigration. Par l'élévation des salaires on maintient le niveau
moral de la population et l'on accroît l'émigration qui va où le
bien-être l'appelle. Par l'émigration on développe la prospérité ma-
téx'ielle du pays.
« L'équation nationale américaine est celle-ci : le salaire, ou part
dans la répartition des richesses, est à l'émigration comme la pros-
périté est à la nation.
ff Qui empêche de résoudre l'équation ? Le capitaliste, qui vierit
s'interposer entre le producteur et le consommateur et ne faisant
rien, spécule sur tous.
« Or, il importe au bonheur de tous, que le parasite soit de plus en
plus réduit à l'impuissance de nuire.
« Car qu'adviendrait-il d'une société où les ouvriers libres, de par
la constitution, déparier, d'écrire, de se grouper et d'agir, vien-
draient se compter sous l'influence de la misère?
« En Europe, le problème est tout autre. Le travailleur est à la
fois esclave, politique et social. Là on a été logique et pour voler
le travail on a commencé par lui mettre les menottes.
tt Ici pas de millions de baïonnettes, pas de police, ni de gen-
darmes pour menacer les travailleurs coupables de réclamer ce qui
leur est dû.
« Que fera la société le jour où après avoir pressuré le travailleur
elle voudra le maintenir sous sa dépendance forcée ? Elle devra
imiter l'Europe et employer son argent à payer des soldats et de
la police. Pour conserver une aristocratie pernicieuse, elle sera
forcée de détruire les institutions qui ont fait la grandeur et le
bonheur de la nation.
« La guerre civile succédera à l'union pacifique, la lutte au traA'ail,
la misère à la richesse et le morcellement à l'unité. Le système
monarchique aura triomphé.
ET I.H JACOiHMSME 283
« H est facile de voiries premiers symiilômcs de ce que j'avance.
Ou'est-ce que le mouvement pour les huit heures de travail et celui
contre la cotispiracy law et ces grèves nombreuses et ces meetings
où, sous une forme encore confuse, percent les mêmes aspirations,
se révèlent les mêmes souffrances et se pioduisent les mêmes
griefs qu'en Europe ? Tz'availlcurs, avant ([u'il soit trop tard, à
l'œuvre 1 A l'œuvre féconde et pacifique de la solidarisation par
l'organisation !
« La meilleure de toulcs les révolutions est celle qui s'accomiilil
sans qu'on s'en aperçoive. Etablissons notre société dans la so-
ciété.
«Quel exemple i)Ius pratique que celui qui nous est offert par les
travailleurs français?
« Il y a, en ce moment, deux représentants de la France en Amé-
rique : celui des fainéants, nommé par Napoléon, à Washington,
et celui des travailleurs, élu par eux, à New-York. Elst-ce que je
m'inquiète de mon collègue? Pus le moins du monde.
» Représentants du passé et de l'avenir, nous fonctionnons par-
faitement côte à côte, jusqu'au jour où l'avenir ayant absorbé
le passé, et ses services n'étant plus rétribués, il mettra la clef sur
la porte.
« Il en sera de même petit à petit pour tous les fonctionnaires de
l'ancien ordre social. Représentants du néant, ils fonctioniieront
dans le vide.
« Nous avons parle nombre, le vote, c'est-à-dire l'influence poli-
tique ; par les bras, la force productive; par le nombre encore, la
consommation, c'est-à-dire le marché.
a Que nous manque-t-il ? Le crédit, pour organiser l'échange.
Par l'organisation et la solidarité, nous pouvons avoir le crédit
sans capitalistes. Travaillons-y.
« Il importe à la grande république qui a affranchi l'esclave noir,
de libérer l'esclave blanc, en lui assurant un lendemain.
« Signé : CLUSERET. »
PIÈCE N.
MANIFESTE DE I.A FÉDÉRATION LYONNAISE A l' OCCASION DU PLÉBISCITE
Association internationale dos fravailleui^s.
(Fédération ouvrière Ij'onnaiye.)
« La commission fédérale ouvrière de Lyon a décidé dans sa réu-
nion du 22 avril qu'une assemblée générale publique de tous les
28^ L'INTERNA T I O N A 1 ; !•:
udlu'irals a nos principes et de tous it's liomnies de bouiio voloiilc
qui voudront nous ai)porter leur concours aura lieu le dimanche
8 mai.
« Il a été convenu qu'il y aura un prix d'entrée iixé à vingt-cinci
centimes par personne, et ([uc tout le bénéfice de la réunion sera
exclusivement réservé jtonr les familles des ouvriers du Creusof
condamnés h Aulun.
« La commission fera connaître ultérieurement les détails d'orga-
nisation et le programme de la réunion, ainsi que le lieu où elle se
tiendra. Pour aujourd'hui, elle se contente d'ajouter que, dans la
pensée des membres de l'Internationale, cette réunion ne sera pas
seulement un moyen de venir en aide aux ouvriers du Creuzot et
d'annoncer officiellement la formation définitive de la Fédération
ouvrière lyonnaise, mais qu'elle sera en outre la protestation solen-
nelle et pacitique des ouvriers lyonnais contre la comédie plébis-
cilaire à laquelle on a l'audace de les convier, absolument comme
s'il s'agissait d'une chose qui les intéresse.
ir La commission prolite de l'occasion pour engager les sociétés
ouvrières qui ne lui ont pas encore fait parvenir leur adhésion ré-
gulière ou leurs observations à le faire autant que possible avant
l'assemblée du 8 mai.
« Pour la commission :
« CHOL, DUMARTHEUÂY, BLANC, DUPUIS, BUSQUE, MAI-
TRE , GARNIER , PONGET , GONNARD , YALLOT , SE-
VELINGE. »
[Progrès de Lyon, 24 avril 1870.)
PIÈCE 0.
LES DKPKGHES DU MINISTRE OLLIVIEK LORS DES POURSUITES DIRIGEES
CONTRE L'iNTERN.VnONALE (AVRIL ET MAI 1870)
Ho 1
Justice h Procureur général, Aix.
lor mai 1870.
a A-t-on saisi F Internationale a Marseille? Elle y existe certaine-
ment.
« Emile OLLIVIER. .
KT LE JACOIHNISMF.. 285
M" «
.*1 Monsioiir lo darde des sroanx, In Procureur t/rnénil.
Uoufii, le 1er mai 1K70.
c 11 y a à Houcn l'un dos prinripaux membres de l'Intcinatioualc
le France. Faul-il l'arrcler sons l'inculpation de société secrète ou
d'afliliation au complot V y>
Hrponso.
V Arrètez-le de suite, mais seulement sous inculpation d'associa-
tion non autorisée ; puis nous verrons, d'après les pièces trouvées
à Rouen ou ailleurs, s'il convient d'ajouter d'autres qualifications.
« Emile OIJ.IVIER. .)
M» 3
Justice à tous les Procureurs généraux.
• 'mai ]870.
€ L'Internationale est poursuivie comme association illicite et
société secrète. Elle a des affiliés dans toutes les grandes villes.
Tâchez de les découvrir.
. Emile OLLIYIER. »
M" 4
Justice n Procureur général, Lyon.
« l" mai.
'( Si parmi les papiers saisis vous trouvez des indications utiles
pour notre procédure, envoyez-les. Si vous trouvez des noms
d'affiliés dans les autres villes, transmettez-les directement aux
procureurs généraux que cela concerne.
« Émue OLLIVIER. »
286 L'INTERNATIONALE
M» 5
Justice à Procureur général, Toulouse.
a l<=r niai.
€ Avez-vous saisi l'inicrnatiouale ? Elle existe à Toulouse.
« Emile OLLIVIEU. »
. Justice k Procureurs r/cnôraux.
K l*»- mai 1870.
« N'oubliez pas que si l'incuiiiation de société secrète ou de com_
plot contre l'Internationale n'était pas justifiée par les pièces
trouvées, et si tout se réduisait au délit d'association non auto-
risée, vous devez mettre en libei^té dans les cinq jours. Ne perdez
donc pas un instant de jour ni de nuit pour dépouiller les pièces
saisies et pour savoir si l'incrimination doit être seulement d'as-
sociation non autorisée ou bien de complot ou de société secrète.
Correspondez télégraphiquement et sans mon intermédiaire avec
vos collègues soit pour donner, soit pour recevoir des rensei-
gnements.
. Emile OLLIVIER. *
Justice à Procureurs généraux.
« 2 mai 1,S70.
c A Paris, le Procureur général qualifie la poursuite contre l'In-
ternationale de société secrète. Faites de même si vous poursui-
vez dans votre ressort.
" « Emile OLLIVIEU. »
Mo S
Justice à Procureur général h Bennes.
2 mai 1870,
(( Faites arrêter, sous inculpation de société secrète, Constant Le
Doré, demeurant à Brest, nie Kerfautras.
« Affaire de rinlernationale. — Section de BresL
. Emile OLLIVIER »
KT l.i: JACOBINISME. L87.
Justice il Procureurs rjrnoruux.
« 4 mai 1S70.
« Si vous avez aiTÔté des meneurs de l'Internationale, ne les
relâchez pas. Uotencz-les sous qualification de société secrète.
« Emile OLLIVIER. »
{Égalilé, 2 février 1871.)
PIÈGE P.
ACTE I) ADllKSION A L INTERNATIO>fALE DE LA CORPORATION DES FER-
BLANTIERS, EN SIGNE DE PROTESTATION CONTRE LES POURSUITES DIRI-
GÉES CONTRE l'internationale.
« Paris, 4 mai 1870.
« Citoyen rédacteur,
« La société de résistance des ouvriers ferblantiers-tourneurs-
repousseurs a l'honneur de vous informer que, par décision
unanime de l'assemblée générale, en date du 2 mai, elle a fusionné
avec l'Association internationale.
« Pour la corporation,
« Le secrétaire : A. DUCHON. »
II
Idem... DES tourneurs sur métaux.
« Paris, le 4 mai.
« La chamJjre syndicale des tourneurs sur métaux, dans son
assemblée générale de ce jour, voulant protester, au nom de la
solidarité , contre les accusations portées contre l'Association
internationale el les arrestations qui en ont été la suite, a voté
288 I. ' 1 N T K R N A T I 0 N A L !•:
« à l'unanimité son adhésion aux principes de cette association.
« Au nom de l'assemblée et par délégation,
<( Le socvôlairc : Ch. DE BUYGER, 46, rue Palonceau.
« Gustave MCEUF, 18u, boulevard de la Villette. »
111
« Paris, le 2i juin 1870.
« Nous, membres de la chambre syndicale des tourneurs sur
métaux, présents à notre assemblée générale de ce jour, protes-
tons énerg'iquement contre l'accusation de société secrète attribuée
à l'Association internationale, à laquelle nous avons tous adhéré
dans notre assemblée du i mai dernier.
(( Nous déclarons en outre que, quel que soit le sort réservé à
nos confrères poursuivis en ce moment, nous n'en continuerons
pas moins l'œuvre de cette association, dont les principes sont
universellemement connus et n'ont de secret pour personne ; tout
en déclarant aussi que nous nous renfermerons toujours dans les
strictes limites du droit et de la justice.
t Au nom et par délégation de la chambre syndicale,
« Les délégués : Ch. DE BUYGEH, H. SAUZET. »
PIÈGE Q.
protestation individuelles contre les poursuites dirigees contre
li'nternationale.
1° — Protestation du citoyen Dauthior.
« Paris, 5 mai 1870.
t Citoyen,
« Vous avez dû voir ma protestation dans le Réveil du 3 mai,
contre l'arrestation de nos amis de l'Internationale, les citoyens
Murât, Pindy, Héligon, Malon, Theisz, Flahaut, Casse, Avrial,
Landeck, Johannard, etc , tous arrêtés sous la prévention de
société secrète.
F.T LM .lACOniNISMK. 280
(le la icsponsabilité qu'ils se sont nlliréc depuis quelque temps.
Ils no trouvent rien de mieux que d'accuser de société secrète une
société dont tous les actes sont rendus publics : de là leur embarras.
• Ils eu seront pour leur courte honte. Nous ne sommes pins
au temps où les sociétés scci'ètes étaient possil)les et avaient leur
raison d'être : autres temps, autres mœurs. Nous, républicains
démocrates et socialistes, nous cherchons et nous voulons la lu-
mière; nous devons éclairer les aveugles, instruire les ignorants;
nous agissons au grand jour et n'avons pas J)esoin de nous cacher.
« (l'est une répétition de notre procès d'il y a deux ans : en
sévissant aujourd'hui, on espère intimider les électeurs dinianche
prochain. Erreur!,..
t Les journaux policiers ont toujours attaqué, calomnié et. dé-
noncé l'Association internationale des travailleurs, comme un
arsenal révolutionnaire : il est vrai que c'est un arsenal, mais sans
armes autres que le droit. .\vcc cetle arme, nous luttons contre l'ex-
ploitation des monopoleurs eapitalisles qui n'existent que par suite
de l'ignoi'ance et de la misère, deux plaies qui garantissent leurs
capitaux, jusqu'au jour où le prolétaire aura pu s'en affranchir.
C'est cet affranchissement qu'ils redoutent, aussi l'Internationale
est-elle leur cauchemar; parce qu'ils savent qu'un jour, ils devront
compter avec elle et ce jour-là leur parasitisme touchera à sa fin.
• Leurs craintes sont justifiées : la cause qu'ils servent est si
mauvaise et si injuste qu'ils doivent l'imposer par la force, la
soutenir par le ehassepot, position peu tenable et surtout peu du-
rable. Notre cause, au contraire, se défend par sa justice même :
la grève du Creuzot a été une preuve de plus de la solidarité des
travailleurs de tous les pays. La solidarité des peuples apparaît
donc comme l'œuvre de l'Internationale, tandis que la désunion,
l'iniquité, la guerre sont dues à ses ennemis, aux despotismes de
tous genres,
« Qn cherche à nous rendre solidaires d'un prétendu complot :
ce '.l'est pas avec ces armes mesquines que nous combattons. Nous
cherchons à réunir les prolétaires de tous les pays; nous cherchons
à propager les idées de justice, les sentiments de droit et de devoir,
de façon à rendre les despotes impossibles en les privant de sujets,
de façon à ne faire qu'un peuple libre de tous les membres de la
grande famille humaine.
« Salut et fraternité.
« Irénée DAUTHIER ». »
{Marseillaise, .S mai 1870. — Internationale, S mai ISTO.i
I Dauthier (Onésime-Irénee) , né le S août 1837, à Évergnicourt (Aisne), sellier,
affilié à l'Internationale depuis le mois de juillet iS67, carte n» .4, a été compris dans
19
290 L'INTERNATIONALE
2° — ProlosUiliou de In ciloycimc Paulu MiiUi contre l'arrcsialion
d'Aubry.
ot Paris, 5 mai 1870.
c Citoyens rédacteurs,
• J'apprends à l'instant, nvoo autant d'étonnement que d'indigna-
tion, l'arrestation du citoyen Emile Aubry, secrétaire de correspon-
dance de la fédération ronennaise, et je proteste , avec toute
l'énergie de ma conscience révoltée, conti'e un pareil acte d'arlii-
traire.
« Emile Aubry est un paisible et bon père de famille, un homme
actif, intelligent, d'une honnêteté et d'un dévouement à toute
épreuve ; il a été porté candidat ouvrier aux dernières élections et
a obtenu de très-nombreuses voix (1,000 environ); renvoyé pour
ce fait de l'imprimerie où il travaillait, il fonda, avec le concours
du comité rouennais, un journal socialiste pour les intéi'êts des
travailleurs : La Reforme Sociale.
« Est-ce pour cela qu'il a été arrêté?
« Sans doute, comme pour nos frères de Paris, Lyon, Marseille,
membres de V Internationale, l'accusation qui pèse sur lui est de
faire partie d'une société secrète.
« Les internationaux affiliés à une société illicite! eux qui depuis
plusieurs années vivent au grand jour et marchent en plein soleil!
eux qui agissent ouvertement et ne cachent rien de leurs actes, ni
même de leurs pensées ! eux dont le défaut est peut-être un excès
de franchise et de loyauté 1
« INIais il fallait un prétexte pour entraver à tout prix le mouve-
ment sublime de fraternité qui se faisait d'un bout de la France à
l'autre : toute union est un danger pour le despotisme et ils ont eu
peur, nos tyranneaux plus ou moins grands et officiels.
« Mais quelques arrestations ne sauraient suffire à leur sécurité :
tout le monde conspire en ce moment contre les iniquités actuelles,
contre les hontes de notre temps, contre les profondes douleurs
sociales. Ils ne peiivent cependant mettre sous les verrous tous les
memibres de cette sainte alliance des travailleurs et des peuples;
et, qu'ils le sachent bien, nous sommes tous solidaires; ce qui
touche l'un atteint tous les autres, et tant qu'un seul d'entre nous
restera debout, nous ne cesserons de protester et de revendiquer
nos droits.
« Paule MINK. »
{Internationale, 8 mai 1870.)
|;i poursuite dirigée contre la première commission parisienne et condamné j
100 francs d'amende par arrêt de la cour impériale de Paris (29 avril 186S).
ET LE JACOBINISME 2')1
3" — Proicsl.ilioii do Irt citoyenne Aiidn) Léo '.
« Paris, le 1er mai 1^70
( Des personnes arrôtées hier soir, je n'en connais ({u'une, Malon ;
mais cette arrestation suflit i^our que mon opinion soit faite sur le
prétendu complot dont on annonce la découverte.
« Malon n'est pas un conspirateur, son intelligence, son caractère,
ses convictions s'y opposent. Il a compris à merveille le vrai ter-
rain du combat. 11 fat bien mieux que Inpolico, nn des pacificateurs
de r émeute dernière en février et en toute rencontre; il a combattu
la vieille routine révolutionnaire des sociétés secrètes et des com-
plots, qui, d'ailleurs, compte maintenant peu de dupes.
<( Franc, persuasif, sympatlùque, de conduite irréprochable, plein
de noblesse et de cœur, il organisait ouvertement la ligue du pro-
létariat contre la force sans contre-poids du capital, c'est-à-dire
l'Association internationale que calomnient ceux gui n'en connais-
sent ni le but, ni la légitimité, ni l'esprit.
« Membre moi-même de cette ligue illicite aux yeux de l'empire,
ge proteste contre l'arrestation d'un de ses chefs, vui soir de com-
plot. Cette arrestation est une calomnie et un mensonge.
■< Et j'engage tous les membres de l'Inlernalionale à Paris et en
province à protester comme moi. L'empire manquera de prisons.
€ Signé : André LÉO. »
PIEGE R.
LES POURSUITES CONTRK l'iNTERN.VTIONALE EN FRANCE, APPRÉCIÉES PAR
l'internationale, de BRUXELLES, l'ÉGALITÉ, UE GENEVE , ET LE
RÉVEIL, DE PARIS.
w Le libéral Ollivier tient à se distinguer : il veut montrer q l'il
est plus fort que Rouher.
« Deux fois sons le règne de ce dernier, l'Internationale a été
poursuivie à Paris : les membres du premier bureau ont été con-
1 Pendant la Commune, la citoyenne André Léo collaborait au journal la Sociale
I
292 L'INTERNATIONALE
damnés à un mois, ceux du second bureau à tiois mois de prison;
ils n'avaient pas été soumis à la détention préventive.
« Dans le reste de la France les membres de l'Internationale
n'avaient pas été inquiétés.
« Il appartenait à un renégat, à un ex-républicain, au iils d'un
proscrit, au frère d'un martyr, à M. Emile Ollivier, de faire mieux
que le bonapartiste Rouher.
« Bon nombre de nos amis, non-seulement de Paris, mais encore
de Lyon et d'autres villes de France, sont arrêtés, comme faisant
partie de l'Internationale, société illicite.
« En même temps, on fait semblant de découvrir un complot
contre la vie de l'Empereur, et au commencement on paraissait avoir
envie de mettre ledit complot sur le compte de l'Internationale. Il
paraît que l'on a renoncé à ce premier projet et que nos amis ne
seront poursuivis que pour chef d'association illicite.
« Nous disons : il paraît, car il ne faut jurer de rien : les magis-
trats et les juges à la solde de Bonaparte sont prêts à tout faire.
« Si donc nos amis ne sont pas accusés et condamnés pour avoir
voulu tuer l'empereur, c'est qu'Ollivier n'aui'a pas voulu com-
mander la chose à ses juges; et nous devrons encore bénir Ollivier
pour sa grande bonté.
« Et ces gens-là croient tout bonnement qu'on tue le socialisme
à coups de juges d'instruction!
« Ce seraient de fiers imbéciles si ce n'étaient pas des gredins.
<i Arrêtez, arrêtez, messieurs, vous n'empêcherez pas la terre de
tourner, le soleil d'éclairer, et le socialisme de se développer.
« Car nous croyons les lois de la pensée humaine aussi fatales
que les lois de l'ordre physique.
« Il peut se produire des oscillations, des variations, des temps
d'arrêt ou de recul, mais ce ne sont que des détails qui ne nuisent
en rien à l'évolution.
« Aussi, si nous ressentons vivement les contrariétés qui frappent
nos amis, en revanche nous n'éprouvons aucune angoisse au sujet
de nos idées, certains que rien ne peut en empêcher le triomphe.
« Ces arrestations nuiront sans doute à l'organisation matérielle
de l'œuvre ; mais, en revanche, elles aideront puissamment à la
propagande des idées.
( D'abord la persécution permet de juger les hommes ; bien plus,
elle permet de juger la cause.
« Dis-moi qui te persécute, et je te dirai qui tu es.
(f Puis, les sections françaises se proposaient de tenir un con-
grès ce mois-ci ; peut-être aussi eût il été empêché par la
police.
« Et voilà qu'on fournit à nos amis de France l'occasion de tenir
un congrès, qui attirera l'attention de toute la France et de toute
KT LE JACOBINISME. 203
l'Enropp, dont tous, amis ou ennemis, auront connaissance, et sur
lequel s'élèveront des discussions passionnées.
« On leur offre un congrès devant la justice ; les juges seront
à pour servir de l'cpoussoir aux délégués, qui seront sur le pre-
mier plan.
« Ce sera réternelle histoire dos voleurs condamnant les volés, des
assassins condamnant leurs victimes! mais au moins ici, les vic-
times peuvent se faire entendre et transformer les accusés en ac-
cusateurs.
« Donc nous félicitons nos amis de l'occasion qu'on leur offre
de faire solennellement le procès à la société actuelle.
X Ce qui ne nous empêche pas d'ajouter ce nouveau méfait au
dossier si chargé do ceux qu'un beau Jour le peuple Jugera. »
[Internationale, 8 mai 1870.)
Il
« Alors que les milliers d'adhérents de l'Association internationale
à Paris procédaient à leur organisation définitive, à la formation
de la grande fédération parisienne, et que l'arrogance cynique des
Bonaparte-Ollivier forçait les travailleurs à se prononcer énei^gi-
quemenl contre tout contact impur avec le Deux-Décembre, voilà
qu'un beau matin, à la veille de la grande fête, éclate le complot
Bonaparte-Ollivier-Piétri.
« Cette fois, rien ne manque à cet accessoire policier de tous les
moments tant soit peu critiques du second Empire : les bombes
orsiniennes et de meilleures encore, la science est mise à la sellette
pour avoir inventé des matières explosibles et fulminantes, les
lettres et les signatures sont là, les conspirateurs parlent comme
toujours de Londres, vu que Bonaparte a si heureusement préparé
à Londres sa conspiration de Boulogne : Bonaparte étant le plus
grand conspirateur, tous ses collègues de métier doivent nécessai-
rement provenir de Londres ! tout y est donc, le morceau de lard
est remplacé par les lettres de Flourens, aussi authentiques que le
grand aigle alléché par ce lard. Et en plus le grand monstre siégeant
au dehors, V Internationale est décrétée d'accusation et précisément
le même jour que la police juge nécessaire de découvrir son pro-
pre complot, les chefs (!) de l'Internationale sont arrêtés en masse
à Paris, aussi bien qu'à Lyon.
« Nous ne nous amuserons pas à réfuter les absurdes accusations
lancées contre l'Internationale : sans cela nous aurions trop à faire
avec certains journaux parisiens, dont s'inspirent à leur tour les
correspondants de notre très-cher Journal de Genève. Il n'est pas
294 L'INTERNATIONALE
nécessaire d'entendre nos expliratioiiF pourriio à gorge chaude ou
pour exprimer le plus profond mépris lorsqu'on apprend que l'In-
ternationale est accusée en France de former une association illicite,
une organisation occulte ayant son siège en dehors ! Une associa-
tion qui public tous les jours ses proclamations fraternelles adres-
sées à tous les fravaillours, proclamations malheureusement tou-
jours timbrées par le timbre impérial ; une association qui tient
régulièrement ses séances publiques ; une organisation qui publie
dans les journaux ses statuts et règlements ; une organisation
dont les milliers de membres viennent de signer et publier leurs
noms dans les journaux en y apportant tous les jours leurs
cotisations pour les victimes du complot Bonaparte-OUivier, —
voilà ce qui s'appelle une organisation occvilte, et elle est déclarée
illicite !
« Pourquoi donc les sieurs de l'Empire ont-ils toléré cette asso-
ciation durant plus d'une demi-année, depuis le congrès de Bâle?
n'étaient-ils pas en force suffisante pour arrêter ses progrès? et
cette force ne peuvent-ils l'obtenir qu'aidés de complots fantasques?
<c Mais, pour cette fois, ils se tromperont ; on est las d'être tou-
jours dupé, on est las de se voir insulter tous les jours, d'être pris
pour un stupide badaud capable de croire à tous les exercices des
acrobates politiques et policiers du second Empire. Que l'Empire
tombe on qnil végète^ l'Internationale, dans la personne de millions
de ses adhérents^ va poursuivre son but essentiel : V affranchisse-
ment intégral des travailleurs par la révolution sociale, — et per-
sonne et rien ne pourra détourner l'Internationale de sa voie toute
tracée. Le travaillevu' veut son émancipation économique, et si les
conditions politiques d'un tel ou outre pays lui barrent le chemin qui
mène à cette émancipation, les citoyens, le peuple entier saura
briser ces conditions.
« Et, une fois pour toutes apprenez que le peuple ne pi'ocède
point par des complots. J/orsque la propagande aura pénétré dans
tous les cœurs et dans tous les cerveaux, et lorsque l'organisation
des sections ouvrières aura embrassé les masses compactes et unies,
le peuple entier se lèvera et s'emparera de ses droits usurpés, et
alors ce ne sera plus par quelques bombes orsiniennes que le peuple
voudra châtier les fauteurs de toutes ses misères et de toutes ses
souffrances.
« Que la police invente donc tant de complots qu'elle le voudra :
que les bombes orsiniennes se trouvent toujours dans la poche des
sergents de ville, à eôté des casse-tètes et des poignées de fer,
que le second Empire emprisonne tous les chefs de l'Internatio-
nale, notre oeuvre est faite, et bien habile serait celui qui voudrait
arrêter la marche irrésistible de l'Internationale. »
[Égalité, 7 mai 1870.)
ET Li: jacûuimsml: 295
1 1 1
« Il est bien amusant d'entendre, au moment de ce procès, tes
ignorants et les gens de mauvaise foi parier de VInfernationalc.
« C'est une société secrète, disaient les grands et les petits bour-
geois, affolés de peur. .
« Singulière société secrète, ({ui public les noms de ses délégués,
qui annonce dans tous les journaux le lieu et le jour de ses réu-
nions, l'ordre du jour de ses travaux, etc., etc.
« Comme toujours, hélas! la petite bourgeoisie, abêtie de ter-
reur, est venue grossir de sa masse inintelligente le groupe des
grands exploiteui's, sans comprendre le rôle immense, le rôle sau-
veur que V Internationale est appelée à jouer dans la formidable
bataille des intérêts sociaux.
" Sottise humaine, où sont tes bornes? Petits entri'prcncurs, pe-
tits industriels, petits fabricants, petits marchands, vous avez été
les preaaiers à dénoncer cette Intevnalionale qui sera un jour pro-
chain votre seule planche de salut.
« Sa puissance aujourd'hui est tellement formidable, que les per-
sécutions que l'on dirige contre elle ne sont pas franches.
« Eh quoi ! toutes ces arrestations, eh quoi ! ces formidables rap-
ports de police publiés par la presse des mouchards, aboutissant à
uii simple procès de correctionnelle ! Eh quoi ! on ne sait pas en-
core si l'on a affaire à une société secrète ou à une société purement
irrégulière !
« Où donc est la bravoure de M. (JUivier ?
« C'est qu'en effet il s'est passé un fait qui a dû donner lieu à de
sérieuses réflexions.
« Les travailleurs comprennent qu'en face de ces effroyables ab-
sorptions des petites entreprises, il faut présenter une union for-
midable ; aussi, dès que les poursuites ont été annoncées, une foule
de sociétés isolées ont déclaré publiquement qu'à partir de ce mo-
ment elles fusionnaient avec \ Internationale.
« Aujourd'hui, c'est par millions que se comptent les adhérents.
Il ne s'agit pas seulement de la France, de l'Europe ; l'Amérique
elle-même y est représentée.
« C'est que c'est elle qui aura la gloire, périlleuse peut-être, mais
a coup sûr immortelle, de rédiger les cahiers delà révolution future.
« Avant peu, elle pourra parler au. nom de tous ceux qui travail-
lent pour vivre, ou, ce qui est plus vrai, qui vivent pour travail-
ler, qu'ils soient ouvriers ou patrons, qu'ils exercent des fonctiojis
ou des professions libérales.
£90 L'INTERNATIONALE
« Résistez donc ù uu pareil courant !
« Le fleuve grossit chaque jour, et ce n'est pas la petite person
nalité de M. Oliivier qui l'empêchera de passer.
« \j Internationale, une société secrète !
t liemcrciez le ciel, exploiteurs de toute espèce, qu'elle ne le soit
pas : il y a lonijtcwjis que vous n'existeriez plus !
. Edouard SIEBECKER. »
(Extrait ilu Progrès de Lyon, 28 juin 1870.)
PIEGE S.
« 11 est démontré aujourd'hui que, sous le second empire, la pré-
fectui'e de police s'était transformée en un véritable laboratoire de
complots conçus, organisés ou provoqués par MM. Layrange cl
Piétri.
« Sauf les attentats d'Orsini eî de Pianori, et le dernier mou-
vement de la Villette, on retrouve la main de la police impériala
dans tous les procès célèbres qui ont tant servi à la consolidation
du régime déchu.
« Vers 1863, par exemple, éclate le fameux complot, dit des quatre
italiens, dont le principal instigateur, nommé Grecco, paye sa com-
plicité apparente par sa condamnation à la déportation perpétuelle.
Or, ledit Grecco, agent secret et payé de M, Lagrange, était nui-
tamment élargi par M. Lagrange, mis en liberté, et recevait les
fonds nécessaii^es pour se rendre en Amérique, et pendant de lon-
gues années, le gouvernement impérial lui a assuré une pension
annuelle de 6,000 francs. Grecco avait changé de nom, et s'appe-
lait Rulotti ; pseudonyme sous lequel il est revenu dans ces der-
niers temps à Paris, seconder la police de la préfecture. Grecco
est aujourd'hui sous les verrous et a signé lui-même la déclaration
de ses méfaits.
« Avant ces événements, le même Lagrange s'était rendu à Flo-
rence accompagné de plusieurs de ses agents, parmi lesquels
Alexandre, Laui'et, Labairet, Nicque, Moulins, etc.. Leur mission
avouée avait pour but l'enlèvement ou l'assassinat de Mazzini.
Plusieurs des complices de cette tentative avortée sont aussi enfer-
més à la conciergei-ie. Leurs aveux écrits feront foi devant la
justice.
« En 1869, des agents de police, toujours sous les mêmes ordres
et vêtus de blouses blanches, brisent les kiosques. L'amnistie coupa
court à l'instruction, mais l'amnistie n'a pas supprimé les traces
de la provocation soudoyée.
E r LK J ACOBlNISMIv 2J97
. Kii [HlO, OH ce qui concerne les divers complots jugés récem-
ment à Blois, il résulte des pièces et des révélations, qu'ils ont été
provoiiués et organisés en partie par MM. Lagrange, Tiétri (préfet
de police), Jules Itallol, (iucriu, Bcaury, Ueruier (juge d'insli'uc-
tion), et plusieurs autres, (iuérin était depuis loiiglcini)s un agent
secret; Ueaury et Hallot le devinrent (luelques mois avant le
complot, Ballot n'avait [las craint de demander 500,000 l'r., il en
avait touche déjà 20,000 ([ui lui avaient servi à payer ses sous-
agents.
« M. et nuuhuue Hallot ont lait des aveux et ont signé leurs déjjosi-
tions, acquises aujourd'hui à l'enquête,
• Il résulte encore des déclarations de témoins, (|ue ces divers
complots avaient été vivement poussés, sur l'ordre même de
M. Piétri, pour favoriser le plébiscite.
« M. le juge d'instruction l?ernier, dans les dil'i'éi'cntcs affaires
dont il s'est occupé, a pris une part imporlante à ces machinations.
Il est certain notamment qu'il faisait ses instructions dans le ca-
binet du sieur Lagrange.
« Des arrestations nombreuses ont eu lieu déjà, des perquisitions
sont faites chez divei'ses personnes, fortement sou[)ç.onnées. La
justice est saisie.
« Quant à certaines individualités dont la presse s'est occupée, sans
pouvoir utilement nommer personne, on est en possession de do-
cuments que le préfet de police est décidé à faire connaître au fur
et à mesure de la marche de l'instruction, qui se poursuit rapi-
dement. »
(Journal officiel, l^'' octobre 1870.)
PIECE T.
I.E COMPLOT, RAPPORT A l'k.MPEREUU.
« Paris, le 4 mai 1870.
« Sire,
«Il existe parmi nous un parti révolutionnaire. Son but est d'éta-
blir la république démocratique et sociale; ses moyens sont le
dénigrement systématique, l'outrage, la calomnie, l'émeute, l'assas-
sinat. Les libertés nouvelles, loin de l'apaiser, l'ont surexcité : il
n'y a vu qu'une facilité de plus de s'organiser et de s'étendre.
« 11 ne prend pas la peine de se cacher. Dans ses journaux, répandus
en grand nombre, dans ses réunions, où nul contradicteur ne peut
se faire entendre, il expose ses projets et il organise ses moyens
208 L'INTERNATIONALE
d'action. Il suffirait, pour prouver l'attentat et ic complot qu'on
lui impute, de reproduire les arliclcs et les discoui-s dans lesquels
il les raconte ou les annonce, ("ontre lui on pourrait n'invoquer
pour témoin que lui-môme.
« Nous avions espéré (fue la patience et la douceur sufliraient à
vaincre des passions d'un autre temps. Mais notre patience a été
prise pour delà timidité, et notre douceur pour delà faiblesse ; nous
avons dû nous convaincre qu'une répression énergique étaitle seul
moyen de rétablir celle paix sociale et ce rcspecl de la loi sans les-
quels l'élablissemcnt d'institutions libres ne serait qu'une témérité.
« Lorsque votre gouvernement a décrété l'appel au peuple, une
première instruction était terminée ; nous en avons différé la conclu-
sion, afin qu'une coïncidence involontaire ne ressemblât pas à
une manœuvre électorale. Mais les révolutionnaires n'ont pas été
arrêtés par l'armistice légal que nous établissions. Ils ont cini (jue
supprimer par un crime le souverain, alors qu'une constitution
abandonnée, l'autre n'était pas encore votée, ce serait déti'uire à
coup sûr l'Etat lui-même, momentanément en dehoi's de tout ordre
constitutionnel, et ils se sont résolus à mettre à exécution, avani
le 8 mai, des entreprises depuis longtemps préparées.
« Dans ces circonstances, il est de notre devoir de saisir publi-
quement la justice.
« J'ai donc l'honneur, sire, de vous soumettre le rapport de M. le
procui'eur général près la cour impériale de Paris, et je vous pro-
pose d'en adopter les conclusions.
« Le nombre des inculpés, la nature et la gravité de l'affaire, la
nécessité de concentrer des renseignements fouiniis par les divers
parquets de France, les exigences de l'ordre public, motivent l'at-
tribution à la haute cour de la procédure et du jugement,
« Cette attribution ne privera pas les accusés de la garantie pré-
cieuse du jugement par jurés, elle l'augmentera : au lieu d'être les
représentants d'une ville, les jurés seront les représentants de la
France entière.
« J'ai l'honneur d'êire, etc.
« Emile OLLIVIEH. »
Ce rapport est suivi du décret suivant :
Art. 1er. La chambre des mises en accusation de la haute cour de
justice est convoquée pour statuer sur les faits se rattachant audit
complot.
Art. 2. M. le conseiller Lascoux présidera la chambre d'accusation
de la haute cour. Les fonctions de procureur général près la haute
ET LE JACOBINISME. 2y9
cour seront remplies par M, Grandperret, procureur général, as-
sisté fie MM. Duprc-Lasale, premier avocat général, Bcrgognié et
Lepellcticr, substituts du procureur général.
Happorl il S. Exe. le rjnrdc des sceaux, iniiiislro de la Justice et
des cultes, par M. le procureur (jéitrnil Grandperret.
Monsieur le garde des sceaux,
J'ai l'honneur de pi'oposer à Votre Excellence la convocation de
la haute cuur de justice, pour la saisir de l'affaire du complot, dont
une information judiciaire a réuni les éléments et les preuves.
Je place sous vos yeux, monsieur le garde des sceaux, un ex-
posé sommaire des faits qui me paraissent motiver impérieuse-
ment cette mesure.
Depuis longtemps l'autorité était avertie qu'au milieu des réu-
nions publiques les révolutionnaires ai*dents s'étaient reconnus et
rap})rochés pour organiser une insurrection et pi'éparer uu attentat
contre la vie de l'Empereur.
Leurs conciliabules secrets furent constatés; ils se tenaient habi-
tuellement chez les nommés Dupont, Jules Fontaine, professeur de
matliématiques, Guérin, condamné en 1S48 pour avoir pris part à
l'insurrection de juin, et plus rarement chez les nommés Petiau,
artiste peintre, et Sappia, correspondant de Mazzini. Là, s'assem-
blaient, outre Dupont, Jules B"'ontaine, Guérin, Petiau, Sappia, les
nommés Verdier, Benel, Pellerin, Ruault, Tony Moilin, docteur en
médecine; Godinot, lieutenant de la garde mobile; Mégy, qui a tué
l'agent de police Mourot, Cournet, rédacteur du Réveil, et beau-
coup d'autres connus par leur exaltation socialiste.
La composition, la périodicité de ces réunions, les précautions
dont on les entourait, indiquaient assez leur caractère. On ne
tarda pas à savoir ce qui s'y passait. Le 28 janvier dernier, l'un
de ceux qui y assistaient habituellement, Verdier, se présenta à la
préfecture de police, et déclara qu'affilié à un complot contre la
sûreté de l'Etat, mais que repoussant toute participation à un as-
sassinat, il apportait des révélations sur des menées dont il voulait
se dégager.
« Le but primitif des réunions dont je faisais partie, disait-il,
était de discuter les questions sociales^ Peu à peu leur caractère
devint plus accentué, et alla ainsi en augmentant jusqu'au jour où
des bruits alarmants sur la santé de l'Empereur commencèrent à
circuler. Alors on discuta les chances, et les moyens pratiques de
faii'e le mouvement révolutionnaire ; des souscriptions furent ou-
vertes dans tous les groupes pour des achats d'armes ; des dons>
yoU L'INTERNATIONALE
volontaires faits par les membres les plus aisés. L'indécision des
chefs fut l'une des causes principales que, le 12 janvier, il n'y eut
à Neuilly aucune démonstration. L'opportunité d'un mouvement
révolutionnaire ayant été discutée la veille, Blanqui répondit que
ses hommes ne marcheraient pas, ce qui n'empêcha pas un grand
nombre d'entre eux de venir à Neuilly. Néanmoins, les groupes de
lîciloville, la Chapelle, Saint-Antoine, .Ménilmontant, BatignoUes,
Vaugirard, Saint-Marceau, obéissant aux nommés Dupont, Fon-
taine, Tony Moilin, Sappia, Ruault et autres, étaient décidés à se
battre et armés.
« Aujourd'hui il y a fusion entre le parti Blanqui, dont les re-
présentants sont les frères Villeneuve , Tridan , Gois , Rigault ,
Jaclard et le parti cité plus haut.
" Il y a un comité d'action et un comité central. Le but de ces
comités est de faire coïncider un mouvement révolutionnaire avec
un attentat contre la vie de l'Empereur. Des versements d'argent
ont été faits pour fabriquer des bombes et autres ingrédients pro-
pres à l'accomplissement de ce crime. »
Verdier signa ces déclarations.
Plus tard, après avoir passé en Belgique, il adressa au journal
le Rappel une lettre dans laquelle il nia l'authenticité du document
qui précède. Or, non-seulement une expertise établissait que la
pièce émanait de lui, mais M. le secrétaire général de la préfecture
de police et M. le commissaire Lagrange, tous deux entendus dans
l'instruction, ont déclaré que Verdier avait fait ses révélations de-
vant eux.
Au surplus, les avertissements reçus furent bientôt confirmés
par les troubles qui, le 7 février, suivirent l'arrestation de M. Ro-
chefort. La présence de plusieurs affiliés y fut signalée. Le 10 fé-
vrier, Godinot, Sappia, Dupont, Petiau, Fontaine fils, Gérardin,
Ramet, Rousseau, furent arrêté chez Dupont; presque tous étaient
armés de revolvers. D'autres conjui'és furent saisis à leur domicile,
où l'on trouva des armes, des munitions et des correspondances
significatives. Lorsque, en vertu de mandats judiciaires, des agents
se présentèrent, le H février au matin, à la porte de Mégy, celui-ci
déchargea sur eux son pistolet, et un sergent de ville tomba mor-
tellement frappé. « J'ai tiré dans le tas », a dit plus tard Mégy dans
un interrogatoire.
Les charges étaient déjà si graves que Godinot, confronté avec
les agents qui avaient constaté sa présence aux réunions clandes-
tines, entra dans la voie des aveux par une lettre où, tout en cher-
chant à diminuer sa responsabilité, il confirme et complète les ré-
vélations de Verdier. « J'appris chez Dupont, dit-il, les noms de
quelques habitués; il me conduisit chez Petiau; je retrouvai là à
peu près les mêmes hommes, plus Sappia, à qui je fus présente;
ET LE JACOBINISME. 301
huit jours après, J'y rotouniai. Le lendemnin de la mouifestalion
provoquée par renterrement de Victor Noir, nous nous trouvâmes
chez Dupont. On déplora l'avortement de la révolution. On maudit
Rochefort; on exalta Flourens. Je fus seul à soutenir qu'on avait
eu raison de no rien faire, que la révolution se ferait toute seule.
Fontaine, le plus acharné de mes adversaires, me dit que déeidé-
ment je n'avais pas l'étoifo d'un révolutionnaire ; que le peuple était
là, qu'il était prêt, qu'il avait des armes. — Quelles armes, lui dis-
je, des revolvers? — On n'avait pas que des revolvers, me répon-
dit-il ; on avait aussi des bombes orsiniennes et des bouteilles de
nitro-glycérine. On m'expliqua alors les effets de cet engin meur-
trier. »
Godinot exposait ensuite ce qui s'était passé, suivant lui, dans
les réunions auxquelles il avait assisté.
Lorsqu'on fit connaître ces aveux àGuérin, qui jusqu'alors avait
tout nié, il s'écria que puisqu'il était dénoncé par un honnne qui
cherchait à se tirer d'embarras en perdant les autres, il dirait la
vérité tout entière. Son interrogatoire est en effet l'histoire com-
plète de la conspiration. Ce document, confirmé d'ailleurs par les
constatations des agents, par les correspondances saisies, par les
révélations de Verdier et de Godinot, par les aveux paiiiels de plu-
sieurs inculpés, ne laisse aucun doute sur l'existence d'un complot,
sur l'organisation, le but et les moyens des affiliés, et sur leur ré-
solution d'agir.
Voici une analyse succincte de ces déclarations de Guérin.
a II dit que l'effervescence développée par les réunions publiques
a réveillé les hommes d'action et leur a permis de se retrouver. Il
fut décidé, à l'instigation de Tridon, des frères Villeneuve, de Ja-
clard, de Gois, agents de Blanqui, qu'on organiserait des réunions
clandestines pour former des groupes révolutionnaires. Chaque
soir, dans un café des BatignoUes, on se rendait compte des résul-
tats obtenus; en outre, les affiliés savaient qu'en cas d'événements
gi'aves, le rendez-vous était au café de Madrid.
« A la fin de juillet dernier, Dupont, à une réunion chez Guérin,
annonça qu'il avait à sa disposition un moyen infaillible de tuer
l'Empereur : J'ai pris, dit-il, gros comme un pois de nitro-glycé-
rine, je l'ai mis sous de gros pavés, et quand le feu a été mis à la
glycérine, les pavés ont sauté à 15 mètres de hauteur.
« A une autre réunion, Dupont, fit prêter, par les affiliés, le ser-
ment de garder le secret de leurs projets et de frapper à mort, par-
tout où on le rencontrerait, celui qui trahirait. Après ce serment, il
proposa la formation de groupes qui ne communiqueraient qu'avec
leurs chefs ; les chefs, ensuite, communiqueraient seuls entre eux.
On décida le versement de cotisations afin d'acheter des revolvers,
soit pour tuer l'Empereur, soit pour participer à une insurrection ;
302 L'INTERNATIONALE
Benel fut ehargc do recueillir les souscriptions ; eu outre, Dupont,
vauta de nouveau la nitro-glycérine. On constitua les groupes de
Saint-Ouen, de Levallois et de Batignolles. Ce dernier fut placé
sous la direction commune de Dupont et de L'ontaine. Les ai'Iiliés
devaient être, à l'avenir, désignés par un chiffre correspondant à
l'inscription de leurs noms (ce ([ui fut réalisé, ainsi que le constate
une liste écrite par Benel, et jointe à la procédure).
« A une réunion chez Dupont, le 16 septembre. Fontaine appor-
ta cinq revolvers et cinq boîtes de cartouches, achetées par lui
pour les conjurés; lofi armes furent tirées au sort avec les numé-
ros de la liste de Benel, et devinrent le partage de Collet, Chas-
saigne, Derin, Bourclin et Pasclin.
« A la fin de septembre, chez Guérin, Dupont annonça qu'il avait
acheté quatre revolvers : un pour lui, les trois autres pour Bu-
thiau, Mollevaux et Touchard.
« Le 2 octobre, une réunion a lieu chez Guérin, sur la demande
de Dupont, qui lui avait écrit la lettre suivante, jointe à la procé-
dure :
« Mon vieux Guérin,
« L'homme propose et les événements disposent; c'est pourquoi,
hier je suis allé vous prévenir que très-probablement quelques sa-
medis se passeraient sans que j'eusse le plaisir de me trouver avec
les amis d'Ouen, tandis qu'aujourd'hui, au contraire, je vous
adresse quelques mots pour vous prier de vouloir bien les réunir
tous, si faire se peut, pour la soirée du 2 octobre, à partir de huit
heures. Un hasard des plus heureux m'a fait mettre la main sur un
groupe constitué, et dont je connais depuis longtemps les princi-
paux chefs, sans avoir jamais soupçonné qu'ils s'occupaient aussi
activement de politique. Ce sont des hommes, tout ce qu'il y a de
plus hommes, en tant que révolutionnaires s'entend, et il nous les
faut à tous prix. Donc, à samedi , afin qu'ils puissent juger de
notre organisation, et se lier à nous en connaissance de cause.
Je compte sur vous.
« A. DUPONT.»
« Le 2 octobre, la réunion fut nombreuse ; quarante-deux affiliés
y assistèrent ; ils jurèrent de s'armer pour faire, le 26, une mani-
festation insurrectionnelle.
« A la réunion suivante, chez Guérin, Mégy était présent. On
abandonna le projet d'une manifestation pour le 26, mais on pro-
mit de se préparer à l'attentat contre la vie de l'Empereur.
K Le 9 décembre, on se réunit chez Dupont ; Guérin, Pellerin,
Fontaine père et fils, Petiau, Géravdin, Bocquet, Rousseau, Berton,
KT LK JACOniNISME. 303
Vcnlicr, liamet, (iois, Sap[)ia, otiiieiil présents, dois ({ui représente
Blanqiii, discuta avec P'ontaine, Duponl et (iuérin, le moyeu d'ap-
procher de l'Empereur pour le frapper. Sappia dit que le parti révo-
lutionnaire, ({uoiquc en minorité, pouvait entraîner les masses, et
qu'il suffirait pour cela de quelques hommes dévoués jusqu'au sa-
crifice de leur vie. Kntin, Dupont promit des affiliations dans l'ar-
mée.
■( Quelques jours après, nombreuse rénnionrhoz Petiuu ; (".ournct
excite à l'assassinat de rEm|)Creur.
'1 Le lendemain, Guérin assiste à un conciliabule chez Sappia ;
Dupont y expose la manière dont les «groupes étaient formés et à
l'aide de quelles ressources ils étaient armés,
•( Enfin, dans la soirée du M janvier, les chefs tiennent séance
chez Petiau, pour concerter la conduite à tenir le lendemain à l'en-
terrement de Victor Noir. Ils décident qu'ils se rendront armés à
la maison mortuaire. ■•>
Les excitations ne leur manquaient pas: la Marseillaise, le
Rappel, la Réforme avaient publié de véritables appels aux armes.
Dans la plupart des réunions publiques, les orateurs avaient poussé
à Taclion. Flourens avait dit à Belleville : '^ Demain, il faut vaincre
DU mourir ! Ce n'est pas une émeute, c'est une révolution qu'il faut
avoir faite avant la nuit. »
Guérin affirme que les affiliés étaient accourus à rcnterremcnt
avec des armes sous leurs vêtements.
On sait quels efforts fit Flourens pour dirig-er le eorbillai d sur
Paris; Benel prit les chevaux par la bride; Fontaine père le sou-
tenait avec la plus grande énergie ; l'exaltation était grande ; on
était résolu à se battre ; mais l'intex'vention de Rochefort déjoua
ces espérances, et les assistants furent entraînés vers le cimetière.
Le lendemain, les récriminations échangées dans les journaux
révolntionnaires trahirent les regrets. des conjurés. " L'hcvu'e était
suprême, écrivait Flourens en reprochant à Rochefort son attitude ;
le sang de Noir allait être vengé par la démocratie et l'aider elle-
même à se venger. »
M. Rochefort répondait dans la Marseillaise : «Nous étions peu
armés ; de plus, les projets du lendemain avaient été éventés im-
jirudemment la veille dans les réunions publiques. «
Cependant, on comptait retrouver bientôt l'occasion perdue, et
l'on s'y préparait avec un redoublement d'ardeur. Le 21 janvier, la
plupart des affiliés assistaient au banquet régicide de Saint-
Mandé. Gromier, agent de Félix Pyat, y lisait une lettre de ce dernier
dont il suffira de citer quelques passages pour en faire juger le but
et la portée :
c Citoyens, je ne puis assister ce soir à votre banquet républicain ;
j'aurais voulu vous dire là que le régicide est de droit, et que de
304 L'INTERNATIONALE
lait il est la l)ase do lonte jurande et forte répul)lic[ue... .l'aurais
voulu conclure en disant (juc le meilleur moyeu de commémorer
les tyrans morts est d'abatire les tyrans vivants, et que ce n'est pas
précisément Louis XVI qui nous gène aujourd'hui. Mais loin de vouS'
aller faire un discours, je dois seulement me contenter do vous en-
voyer mon toast à une balle:
« 0 petite balle! tu peux être la vie comme la mort. Tout dépend
de toi, de toi seule ; chacun t'invoque ; tout le monde t'attend ; car
si la F'ranee marche, le monde marche ; si elle penche, il lombe.
Petite halle de bon secours, relève tout! petite balle de l'humanité,
délivre-nous ! délivre-nous tous !...
« Signé : Feux PYAT. »
Fontaine père fit ensuite un discours demandant la fîn de tous
les empires :
t Ils ont des chassepots, dit-il, nous avons la science; grâce à
ses progrès, nous serons bientôt débarrassés de ce bandit de
Bonaparte. »
Cette allusion à la nitro-glycérine fut couverte d'applaudissements
frénétiques. On la comprendra mieux par une lettre que Pellerin,
détenu à Sainte-Pélagie en avril 1869, avec Flourens et Ferré, écri-
vait de leur part à Dupont :
« Les deux ennemis de la famille, de l'ordre et de la religion,
les citoyens Flourens et Ferré, vous envoient leurs saluts frater-
nels et vous prient de jeter dans les environs des Tuileries, cet
océan vaseux où nagent certains poissons pourris, ({uelques bou-
teilles de nitro-glycérine. »
Enfin, Dupont, Gromior se succèdent à la tribune, où l'on donne
lecture d'une lettre de Mazzini, saisie depuis chez Sappia, et dans
laquelle on remarque ce passage : « Citoyens, il m'est impossible
d'assister à votre ban(iuet. Des devoirs pareils à ceux que vous
\ ous préparez à accomplir me retiennent où je suis. Merci du fond
'le mon âme pour votre invitation fraternelle, et adhésion complète
au but que vous poursuivez... Nous marclions, nous aussi, rapidc-
menl à la république; si nous ne pouvons pas vous devancer, nous
vous suivrons, comptez-y. »
Le 30 janvier, Guérin se rendit avec P'ontaine à une réunion
où se trouvaient les chefs des groupes de Puteaux, de Courbevoie
et de Ménilmontant, ainsi que des délégués de l'Internationale.
Ceux-ci déclarèrent qu'ils ne voulaient pas accepter la direction
d'un comité dont les membi^es resteraient inconnus; mais que si
une insurrection éclatait, on devait compter sur eux.
On peut rapprocher de cette déclaration de Guérin la lettre sui-
vante, qui vient d'être saisie à Marseille, et ({ui émane du sieur
Varlin, l'un des chefs de l'Internationale.
i:t Li:- jaouuinisml;. SOô
« Mon cher l?astclic;i,
« J'accepfe d'autant plus volontiers le poste que vous m'indiquez,
qu'il fait partie de mes attributions de secrétaire correspondant de
la chambre fédérale.
« Ici nous avons été pris au dépourvu, mais depuis nous avons
pris nos mesures pour ne plus nous trouver dans une situation
aussi fausse. La chambre fédérale, à peine constituée (à vrai dire,
elle ne l'est pas encore délinitivement), ne s'était pas encore
préoccupée de sa contenance, ou même de son action, en cas de
mouvement politique. Or, il est arrive que tous les délégués à la
chambre fédérale se sont rencontrés à rcuîerrement de Victor Noir,
sans s'être donné le mot à l'avance, et les UES voïtlaient venir à
Paris, c'est-à-dire livrer bataille, les autres , plus circonspects,
voulaient maintenir à la marifestation son caractère paciliquc ;
c'est, du reste, les deux saatiments qui, toute la journée, ont
divisé la foule. Je dois ajouter que la plupart des membres de nos
sociétés se trouvaient aussi à l'enterrement sans qu'il y ait eu
entente préalable, et par conséquent subissaient la même division
de vues que les autres citoyens.
« Cette situation nous a émus, et le lendemain la séance de la
chambre fédérale a été complètement employée à la discussion de
ce qu'il y aurait à faire en pareille occasion, et les occasions se
reproduisant, il ne faut pas nous exposer à ce que, dans une circon-
stance semblable, quelques-uns d'entre nous livrent bataille sur un
point et se fassent massacrer, tandis qu'ailleurs on ne songerai!
pas à la lutte.
« Désoi'mais nous nous consulterons et nous agirons d'ensemble.
De plus, nous nous sommes mis en rapport avec Rochefort, qui,
de son côté, ne provoquera rien sans s'être entendu avec nous; de
cette façon, nous pourrons compter sur l'unité d'action, si néces-
saire en pareil cas.
« Le concours de la province pourra nous être très-utile pour
faire diversion et déconcerter le gouvernement. Je prends donc
acte de votre proposition avec joie, et je vais m'assurer du con-
cours des autres centres : Lyon, Rouen, Roubaix, etc.
« Salut et fraternité,
« E. VARLIN. .
Le 6 février, tandis qu'une partie des afliliés s'assemblait de
nouveau chez Fontaine, Flourens, à un banquet, à Samt-Mandé,
s'écriait en prévoyant l'arrestation de Rochefort : « S'ils osent
l'arrêter, nous ferons une manifestation comme je les aime, c'cst-à-
306 L'INTERNATIONALE
dire à coups de fusil; » et l'on portait ensuite un toast: * Aux
régicides en principe, et à Orsini, régicide de fait ! »
Le lendemain, 7 février, Rochefort est arrêté au moment où il
se rendait à une réunion publique dans la rue de Flandre.
Tandis qu'on le conduit à Sainte-Pélagie, Flourens préside la
réunion ; Debeaumont et Minière occupent le bureau à ses côtés;
la salle est comble; trois mille personnes assiègent les portes.
Debeaumont commence un discours très- violent : « Nous ne lais-
serons pas Rochefort en piùson, dussions-nous mourir tous ! »
A ces mots, M. le commissaire de police, Barlet, qui l'avait déjà
averti, prononce la dissolution de l'assemblée; de tous côtés on
proteste en criant : A la potence ! Flourens se lève ainsi que
Minière ; il s'arme d'un revolver et d'une canne à épée, déclare la
révolution en permanence, ordonne l'arrestation du commissaire de
police, puis il sort, aux cris de : Vive la République !
Des barricades s'élèvent rapidement à Belleville et dans le
faubourg du Temple. Les principales sont construites avec une
certaine habileté, et entourées d'obstacles secondaires pour empê-
cher leurs défenseurs d'être touiniés.
Aussitôt averti, l'officier de paix Lombard se met à la tête de sa
brigade, et la conduit contre une barricade commencée dans la
rue de Paris ; des insurgés y traînent un omnibus ; le choc de cette
voiture blesse deux sergents de ville. Un moment séparé de sa
troupe, entouré par les insurgés, l'officier de paix est frappé en
pleine poitrine d'un coup de baïonnette. Ses. agents, trop peu
nombreux, sont obligés de se retirer sous une grêle de pierres.
Bientôt après arrive la garde de Paris, précédée d'un commis-
saire de police qui fait les sommations légales. Au moment où il
remplit ce devoir, devant une barricade de la rue Saint-Maur, un
coup de feu est tiré sur lui. Aussitôt la barricade est enlevée par
les gardes, et le brigadier Simon, en parant un coup de barre de
fer que lui assénait un insurgé, a son fusil brisé. Les autres
barricades sont prises avec la même promptitude, qui déjoue les
efforts des insurgés en ne leur permettant pas d'organiser une
défense sérieuse.
Plus tard, une bande de deux cents émeutiers attaquait la
maison de l'armurier Lefaucheux, rue de Lafayette. La porte allait
être enfoncée, lorsqu'elle fut ouverte; on se précipita dans le
magasin ; on y prit quatre ou cinq fusils à deux coups, une cara-
bine à vingt coups, cent deux pistolets, cinq mille cartouches.
Commencés sous prétexte de s'armer, les pillages se multipliaient.
Rue Oberkampf, chez le quincaillier Nitelette, dont la boutique
avait été forcée, on enlevait des barres d'acier, des fleurets, de
l'argent, des couverts d'argent et du vin. Chez la veuve François,
mercière, on volait de la lingerie. Si l'action rapide des agents de
I;T le jacobinisme. 307
l'auloritô n'avait pas rélahli l'ordre, ces dùprédatiuus violentes
auraient pris de grandes proportions.
Le lendemain 8 février, ilans la soirée, on tenta de renouveler
les mêmes scènes ; une barricade fut encore élevée dans la rue
Saint-Maur; un des insurgés (jui la fléfendaicut, le nomme Prost,
tira un coup do revolver à l)out perlant sur le sieur Laine, qu'il
prenait pour un agent de police. Laine n'échappa à la mort qu'eu
se baissant brusquement. C'est encore Prost qui, pres(juc au même
instant, tira sur la garde de Paris deux coups de pistolet.
Dans cette journée du 8 février,Peliau s'était rendu avec Gérardiu
chez Guérin ; ne l'ayant pas trouvé, il lui avait laissé un billet cent
au crayon, qui a été saisi et qui est ainsi conçu :
« Mon cher ami,
« Si vous l'entrez, venez ce soir avec vos amis, vers neuf ou neuf
heures et demie^ en face des Folies-Dramatiques, près du C.hàteau-
d'Eau, à l'entrée du café Parisien. Salut et fraternité. H. P. »
A son j-etour de l'usine Farcot, où il travaille, Guérin, obéissant
à la convocation, se rendit au lieu désigné avec Basmaison, Benel
et plusieurs autres. Ils retrouvèrent au Chàteau-d'Eau Sappia,
Fontaine, Gournet, Razoua, et près du faubourg du Temple, Derin,
Mangeraatin et Bullier lils ; Fontaine y chargea le pistolet de ce
dernier.
Au bout de trois quarts d'heure, voyant que l'insurrection ne
gagnait pas de terrain, ils prirent les instructions de Gournet, qui
engagea Fontaine à aller place du Caire, où il devait trouver
d'autres groupes ; les conjurés s'y rendirent, mais la tentative
insurrectionnelle paraissant n'avoir aucune chance de succès, ils
finirent par se disperser.
Pour faire comprendre toute la gravité de la convocation faite
par Petiau, il faut faire connaître une lettre écrite par le nommé
FayoUe et signée par cet inculpé et par le nommé Asnon, lettre
jointe ù la procédure.
FayoUe et Asnon, tous deux soldats du 7« bataillon de chasseurs
à pied, alors caserne au Chàteau-d'Eau, araient été embauchés et
détournés de leurs devoirs par Flourens, ainsi que le constate une
déposition énergique de FayoUe père. Tous deux ont déserté après
les troubles de février dernier, et sont passés en Belgique. Le 15 fé-
vrier, ils ont adressé de Bruxelles à un des rédacteurs du journal
la Reforme, une lettre où se trouvent les passages suivants :
• Citoyen rédacteur, un ami nous apporte aujourd'hui la lettre
de notre héroïque et cher Gustave Flourens, insérée dans le
numéro d'hier de votre vaillant journal, et l'article publié dans le
numéro d'aujourd'hui du Fi ijn ru, bous ce tilrc : Un déscrtour...
306 h'INTEHNATlONALK
Nous tenons seulement à iléelarer au public; tout eulior, et aeces-
soiremcnt au sicuv Lebœuf, soi-disant ministre de la gueire du
soi-disant empereur du 2 décembre, que si nous sommes les amis
personnels, à la vie et à la mort, du citoyen Gustave Flourens et de
tani d'autres citoyens apparlenaut à l'armée, au journalisme, nous
n'avons besoin des leçons de i)crsonne pour être ce que nous
sommes, c'est-à-dire des républicains et des socialistes énergiques
et convaincus.
« Nous nou^ croirions déshonorés, enfants de la génération
nouvelle, de ne pas nourrir dans nog cœurs la haine de la tyrannie
et la résolution indomptable d'assurer le triomphe de nos idées et
de nos droits par tous les moyens possibles... Oui, nous et une
multitude de nos frères de l'armée, nous haïssons l'Empire,
nous voulons sa chute ; oui, nous avons en foule, malgré votre
surveillance, fréquenté les clubs de Paris, applaudi aux courageux
discours, aux salutaires leçons de tant de nos frères républicains
et socialistes, oui, nous étions prêts le 12 janvier, dans notre
caserne du Prince-Eugène, comme tant de nos camarades, dans
toutes les autres easei'nes, à faire cause commune avec le peuple ;
oui, moi, caporal Fayolle, de garde dans la soirée du 12 janvier,
je me proposais d'ouvrir la porte de la caserne au peuple, dont je
veillais les moindres mouvements...
« Oui, moi, chasseur Asnon, je veillais tout habillé au poste,
prêta couper au moment favorable les fils du télégraphe, pour isoler
la caserne de l'état-major, et mieux assurer le succès de nos plans...
Nous sommes désespérés que la journée du 12 janvier n'ait pas
été celle de l'expiation suprême ; nous sommes désespérés que celle
du 7 février n'ait pas été la revanche de l'autre. Nous jurons de
mourir pour assurer la destruction de la tyrannie et le triomphe
du droit et le droit, c'est la république démocratique et sociale.
Salut et égalité.
. L. FATOLLE. — A. ASNON. »
Ce document explique pourquoi, dans la soirée du 8 février, à
l'heure même où des barricades s'élevaient aux environs, les con-
jurés étaient convoqués et se réunissaient sur la place du Château-
d'Eau, aux portes d'une caserne. Ils comptaient sur les embau-
chages de Flourens: ils ont été trompés dans leur attente, mais
leur présence en armes et en ce lieu, avec de pareilles espérances,
au moment même où une insurrection était tentée, ne laisse aucun
doute sur leur résolution d'agir, qui caractérise le complot et
confirme la démonstration qui résulte des révélations de Verdiei' ,
de Godinot, de Guérin et de tous les faits constatés.
Faut-il à tant de preuves ajouter que plusieurs des autres in-
culpés, notamment Pellerin, Bencl. Basmaison, Derin, avouent le
ET LE .1 ACOBINISME. 30»
eomplot contre la sûreté de l'État, tout on niant les desseins contre
la vie de l'Elmpereur? Sur ce i)oint, un nouveau démenti leur est
donné par le nommé Schatenne, em[)loyé du chemin de fer de
l'Ouest. Introduit par Uamet dans les réunions des aflidés, on lui a
t'ait connaître que ceux-ci s'armaient, non-seulemcut povu- un mou-
vement insurrectionel, mais surtout pour assassiner l'Empereur, et
qu'on devait employer la nitro-ylycérine pour l'aire sauter sa
voiture.
Tel était, monsieur le garde des sceaux, l'état de l'information,
lorsque de nouveaux faits ont été portés à la connaissance de
l'autorité judiciaire.
Le 29 avril, le nommé Oeaury, soldat déserteur, récemment
revenu d'Angleterre, était arrêté à Paris, rue des Moulins. Il était
porteur d'un revolver chargé et d'une lettre datée de Londres et
signée : gustavk.
Cette lettre et les aveux de Beaury établissent qu'il était rentré
en France pour attenter à la vie de l'Empereur.
Je place sous les yeux de Votre Excellence une analyse sommaire
des déclarations de l'inculpé :
« Je m'étais lié avec Fayolle, caserne comme moi place du
Château -d'Eau. Flourens est venu nous voir à la caserne, Fayolle,
Asnon et moi. Le 10 janvier, ayant appris la mort de Victor Noir,
et pensant qu'il y aurait des troubles, je ne suis pas rentré à la
caserne : j'ai assisté à l'enterrement de Noir; puis, craignant d'être
compromis, j'ai passé en Belgique. Je suis allé ensuite à Londres
avec Fayolle, qui avait aussi déserté. Nous y avons retrouvé
Flourens, avec lequel je me suis étroitement lié. Je lui ai parlé de
mon projet d'attenter à la vie de l'Empereur, et il m'a encouragé
dans ma résolution.
Je suis revenu à Pans, d'où j'ai correspondu avec Flourens. J'ai
reçu de lui trois lettres ; j'ai détruit les deux premières ; la troi-
sième est celle qu'on a saisie sur moi, et qui est signée Gustave.
J'ai été en relations, à Paris, avec Ballot, ami de Flourens, chargé
par lui de me remettre de l'argent. J'ai reçu une première fois
400 francs, une seconde fois 100 francs, quelques instants avant
mon arrestation. J'avais l'intention de m'habiller en soldat pour
m' approcher plus' facilement de l'Empereur, puis de me servir de
mon revolver. »
La lettre de Flourens trouvée sur Beaury était ainsi conçue :
« 20 avril 1870.
« Bien cher ami,
« J'ai, en effet, reçu vos trois lettres ; je regrette que vous me
les ayez adressées par cette voie et par M. Smalley, New- York
310 L'INTKRNATIONALE.
'l'rihiino, lo, Pall Mal!, J^ondres, eu mettant une enveloppe inté-
rieure avec mon prénom ; mais j'espère que nous n'aurons plus à
nous écrire longtemps, et que la semaine prochaine nous nous re-
trouverons à Paris, où tout se terminera très-bien. Vous avez dû
recevoir ma lettre du 19, adressée à M. Fleury, où il y on avait une
pour mon ami de la Banque. Si vous l'avez, en effet, reçue, et si
cet ami vous a fait parvenir par madame S... la somme de
400 francs, brûlez la lettre ci-jointe pour lui, et que tout soit dit»
sinon envoyez-la-lui, et agissez aussitôt les 400 francs reçus.
« Il n'y a pus un moment à perdi'c ; l'homme au brevet irait à la
campagne, et tout serait retardé. Mais réussissez. Je compte sur
vous, sur vos amis fidèles. Ne sortez que de nuit ou en voiture.
Mangez l'argent. Pas d'imprudence. Je suis avec vous de cœur.
Ne manquez pas, peut-être scrai-je très-vite à Paris pour vous
soutenir. Tout dépend de vous. Encore une fois, ce que je vous
disais ici ; ou il fallait ne pas s'en mêler, ou réussir.
« Votre GUSTAVE. »
Cette lettre a été soumise, avec des pièces de comparaison, à un
expert, qui a déclaré qu elle émanait de Flourens. C4'est d'ailleurs
ce qu'avoue Beaury.
Une autre lettre non moins significative, et écrite cette fois par
Beaury, a été saisie au domicile du nommé Ballot; elle porte la
date (lu 28 avril :
« Monsieur,
« Le docteur a fini par se déclarer pour l'amputation. Il la juge
indispensable. Et comme il croit que tout l'etard serait mauvais, il
la fera demain, coûte que coûte (dût-on employer envers lo malade,
qui n'est guère raisonnable, des moyens violents). Ses mombreux
amis sont d'accord là-dessus.
» Si vous désirez donc assister à cette triste opération, à titre
d'ami de ce pauvre malade, vous pouvez venir dans sa petite
chambre de la rue de Bivoli, demain, entre deux et quatre heures
de l'aprè-smidi.
R Je vous salue bien.
« CAMILLE.
« P. -S. Les différents frais de cette triste maladie ayant dépassé
de beaiu'oujt le cliil'fre supposé, je me vois dans la nécessité
de réclamer de votre extrême obligeance une avance de 100 à
440 frani'S, somme que nous estimons très-juste et très-indis-
pensable aux nombreux préparatifs qu'exige une pareille opération
chirurgicale. Il faut tant d'instruments et tant d'accessoires! Nous
ET LE JACOBINISME. 8H
vous prions do vouloir bien remettre au porteur de la présente cette
petite somme.
« Je suis avec respect, monsieur, votre tout dévoué,
« CAMILLE. .
« Reçu, h titre d'avance, de M. Ballot, la somme de 140 francs. —
« Paris, ce 28 avril 1870.
« CAMILLE. »
« Le meilleur ami de ce cher malade ne manquera pas de nous
rembourser cette petite somme le plus tôt possible.
« Comme cette opération est très-sérieusement décidée pour
l'hetire indiquée, vous n'en recevrez pas de nouvel avis. »
Enfin, depuis l'arrestation de Beaury, on a saisi une nouvelle
lettre adressée à Ballot par Flourens, à la date du 28 avi'il :
« Bien cher ami,
« Je reçois à peine votre lettre dernière, et j'y réponds de suite.
Si je n'ai pas répondu à la précédente, c'est que je ne voulais pas
vous écrire directement d'ici. Je vous remercie mille fois de tout
ce que vous avez fait jusqu'ici, mais je vous prie formellement,
sous aucun prétexte, de ne plus avancer un sou seulement à mes
amis. Vous me mettriez dans l'embarras en le faisant, et ne
m'aideriez nullement, car ce que je veux est en voie de se faire
très-bien. Ils ont même besoin d'être un peu hâtés dans l'exécution
parle besoin d'agir.
< Je vous prie de ne pas leur montrer cette lettre, mais de leur
dire qu'après ma dépêche vous avez reçu une lettre vous disant de
ne rien faire de plus jusqu'à nouvel ordre. Je leur ai moi-même
écrit, par autre voie, la même chose. Surtout, qu'ils ne retournent
plus chez vous, car cela ne pourrait que nuire, et je ne voudrais
pas cette aventure pour rien au monde. Cette lettre-ci part pour
vous dans une à ma mère, qui vous l'expédiera. Surtout, soyez
prudent. Tout ira bien. Je vous verrai. Mes bons hommages à
"VOS dames.
« A vous de cœur.
« Que M. G..., ni le jeune O... ne retournent plus chez vous. »
L'authenticité de cette lettre a été reconnue par la mère et par le
frère de Flourens.
Mais ce n'était pas seulement l'assassinat de l'Empereur que
Flourens préparait ainsi avec Beaui^y ; en même temps, il orga-
nisait avec Sauret, Greffier et autres, les moyens de faciliter une
insurrection.
Dans la soirée du 30 avril, Greffier et le nommé Roussel, qui
Slî! L'INTERNATIONALE
revenaient de la commune d'Epinay, où ils avaient fait une com-
mande de 50 revolvers à l'inculpé Manche, furent l'un et l'autre
arrêtés.
Greffier resta aux niains de la police; mais Roussel s'étant mis
à crier : « A moi ! au secours ! on aiTète les républicains ! » la
foule s'assembla et des individus en grand nombi'e, se jetant sur
les agents, délivrèrent l'inculpé.
Une perquisition faite immédiatement à son domicile amena la
découverte de 21 bombes dont je n'ai point à faire ici la des-
cription.
A la vue d'un dessin publié par le Figaro, M. Lepet, fondeur,
reconnut ces engins pour les avoir lui-même fabriqués, et il fit aus-
sitôt des déclarations dont voici la substance :
« Le 14 avril dernier, un individu, prenant le nom de Renard (et
dont le signalement paraît se rapporter à Roussel), est venu me
commander des rondelles en fonte dont l'assemblage forme les
b ombes sasies chez Roussel. Il m'a dit que ces rondelles étaient
destinées àfaii*edes moyeux de vélocipèdes, dont l'intérieur devait
être garni en caoutchouc, afin de donner au ressort plus d'élasti-
cité. Il nous a d'abord commandé 30 moyeux complets, puis cent
vingt, ajoutant que, même après la livraison de cette quantité, nous
pourrions continuer à fabriquer, parce que cette invention avait le
plus grand succès en Amérique, et que sa fortune serait bientôt
faite. Nous en avons fabriqué 22, mais la grève étant surve-
nue, nous n'avons pu continuer nos livraisons. Il nous payait ces
moyeux à raison de ôofr.les 100 kilog. Sans la grève, j'aurais fondu
et livré 400 bombes. Sur les 21 bofnbes saisies, j'en reconnais 17»'
quant aux autres, elles ne proviennent pas de ma maison. »
La déposition si importantede ce témoin offre, dans sa dernière
partie, cette gravité particulière de démontrer qu'il existe des
bombes provenant d'une autre fonderie que celle de M. Lepet, et
qui est encore inconnue.
Rallot, qui avait d'abord échappé aux recherches dont il était l'ob-
jet, vient d'être arrêté, et il a fait des déclarations dont voici l'ana-
lyse.
« J'ai pris part à l'insurrection de Crète; c'est là que j'ai connu
Gustave Flourens. Dans la soirée du 8 février dernier, il est venu
se réfugier chez moi, où je lui ai donné asile jusqu'au 20 mars. Pen-
dant son séjour chez moi, une seule personne, la femme Rauret, esj
venue le voir. Depuis son départ, et sursa demande, j'ai remis succes-
sivement 1,100 fr. à Sauret, 550 fr. à Beaury et 1,400 fr. à Greffier. »
Tels sont, monsieur le garde des sceaux, les principaux résultats
de l'information judiciaire. Je n'ai point à entrer ici dans le détail
KT l.K JACOBINISME. 813
des faits ni hieu moins encore dans l'examen des charges spéciales
à chaque inculpé. Ce sera plus lard l'œuvre de l'acte d'accusation
Ce rapport n'a d'autre objet, monsieur le garde des sceaux, que
de vous présenter l'ensemble de l'affaire et de vous démontrer
l'opportunité de convoquer la haute cour de justice.
Veuillez agréer, monsieur le garde des sceaux, l'hoiuniage de
mon respect.
Le conseiller d'État, procureur général près la
cour impériale,
GRANPERRET.
PIEGES U.
POURSUITES CONTRE l'iNTERNATIONALE (avril 1870). — JUGEMENTS PRO-
NONCÉS PAR LES DIFFÉRENTS TRIBUNAUX.
I
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE SAINT-QUENTIN.
(Audience du 21 mai.)
Ministère public contre Sauvageot, détenu ; Huart, fugitif ; Loth
et Thomas, non détenus.
« Le Tribunal :
« En ce qui touche le délit de participation à une société non
autorisée imputé aux prévenus Sauvageot et Huart,
« Considérant qu'il résulte de l'instruction et des débats la preuve
qu'en la présente année, une association ou société non autorisée de
plus de vingt personnes a été formée à Saint-Quentin dans un but
de résistance contre les patrons et de solidarité entre les ouvriei's ;
« Que l'existence de ladite société s'est manifestée suffisamment
par la nomination d'un président et de collecteurs, par la perception
de cotisations, l'achat de livres de recettes, la possession et l'usage
d'un timbre spécial ;
« Qu'il est établi que les sieurs Sauvageot et Huart ont fait partie
de ladite association, fait prévu et puni par les articles 1, 2 de la
loi du 10 avril 1834, 291 et 292 du Code pénal.
« En ce qui touche le délit d'affiliation à une société secrèie
imputé aux mêmes prévenus,
« Considérant que s'il est établi qu'il y a eu, de la part d'Huart,
dans la réunion publique du 24 avril dernier, proposition formelle
d'affilier la société de Saint-Quentin à la société Internationale de
314 L'INTERNATIONALE
Londres, cette proposition néanmoins n'a pas été suivie d'un vote
d'adhésion de la part des membres présents *.
« Par ces motifs, renvoie lesdits prévenus Sauvageot et Iluart
de ce chef de la poursuite.
« En ce qui touche le délit d'excitation à la haine des citoyens
les uns contre les autres imputé aux quatre prévenus,
« Considérant qu'à la même réunion publique du 24 avril der-
nier, les prévenus Huart, Loth et Thomas ont, à différentes reprises,
dit que les patrons s'engraissaient de la sueur des ouvriers;
qu'ils vivaient do rapines; qu'ils subornaient les filles de leurs
ateliers et qu'il fallait les détruire ainsi que le capital ;
« Que ces faits constituent le délit prévu et puni par les arti-
cles 1" de la loi du 17 mai 1819, 6 et 7 du décret du 11 août 1848;
« Qu'il n'apparaît pas suffisamment que Sauvageot ait proféré
les mêmes discours ni qu'il s'en soit rendu complice ;
« Le renvoie également de ce chef de la poursuite.
« Mais considérant qu'en sa qualité de président de ladite réunion,
il n'aurait pas dû tolérer les propos ci- dessus relatés, étrangei's au
but et à l'objet de la réunion ; que par là il a contrevenu aux
articles 4 et 9 delà loi du 6 juin 1848.
« Considérant qu'il existe en faveur de Sauvageot des circons-
tances atténuantes,
« Vu les articles 291, 292 et 463 du Gode pénal, 1 et 2 de la loi
du 10 avril 1834, 1 de la loi du 17 mai 1819, 6 et 7 du décret du
11 août 1848,
« Condamne, savoir : Sauvageot, à un mois de prison ; Huart à
un an de prison et 100 francs d'amende ; Loth et Thomas chacun à
trois mois de la même peine et 100 francs d'amende,
« Déclare dissoute la société non autorisée dont s'agit :
« M. de CHAUVENET, président; DOMADE, juge; BIS-
SON, juge ; BABLED, procureur impérial »
Gomme on le voit, dans ce jugement la question de l'Interna-
tionale est complètement écartée. Sauvageot et Huart ont été con-
damnés non pas à raison de leur afiiliation à l'Internationale, mais
comme membres d'une société de résistance fondée à Samt-Quentin,
laquelle société est reconnue, par le jugement même, n'avoir jamais
adhéré à l'Internationale. Étrange anomalie : on voulait frapper
l'Internationale et le jugement atteint une autre association. Si l'on
s'en tenait à la lettre même de ce jugement, on devrait en conclure
que jamais l'Internationale n'a recruté aucun adhérent à Reims,
•t. Voilà un considérant quinous parait inintelligible ; il ne s'agissait pas dans l'es-
pèce de savoir si cette société avait été réellement ou non affiliée à l'Internatio-
nale. Toute la question se réduisait à ceci : Huart et Sauvageot sont-ils membres de
l'Internationale. Le moindre doute n'est plus permis quand on se reporte à la déclaration
du conseil général belge, et aux lettres échangées entre Huartet Sauvageot (V. p.tOf).
HT l.r, JACOBINISMK. 315
Saint-Quenliu, et qu'Huait, l.olli el Sauvageot ne lui ont jamaiiï
appartenu : ce ([ui est inadmissible comme l'otahliss'ut surabon-
damment les documents quu nous reproduisons plus loin, pièce V.
II
JUGEMENT DU TRIBUNAL CORREGTIONNEl. DE PARIS.
(Audience du 8 juillet 1870.)
Présidence de M. Brunct. — Carlêt, Thiroain, Alauzet, juges. —
Aulois, ministère puJjlic.
« Le Tribunal,
« Maintient le défaut donné à l'audience du 29 juin dernier contre
Varlin, Sabourdy, Passedouet, Uocher, Carlo, Ducancquio et Giol,
non comparants quoique régulièrement cités, et après en avoir dé-
libéré conformément à la loi, faisant droit :
« Attendu que le fait imputé aux prévenus est celui d'appartenir à
une association qui n'est autre que l'Association internationale des
travailleurs, qualifiée de société secrète par l'ordonnance qui a saisi
le tribunal ;
«Qu'il convient dès lors de rechercher, en fait, si tous les préve-
nus appartiennent à l'Association internationale, sauf à apprécier
ensuite la qualification donnée à cette association, qualilication que
le tribunal aura toujours droit de modifier en l'atténuant s'il y a lieu
de le faire ;
« En ce qui touche le fait principal,
« Attendu qu'il n'est pas suffisamment établi que les inculpé Du-
cauquie, Flahaut, Landeck et Assi fassent partie de l'Association
internationale des travailleurs;
t Que des présomptions graves s'élèvent contre Assi dont tous les
agissements pendant les deux grèves du Greuzot tendent à établir
qu'il a constamment existé une entière communion d'idées entre ce
prévenu et les divers membres de l'Internationale avec lesquels il
s'est mis en rapport, soit au Greuzot, soit à Paris ; mais que ces pré-
somptions ne sauraient suppléer à l'absence de preuves directes,
précises, certaines qui seules pourraient prévaloir contre les déné-
gations d'Assi;
« Qu'il est en effet de règle, en matière correctionnelle, que le
dente, quelque léger qu'il soit, doit profiter au prévenu.
« Attendu, quant, aux autres prévenus, au nombre de trente-qua-
tre, qu'il résulte de l'instiuction, des débats et des aveux même de
ceux des prévenus qui se sont présentés à l'audience, qu'ils font
partie de l'Association internationale des travailleurs ;
316 L'INTERNATIONALE
« Qu'à la vérité il s'est produit, à la dernière heure, quelques ré-
ticences en ce qui touche le prévenu Allard ;
« Qu'en effet ce prévenu, revenant sur ses précédentes déclarations,
a prétendu que s'il appartenait de cœur à l'Internationale, il ne lui
appartenait pas de fait ; qu'il avait eu l'intention d'adhérer aux
statuts de cette association, mais que cette adhésion n'était pas
encore passée à l'état de fait accompli, lorsque les poursuites ont
été dirigées contre lui ;
« Mais attendu que ces allégations toutes nouvelles d' Allard sont
contredites : i° par sa réponse au juge d'instruction :
« Je suis et je reste de l'Internationale ; »
« 2p PaY" sa réponse au pi'ésident, lors de l'interrogatoire subi par
lui à la première audience :
« Je fais partie de l'Internationale, mais cette association n'est
pas une société secrète ; »
« 3° Par cette circonstance que, dans la note insérée au numéro
du 21 mai 1870 du journal la Libre pensée, Allard est indiqué
comme étant un des trois citoyens qui recevront les adhésions à la
section dite de la Rive gauche, de l'Iuternationale; et qu'on ne
saurait admettre que les adhésions de l'Internationale puissent être
reçues par un individu qui lui-même ne serait pas déjà membre
de cette association ;
« 4° Par cette autre circonstance qu'on a saisi au domicile d'Allard
un livret lui donnant le titre de membre de l'Internationale et por-
tant cette signature : « Le secrétaire correspondant, Paul Caide, »
alors que rien dans la cause n'autorise à admettre que Carie (l'un
des prévenus en fuite) se soit faussement attribué le titre de secré-
taire correspondant.
« En ce qui touche la qualification de société secrète relevée dans
l'ordonnance de M. le juge d'instruction;
« Attendu que d'une manière générale on ne saurait dire que
l'Association internationale des travailleurs est une société se-
crète ;
« Qu'en effet cette société, qui se compose de sections et de bu-
reaux organisés publiquement dans divers États européens, d'un con-
seil général siégeant à Londres, et dont les résolutions principales
sont discutées et arrêtées, chaque année, dans les Congrès dont l'ac-
cès est public, ne présente pas, considérée dans son ensemble, les
caractères d'une société secrète ;
« Qu'à la vérité, organisée pour ne s'occuper que d'un objet de
l'ordre purement économique , l'amélioration du sort des classes
ouvrières, elle n'a pas tardé à dévier de son but, et qu'il n'est pas
permis de douter aujourd'hui que cette société, qui pouvait être
utile pour le bien, si elle s'était renfermée dans les termes de ses
premiers statuts, est devenue un danger social, et un danger for-
KT LK JACOBINISMI':. :il7
iiiidablc, si ou lient compte du uoiuliif de ses niiMnhrcs, (jiii, jtinir
la France seulciiieut, s elèvci-ait, au dire dos prévenus, à plusieurs
t-entaines de mille, et de l'ardeur avec laquelle elle s'est jiilée dans
les questions les plus irritantes fie la politique actuelle, n'abandon-
nant pas, il est vrai, son premier programme, mais déclarant qu'il
ne peut être réalisé que par la révolution et par l'avénemcnt de la
révolution démocratique et sociale ;
« Mais attendu qu'il ne svit'lit pas qu'une société s'occupe de ques-
tions politiques et s'écarte de ses premiers statuts pour qu'elle soit
déclarée société secrète ; qu'il faudrait, pour établir la société se-
crète, que cette modification du programme de l'association fût
elle-même tenue secrète, tandis que, dans la cause actuelle, il suffit
de se reporter, pour les Etats autres que la France, au compte rendu
du Congrès de Bàle, et, pour ce qui concerne la France, aux divers
manifestes qui ont été publiés dans les journaux, aux premiers
mois de 1870, aussitôt après la réorganisation de Tlnternatioualc
en sections, pour se rendre compte que l'iiatrusion de la politique
dans les matières qui font l'objet du programme de l'association
n'a pas été tenue secrète et n'a pas voulu l'être ;
tt Que, pour ce qui concerne la France, tout spécialement Paris,
le département de la Seine, et par suite l'objet dont le tribunal doit
plus particulièrement s'occuper, il convient de distinguer deux
périodes • celle qui s'est écoulée depuis les jugements de 1868, à
la suite desquels l'Internationale fut dissoute, en tant qu'organi-
sation par sections et bureaux, pour ne compter, pendant un
certain temps, que des membres adhérant individuellement à
ces statuts , sans faire partie d'aucune section , d'aucun bu-
reau ; et la période qui s'est écoulée depuis la réorganisation de
l'Internationale à Paris , c'est-à-dire depuis les premiers mois
de 1870 ;
t Que dans la première période, si on trouve, ainsi que cela va être
plus loin établi, un groupe d'hommes dont les agissements concertés
pour un but poursuivi en commun et momentanément caché, réu-
nissent tous les éléments constitutifs de la société secrète, il ne
serait pas exact de dire que les divers individus qui sont venus
adhérer entre leurs mains aux statuts de l'Internationale ont voulu
s'affilier à une société secrète ;
« Que dans la seconde période, les adhérents n'ont absolument
rien fait de clandestin, alors que d'une part la réorganisation de
l'Internationale par sections bientôt réunies en une fédération qui
centralise leurs efforts plus énergiquement encore que ne pouvait
faire le bureau existant avant 1868, et d'autre part, les manifestes
qui engagent l'Association dans la voie politique et révolutionnaire
ne pouvaient être ignorés de personne et avaient rey-u la plus
grande publicité possible ;
318 L'INTERNATIONALE
€ Attendu, néanmoins, que, dans une association publique, auto-
risée ou non autorisée, il est parfaitement admissible qu'on puisse
rencontrer un ijroupe d'bommes se concertant pour arriver à un
but qu'ils tiennent momentanément secret, et dont les agissements
occultes donnent à ce groupe, le plus souvent directeur de l'asso-
ciation, le caractère d'une société secrète ;
< Attendu que tel est le fait qui se présente dans la cause soumise
au tribunal ;
« Attendu, en effet, que, par deux arrêts de la cour impériale de
Paris, des 29 avril et 24 juin 1868, l'Association internationale des
Iravaillem^s, établie à Paris, sous le nom de Bureau de Paris, ayant
été dissoute, cette dissolution fut ostensiblement effectuée, mais
bientôt après certains hommes, dont quelques-uns figurent parmi
les prévenus, se mirent à l'œuvre, de concert avec le conseil géné-
ral de Londres, pour faire, à Paris et en France, une propagande
occulte, destinée à aboutir au résultat qui a été obtenu en 1870,
c'est-à-dire la réorganisation de llnternationale par sections et bu-
reaux ;
c Que d'abord, ils cherchèrent des biais, suivant l'expression rele-
vée dans une lettre de Dupont, secrétaire correspondant pour la
France au conseil général de Londres, pour éluder la loi, et que ces
biais n'ayant pas été trouvés, ils se décidèrent à procéder d'une
façon secrète et toute différente ;
« Qu'il y eut désormais en France des cori'espondants acceptés ou
nommés par le conseil de Londres sans qu'ils représentassent
aucune section, et choisis plus particulièrement parmi les anciens
membres qui se trouvaient dans le cas du prévenu Murât, auquel
Dupont écrivait le 27 novembre 1868 : « Vous avez raison de ne
pas abandonner le terrain, votre position de condamné vous donne
un grand poids auprès des travailleurs ; »
« Attendu que les correspondants eurent « pleins pouvoirs » pour
« recevoir des adhésions collectives ou individuelles, recueillir les
souscriptions et cotisations, et faire toute chose ayant pour but la
propagation de l'Association internationale des travailleurs, » ainsi
que cela est écrit dans le pouvoir délivré à l'un d'eux, le prévenu
Murât, le 27 juillet 1869, et saisi à son domicile ;
« Attendu qu'ils purent ainsi, sans éveiller l'attention de l'auto-
rité, reconstituer tous les éléments de l'Internationale jusqu'au
jour où leur persévérance aboutit à un tel résultat , que les
adhérents se trouvèrent assez nombreux et assez forts pour se re-
constituer ouvertement, au mépiùs de la loi et des décisions de
justice, en sections, et bientôt en fédération des sections pari-
siennes ;
<c Attendu que parmi les prévenus il en est sept qui ont incontes-
tablement donné leur concours à cette reconstitution clandestine
ET LE JACOBINISME. 319
do I Association dissoute en 1868, et que ces prévenus sont Varliu,
Malon, Murât, Johannard, Pindy, Gombaultct Ilélijjou ;
« Vai'lin, dont le nom se trouve partoul, dont l'aclivitéet rinlliience
se manifestent à Lille, au Creuzol, à Rouen, à Marseille, à Lyon,
et dont la correspondance avec Aubry, de Rouen, suffirait à elle
seule pour établir quelle part importante il a prise à la réorgani-
sation de l'Internationale ;
« Malon qui faisait, en l86'J, delà propagande à Tourcoing (lettre
de Varlin à Aubry du 18 août 18159), qui n'a du reste pas cherché ù
nier le rôle actif qu'il a joué soit à Paris, soit en province, et qui
n'aurait pu le nier, alors qu'on peut lire dans une des lettres qu'il
adressait, en 1870, de Fourchambault, au prévenu Combault :
« Combien faudra-t-il avoir fondé de sections en province pour
mériter une couronne civique"? S'il ne faut en avoir fondé que vingt,
j'espère la gagner; »
« Murât qui paraît avoir eu plus particulièrement la conliauce du
conseil généi'al de Londres, dont il recevait en juillet 1869 les
pleins pouvoirs, auquel il adressait des i-apports (lettre de Dupont
du 1 janvier 1870) et qui lui adressait lui-même, à diverses reprises,
des communications destinées non-seulement à lui, mais encore
aux auti'es agents de l'œuvre de reconstitution à laquelle il s'em-
ployait avec tant d'activité, d'habileté, et bientôt de succès ;
« Johannard, membre du conseil général de Londres, alors qu'il
résidait en Angleterre, prenant encore ce titre au bas d'une pru-
testation qui fut publiée dans le journal le Réveil, le il février 1870,
signataire d'un très-grand nombre de cartes d'adhérents, détenteur
de cartes en blanc et reconnaissant .en avoir rempli et délivré un
assez grand nombre, entretenant avec Dupont une correspondance
suivie, recevant le titre de correspondant de l'Interaationale, se
livrant enfui à une propagande incessante et parvenant à fonder à
Paris la section du faubourg Saint-Denis;
c Pindy, fondateur de la section de Brest, délégué aux congrès de
Bruxelles et de Bâle, en 1868 et 1869, reconnaissant avoir placé à
Paris et ailleurs trois cents cartes d'adhésion à l'Internationale,
sinon un plus grand nombre, et déclarant au surplus à M. le juge
d'instruction qu'il n'a jamais cessé d'employer ses efforts à cette
propagande; Pindy, dont la correspondance avec Le Doré, de Brest,
indique assez quel but il poursuivait en s'efforçant de réorganiser
l'Association internationale, et dont les espérances, les désirs, l»s
ardeurs et les égarements révolutionnaires sont révélés d'une
façon sinistre, par ces formules d'engins de destruction qui ont été
saisis en son domicile, formules auxquelles rien ne manque, pas
même la note indicative de la façon dont il faudra se servir des
engins après les avoir fabriqués ;
3:10 L'INTERNATIONALE
« Coinljaull, aulrelois résidant ù Londres, et membre du conseil
général à celte même époque, entretenait, depuis son retour en
France, une correspondance suivie avec Dupont, lui dcmaurlant
l'intervention de Pyat et de Resson « comme chose indispensable
'pour faire la révolution, t ainsi que la réponse de Dupont saisie
chez Hélig'on en fait foi ; détenteur à son domicile de cartes et de
livrets en blanc dont la possession ne s'explique que par un intérêt
de propagande ; organisateur enfin de la section de Vaugirard,
dont il est aussitôt nommé le correspondant ;
K Héligon, dont les dénégations, en ce qui touche le rôle qui lui
est attribué par la prévention depuis d868, sont démenties et dé-
truiles par deux lettres émanées de Dupont, de l'homme qui, par
sa fonction au conseil général de Londres, peut et doit connaître
le titre et le rôle de chacun dans tout ce qui concerne la branche
française de l'Internationale ;
€ Une première lettre qu'il adresse à Murât et à d'autres, au sujet
de la composition du jury Yermorel, place Héligon au nombi*e des
correspondants; une deuxième lettre, qu'il adresse à Combault,
place Héligon au même rang que Varlin, Malon et les autres, lors-
qu'il s'agit de choses qui intéressent officiellement l'Internationale,
elle porte textuellement ceci : « Je t'engage à prendre rendez-vous
avec Varlin, Héliyon, Johannard, Malon pour voir Murât; je lui
envoie les pièces officielles ; il y a en outi^e une lettre qui vous
concerne tous ; »
« Attendu que parmi les autres jDrévenus, il en est quelques-uns,
tels que Avrial, auquel Drouchon écrit le 10 avril 1869 une lettre
contenant un passage significatif, mais qui ne peut avoir, en tant
que preuve, la valeur d'un écrit émané de Dupont ; Colmia, dit
Franquin, qui fut délégué au Congrès de Bàle, et qui adhéra en
août 1869 à l'Internationale avec la société de résistance des impri-
meurs, d'autres encore à l'égard desquels certaines indications de
la procédure portent le tribunal à se demander s'ils ne se sont pas
livrés, eux aussi, à une œuvre clandestine de reconstitution, devant
les faire ranger dans la catégorie à laquelle appartiennent les sept
prévenus qui précèdent ;
« Mais, attendu qu'en une telle matière, les présomptions doivent
être écartées dès qu'elles ne sont pas suivies de preuves positives
absolument certaines, et que ces preuves ne paraissent résulter
contre Avrial, Franquin et consorts, ni de la procédure, ni des
débats ;
« Que par suite, il convient de restreindre cette première caté-
gorie, à "Varlin, Malon, Mui^at, Johannard, Pindy, Combault et
Héligon ;
« Attendu que si les agissements de ces sept prévenus avaient été
individuels, nullement concertés, leur propagande clandestine
HT LL; JACUHlNlS.Mi:. UiM
echupporuil à l'action de la loi, et ne saurait justifier riucuipation
de société secrète, parce cpic dire société, c'est dire concert et
association ;
t Mais attendu que cel élément essentiel du délit imputé aux pré-
venus ne l'ail pas défaut dans la cause;
«Qu'en effet, rien n'est moins exact que de dire, ainsi que l'a t'ait
Combault dans sa défense, que les prévenus dont il s'agit, divisés
en partie par quelques dissiilenccs d'opinion, n'avaient les uns avec
les autres que des relations fugitives, très-rares, presque nulles;
« Que le contraire résulte des pièces saisies au cours de l'infoniia-
lion, et que, pour ne parler que de Combault, qui seul a produit ce
moyen de défense, on le voit correspondre aclivement avec Malon,
signer avec Malon et Varlin, en prenant tous les trois le titre de
f membres de l'Association in'.ernationals des travailleurs », un
manifeste révolutionnaire inséré dans In nv.nicro du l\) janvier 18~()
du journal la Marseillaise, transmettre à Héligon, aux mains
duquel il la laisse, une lettre de Dupont dont ii a été déjà parlé;
c Qu'au surplus, en dehors des relations privées, il existait entre
ces prévenus un lien commun, résultant des rapports qu'ils entre-
tenaient avec le conseil général de Londres, et des instructions,
des pouvoirs qu'ils recevaient de ce conseil pour arriver à la
meilleure et à la plus prompte réalisation de l'œuvre commencée;
(( Qu'en effet, ce conseil, dont l'autorité sur les membres de l'Asso-
ciation est, quoi qu'on en ait dit aux débats, assez énergique pour
revêtir, au besoin, un caractère de juridiction, ainsi que le prouve
la lettre de Dupont relative au jury de Rochefortet Vermorel, trans-
mettait aux prévenus des instructions, des injonctions ([ui souvent
étaient collectives; des injonctions lorsque, par excmpK\ s'adres-
sant aux citoyens Murât, Malon, Héligon, Combault, membres
du jury Vermorel, et autres correspondants de l'Association inter-
nationale des travailleurs, il leur intimait d'avoir à exclure un
membre de ce jury et de soumettre leur conduite à l'examen du
conseil général ; des instructions, lorsqu'il invitait Combault à s'en-
tendre avec Vai'lin, Héligon, Johannard et Malon, pour voir Mural
et prendre chez ce dernier communication des pièces ofliciellcs
qui venaient de lui être adressées, ainsi que d'une lettre qui les
concernait tous;
f Attendu que, si l'œuvre de [irupagande occulte à laquelle les pré-
venus rangés dans cette première catégorie se sont livrés, établit
déjà contre eux, aux yeux du Uibuual, le fait d'avoir été membres
d'une société secrète, il se rencontre dans la cause un autre élément
qui est constitutif de ce même délit ;
« Attendu, en effet, que, suivant ses premiers statuts et suivant la
l)cnsce qui j)arait avoir préside à sa création, l'Association interna-
tionale des travailleurs ne devait, ainsi que ce la a été dit prciédem-
21
a-2i> L ' I iN T K R N ,\ T 1 0 N A L E
ment, s'atlachcr qu'à la solution de questions pui-cmcnt écono-
miques et devait rester étrangère aux questions de l'ordre politique,
à leurs passions, à leur irritation; *'
« AI tendu que, si on i»rend l'Association au moment où les décisions
judiciaires de 1868 viennent de la dissoudre, on la voit encore fidèle
son programme, à la veille, il est vrai, de l'abandonner, car ses
membres ou presque tous sont des hommes hostiles aux institu-
tions gouvernementales de notre époque, tous ou presque tous
veulent individuellement la République démocratique et sociale,
et, réunis pai' les liens énergiques de l'Association internationale,
ils vont être latalcment amenés à faire servir cette puissante orga-
nisation à la réalisation de leurs désirs individuels; néanmoins à
cotte date de 1868, ils protestent que leur programme est toujours
le même et que ce n'est pas par la révolution qu'ils cherchent à le
réaliser, mais bien par l'étude, la persuasion et le progrès;
e Que si, au contraire, on prend l'Association internationale
en 1870, au moment où, par les efforts de Murât et des autres, par
leur propagande occulte et leur activité, cette Association est ar-
rivée à se reconstituer au grand jour, on la voit ardemment préoc-
cupée de toutes les questions politiques, résolue à saisir toutes les
occasions (jui pourront se présenter d'arriver à son but, non plus
j)ar une révolution pacifique, celle qui s'opère dans les idées, mais
par la révolution violente, celle qui commence dans la rue ;
« Que pour s'en (convaincre, il a suffi au tribunal de lire les mani-
festes et les comptes rendus publiés dans la Marseillaise et dans le
Béveil, des premiers mois de 1870, sans même s'arrêter aux cor-
respondances privées, aux lettres de Varlin, de Chiseret, de Baste-
lica et autres : lettres dans lesquelles les ardeurs i^évolutionnaires
se traduisent en des termes qui témoignent du parti que l'on entend
tirer de l'Association internationale, de son organisation éner-
gique, de sa puissance, de ses ramifications sur tout le continent
européen et jusque dans le nouveau monde;
« Attendu qu'un tel état de choses, si différent de la situation
de 1868, ne peut être évidemment attribué qu'à l'action de ceux qui
entreprirent après 1868 de reconstituer l'Internationale, et qui ont
réussi à le faire dans des conditions qui ne sont plus celles des
statuts d'origine, des statuts que le public a connus;
« Attendu dès lors, qu'à ce double point de vue d'une propagande
occulte et d'une impulsion secrètement donnée dans un sens qui a
fait dévier l'Association internationale du terrain économique pour
la placer, au jour même de sa reconstitution, sur le terrain poli-
tique, le délit de société secrète est largement établi contre les
sept prévenus de la première catégorie;
« Que cetle appréciation n'est, du reste, en aucune façon contra-
ilii'loire avec celle qui a été précédenmient formulée, et aux termes
i;r i.K .lAcoiiiNisMi-:. 323
de laquelle les nouveaux ciToniciils do l'Iiiteriialiouiile, dt.'s loi's
qu'ils sont pul)lics, ne la coasiitueul pas à l'état do société secrète:
le tribunal ne «'occupant en ce moment que de délcnninei' le carac-
tère de l'o'uvre de propagande occullc pai- laquelle certains hommes
sont arrivés à réorganiser rAssociation, et à la réorganiser pour
un but autre que celui auquel elle tendait à l'origine;
« Attendu que l'objection tirée du décr.'t d'amnistie du 14 août 18(î9,
<iui n'a pas été produite aux débats, mais qu'il était du devoir du
tribunal de relever d'office, ne reçoit pas application dans l'espèce;
« Qu'en erfet, l'œuvre de propagande claudi'slinc à la([nellese sont
livrés Varlin, Murât et les cinq autres prévcDUS, n'a itiis lin qu'en
1870, plusieurs mois après l'amnistie, et seiileuient le Jour où, la
reconstitution étant devenue un fait accompli et publii-, l'ieuvi-e se-
l'rète n'aurait plus eu sa raison d'être;
« Attendu que, de tout ce qui précède, il résulte que la prévention
de société secrète n'est établie qu'à l'égard de sept prévenus, et
(jue, pour tous les autres, la qualification donnée par l'ordonnance
de M. le juge d'instruction doit être modifiée et atténuée par le tri-
bunal, leur association ne devant plus être qualifiée (jue d'associa-
tion illicite dans les termes de l'article 2'Jl du Code pénal;
<( Par ces motifs,
« Le tribunal donne de nouveau défaut contre Varlin, etc., non
comparants ;
« Renvoie des fins de la prévention, sans amende ni dépens, Assi,
Ducaucquic, Flahaut et Landeck ;
« Déclare Varlin, Malon, Murât, Johannard, l'indy, (lombault et
Iléligon, atteints et convaincus d'avoir, à Paris, depuis moins de
trois ans, et notamment depuis le décret d'amnistie du 14 août 1869,
lait partie d'une société secrète ,
« Et, leur faisant applicati-n de l'article 13 du décret du 28 juil-
let 18i8,
<i Condamne chacun d'eux à un an d'emprisonnement et 100 francs
d'amende;
« Dit qu'ils seront tenus solidairement au payement des amendes;
« Fixe à quatre mois la durée de la contrainte par corps, s'il y a
lieu de l'exercer;
« Dit en outre qu'ils resteront pendant un an privés des droits ci-
viques ;
« Renvoie Avrial, Sabourdy, Colmia dit Franquin, Passedouet,
Hocher, Langevin, Pagnerre, Robin, Leblanc, Carie, Allard, Theiz,
Collot, Germain, Casse, Chalain, Mangold, Ansel, Bertin, Boyer,
Cirode, Dclacour, Durand, Duval, Fournaise, Franckel, Giot el
^lalzieux, de la prévention d'avoir fait partie d'une société secrète;
mais les déclare atteints et convaincus d'avoir à Paris, depuis
moins de trois ans et notamment après le décret d'amnistie du
S-2i L ' I N ï K 11 N AT 1 Oi\ AL li
l't août 1869, fait inirlie de l'Association iutcrnatioiiale des tiavail-
lcui"s qui se compose de plus de vingt personnes et n'est pas auto-
risée;
« Et, leur faisant application des articles !29i, 2'J!2 du Code pénal
et 2 de la loi du 10 avril 1834,
n Condamne chacun d'eux, à deux mois de prison et 25 francs
d'amende;
« Dit qu'ils seront tenus solidairement au payement des amendes,
et lixe pour chacun d'eux à quatre mois la durée de la contrainte par
corps s'il y a lieu de l'exercer pour le recouvrement de ces amendes ;
déclare dissoute l'Association générale des travailleurs, à Paris
et dans le département de la Seine, dans les sections et dans la fé-
dération des sections parisiennes; dit que les dépens seront soli-
dairement supportés par tous les condamnés, et les liquide à la
somme de...
jugp:ment nu tkibunal cokrkgtionael dk brest.
(Audience du sanietli 23 juillet 1870.)
1" — Compte vendu de l audience.
Les six prévenus répondent à l'appel de leurs noms. Deux témoins
seulement, MM. Blanchard, commissaire de police, et Le Hérissé,
commissaire central, ont été cités à la requête du ministère public.
Les dépositions de ces témoins se bornent au récit succinct des
arrestations et des perquisitions qu'ils ont été chargés d'opérer.
Ils déclarent avoir saisi chez Tréguer et chez Moalic une carte de
sociétaire signée par Pindy, un livret de cotisation et un exemplaire
des statuts de l'Internationale.
Sur interpellation du procureur impérial, le témoin Blanchard
ajoute que, depuis sa sortie de prison, Le Doré a recommencé à
tenir des réunions et qu'il a reçu chez lui tous les jours Moalic et
Plouzané, père et fils.
Le président demande au commissaire central quelle est la con-
duite des prévenus.
Le témoin répond qu'elle n'est pas mauvaise; que, d'après lui,
Constant Le Doré est J'ânie de celte section. Pour les autres pré-
venus ou quelques-uns du moins, il est convaincu que l'Interna-
lionale n'est pas autre chose qu'une société de secours mutuels.
Le procureur impérial fait observer que ce n^est Jk qu'une ap-
prêcinlion [lertionnelle.
ET LE ^1 ' --ME. aSS
Le ^veTç-uu Li? D&rè j««te=r*f^ _ . ; -.TOiâ qTi'3 sTtesit fas ÎTâ^iP 'âe
la «oeâ-e^tf : gn*!] -&=<t seifilktBeHi tcn de oeiii: :rm travaBfleMl le ph&.
E est pi-cipédé fl^gniÉe à riaaÉ*-' "^-amis.
■HBS i9 ae pease pas 'fK"*» pM:4ac. ma icoa âare « leprBifbe jaHa^ne
«ellle soieaéftë a pasnr ftoit rgmeitBgafeaa Aes «a^Manfe aa les pirtal à
s''eair^Bâder r— *' Wnamiji m afa^ eaniBBis ameHn as^ «Da^paàfe.
Ijc jorês^ecï^ — :^ e.?tle -^ [ itaâ lîiiiiinii iii' ilm •^bb ^vik
le '£le&, «a B ea pQûQ^sïUT^ --.itMânm. Cre^cAp ifos pr»-
! les ^rwtis et 'çm 1^ ssiàBÉe. 'um s'aunùâ; ^os tib e^ grèves
heUoFt-^ — Cesî TLD.? enfîni- : ru z. i ^tJiiLi? T-n .1;-,-^
pafiliffmes?
£ie Doré. — Jamarâgw
dpfcaaes pvsMnrœes pas- 1^ aneiiiiiïpes àe TCiire >:._:- _r-;:- !•»
tarilMKBl de MSene fAiv éamism-iet esfBKwuBm. >^pe. àm&ûe sf -
tèrfêiser des ifKtwMi:;. pofiËfn^, ib «mft an esnÉraÔK? Izi.:!.
<èe leareersier les itas^; fsir iles>fE»les i^sse la ^Dsâé^^ Ils aiâ
iill'inaiHiff'iiilt ^àa^aé ki «veR« an cafi^.
L^ Doré. — La 'gaerva am ■^gmiaë ne ■gàgmitfie piis âépeiBi^sr eran:
ifû pr-nifiiiifi, wnîn se p^sea* <§■ ns^àf^ ctt >à^ paÉra^ for rnsiss
d^ traLTaôBsoTS.
i> présjûsiii^ — B ffîâ éT&âeaS ^e Tbït-ersaÊàaBais se fvapese '^
eitûàsir sdoi ^&mr ^î son lieimte at '^"aSi^ tenà a Fià^too'Tiâen àe teafi
pa* le naaaBÎiaKt, e^'esâ-^aMâàs® par !k TaiBik»e&.
Le Darv^, — Cesl âe cMKoïi^ajr^ : sm Iml ^ àe &âre 3«sfcister ki
I0Kx4è âe cbusEB.
Lf fresàSeaiS. — Amt foàs^ i«sp^f!l»- ibi i&er*^ (Tnâam. il iniA
<âraâjt ^j>a<»»wa ,fM*>sai*rm^ ^^ ^rAt^wa .?f>».>»'^|.^^fi^j|f^^j|j^ppf» ^-'^i^^»,^^ ^ nfWTîr
£vnKy& S'&risPt dm ^e^iEtseal Rentraj àe liSaiâKS <êfiut le pr^wummg
f^ •â'araixwB' par des mèveiMBsns "vàsIlfiiiÉeSs <f|aà iMHKneaifieiitt par
âes frèTvs scHEdieKOtïs: par ht sswàèt<ë .4 Jn S^fiamiûë^aK' stKimif f-i nza-
Le DùTc; — Xous a? souLmfs à îa rfsinoir^pK' âaurmi ebei, Nc^b^
i* recovens juas de uftoî dorâre ; ciiMiepe 5«icaà©ai «st senveErame-
Le jBurâàieat. — 3)bàs al dts ccaifliiecaî se faiî-ii gxie ts^otis s^p^m
afiilÀè à «ne socKOé dral îe p7±Dci|ial sù^ ««â a Lcatàrf^-"
Le B»é. — 4«e ai^ aà araesa vu de mal "?
Lefrseanmr iayéràsj « Le I^ùtt, — Le Doiv', 3i'»Tei2-v:.c> p»? ne-
•nniniHiB va <fH3«^ pMnr aJBicr i Paais ^pobs M«iB^«(neT fivfir Jes arntre^
;(:.'(; L'INTERNATIONALE
Lr Dort'-. — ,ie siis allé assister aux fléljats du procès uni m'in-
téressait, puis([iie j'i't.'iis moi-même sous le coup d'une poursuite
seml)lal)]e.
Le prôsn'clpiil. — Si vous n'aviez jkis de mauvaises intentions,
pourquoi vous eadier et correspondre par des lettres chiffrées dont
vous avez refusé de donner la clef?
Le Doré. — La clef m'a été donnée par Pindy : je ne pouvais la
divulguer sans son consentement. Il n'y a rien de mal dans ces
lettres chiffrées.
Le président. — Qu'entendez-vous par ces mots contenus dans
une de vos lettres : J'ai voyagé avec des soldats : iJs m'ont dit
qu'ils refuseraient de tirer sur des ouvrjci's. Vous projetiez donc
quelque soulèvement? (Signes de dénégations de Le Doré.) Alors,
expliquez-vous.
Le Doré. — A Aubin et à la Ricamarie on a massacré des gens
qui demandaient des choses justes. Ce sont des soldats qui ont tiré
sur eux. Ma lettre signifiait que les soldats avec qui j'ai voyagé,
étant eux-mêmes des ouvriers, auraient refusé de tirer sur leurs
frères.
Le président. — Ce que vous dites là est odieux. Si le sang a
coulé, qu'il retombe sur les sociétés dont vous faites partie; ce
soul elles qui ont mis l'autorité dans la douloureuse nécessité de
recourir à la force pour faire respecter la loi et pour défendre ceux
qui étaient attaqués.
Le procureur impérial fait oliserver que le prévenu n'est pas un
ouvrier : il travaille dans les bureaux aux appointements de
900 francs et a refusé 500 francs d'augmentation pour avoir le droit
de protester.
Le Doré réplique que la société à laquelle il appartient n'a jamais
provoqué les grèves dont il vient d'être parlé. Il ne s'explique pas
pourquoi le gouvernement poursuit cette société, alors qu'il ne
poursuit pas les sociétés de Saint-Vincent de Paul et la société des
Jésuites qui ne sont pas plus autorisées que FLiternationale.
Le présid'Vit à Le Doré. — Votre assimilation n'est pas exacte-
Individuellement les membres de la société des Jésuites ont fait
vœu de pauvreté ; quant aux membres de la société de Saint-
Vincent de Paul, ils portent des consolations et des secours dans
la demeure des pauvres.
Votre but à vous est d'arriver à donner satisfaction à vos intérêts
individuels.
Le Doré. — Gomment se fail-il alors qu'ils soient si riches et
nous si pauvres?
Interrogatoire de Plouxané Célestin. — Il reconnaît faire partie
de l'Internationale : il était secrétaire adjoint de la section. 11
ajoute : Ce n'est uns la un grade, cav.jious sonjwes tous égaux.
HT I.K JA<:(»r{INIS MK. Ht'?
Intrrrof/atoirf 'If Ln Jfnrr (Jos^eph), Trère ilc Le Doré ConstanM.
Il avoiu^ l'iiiro parlic de riiitenuilion.ilc.
Inlorior/atowe do Plonzané[ Victor).
Il déclare être membre de riateriKitionale. Il explique i|u'il a été
arrêté le 25 mai et conduit en prison coninic faisant partie d'une
société secrète. On l'a accusé de vouloir chavirer le gouvernement:
il n'a jamais eu l'intenlion de cliavircr quoi ({ue ce soit; il veut
seulement l'amélioration du sort des travailleurs.
Le présidenL. — Quand les travailleurs ont-ils été plus heureux
qu'aujourd'hui'.'
Plou/.unê. — Voilà trente-cinq ans que je travaille depuis cinq
heures du matin jusqu'à sept heures du soir. J'ai eu onze entants :
il m'en reste encore .sept, et nous avons toujours vécu dans la
misère.
Le procureur impérial. — Croyez-vous vous enrichir par une
révolution?
Plouaané. — Ni mes amis, ni moi, ne voulons une révolution :
nous avons seulement étalili entre nous une société pour nous sou-
tenir mutuellement .
Le président. — Quand vous ferez une société dans un but aussi
louable, nous serons les premiers à vous soutenir.
Plouxané. — Cependant vous nous poursuivez sans que nous
ayons rien fait pour le mériter.
Inlerroçfatoire do Moalic.
Il avoue être membre de l'International i^ et ne voir dans cette
qualité aucun mal. Il ajoute qu'à sa sortie de prison on l'a ren-
voyé du port et ou a mis sur son congé que c'était par inconduite
que l'on le renvoyait. Cependant il n'a eu aucune punition pendant
les six ans qu'il est resté au port. Il a voulu réclamer prés du
préfet maritime, et ce dernier a appelé du monde pour le faire
mettre à la porte.
Le président. — C'est de l'inconduito que de protéger les grèves
par des subsides.
Plouzanc. — L'Internationale n'a jamais provoqué aucune grève.
Le président. — Vous savez bien le contraire : c'est Assi, l'un
de vos sociétaires, qui a excité les ouvriers du Creuzot.
Constant Le Doré proteste contre cette allégation. Il défie d'éta-
blir qi^p l'Internationale ait provoqué une seule grève. Assi n'a ja-
mais fait partie de la société, et ce qui le prouve, c'est qu'il a été
acquitté par le tribunal de Paris.
3S8 T/INTERNATIONALE
Interrogaloiro dn Tréguor.
7Vé^»fr reconnaît qu'il fait i)avtie de l'Internationale.
Le procureur impérial prend la parole et, dans un brillant réqui-
sitoire, fait le procès do Félix Pyat et de Mazzini ([u'il roj^ardc
comme les fondateurs de l'Internationale. 11 flétrit la Commune de
Paris, l'attentat d'Orsini, le i\ Juin 1848, et le journal la Marseil-
laise qu'il représente comme l'organe officiel de l'Association inter-
nationale.
Il condamne les doctrines subversives proclamées dans les con-
grès et meetings tenus à Londres, Genève, Lausanne , Bàle,
Bruxelles, Mons, Paris, Rouen et Lyon. Il ne relève contre la sec-
tion de Brest d'autre fait qu'une adhésion à la fédération pari-
tienne, signée : Constant Le Doré et Gélestin Plouzané, et repro-
duite dans le journal la Marseillaise (numéro du 23 avril).
Il demande une application sévère de la loi contre chacun des
prévenus.
Le Doré (Constant) lit une défense écrite. Tous les accusés décla-
rent adhérer à cette défense et n'avoir rien à y ajouter.
Le tribunal se retire dans la chambre du conseil el, après une
demi-heure de délibération, rend le jugement suivant :
'( Le tribunal :
€ Attendu qu'il résulte des dépositions des témoins entendus à l'au-
dience, des diverses pièces saisies au domicile des prévenus et de
leurs propres aveux même qu'ils ont fait partie comme membres
de la société dite Inlernationnle,
« Les déclare atteints et convaincus d'avoir, à Brest, depuis moins
de trois ans, et notamment après le décret d'amnistie du 14 août 1869,
fait partie de l'Association internationale des travailleurs, qui n'est
pas autorisée et qui se compose de plus de vingt pei'sonnes.
« Par application des articles 291, etc.,
« Condamne : Le Doré (Constant) à deux mois de prison et 50 francs
d'amende ; Gélestin Plouzané, à un mois de prison ; Moalic, Le Doré
(Joseph), Plouzané (Victor) et Tréguer, chacun à dix jours de la
même peine; tous solidairement aux frais; Déclare dissoute la sec-
tion de l'Internationale établie à Brest.
« Président : M. DUPUIS. — Procureur impérial :
M. LEGEARD de la DIRYAIS. «
Après le prononce du jugement, Tréguer proteste contre la dis-
tinction établie par le jugement entre les accusés. Tons coupables
du même degré, s'écrie-t-il, nous devions subir la même peine.
I-:T LK ,1 Af;OI!INISME. 329
Lo prôsideiil lui lail observer qu'il ne rfsie plus désormais qu'une
seule mîiuièro ilr [irolcsloi- (îonlro ce jugiMiltiul : la voixdf l'appol.
'lo — Défenf^n onllnctivn Inn par Constant f," Par.'-.
Messieurs,
Tous les six, nous avons été arrêtés nt oonrlnils à la prison rlu
fort Boujiuen :
Le tî mai, Lo Doré (Goustanf) ;
Le 4, Plouzané (Colostin) ;
Le 5, Le Doré (Joseph) et Plouzané (Victor) ;
Le 10, Tréguer (Pierre) ;
Le 11, Moalic (Louis).
Le 1 juin on nous mettait en liberté provisoire. Ce qui fait :
35 jours de prison pour Le Doré (Constant) ;
34 Plouzané (Célestin) ;
33 Le Doré (Joseph) ;
33 Plouzané (Victor) ;
28 Tréguer (Pierre) ;
27 Moalic (Louis).
Nous étions accusés de l'aire partie de la société secrète Vlnter-
nationale dos travailleurs.
Pourquoi nous a-t-on emprisonnés, quand on n'avait aucune
preuve que nous eussions fait le mal ?
Aujourd'hui nous sommes poursuivis i)0ur faire partie de r.4sso-
ciation internationale des travailleurs, association composée de
plus de vingt personnes et non autorisée par le gouvernement.
Chacun de nous est membre de cette société.
Nous n'avions pas à demander d'autorisation; sommes-nous les
seuls à faire partie d'une société non autorisée?
Et l'association des Jésuites"?
Et la société de Saint-Vincent-de-Paul?
Et la franc-maçonnerie?
Beaucoup parmi ceux, qui nous poursuivent font partie d'une o
plusieurs de ces sociétés.
Est-ce à dire que nous voudrions les voir poursuivies? Non.
Mais nous voulons également notre droit de nous réunir et de
nous associer.
Pourquoi lajustice française aurait-elle deux poids et deux mesures?
Est-ce parce que nous sommes des travailleurs ?
Nous ne sommes donc pas des hownies devant Jouir également
de leurs droits ?
Comment ! ce sont les travailleurs qui supportent les charges
de la société et ils n'auraient pas de droits ?
Liberté pour tous, voilà ce que nous voulons. Nous, nous vou-
330 L'INTERNAtrONALE
Ions nous organiser pour nous ontr'airler mutuellomenl et poui
avoir Je produit iiilégral de notre Irnvnil.
Le président lui fait observer qu'il ne reste plus désormais qu'une
seule manière de protester contre ce jugement : la voix de l'appel.
Nous voulons être assurés de ne pas mourir de faim et vivi'r
heureux en travaillant modérément.
Nous no voulons [)as que notre existence et notre hien-étre dé-
pendent du caprice.
Pourquoi nous dénierait-on ce droit V
Quels sont ceux, qui veulent le faire ?
Avons-nous fait le mal ?
L'insliuclion qui a fouillé dans notre vie publique et privée a-t-rlle
trouvé quelque chose de mauvais ? Non. Eh bien, alors, .Messieurs,
nous vous demandons en vertu de quel principe de Justice vous
nous condamneriez.
Personne n'est plus honnête que nous.
La loi pour être respectée doit être l'expression de la vérité et de
la justice.
Bresl, 23 juillet 1870.
Ont signé : Constaist LE DORÉ, Céi.kstin PLOUZANÉ, secrétai-
res de la section.
IV
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE H OU EX.
(Audience du 1" septembre 1870.)
« Ministère publie contre Aubry, Piéton et autres.
(I Le Tribunal,
« Attendu que les prévenus ne comparaisant pas quoique réguliè-
rement cités ;
« Attendu qu'aux termes des articles :29l du Code pénal, 1 et 2 de
la loi du 10 avril 1834, nulle association de plus de vingt personnes
dont le but sera de se réunir tous les jours ou à des jours marqués
pour s'occuper d'objets religieux, littéraires, politiques et autres,
et alors même que ces associations seraient partagées en sections
d'un nombre moindre et qu'elles ne se réuniraient pas tous les jours
ou à des jours marqués, ne pourra se former qu'avec l'agi-érnentdu
gouvernement ou son autorisation ;
« Attendu qu' Aubry, Piéton, Régnier, Creuset et Julien ont re-
connu dans l'information qu'ils étaient membres de l'Association in,
ternationale des Iravnilleurs ot de l'association dite le Cercle d'é-
KT I.H JAl'OniNISME. ^Si
tudes deononuqiics de Honcn ; i\\\\\ icsiille des piùces du |)rO(!t's
qnelos affiliés de ces deux associa! iniis, ildul le iiuinbre exccde au-
jourd'hui daus le seul ari'ondissemenf de Rouen douze cenlspei'sou-
ues, se son! depuis moins de trois ans riMinis àdil'féieutes reprises ;
« Attendu qu'il résulte également des pièces du procès que les af-
liliés poursuivent et la niino de nos institutions poJitùfuc s ci In de-<-
truction mcmr do la société ;
« Attendu que l'attente d'une révolution radicale se moulre dans
chacune des lettres émanant des meiuhres de l'Association interna-
tionale ; que tous s'anprètent à jouer un rôle dans cette révolution;
quo dès 1867, Dupont, seerétaire dn conseil central de l'Interna-
tionale pour In France, écrivait a Aubry : « La rôvolntion est fa-
tale, elle arrivera quand même, il faut que les vingt soient prêts
pour ce jour », faisant ainsi allusion an premier noyau d'adhérents
recrutés par Anhry ;
« Attendu que [dus tard les at'iiliés dévoilent leur but plus claire-
ment s'il est possible : qu'ainsi le 19 janvier dernier, Varlin l'un
des plus lemuants, écrit à Aubry ; Nous devons du même couj;
abattre toutes les têtes de l'hydre, mais il no faut pas que nous les
manquions et voilà pourquoi nous hésitons ;
« Attendu que trois mois après, Amouroux, un autre affilié, écrit
à son tour au même Aubry : J'ai reçu une lettre de Marseille de
Bastelica : cela marche très-bien, ils sont prêts a tout pour réussir;
que déjà Aubry, au mois de septembre 1869, avait reçu d'un nommé
Robert, de laC'.haux-de-F'onds, une lettre où on lit ces mots: Je crois
que la violence seule pourra nous amener a un but et je suis de ceux
qui disent : Au feu les vieilles loques, les paperasses, les titres de
propriété et C'^ ;
« Attendu qu'au congrès de Bàle, en 1869, ou se trouvaient réunis
les délégués des sections de l'Internationale, on avait clairement
manifesté d'ailleurs le but de l'Association ; qu'on s'était séparé au
cri trois lois l'epèté de Vive la république démocratique et sociale
universelle ! et après avoir pris les deux résolutions suivantes, qui
ont été insérées dans les statuts de l'Association internationale :
1° Le congrès déclare que la société a le droit d'abolir la propriété
individuelle du sol et de faire rentrer le sol à la communauté ; 2" il
déclare oncni'p quil y a nécessité de faire rentrer la propriété du
sol à la propriété collective ;
«Attendu que les projets subversifs de l'Association internatio-
nale ne sont donc pas douteux -, qu'il résulte des pièces et des décla-
rations mêmes des prévenus dans l'instruction que le Cercle d'études
économiques de Rouen n'est qu'une section de cette association ;
« Qu' Aubry, Piéton et Creuset ne peuvent objecter ({u'ils ignoraient
le but de l'Association internationale, puisque tous trois assistaient
au congrès de Râle ; que les pièces saisies chez Julien et Régnier
382 L ' I N T E R N AT I 0 N A L E
démontrent qu'ils n'i£>noi'aien( rien ilo ce que savaient les trois
autres ;
« Attendu que les prévenus ne sauraient se disculper en disant
qu'ils ont sollicité l'autorisation de l'administration, qui ne leur au-
rait pas été refusée ;
« Attendu qu'il est constant qu'aucune autorisation n'a été accordée
à l'une ou à l'autre de ces associations ; que si l'administration n'a
pas immédiatement dénoncé ces associations à la justice, c'est que
les affiliés avaient soin de dissimuler leurs menées en masquant
leurs docti'ines subversives ;
€ Attendu, en effet, qu'à l'époque où Aubry déposait les statuts du
Cercle et ceux de Y Association internationale, on n'avait encore rien
dit dans ces derniers statuts de la propriété foncière ; que, si les
résolutions de l'association sur ce point n'ont été prises qu'au con-
grès de Bàle, il n'en est pas moins vrai cependant que les doctrines
précisées dans ces résolutions étaient professées depuis longtemps
déjà par les principaux meneurs, tous disciples de la même école ;
qu'on les dissimulait pour les besoins de la cause ; que cette dissi-
mulalion éclate lorsqu'on rapproche les correspondances des affiliés
des lettres qu'ils adressaient à l'administration ; qu'on voit par ces
correspondances, qu'ils attendaient pour la plupart des circons-
tances favorables pour jeter le masque ; que cette disposition se ré-
vèle dans une lettre du 8 octobre 1869 de Varlin Jx Aubry ou
il lui dit : « S'il vous était possible de vous créera Rouen une
petite position indépendante, cela serait très-heureux pour vous
et surtout pour notre cause, car cela nous permettrait de prendre
des allures plus rudes et surtout plus révolutionnaires » ; que
de son côté un autre correspondant d'Aubry, Robert, dans sa let-
tre précitée, lui dit, en parlant de leurs doctrines: « 11 ne faudrait
pourtant pas crier cela par-dessus les toits aujourd'hui, car on ris-
querait d'avoir à se sucer les doigts pour vivre. En ce moment
par exemple, dans ma libre Suisse, je suis obligé de filer doux
comme un agneau pour conserver ma place au collège industriel
de Cliaux-de-Fonds » ;
« Attendu que les prévenus ne sauraient donc trouver un moyen
de défense dans une tolérance qu'ils ne devaient qu'aux dissimula-
tions auxquelles ils avaient recours;
« Attendu que tous les documents de la cause démonti^ent qu'Aubry
était à Rouen le principal agent de l'association ; que c'est grâce
à sa propagande que des sociétés affiliées à l'Internationale ont
surgi dans cet arrondissement ; que c'est donc sur lui principale-
ment que doit peser la répression ;
« Attendu que les faits établis à la charge d'Aubry et de Piéton
sont antérieurs à ceux qui ont fait l'objet des jugements prononcés
contre ces prévenus les 21 juillet et 11 août 1870;
E l L E .1 A C O H 1 N 1 S M 1-: . ii^ri
« Altoiidu (fiu! le iiriiici|)(' de iion-c.uiiml dos pciiii's pose [tarraiiicle
ïJ6o du Code d'iiistruetioii criminelle s'iipidiciue i'i loiitos les iiilVac-
tions atteintes de peines eorroctionnelles <[ni n'en ont pas élé expli-
citement ou iniplicitement exceptées et nolauunent aux infraelinns
qui font l'objet des poursuites qui ont élé et qui sont aujourd'hui
dirigées contre Âubry et Piéton; que par suite les condamnations
prononcées contre ces prévenus ne doiventpar excéder le maximum
de la i)eine édiclée par l'article 18 do la loi du H mai 1819, peine la
plus foite applicable aux délits qui ont l'ait l'objet des poursuites
dirigées contre eux ;
« Parées motifs, — l.e Iribunal donne défaut contre Aubry, Pie-
ton, Régnier, Julien et C'.reusot, faute de comparaître, les déclare
coupables d'avoir, dans l'arrondissement de Rouen, depuis moins de
trois ans, fait partie de V,-issocinlion dilo lo (mtcIi) d'études éconiini-
qiios et de celle dite F Internat ioualo des travailleurs, associations
qui se composent chacune de plus de vin,yt i)er&onnes et <[ai n'ont
pas été autorisées ;
« Délits prévus et punis par les articles -iUi du Code [)eual,
1 et '2 de la loi du 10 avril 1881;
« C'-ondamne...
" Président : M. LKCAY, vii-e-[)residcnl . — Jut/es : .MM. Ki.ii'.
LEFEBVRE et PELLICAT. — Ministère inihlic : M. SE1{-
GENT, substitut. »
PIEGE V
LKITHKS u'hLART ET UE SACVAUEOT SUR LES PROGRES DE l'iNTERNA-
TIONALi; A liEI.MS, SAINT-QUENTIN, RETHEL, UOULT-SUR-SUIPPE ET
AUTRES CENTRES. DOCUMENTS DIVERS RELATIFS A I.A SITUATION DK
l'internationale DANS CES CONTRÉES.
Au vonipiiijnvit Jun;/, jirrsKhint le (jiuili'iènie runi/res de l'Associa-
tion internationale des travailleurs.
o. Reims, 10 aoùl 1S69.
« Goinpagnun,
U s'est formé à Reims dei)ui8 le mois de mars dernier
deux grandes sociétés ouvrieies, celle des tisseurs et celle des
fileurs, qui comprennent ensemble 3,000 membres. Mon but était de
1
334 L'INTERNATIONALE
leur faire connaître l'Association internationale et de leur faire
comprendre que ce n'est que par l'entente et l'association des ou-
vriers de toute l'Europe que nous pourrons résoudre la question
sociale ; mais comme en France on ne peut s'affilier officiellement,
nous ne l'avons pas fait; et puis les esprits n'étaient pas préparés,
car depuis dix-iiuit années que les travailleurs de Reims ne s'étaient
pus occupés de leurs affaires, et avec une faible instruction, et en-
core toute catholique qu'ils reçoivent, vous pensez, compagnon,
que l'on a bien de la peine à se faire comprendre. D'un autre côté
les bourgeois, quand ils ont su que ,je faisais partie de l'Associa-
tion inlernationale, ont fait et font encore leur i)ossible pour don-
ner une mauvaise idée de l'Internationale. VAi même temps les pa-
trons ont eu tellement peur qu'ils ont eu des réunions pour voir
ce qu'ils devaient faire. D'un autre côté nous avions avec nous des
traîtres qui n'ont pas manqué de lue dénoncer à lu police, et ils au-
raient voulu me faire peur en me disant que l'on me recondui-
)-ait à la frontière parce que je suis Belge Si nous ne
son)mes pas encore affiliés à l'Internationale, c'est que les lois
actuelles de France le défendent ; mais moralement nous sommes
des vôtres, car nous poursuivons le même but. Courage donc,
compagnon, ne craignons pas les méchancetés de la bourgeoisie
et les calomnies qu'ils disent contre l'Association internationale,
car c'est la peur qui les leur fait dire, et ils savent bien que l'avenir
nous appartient, car nous sommes vingt contre un, et ils savent bien,
quand tous les ouvriers se tendront une main fraternelle par-
dessus les frontières, que ces frontières disparaîtront et que nous
ne serons plus qu'un grand peuple de travailleurs et de produc-
teurs, au lieu de nous entr'égorger dans des guerres ; la seule
guerre que nous ferons sera à l'ignorance et à la fainéantise : car
eux, s'ils veulent vivre, ils devront se faire travailleurs comme nous
et ne plus s'engraisser à nos dépens. Veuillez, compagnon, remercier
pour moi tous les délégués venus au congrès et donner mes sa-
lutations fraternelles à tous les membres de l'Association ; le bonjour
à Depaepe, Hins, Brismée et Fontaine, s'ils sont au congrès.
« Je vous serre la main.
ïHUART,
« Tailleur, rue du faubourg Cérès, 77, à Reims (Marne-
France), membre de la fédération, section brnxelloise
(le rinternatiouale.
Veuillez m'envoyer le compte rendu complet du congrès afin d'en
donner connaissance à la société. «
ET LE .lACOlilNlSMt:. 335
II
« Reims, 13 mars 1870.
1- Compagnon Sauvageot,
'< Tâchez d'organiser votre comité sur un bon pied. Je vous apprends
que nous faisons partie de l'Association internationale. .\ous allons
fonder à Reims un conseil fédéral. Tous les comités des villes voisi-
nes pourront se fédérer avec nous . Quand vous serez organisés,
nous pensons bien que vous ne demanderez pas mieux que de vous
fédérer avec nous, car il n'y a que par l'Internationale que nous
pourrons ixnissir
« Toutes les villes de France sont en train de s'organiser. . . .
« Tenez-moi au courant de ce qui se passe à Saiut-Quentin, et de ce
qui a rapport au travail, pour eu rendre compte au conseil fédéral
de Paris.
1 J'attends une réponse. Salut fraternel,
.( HUA HT,
« Faubouri; Gérés 77.
III
« Reims, le 18 mara 1870.
« Compagnon San vageot,
« Fais ton possible pour fonder un comité: dis-leur que dans tous
les pays d'Europe les sociétés ouvrières s'organisent et se fédèrent
à l'Internationale, seul moyen d'arriver à notre affranchissement.
Courage, compagnon, et nous arriverons à détruire l'arbitraire.
Salut fraternel.
« HUART,
i< Faubourg Gérés, 77. »
IV
a Uétliel, 21 mars 1870.
« Citoyen Marmonnier ', à Ivyon.
« Aussitôt la réception rie votre appel daté du lô couranl, je suis
parti immédiatement pour Reims, siège de notre société, pour faire
part à notre comité de la lettre que vous m'avez envoyée. Sur ma
1 Marmonnier fait ticluelleinoiil [jurtits du coûsoil iiiuiiici|ial du Lyuu.
Sm L ' i N T E K N A T 1 0 N A L E
demande, ainsi (jue sui' la demande du eitoyen Thomas (l)ébiic;, de
I5oull-sur-Suippc, nous sommes parvenus à faire voter une somme
de 2,000 francs qui devaient être envoyés au citoyen Variin. Mais
malheureusement nous avions dans notre comité plusieurs membres
qui, no comj)renant pas Ui solidarité, ont i'ail signer une protesta-
tion contre la décision du comité, et j'ai appris dimancixe dernier
que la somme votée n'était pus envoyée. Eloignés du comité et
n'étant pas à la portée de surveiller ses actes, nous sommes obligés
de faire des démarches continues pour pouvoir faire marcher ses
affaires à notre gTé, et, en notre absence, notre secrétaire passe outre
la décision du comité. Nous sommes donc aujourd'hui dans la né-
cessité de révoquer ces hommes qui, nous eu sommes certains,
sont en rapport avec les patrons,
« En présence de semblables faits, nous avons cru devoir informer
le comité de Reims que nous suspendions nos versements à Heims
jusqu'au renouvellement du comité.
« Si nous ne pouvons rien établir de sérieux à Reims, nous
serons forcés d'établir notre centre à Rethel qui possède des élé-
ments beaucoup plus sérieux que P»eims, car il n'y a même pas à
Heims d'homme capable de donner une réunion publique. Nous
pouri-ions fonder à Rethel un comité avec Boult-sur-Suippe, Ra-
zancourt, Pont-Favergé, lleutrégiville. Notre intention serait
même de propager l'association à Sedan et autres villes où les ou-
vriers sont en grand nombre.
« Dimanche prochain une réunion publique aura lieu à Rethel.
Lecture sera faite des correspondances que j'ai reçues de vous et
de Variin. Nous ouvrirons une sousci'iption publique : ne réunirais -je
(qu'une faible somme, je vous l'enverrai dans le plus bref délai '.
« J'espère, citoyen, que vous me tiendrez au courant de ce qui se
passe à Lyon conrernant votre grève.
« Salut fraternel.
« LOTM, bonnetier, rue de Sorbon. r>
V
a Paris, 24 mars 1870.
« Latoyen Luth,
« Je vous envoie par le courrier cent exemplaires des statuts de
t Au sujet de la soniiiic de 2,000 fianc--, iluiit le président Uuarl avait dispose en fa-
faveur des passementiers de Lyon, une scissioii se prnduisit au seui de la société
Le Droit. Le groupe de V.ethel fut sur le point de se séiiarer de celui de lieinis.
0:1 eu vint aux injures et aux outrages ! Le citoyer. .laequet, secrétaire île la société,
poursuivit en police eurreciionnelle Huarl et le fil condamner pour diffamation et
injures publiiiues à ':>0 francs d'amende-, c'est à ces faits (}ue fait allusion Varliu,
le2i mars, dans sa lettre k Loth.
KT Lli JACOBlNliSME. Siil
rinternatiouule
« Pour ce qui est de vos divisions avec lieims, à mon avis, avant
de songer à vous séparer, il faudrait faire quelques efforts pour
modifier radicalement le comité Rémois : j'ai vu Huart lundi, c'est
son avis.
« J'écris à Rouen pour vous faire servir la Réforme sociale.
« Salut fraternel.
« E. VARLIN. ..
VI
« Reims, 31 mars 1870.
« Compagnon Sauvageot,
« Malgré les entraves que les patrons mettent pour empêcher
notre œuvre, nous réussirons quand même. Dis aux compagnons
qui sont renvoyés de prendre courage. Les patrons ne seront pas
toujours aussi fiers. Je suis nommé correspondant du conseil gé-
néral de Londres. J'ai été nommé à Londres le 22 mars dernier.
Fais-le savoir aux patrons qui veulent vous renvoyer et dites-leur
qu'ils feraient beaucoup mieux d'être plus convenables. Car en
vous renvoyant, ils insultent l'Association internationale tout entière,
et avant 6 mois nous serons les plus forts dans tous les pays
d'Europe.
« Courage, marchons toujours.
a Signé : HUART. »
VII
« Reims, ce 12 avril 1870.
if Citoyen Sauvageot,
« J'ai écrit au journal l'Internationale, et aussi au conseil général
de Londres, ce qui se passait à Saint-Quentin.
« Courage,
« Salut et fraternité,
« HUART.
« Faubourg Gérés, 77. »
338 L'INTERNATIONALE
VIII
« Retliel, 14 avril.
« Citoyen Varliii,
tt Maintenant que notre réception est certaine, je mets la main à
la plume pour vous en donner connaissance et vous faire pari de
notre désir de fédérer avec les sociétés parisiennes
a Le montant de notre caisse s'élève à 6,000 francs qui ont été
versés en commun par Rethel, Reims, Bazancourt, Boult-sur-
Suippe, Pont-Favergé, Sainte-Mame et Heutrégiville.
« La ville de Reims ne possède pas d'hommes bien avancés en
socialisme x>
Et plus loin — « Voilà notre devise : Tout est à nous, rien n'est
à moi. Notre caisse est aux Parisiens comme la caisse des Parisiens
est à nous, à titre de pi'èt bien entendu.
« Vous me donnerez des renseignements, je l'espère si j'en ai
besoin plus tard, sur la direction d'une grève, et dans le cas où une
grève arriverait chez nous, faites-moi savoir si nous pouvons
compter, si nous en avions besoin, sur les fonds nécessaires pour
nous soutenir.
« Envoyez-moi une correspondance particulière, qui puisse être
lue en réunion publique : cela aura une grande influence pour les
ouvriers qui sont travaillés par les patrons qui emploient tous
les moyens possibles pour nous faire échouer ^.
« Signé : LOTH. »
IX
Société de résistance et de solidarité des travailleurs de Reims
et des environs.
NOMS DES MEMBRES COMPOSANT LE COMITÉ ET LA COMMISSION DE
SURVEILLANCE.
Comité.
Président, Huart (Joseph); vice-président, Woutaz (Endrès) ; se-
crétaire, Jacquet (Victor) ; vice-secrétaire, Droz (Edouard) ; tréso-
rier, Thurnèse (Victor) ; vice-trésorier. Pelletier (Pierre).
1 Dans une lettre écrite à Varliu le 1 1 avril, Huart signalait les menées des
parons contre l'Internationale et la campagne entreprise contre elle par l'Indé-
pendant remois. Il lui annonçait que le Conseil général de Londres avait reconnu 1h
société te Droit, section de l'Internationale, et l'avait nemuié correspondant.
ET LE JACOIilNlSML. 3d9
ConimiiÀtrlou de t>urvclllaucc.
Président, Lechiea (Emile).
REIMS.
Membres : Valtoii, Renai'd, Dautel, Thiriet, Lorsignol, Etienne,
Scheibcl, Débats, Peter, Barthélémy.
RliTHEL.
Loth, Champion, Lcsieur (Charles), Billaudel (François).
PONT FAVKRGKR.
Schneider, Douillet (Octave), Clément (Victor).
BOULT-SUR-SUIFPK.
Désiré (Thomas).
HEUTK ÉGI VlLLfc.
Rouyer (Réol).
c Reims, 13 mars 1870.
« Citoyen Varlin,
« Ici, à Reims, nous avons organisé une société de résistance et
nous sommes onze cents membres environ ; à Rethel, trois cent
vingt ; dans les villages près de Reims, cent cinquante membres et
tous ensemble nous ne formons qu'une seule société dont le comité
est à Reims, et dont je suis le président; de plus, depuis notre
affiliation à l'Internationale, le conseil général belge m'a dit l'autre
jour, quand j'ai été à Bruxelles, que le conseil général de Londres
comptait sur moi pour fonder à Reims un conseil fédératif ; c'est
ce que je vais tâcher de faire.
« C'est donc moi qui suis chargé de faire les correspondances
intei-nationales ; quand vous aurez des communications, faites-les
moi parvenir.
« Mardi, noire comité s'assemble pour voter la somme que nous
enverrons aux frères do Lyon à titi'e de prêt.
« Faites insérer dans la Marseillaise que la société de résistance
de Reims fait partie de l'Internationale; présentez-nous aussi à la
340 L'INTERNATIONALE
chambre fédérale de Paris pour qu'elle nous reçoive. J'ai des rela-
tions à Sccliin et j'espère avant peu y fonder un comité qui se fédé-
rera avec nous et à Saint-Quentin la même chose.
« Compagnon Varlin.j'ai eu bien de la peine pour organiser cette
société à Reims, car c'est un pays en retard, mais depuis que j'ai
pris la i)arolc dans toutes les réunions, dans lesquelles j'ai prêché
les doctrines sociales, du mieux que j'ai pu, pour un citoyen qui
n'a pas d'instruction, du moins ce que j'ai dit a été dit avec con-
viction, et puis les doctrines du socialisme n'avaient jamais été
étudiées par la classe ouvrière et la bourgeoisie n'en connaît pas
davantage, car eux ne s'occupent que de leurs millions, mais dans
nos réunions, depuis que ces doctrines ont été un peu comprises, il
se fait un grand réveil parmi les ouvriers.
« Il y avait bien avant deux cents membres associés, mais le pré-
sident était vendu à l'administration, c'est pour cela que je me suis
mis à l'œuvre et que j'ai travaillé pour le faire mettre dehors par
les sociétaires; c'est ce qui a eu lieu; ils m'ont tous nommé
président et au lieu de deux cents sociétaires, je suis pai'venu
à arriver au chiffre de quinze à seize cents avec Rethel ; et
j'espère bien qu'ils deviendront presque tous socialistes.
« Compagnon, je suis bien heureux d'avoir rencontré quelques
vrais citoyens, Loth, Rouyer, Schneider, Thomas Désiré, des vil-
lages près de Reims, de Rethel, pour m'aider dans la tâche que
j'avais entrepinse, car je suis déjà bien fatigué. Je ne sais si j'aurais
pu parvenir seul, car à Reims moi seul ose prendre la parole sé-
rieusement, mais ce n'est rien d'avoir le mal quand on arrive à un
résultat comme le nôtre dans neuf mois de temps.
« HUART,
« Marchand de confections, 77, faubourg Cérès, à Reims.
XI
« Reims, 19 mars 1870.
c Compagnon Varlin,
« Notre commission s'est réunie hier soir pour voter la somme
que nous devions vous envoyer à titre de prêt pour nos frères de
Lyon; la somme dont nous pouvons disposer est de 2000 fr.
« Dites aux compagnons de Lyon que nous désirons ardemment
qu'ils réussissent dans la lutte qu'ils ont entreprise contre les ex-
ploiteurs, Jiommes sans entrailles qui s engraissent des sueurs et des
douleurs des producteurs, qui ont toujours profité de l'ignorance
(lestravaiUeiirs pour les niouger dans le plus affreux servage,
FT LE JACOBINISME. M\
chose qui leur devient impossible maintenant, car, par l'Interna-
tionale les ouvriers sont tous frères et solidaires les uns des autres,
et quand un membre souffre, tout le corps social souffre, et nous
lous, membres de l'Internationale, nous sommes toujours i)rèts à
tous les sacrifices, pour soutenir nos frères quand ils sont dans le
besoin, que ce soit à Paris, Lyon, Bruxelles, Genève, Londres,
New-York, Madrid, Barcelone, Vienne ou Berlin, car nous ne con-
naissons pas de frontières car nous sommes la grande armée des
producteurs.
C'est nous qui donnons la vie à toutes les nations; sans nous rien
n'existerait, ce qui fait que nous sommes la vraie force, la force
qui fait vivre et par là, la seule force juste, qui vaut bien la force
destructive qui apparlient aux bourgeois, nos éternels ennemis,
qui ne pensent qu'à leur ambilion et à leur insociabilité et qui vou-
draient encore vivre sans rien produire, excepté le désordre social
et tous les maux qui s'ensuivent et qui nous ruent les uns sur les
autres pour nous entre- déchirer comme des bêtes sauvages pour
ce qu'ils appellent : patrie, gloire, victoire chose bien vaines pour
nous aujourd'hui, car, nous, membres de l'Internationale, nous ne
reconnaissons plus que la solidarité universelle et tous les pro-
ducteurs sont nos frères ; nos seuls ennemis sont tous les impro-
ducteurs de n'importe quel pays.
« Par l'Internationale nous voulons établir le collectivisme dans le
monde entier et la fraternité univer<5elle ; nous y arriverons plus tôt
que messieurs les bourgeois ne }.;. .isent, car, je le répète, nous som-
mes le nombre, nous sommes la force, nous sommes le droit, nous
sommes la justice, nous sommes la morale universelle, et une
cause aussi juste que la nôtre ne doit pas succomber, l'éternelle
morale est là pour l'attester.
« Vive l'Association internationale des travailleurs, seule force
qui est en train de miner le vieux monde des abus et qui rétablira
la société sur des bases solides où l'égalité sera proclamée parmi
tous les hommes.
« Salut fraternel.
'< J. S. HUART.
« Président de la Société le Droit, société de résistance de
Reims, Retliel, Pontfaverger, Heutréj<iville et Boult, Air,
Oneppe, membre de l'Internetionale. Faubourg Cérès, 77,
Reims.
« P. -S. F'aites insérer cette lettre en entier dans la Marseillaise, le
plus tôt possible, s'il y avait un mot ou deux qui soient trop roides,
supprimez-les, si toutefois vous le jugez utile. »
342 L'INTERNATIONALE
PIEGE X
PROTESTATION DES INTERNATIONAUX STÉPHANOIS CONTRE LA CONDAM-
NATION DE LEURS FRÈRES DE PARIS.
Saint-Étienne, 24 jnillnt 1870.
Càtoyen rédacteur.
Les soussignés, qui connaissent l'excellent esprit de votre journal,
se plaisent à croire que vous voudrez bien accorder une place,
dans son plus prochain numéro, à la protestation qu'ils viennent
faire expressément, en leurs qualités d'hommes et de travailleurs,
contre les récentes condamnations de leurs frères de Paris et de
l'étranger.
Loin de réussir à intimider les travailleurs, ces sévices et les
nouvelles persécutions dirigées actuellement contre ceux des pro-
vinces de France stimulent davantage les efforts des courageux
soldats du travail et de la paix; les imputations de délits, que par-
tout on invoque contre eux, ne servent qu'à montrer combien ap-
préhendent les forts d'être anéantis par les faibles, le jour où
ceux-ci comprendront la solidarité de leur situation sur la terre.
Ainsi donc, lorsque les travailleurs de toutes les nations pou-
vaient croire à la réalisation de la sainte alliance des peuples, rêvée
et tant chantée par Béranger; quand, déjà, ils se tendaient les bras,
apercevant enfin un rayon lumineux de la vraie justice à l'ho-
rizon, soudain sont sorties de nouveau les ténèbres profondes,
pour venir obscurcir encore le jour, les horribles et monstrueuses
influences du passé, qui, malheureusement, n'avaient pas été assez
profondément ensevelies...
Les travailleurs de tous pays vont essuyer et essuient déjà une
nouvelle et effroyable tourmente !
Les pasteurs des peuples, s' attribuant le droit et le soin de dis-
poser d'eux, leur infligeront encore arbitrairement leur volonté
sous Fapparence delà justice, cherchant toujours à les diviser par
des dissensions et les lançant de temps en temps les uns sur les
autres pour mieux enraciner leur domiiation dans le sang.
Mais les peuples n'ont qu'à ne pas s'émouvoir des tourments
personnels de leur gouvernants, à ne pas épouser leur querelles
dynastiques et à s'aimer, au contraire, entre eux, en réfléchissant
qu'ils sont tous , par le travail , rendus solidaires. Ils auront
vaincu le despotisme et pourront se gouverner beaucoup mieux
seuls.
KT I.E JACOBINISME. 34S
Donc, prolétaires, travailleurs solides que l'on opposo mal à pro-
pos les uns aux antres et ;\ qui. l'on inculque le lalal chauvinisme,
unissons nos flmes et nos efforts! Travailleurs internationaux, ne
nous effrayons pas de procéder à nos devoirs ; mais protestons
toujours contre l'abus inique do la tyrannie, en persévérant dans
notre but de lui substituer la justice !
Courage, honneur et fraternité !
himancipation sociale!
Les membrefi do l'Internationale de S/iint-Etienne,
(Èclaireur de. Saint- Etienne, 29 juillel 1S70.)
PIEGE Y
DOCUMENTS RELATIFS A LA SECTION DE BREST.
I
STATUTS DE \.S. SECTION nE BREST.
Les membres de la section de Brest de l'Association internatio-
nale des travailleurs conviennent entre eux ce qpii suit :
Article l'^ — Liberté, Égalité, Fraternité.
Art. 2. — La section est souveraine à la majorité ; la majorité se
compose des trois quarts au moinsdes membres votants.
Art. 3. Aucun vote n'est secret. Lorsqu'il y aura "lieu de voter,
tous les membres seront prévenus ; ceux absents momentanémnet
le seront également, et pourront envoyer leur vote signé. Dans les
cas d'urgence, il sera passé outre pour les absents.
Art. 4. — La cotisation mensuelle est de un franc.
Elle sert à s'entr'aider, à payer la location des salles de réunion,
l'abonnement aux journaux, les frais de correspondance, etc. Au-
cune dépense ne pourra être faite sans le consentement de la ma-
jorité.
Art. 5. — Pour la tenue des comptes et pour les correspondances,
les secrétaires sont dépositaires de tout ce qui appartient à la sec-
tion.
Ils ne peuvent se dessaisir d'aucune pièce sans le consentement
de la majorité.
Dans chaque réunion ils mettent les comptes, correspondan-
ces, etc., à la disposition de l'assemblée et lui donnent des explica-
tions.
84^1 I/INTERNATIONALE
Lors de leur remplacement, ce n'est que devant l'assemblée génù
raie qu'ils remettent tout ce dont ils sont dépositaires.
La majorité change ces secrétaires toutes les fois qu'elle le juge
utile.
Art. 6. — Les réunions ont lieu le samedi de chaque semaine à
huit heures du soir. Dans chaque réunion deux membres sont dé-
signés, l'un pour inscrire par ordre les noms de ceux qui veulent
parler, l'autre pour prendre note des décisions de l'assemblée. Ne
seront admis dans les réunions que les membres de l'Association
internationale des travailleurs.
Art. 1. — Les membres qui auraient à présenter des personnes
voulant adhérer devront préalablement prévenir la section qui dé-
cidera ce qu'il y aura lieu de faire. Pour être membre de la section,
il faut habiter la localité.
A.rt. 8. — Ceux des membres partant de Brest pour aller s'éta-
blir ailleurs pourront rester dans l'Association, mais ne feront plus
partie de la section. Ils ne pourront rien avoir que du consente-
ment delà majorité.
Il ne sera rien remis à ceux qui se retireront volontairement ni
à ceux renvoyés par décision de la majorité. Les membres destinés
à être renvoyés pourront être entendus à l'assemblée générale, s'ils
le désirent.
Art. 9. — La section de Brest pourra se fédérer avec d'autres
sections.
Art. 10. — La présente convention sera signée par tous les
membres de la section.
Art. 11. — La majorité étant souveraine change ou modifie la
présente quand elle le juge convenable.
Fait à Brest le 9 avril 1870.
II
COnRESPONDANCES DIVERSES.
1° — A Louis Pindy, Paris.
« Brest, 7 avril 1870.
« Je suis arrivé ici sans accident ; j'ai voyagé avec des soldats.
Ce sont des ouvriers, et certes ils ne tireraient pas sur leurs cama-
rades.
« Ils savent où est l'ennemi.
« Ils étaient quarante-cinq dans le compartiment où j'étais.
!•: ï LE J A C 0 LU \ I S M l'. . 345
'< Voudrais-tii (lomamU'r au bui\'an de la Mursoillaisc daiis quel
numéro ou a porte la souscriptiou des ouvriers du porl de Uresl,
pour les détenus politiques?
« Pourrais-tu m'envoyer de suite le numéro du 30 mars du Bappeiy
On demande une vingtaine de portraits en plâtre de Victor Noir.
« Ici nous nous débrouillons.
« Joseph ne peut })as encore aller là.
« Bien des choses à (jarrière, à l.aburthe et à tous les amis.
« Il est plus que probable que hic/itôt une partie des membres de
rintoi'nationale sera assassinée, et l'autre partie emprisonnée.
« Ci-joint une lettre de la section de Brest aux: sections de Paris.
« Nous comptons sur toi, si les autres citoyens à qui nous l'avons
adressée en sont empêchés et que toi tu ne le sois pas, pour en
donner lecture dans la réunion générale qui doit avoir lieu diman-
che, 10 avril.
131 12 2 113 3 11 112 13 2 212 12 1 1 1
ail vev ele nsn slv Ine ini pec ne
11113 2113 3 2 121213 113 11
V n 1 v e i i n e e 1 n 1 n v e n 1 e n n p
« 8 heures du soir.
« Pierre me communique ta lettre,
« C'est bien !
« J'attendais pour t'écrire,
« Je croyais que tu avais eu de mes nouvelU^s.
« J'ai cru m'en apercevoir en lisant le petit mot que tu !is écrit a
Pierre.
« Nous sommes tous assez bien.
<■<. Tous les amis sont contents de toi.
« Ton ami
a CONSTANT LE DORi':. »
2° — Au citoyon Malon, impasse Sainl-Sébastien, K
a Brest, 7 avril 1870.
* Citoyen,
c Je suis de retour à Brest, depuis le 30 mars au soir.
( Je devais retourner à Pufeaux le 26 ; il y a eu empêchement.
oc J'ai rendu compte à la section de Brest de ce que j'avais vu et
entendu. Elle est contente.
« Elle sympathise avec tous les hommes et toutes les femmes de
cœur et d'énergie qui travaillent pour l'alïranchissement de tous.
346 L'INTERNATIONALE
tt Nous sommes tous résolus à faire de môme ici.
a II est plus que possible que bientôt une partie des membres de
Y Internationale sera assassinée et une partie emprisonnée.
« Nous espérons que vous voudrez bien communiquer la lettre
ci-jointe ù la réunion générale qui doit avoir lieu le 10.
« N'étant pas sûr (jue ces deux lettres vous parviennent, nous en
envoyons une semblable à celle ci-jointe à d'autres citoyens.
« Ici la grande majorité est trcs-môeontenlo de l'empire.
« Bien des choses à vous et à tous les amis.
« Pour la section.
« Le secrétaire correspondant,
« Constant LE DORÉ.
« Rue Kerfautras, 2, Mécédou, Brest (Finistère). >-
3° — La section de Brest de F Association internationale des trn-
vailleurs, aux sentions de Paris.
« Brest, le 7 avril 1870.
« Citoyens,
« Nous désirons nous fédérer avec vous.
« Notre conviction est que nous ne pouvons nous affranchir
qu'étant tous unis et solidaires.
« Qu'une fédération française est nécessaire pour faciliter les
communications de toutes les sections et cela le plus tôt.
« Nous voudrions étudier avec tous l'organisation à venir de J:i
société basée sur Injustice.
« Nous ne voulons pas commander, et nous ne voulons pas de
maîtres.
« Nous voulons la liberté, l'égalité et la fraternité.
« Nous voulons la justice.
« Quoi qu'il aiTive, il y a des hommes dans cette section qui ne
reculeront jamais.
« Tous ceux qui ont la même volonté doivent s'entendre.
« Pour la section :
« Les secrétaires,
« Constant LE DORÉ, Gélestin PLOUZANË.
« Rue Kerfautras, 2, Mécédou, à Brest. »
(Marseillaise, 23 avril 1870.)
ET LE JACOBINISME. fî47
■i° — An rifoypn Lp Don'', <;ocvi''tairr> do l,i fiortion de Brest.
a Pari'^, '21 avril 1870.
« Citoyen,
'( Notre fédération parisienne est définitivement formée. Je n'ai
pn donner lectni-e de l'adresse que vous avez envoyée aux sections
do Paris pour le motif suivant que je livre à voti'e appréciation.
« En arrivant à la réunion, je m'aperçus que j'avais entre les
mains la lettre que vous m'aviez adressée personnellement au lieu
de celle que vous adressiez aux sections,
a Sachant que vous en aviez envoyé un double au citoyen Pindy,
je le i»rL,Ti de me le remettre ou de le lire. Malgré mes nstances
toutes fraternelles, il ne voulait consentir à en donner lecture qu'à
la condition qu'on lui reconnaisse le droit d'assister à nos séances,
et ceci en dépit d'une décision antérieure, qui ne permet pas à un
membre n'appartenant à aucun groupe de prendre la parole, ni
même d'assister à une réunion.
« L'assemblée, en présence de cette mise en demeure, ne voulut
accepter aucune condition et Pindy refusa de donner lecture d'un
document qui ne lui était pas destiné, mais bien au contraire qui
était destiné aux sections réunies. Je dus donner lecture de la lettre
qui m'était pei\sonnelle et résumer celle que j'avais oubliée. L'as-
semblée tout entière applaudit à l'adhésion de la société de Brest
à la fédéi'ation parisienne.
« Je vous laisse juge de la conduite du citoyen Pindy en cette
occasion et vous prie, en m'accusant réception de cette lettre dans
le plus bref délai, de m'autoriser à faire publier votre adresse aux
sections parisiennes de l'Association inteiniationale.
« Recevez, citoyen, l'expression de la plus fraternelle sympathie
de la part des membres de la section de Vaugirard.
« Pour la section :
« Le secrétaire correspondant,
« Signé : A. GOMBÂULT,
« Rue de Vaugirard, 289, Paris. »
5° — A Louis Pindy, 17, nie du Fauhourg-du-Temple, Paris.
a Brest, 23 avril 1870,
'< J'ai reçu ta lettre hier soir : j'en recevais également une de Gom-
bault.
MH L'INTERNATIONALE
« Combault est maron. Ij y a <Jn bons maçons. Nous le croyons
sincère, et moi ])ai'ticulièi'ement. Tu as eu tort de ne pus lui laisser
lire notre adresse, puisque les statuts t'en empêchaient.
« Pourquoi ne te rallies-tu pas à une section ? Je sais et nous
savons pai'l'aitement que tu es libre là-dessus ; mais tu sais qu'il
nous faut être unis, c'est une faute que tu commets.
« Je sais bien que, dans notre organisation, il se glisse des lâches
et des traîtres, des ambitieux qui veulent ou de la gloire ou de
l'argent, ou les deux réunis.
« Je ne vois rien de gemblable dans aucun de ceux dont tu cites
les noms sur ta lettre ; au contraire, je vois des hommes déployant
toute leur activité pour la réussite de notre cause commune.
« Entre toi et eux, ce ne peut être qu'un malentendu qui va tou-
jours en s'aggravant, c'est cependant si facile de s'arranger.
K Tu peux y arriver avec du calme et de la réflexion.
« De toutes les sociétés ouvrières que j'ai vues à Paris lors de
mon dernier voyage (mars 1870), c'est le cercle mutuelliste qui m'a
fait la plus mauvaise impression.
« J'ai vu, entre autres choses, dans une réunion des délégués des
sections de Paris, Murât repousser c?eda/(/72e«sejije/2i les avances que
ces délégués lui faisaient de se joindre à eux.
« As tu reçu du citoyen Bizier (il n'est pas membre de l'Interna-
tionale) un mandat de 10 fr., produit d'une souscription des ou-
vriers du port de Brest pour les grévistes du Gi^euzot ?
h L'insertion a eu lieu dans deux numéros de la Marseillaise
pour la somme que tu as versée, dimanche 27 mars, provenant des
ouvriers du port de Brest pour les détenus politiques.
« Le secrétaire correspondant de la section de Brest,
« Ton ami,
« Constant LE DOBÉ.
« Nous avons reçu de Londres, le 15 au soir, notre acte d'affilia-
tion et une lettre de Dupont. »
60 — Ali citoyen Combault, secrétaire de la section de Vaugirard,
à Paris.
a Brest, le 23 avril 1870.
« Citoyen,
« A cinq heures, hier au soir, j'ai reçu votre lettre, j'en recevais
également une de Pindy.
« Nous nous sommes réunis à 8 heures pour délibérer sur le con-
tenu de ces deux lettres.
ET LK .lAC.dlîINlSMK 349
« Aujoiu-d'hui nous nous soiuinos encore réunis.
« Voici le résultat.
<. Nous sonuncs contents de la formation délinitive de la Icdcration.
« Hier soir, sur 16 membres votants, 14 vous autorisent à faire
avec notre adresse ce que vous jugerez utile pour tous .
« Notre désir était que l'adresse fût lue dans la réunion yéuérale.
« Salut fraternel à tous.
« Le secrétaire correspondant do la section de Brest,
« Sigiv' : Constant LE DOlU':.
« P.-S. Ce matin, 24 avril, on me communique le n» 23 de la
Marseillaise où est insérée notre adresse. Bien ! »
PIECE Z
7" — Au citoyen Varlin, vue Daupliine, 33, Paris.
a Dijon, 1er avril 1870.
« Cher citoyen,
<( Le citoyen Bastelica, secrétaire de la fédération marseillaise, au-
quel nous nous étions adressés pour obtenir notre admission dans la
Société internationale des travailleurs, nous a répondu en nous en-
gageant à nous adresser à vous pour cela.
i< Le citoyen Girard (Pierre), de la section genevoise, que nous
avons eu le plaisir de voir hier soir, nous a confirmé la réponse du
citoyen Bastelica.
« Nous venons donc, cher citoyen, vous prier de vouloir bien
nous admettre dans la grande famille dont le titre est l'Association
internationale, et qui a pour but la destruction des monopoles et
l'émancipation de travail.
« En nous adressant nos livi^ets, vous aurez- l'obligeance de nous
faire connaître nos devoirs et la manière de les remplir le plus
utilement pour la prospérité de l'Association.
« Aujourd'hui même nous écrivons au citoyen Bastelica pour lui
demander les statuts des 26 chambres syndicales de Marseille. Aus-
sitôt que nous aurons ces documents, nous travaillerons active-
ment à constituer nos travailleurs dijonnais en syndicats.
« Et quand cette constitution sera terminée nous relierons toutes
ces chambres syndicales par un comité central qui correspondra
alors avec la section parisienne.
850 L'INTERNATIONALE
« Pour activer la propagation de l'Internationale, pour en étendre
rapidement les ramilicatious sur la France entière, il nous semble
qu'il y aurait ui'gfiuce que cinq ou six hommes actifs, intelligents,
connaissant très-bien les questions sociales et capables d'exposer
clairement leurs idées eu public, fussent dirigés individuellement
sur chacune de nos grandes villes.
« Là, ils provoqueraient des réunions de travailleurs et ne quit-
teraient la place qu'après l'organisation de l'Association fédérale
dans la ville ainsi visitée.
« Les cotisations spéciales recueillies dans chaque ville, dépas-
seraient bientôt les frais de séjour du conférencier.
n Nous vous soumettons cette idée : voyez à la mettre en pratique
si elle vous paraît réalisable.
« En attendant le plaisir de recevoir votre réponse,
« Nous vous prions d'agréer, cher citoyen, l'assurance de
nos sentiments de parfaite estime.
« Salut et égalité.
A Alguste MARBEAU, président de la chambre syndicale, rue de
l'Hôpital, 7, à Dijon; TRAPET, viae-préideid; Jules VIL-
LlAME, comptable; Auguste RICHARD, syndic; Emmanuel
COMAGUl , syndic ; Ferdinand DONNOT , syndic ; Auguste
FOCILLON, secrétaire ; Alexandre TAURET, trésorier ; Joseph
FOURNEAUX ; François THIBAULT, comptable K »
PIECE W.
DECLARATION DE LA CHAMBRE SYNDICALE DES MATELOTS FRANÇAIS
DU PORT DE MARSEILLE.
C'est au peuple souverain de France que nous nous adressons,
ne voulant avoir que lui pour juge dans nos différents avec ceux
que la discipline nous désigne comme nos supérieurs.
1 Nous croyons utile de donner quelques détails sur l'organisation de l' Association
des comptahles et employés de commerce de Dijon. Cette société avait tenu une pre-
mière réunion générale le 17 octobre 1869. Dans cette séance, sur la proposition
d'un sieur Boutinon,il avait été décidé que l'on se constituerait en chambre syndicale.
Une commission provisoire fut nommée avec mission spéciale d'élaborer un projet de
statuts. Cette commission se composait de neuf membres : Boutinon, Cosson, Donnât,
Focillon, Fourneau, Groffied, Marbeau, Tauret et Trapet.
Un projet de statuts fut rédigé d'après les indications fournies par la chambre syn-
dicale des employés de Paris et par le député Jules Simon. Ces statuts furent déli-
KT LK .lACuBlNlrf.MK. 351
Attendu i[UO la inuiine marchande a besoin de rcfonnos innom-
brables qu'il n'est pas possible d'Olablir immédiatement;
Que cependant, des amélioiations Irès-impurtantes peuvent et
doivent y être apportées, non-seulement au i)oint de vue des
affaires commerciales; mais encore et surtout au point de vue des
garanties de toutes natures à accorder aux équipages;
Attendu que, par suite des lois et des décrets successifs qui sont
venus s'abattre sur la malheureuse classe des matelots de com-
merce, le marin a toujours été soumis à l'arbitraire de ceux (jui le
commandent ;
Attendu que ceux qui lui inlligeut des punitions, le nourrissent,
le commandent, sont ceux-là môme qui le jugent;
Attendu que les abus de pouvoir les plus odieux de la part des
capitaines sont presque toujoui-s la cause des actes d'insubordina-
à bord des navires de commerce ;
Les matelots français du port de Marseille, réunis en chambre
syndicale, font la déclaration suivante :
Au nom de la liberté, de la raison et de la justice,
Puisque tous les hommes sont égaux devant la loi ;
Puisque chaque classe de la société a pour devoir principal l'é-
niancipation, qui dérive de l'instruction et de la libre pratique des
droits civiques et sociaux;
Puisque la dignité humaine se l'efuse à conserver dans la société
des taches honteuses qui ternissent l'histoiie de notre siècle civilisé;
Déclarons vouloir concourir avec tous nos frères à l'émancipa-
tion générale, et prendre part aux travaux de la malheureuse classe
ouvrière dont nous faisons partie.
Attendu que les tribunaux commerciaux maritimes, tels qu'ils
sont constitués, ne peuvent rendre des jugements impartiaux;
Attendu que la sûreté de l'équipage n'est gai'antie en aucune fa-
çonparles semblants d'expertises qui ont lieuau départ des navires;
Attendu que, quelque soit son engagement, le matelot a besoin de
repos, et qu'il ne peut, en aucune façon, être considéré comme une
machine par ceux qui le commandent ;
Attendu qu'il est privé d'une façon arbitraire de la plupart de
ses droits de citoyen; que sa liberté, son existence et, par consé-
tpient, celle de sa famille, sont sans cesse à la metci d'un seul
homme qui a des pouvoirs les plus absolus;
nitiveuient. adoptés le 17 décembre 1869. Quelques jours plus tard il était procédé
à l'élection des membres de la chambre syndicale et à la formation de son bureau .
Marbeau en fut nommé président, Trapet, vice-président ; Focillon, secrétaire ; Tau-
ret, trésorier.
Le 20 février 187U, cette charaltre syndicale adressait au Corps législatif une
pétition à l'effet de demander en matière d'élection des juges consulaires, l'e.xtention
du droit de vote à tous les justiciables des tribunaux de coinmcrce. Cotte pétition
était transmise à la commission d'initiative iiarleinentaire par M. Magnin.
-Marbeau est actuellement président de l'Alliance republioainf de Uijon.
352 L'INTEUNATIONALE
Par ces motifs,
La chambre syndicale des matelots de Marseille déclare :
1° Puisque le travail justement organisé est loin d'avoir, pour
pouvoir sérieusement s'établir en France, toutes les garanties
indispensables de justice et de liberté, l'inscription maritime doit
être maintenue.
Cependant, de notables améliorations et de sérieuses modifica-
tions y seront apportées dans le sens le plus libéral et le plus
équitable.
2° Une nouvelle loi maritime serait promulguée, qui mettrait à
néant tout ce que le décret-loi du 24 mars 1852 a de défectueux,
d'injuste et de barbare.
3" Un contrôle sérieux serait établi pour vérifier les faits et
gestes du capitaine et de l'armateur, à l'égard des équipages.
40 Toutes les peines corporelles qui existent encore à bord des
navires seraient supprimées, ainsi que les retenues de solde que
font supporter le plus souvent à la famille les caprices ou la bar-
barie d'un officier sans conscience.
5° Les tribunaux commerciaux maritimes seraient abolis; tous
les délits, contestations et autres seraient jugés par le tribunal de
commerce du port où rentrerait le navire.
9° Le tribunal de commerce devrait pour cela être nommé par
l'universalité des commerçants et des négociants, et non pas par
un nombre restreint de personnes choisies. Pour juger tous les faits
qui auront trait aux matelots, le trilmnal s'adjoindra une délégation
composée de membres de la chambre syndicale, qui auront voix
délibérative.
7»» Les experts chargés de vérifier à bord des navires si tout est
en bon état, si les vivres sont en quantité suffisante et de bonne
qualité seront nommés tant par les armateurs que par les matelots.
Le tribunal de commerce nommera un tiers expert.
8° Un règlement sérieux fixera les heures du repos des matelots,
tant en mer qu'à terre, sauf les cas de force majeure.
9° Les matelots pourront librement exercer leurs droits de ci-
toyens et concourir à l'émancipation des classes déshéritées ; au-
cune incompatibilité ne pourra être invoquée centime eux entre leur
situation, par rapport à la marine marchande, et les fonctions di-
verses dont ils pourraient être revêtus par la volonté de leurs con-
citoyens.
10° La caisse des invalides de la marine marchande serait com-
plètement séparée de la caisse de la marine de l'Etat.
Le contrôle de cette caisse serait confié à des agents désignés
par le suffrage des matelots français.
llo Tout inscrit, après être resté soumis pendant vingt ans aux
lois de l'inscription maritime, recevra une retraite qui sera égale
KT LK JAC.oI'.l NIS>[I-;. 3r>?,
poui' tous les malelols, sans aui-iiiif disfiiiptiou de giadcs ou de
classes conquises en naviguant pour l'Klal. La durée du service de
l'inscrit devrait être divisée de la façon suivante :
Trois ans de présence sous les di'apeanx.
Trois ans de congé provisoire,
Au boni duquel temps il lui sera remis un congé définitif, sans
qu'aui'un décret puisse l'enlever à ses travaux.
Pendant les ti-ois années de congé provisoire, le matelot devrait
avoir la faculté de naviguer au grand et petit cabotage.
Les plaintes des matelots pour abus île pouvoir de la part des
officiers seront toujours admises, sans aucune de ces formalités dis-
ciplinaires qui entravent toujours la marche de la justice et sont
contraires à la liberté.
Fait et délibéré en assemblée générale, le 6 avril 1870.
Chambre syndicale des matelots français de Marseille.
Le président, l\ G1R.\UD; le secrétaire, P. MASSOL.
(Marseillaise, 23 avril 1879.)
II
CORKKSPONDANCES ECHANGEES ENTRE liASTELlGA, MURAT ET AUTRES.
DOCUMENTS HIVERS RELATIFS A LA FÉDÉRATION iMARSEILLAISE.
l» — Au citoyen Murât.
« Marseille, 23 octobre 1869.
« Mou cher Murât,
(' Notre fédération est bien lancée, et dans deux mois ma pré-
sence à Marseille ne sera plus aussi nécessaire. Si cette époque
concorde avec l'affaire Pyaf, /irai volontiers rejoindre et grossir la
(jrande armée de Paris.
« Cest entendu, je m'en rapporte a vous, en tous cas nous nous
vcri-ons prochainement, vous allez savoir oii.
. Depuis quelques jours j'ai observé un certain mouvement de
troupes entre l'Afrique et le continent : tandis que des colonnes de
chasseurs de Vincennes et de pioupious débarquent, les jeunes re-
crues de Paris, Lyon et d'autres villes bien connues pour leur peu
de dévouement s'embarquent pour la terre d'Algérie. Ce va-et-vient
coïncide avec la nomination à des postes élevés dans l'armée,
d'aventuriers tels que Bazaine, Bourbaki, de Faiily et autres héros
anthropoi)hages d'Afrique, de Montana et du Mexique. Mauvais
symptôme.
23
354 L'INTERNATIONALE
« A ce propos je puis vous assurer que lors des insurreclions
burlesques de juiu, un capitaine de ligne me disait : L'empereur
ne médite rien de sérieux, sinon, il se serait entouré de ses deux
dogues, Bourbaki et Picai^d, à côté desquels les Canrobcrt et les
Arnaud sont des chiens de faïence! ! ! Nous avons déjà Bourbaki,
Picard n'est pas loin. — Évidemment l'empire veut en finir avec
ses deux cauchemars : les soc-démoc et la Prusse. 11 procède par
induction, 51 et la Crimée. — Or III n'entreprendra la gueri'e
avec le colosse germain qu'api^ès l'extermination et l'cliraination
des ennemis intérieurs, donc nous aurons Je coup d'Elat et la
guerre.
« C'est mon opinion intime depuis plusieurs mois et fondée pluiôt
sur l'observation que sur le syllogisme.
« J'écrivais un jour à Mabilly : Si le 26, nous n'avons pas la ré-
volution, nous aurons le coup d'Etat.
« Eh bien certes je voudrais mentir, mais nous y sommes :
j'ai vu, vu dis-je, de mes propres yeux, vu; à moins que j'aie la
berlue.
« Cette hypothèse vérifiée, je vous déclare qu'après la lâche con-
duite des députés et la panurgerie du peuple, j'ai pris le parti de
comprimer mon impatience et de fermer ma volonté à toute excita-
tion nerveuse, d'où qu'elle vienne.
« En regrettant sincèrement le temps perdu en vaine espérance
et l'énergie en échappements ilkisoires, je n'ouvrirai désormais
mon esprit et mon cœur qu'à toutes les idées et passions concernant
la révolution sociale.
« J'ai toujours détesté à l'instar de Marat, cette guenon de poli-
tique qui nous fait parfois descendre au rôle et au niveau di'S
hommes d'Etat.
« Dès aujourd'hui, je la hais plus que peste et la fuis d'autant.
« J'ai commencé à prêcher les candidatures ouvrières en réunion
publique, je vais poursuivre ma propagande auprès des corpora-
tions et rien au monde ne me fera démordre de ma ligne de con-
duite, d'ailleurs le moment est propice pour éreinter les avocats et
je ne me mettrai pas les gants.
« Je vous écris currente calamo, pardon ; à vous de rectifier
les écarts de ma plume.
« Cette lettre a une certaine importance, pour que je vous engage
à m'en accuser réception, directement ou indirectement. Je ne vous
ai pas dit où nous pourrions nous rencontrer, mais vous l'avez de-
viné !
. Signé : BASTELIC.\. »
E'£ LE JACOBINISME :fô5
2° — An ciloyciJ Munit.
« Marseille, 7 déccmbie lâ69.
« Mou cher Murât,
« J'ai reçu hier seulement, de retour d'nn oetit voyaye ' de Lyon,
votre aimable lettre du 2.
« Je m'en remets donc à vous, pour tous les soins à donner à
ma candidature au secrétariat du ministère de travail -. Oui, tel
est aussi mon avis : la fédération parisienne en créant un centre
sérieux doit devenir le foyer de la révolution sociale, surtout, comme
le donnent à comprendre vos <lernières lignes, si une feuille pou-
vait être créée qui en devînt l'organe officiel, le Moniteur.
« Appelée à rendre des services immenses à la cause de l'émanci-
pation ouvrière, la fédération pourrait fort bien, à un moment
donné, proposer aux fédérations françaises de contribuer aux frais
nécessités par une telle installation.
« Notre chambre fédérale a adopté (en principe) des statuts. —
Les adhésions corporatives arriveront bientôt, je l'espère, pour les
consacrer et donner à celte œuvre une existence virtuelle. — Il
est vrai de dire que les délégués ont été vite en besogne et ne se
sont pas laissés arrêter par des vétilles. Nous sommes plus révo-
lutionnaires que ça. « Eh quoi ! l'ennemi est à nos ])ortes e( nous
délibérons! » (s'écriait Mirabeau.
« Toutes les corporations sont représentées par deux délégués.
<r II faut vous dire qu'en général nos ouvriers ont une horreur
prononcée pour les discours : ils sont pratiques avant tout.
« Ils préfèrent que l'expérience les déjuge que de s'abandonner
avant aux caprices du paradoxe,
« En l'état, les corporations sentent la nécessité de l'union, de
la solidarité : eh bien, ils se groupent d'abord pour agir énergique-
ment, quitte à se renier ensuite. Cette qualité que je leur reconnais
fait tout leur avantage, mais ne rachète point à mes yeux celles
nombreuses qui leur manquent et que l'on trouve chez l'ouvrier
de Paris.
« Signe : B.\STELI(;A. .
1 C'est peudant son séjour à Lyon, à cette époque, que furent jetées les bases cit
la grande fédération ouvrière.
> Bastelica veut désigner par là la Chambre fédércUe.
35G L'INTERNATIONALE
30 — Au citoyen Mural.
« Marseille, 3 janvier 1870.
« La semaine prochaine vous recevrez la visite du citoyen Pillard,
un de nos orateurs de réunions puljliques. Je vous le donne pour »/ï
bon, intelligent et remuant. Je l'eslime beaucoup ; dans ces derniers
temps sa conduite a été irréprochal)lc... Le crépuscule est tombé
sur une nouvelle année grégorienne. A quand l'aurore du cycle
républicain ?
« En attendant j'emploie tous les jours fériés en excursions socia-
listes ! hier, j'étais à Aix. Dimanche j'y retourne pour donner une
conférence, ce sera ensuite le tour de la Giotat, Fuveau, puis Avi-
gnon, Toulouse... Je prépare aussi la fédération de tous les ouvriers
bouchonniers hispano-franco-italiens. Si ce coup réussit, Vlnterna-
lionale comptera 20,000 membres de plus... et solides. Je vous
confesse en toute sincérité que nos travailleurs méridionaux,
quoique bien portés vers le principe de la Révolution sont mous;
ils acceptent, ils adhèrent sans passion; aussi, quoique je n'aie pas
à me plaindre du mouvement, je ne saurais encore le caractériser
de révolutionnaire ! Socialiste, je puis l'assurer déjà... »
(r Tout à vous,
^ « BASTELIGÂ. »
40 _ MANDAT IMPÉRATIF,
REMIS \ DASTELICA EN VUE DE LA RÉUiSriON TENUE, LE 13 MARS 1870,
PAR LA FÉDÉRATION LYONNAISE.
(Chambre fédérale des sociétés ouvrières,)
« Marseille, 10 mars 1870.
« Mandat impératif est donné aux citoyens André Bastelica et
A. Pacini de représenter ladite Fédération au Congrès de Lyon en
s'inspirant des vœux qui sont émis par ses membres pour la réali-
sation de toutes les questions sociales propres à conquérir l'éman-
cipation du prolétariat universel.
■< Le président de la séance : A. DURAN.
« Pour la chambre fédérale,
« Le secrétaire,
« E. COMBES.
ET LE JAGOniNISME 357
PIECE a.
DOCUMENTS nKLATIF.S A LA FKDÉnATION UOUENNAISE.
a Rouen, 26 mai 18G8.
« Mon chci" Varliii,
« Je vous remercie, au nom de la justice sociale, d'avoir dit aux
àancocrulos que leur rùjjac était bientôt fini , parce que nous affir-
mions notre existence, et que sous le régime du suffrage universel,
il fallait un jour ou l'autre que la plèl)e asservie prononce le fa-
meux alea jacta est.
a De jour en jour les dieux s'en vont, place à la Justice, à cette
Théniis inexorable qui jamais ne voudra aue deux et deux fassent
cinq comme le Mercure de la finance.
« Mais avant tout la question principale est d'organiser votre
existence à Paris, et je ci'ains bien que vous n'y réussissiez main-
tenant, ou alors il vous faudra changer de nom et encore faudra-
t-il que vous en a[)pelicz à la formule administrative, j'entends
celle qui n'entendra aucunement entraver votre mai'che écono-
mique, qui respectera mordicus la dignité de tous, c'est ainsi qu'ici,
nous procédons, nous déclarons, nous accomplissons les formalités
banales établies par les gouvernements prudents; quels qu'ils aient
été, avant tout, ils étaient bourgeois, mais nous entendons con-
server entièrement notre dignité. N'eus savez, mon cher Vai'lin,
combien ceux pour lesquels nous travaillons sont encore
c'est-à-dire pauiqueux, et si j'en dois croire noire accusateur
devant le tribunal, vous devez en savoir quelque chose, puis-
qu'après les premières poursuites contre nos amis, notre nombre
a diminué des sept huitièmes, et puis dans mou département, com-
bien est exploitée cette attaque, et que de mal cela nous duune pour
empêcher les groupes de se séparer quand ils sont à peine formés.
Il m'a fallu toutes les peines du monde pour continuer le mouve-
ment que j'ai sérieusemeiat c uimcncé à mon retour de Lau-
sanne.
« Faites pour le mieux à Paris, secouez la torpeur si vous le
[louvez, mais ne permettez pas (|ue l'on dise que vous compromettez
le mouvement, pas de concessions, mais aussi pas d'imprudences,
car je le répète et ne saurais trop insister, nous sommes encore les
plus faibles, l'éducation économique de nos compagnons d'infor-
tune n'est pas encore faite, le jacobinisme exerce encore un peu
d'empire sur eux avec son galimatias politique, et ici les gros
bonnets de ce parti incapable se frottent les mains de votre dis-
358 L'INTERNATIONALE
solution, et espèrent effrayer le pouvoir pour se passer, d'accord
avec tous les satellites, des principes autoritaires, et persécuter le
socialisme avant (fu'il n'ait pris de sérieuses racines dans notre
nation. Je coniple sur votre intelligente sagesse et fais des vœux
pour que mes fralernels conseils soient entendus.
« AUBRY. »
PIÈGE b.
DOCUMENTS RELATIFS A LA SITUATION DE L INTERNATIONALE A BESANÇON.
Cercle d'études économiques
de l'arrondissement de Rouen.
Rouen. 22 février 1870.
« Cher citoyen et ami,
« Dites à nos frères de Besançon que la Fédération rouennaise
espère les voir d'ici peu entrer en lice avec eux pour jeter les
bases de notre affranchissement à l'aide des moyens que le suffrage
universel et le droit de coalition mettent à notre disposition.
t Vous me demandez si c'est à moi qu'il faut que vous adressiez
les adhésions à V Internationale; comme première relation avec le
Conseil général, je veux bien vous être agréable et je vous mettrai
directement en rapport avec notre ami Dupont à Londres, qui est
notre représentant et secrétaire pour la France.
« Salut fraternel,
« E. AUBRY. »
II
« Besançon, 17 mars 1870.
« Cher citoyen Aubry,
« J'attends des nouvelles du citoyen Dupont : je pense que vous
lui avez fait part de notre organisation et de nos désirs de faire
partie de Vlnternationalc. Je voudrais bien avoir une réponse pour
ET LK J ACOniNISMF,. 359
le 27 courant, parce que nous faisons une douxièmc réunion et j'ai
promis que j'aurais les nouvelles de Londres : comme je vous l'a^
déjà écrit, nous tenons à nous faire recevoir en bloc et aussi vite
que possible .
« Honneur au groupe rouennais,
( Signé : Roukut SEVEHIN. >
m
« Besançon, 2 mars 1870.
« Cher citoyen et ami,
« Veuillez me mettre en rapport avec le citoyen Dupont de
Louda*es... Nous serons fiers un jour de pouvoir lutter à côté de
nos devanciers, nos frères Rouennais.
« Le ciel s'éclaircit, l'horizon nous laisse apercevoir des jours
plus heureux : les gros nuages sombres et ^tristes qui planent sur
nos tètes seront peut-être hientôt dissous par la pei'sévérance et
l'cnergie de quelques citoyens en tète desquels vous vous trouvez.
Ce jour qui nous apparaît comme dans un rêve sera sublime : je le
vois, mais loin, bien loin encore. Seulement il faut espérer. Oui,
il faut, malgré toute l'obscurité et l'ignorance dans laquelle nous
sommes encore plongés, ari'iver à ce but afin que nous puissions
voir le drapeau de l'égalité flotter sur les ruines des trônes des po-
tentats écrasés et de l'insolente bourgeoisie anéantie.
. ROBERT.
IV
« Besançon, 14 février 1870.
« Cher citoyen Aubry,
« Je me permets de vous demander comment nous pourrons
entrer dans Ylnlernationale : si c'est à vous qu'il faudra que j'envoie
les cotisations ou si nous devons nous adresser au iureau fédéral
de la Suisse Romande, car notre intention est de nous faire recevoir
en bloc immédiatement après notre organisation.
« Salut au porte-drapean de l'égalité.
« Signé : ROBERT. »
^360 L'INTEr^NAÏIONALE
General council of llie International,
VVorking men's Association,
256. High Holborn, Londoii, W.-C.
a Londres, 29 avril 1870.
International Working Mens association
central council London.
« Cher citoyen Robert,
« J'ai eu beaucoup de peine à me procurer le manifeste et les
statuts de notre association : car ils sont épuisés depuis longtemps.
C'est la cause du retard que j'ai mis à vous répondre. Je vous
envoie ces différentes pièces dans un journal anglais : vous me
direz dans votre prochaine si le tout vous est parvenu.
« Le conseil général vous remercie, ainsi que les autres citoyens
de votre ville qui ont compris la nécessité de l'organisation de la
classe ouvrière, surtout au point de vue international. Nous
comptons sur votre dévouement et sur votre actif concours pour la
propagation des principes de l'Association internationale des tra-
vailleurs.
« Nous vous conseillons de constituer un comité d'initiative pour
l'organisation des sociétés ouvi'ières principalement les sociétés
de résistance, car les sociétés c/e crédit mutuel et de coopération ne
peuvent produire aucun résultat, tandis que les sociétés de résistance
(trades-unions), organisent le travailleur et l'habituent à l'exercice
des droits sociaux et politiques et empêcheront qu'il ne soit détourné
de son but par les lépublicains formalistes et autres pantins po-
litiques, comme en 1830 et 1848.
« Les adhésions ù l'Internationale peuvent se faire individuelles
ou collectives. Chaque membre doit une cotisation annuelle de
10 centimes. Les correspondants du conseil général doivent en-
voyer tous les trois mois au conseil : l» le compte rendu de l'état
de la section; 2° les cotisations dues; o° tous les documents et pu-
blications concernant le mouvement prolétaire en général et notre
association en particulier ; \° tous les renseignements pouvant servir
à l'enquête statistique ouvrière votée par les congrès.
« Chaque société adhérente doit nommer un correspondant
direct avec le conseil général. A ce sujet choisissez parmi vous un
correspondant, le conseil vous enverra les pleins pouvoirs : pour les
renseignements d'intérieur demandez à notre ami Aubry. Mais dans
cette circonstance je vousrappelei^ai les mots de Danton, de l'audace,
toujours de l'audace. Le conseil général est tout à votre disposition
pour tout ce que vous aurez besoin. Permettez-moi, citoyen, de
KT LI-: .lACOHIMSME. r{bl
vous dire, en terminant, que le succès et la propagande de nos prin-
cipes dépendent do la force de conviction et du dévouement de nos
corrospondanls.
« Salut IVaternel à tous, et à vous une cordiale poignuo de muin.
V Ecc.KNE DUFOiNT,
« Secrétaire correspondant pour la France. •)
« P. -S. Écrivez-moi à l'adrssse qui suit : 4, ('.liarics-strect, Nor-
fhampton square, London, E. G., à n'importe quel nom anglais ou
allemand. »
PIECE c.
GHÈVE DES OUVRIERS TUn.IERS DE GENEVE.
1
Lettre des ouviirrs tuiliers u leurs pn/rons.
Il a\ril 1870.
« Nous avons l'honneur de vous soumettre le nouveau tarii', alin
ijue vous ayez bien la complaisance de l'accepter.
« Nous sommes certains que vous apprécierez les raisons qui nous
poussent à vous demander une petite augmentation. Vous con-
naissez vous-mêmes notre triste situation, et vous jugerez bien
que l'augmentation sera bien récompensée par notre travail, auquel
nous saurons mieux apporter notre foice et énergie.
«Nous espérons aussi que vous verrez que nous sommes animés
par les désirs tout eoncilianls, et vous ne voudrez point nous mettre
dans l'obligation de porter préjudice à nous-mêmes, ainsi qu'au tra-
vail et à vos intérêts. — C'est dans cette idée que nous attendons tous
votre favorable réponse pour le samedi 18 avril, la veille de l'àques.
« Agréez, Messieurs, nos salutations.
« Le Comité.
« Nous vous prions d'adresser votre réponse à M. Sievenn Félix,
à Carouge, sur la route de Saint-Julien, 557.
« .\rt. i. Du 25 mars au li décembre, le taux du travail est di'
40 centimes au minimum.
« Art. 2. La journée est de 11 heures de travail par jour ni jdus
ni moins; ou, aux cas extrêmement pressants, le travail se payera
362 L'INTERNATIONALE
60 centimes l'heure pour le travail à faire en plus de la journée.
« Alt. 3. Le payement des ouvriers devra se faire régulièrement
toutes les quinzaines.
« Tout signataire s'engage par sa signature de maintenir et de
faire respecter le présent tarif.
« En cas de différend survenu entre l'ouvrier et le patron, le socié-
taire devra s'en référer à une assemblée du comité, convoquée à
cet effet, dans laquelle il exposera les motifs de sa discussion avec
le patron. »
{Suivent Jes si(fualures.)
Il
Proclamation de la Commission de la grève.
« Frères travailleurs,
« Les actes de brutalité ne suffisent pas aux ennemis des travail-
leurs pour maintenir leur exploitation. Comme toujours et partout
ils ont recours à la calomnie et aux mensonges.
« A peine notre manifeste paru, le Journal de Genève, organe des
seigneurs les privilégiés, a osé nous calomnier, en nous accusant
d'assertions inexactes et de menées subversives ; et hier encore il
s'est permis de répandre une fausse nouvelle, en déclarant que la
gi'ève est terminée.
« Par ce mensonge, le journal voulait porter préjudice aux gré-
vistes et tromper l'opinion publique.
« En face de ces infâmes manœuvres, nous venons vous affu'mer
la véracité exacte de tous les faits rapportés dans notre Manifeste
et dans l'Égalité, et nous livrerons à l'indignation publique d'autres
faits bien plus scandaleux, si nos adversaires persistent dans leur
conduite déloyale. Nous déclarons aussi que la grève dure toujours :
Plus de la moitié des tuiliei's de tout le canton ont abandonné le
travail et ne le reprendront que lorsque les patinons auront fait jus-
tice à leurs légitimes réclamations. Plutôt que de se soumettre à
l'ancienne misère, ils préféreront gagner leur vie par d'autres
moyens qui leur sont offerts par leur aptitude au travail et par la
solidarité toujours croissante de tous les travailleurs.
« Les patrons annoncent qu'ils veulent traiter avec les ouviûers
seuls et individuellement. Pourquoi alors, au lieu de s'expliquer avec
les tuiliers, les ont-ils insultés et brutalisés ? Pourquoi, tout en pro-
mettant d'augmenter le salaire, ne veulent-ils pas signer l'en-
gagement ?
n Les honnêtes gens veulent-ils faire croire qu'il ne leur coûte
rien, ni à leur conscience ni à leur réputation, de rompre à chaque
ET LE JACOBINISME. -383
rnouienl une promesse verbale, laiulis i |u' ils auraient peUT d'être
lorcés à se confornicr à leur eiif^agcmcnt signé '! La signature des
patrons étant la seule et uni({ue garantie de l'ouvrier contre l'arbi-
traire, les patrons des autres métiers signèrent les conventions
réciproques. Pourquoi donc les maîtres tuiliers seuls s'y refusent-
ils ? Ils veulent aussi défendre aux ouvriers de faire partie de notre
association. Les wultrcs ont-ils donc seuls le droit d'être orga-
nisés en société? Et ce droit n'est-il pas reconnu aux ouvriers?
« Quant aux stupidcs accusations contre l'Internationale de sus-
citer les grèves, nous déclarons que les âO sections ne sont inter-
venues que lorsqu'il fallait venir en aide aux grévistes, et cet
aide ne leur manquera point, car la grève est organisée solidement.
• Une pension alimentairo, approvisionnée par tous les établisse-
ments coopératifs, est organisée au Temple Unique pour les gré-
vistes et leurs familles, et nous invitons tous les travailleurs à
venir participer fraternellement au change banal.
« Au banquet coopératif de la section des Tuiliers, ce samedi
2i mai à 8 h. du soir, au Temple Unique.
« Les cartes, à un fr., se trouvent chez le concierge du cercle.
« Kendons-nous y donc on grand nombre pour vo ir comment fonc-
tionne notre pension coopérative, qui peut nous rendre de grands
services pendant les grèves, et pour porter un toast au succès de la
grève des tuiliers et au développement de l'Internationale dans les
campagnes !
c La Commission de la Grève.
« .I.-Ph. BECKER, DUVAL, GHÉNAZ, h. PERHET. OUTINE,
JACCAZ, BAUMGARTxNER, BENOIT.
« Le président, FREPAZ. »
« AVIS. — Au dernier moment, nous apprenons que ccrlains
patrons se sont permis envers les tuiliers les actes les plus révol-
tants, nous devons soumettre ces actes à l'appréciation de tous les
comités réunis, convoqués pour mardi prochain afin qu'ils avisent
aux mesui'es à prendre pour porter ces actes à la connaissance des
autorités compétentes. »
« La Commission. »
III
Appel aux sections romandes.
(( Ghers Citoyens,
<' Votre comité a pris connaissance et examiné la marche suivie
par la section des Tuiliers, dans ses rapports avec les patrons
364 L'INTERNATIONALE
pour obtenir pacifiquement une auginentalion de salaire, justiliée
par un travail d'une aube à l'autre, et pour un faible salaire, in-
suffisant pour élever leui's familles et passer les mois de chômages.
« Leurs demandes ne sont pas exagérées, ils réclament 40 cen-
times par heure, et onze heures de travail.
'< Ces justes demandes ont été repoussées, et toute tentative de
conciliation a échoué. En présence de ces faits, votre comité dé-
clare que jamais grève n'a été plus légitime; elle mérite d'être
appuyée énei^giquement. Soutenir les tuiliers, c'est prolester conti^e
les abus de pouvoir du capital, qui n'a plus de frein lorsque rien
ne résiste à sa dômoi'alisante influence.
« Citoyens,
« Nous espérons que vous répondrez à notre appel fraternel, et
que vous contribuerez de tous vos efforts à aider vos frères dans
cette lulle, afin qu'ils en sortent victorieux. Trouvons une fois de
plus que la solidarité qui existe entre nous, n'est pas un vain mot.
Organisez promptement des secours en leur faveur, et vous aui'cz
contribué à améliorer leur malheureuse position. Comptant sur
votre dévouement, nous vous saluons i'ralernellement.
a Au nom du comité iéilcral romand :
« Le secréluive général,
« Jules DUTOIT.
« Genève, le 11 mai 1870. »
[Les secours sont roniis au Temple Unique.)
PIECE (/.
iiéj.onse des plâtriers-ieiiUres h la déclaration des chefs d'aleliers
de r industrie du bâtiment h Genève.
« Les patrons déclarent que les ouvriers plâtriers-peintres i iier-
chent à induire le public en erreur, et que quelques-uns de ces
beaux parleurs veulent l'éclairer par leurs arguments.
« Les ouvriers plâtriers-peintres, réunis en assemblée généi'ale,
déclarent fausse et mensongère leur déclaration. Est-ce induire le
public en erreur de leur dire que, après la convention de 18G8
Kl' i.K .lAconiMSMi-:. 3«r.
ainsi coiipue : le 10 pour cciil (raii^'mentation sur lo salairo, tout
en conservant les auoions usages. Rsi-il dit dans la convention
qu'il y aurait des patrons qui donneraient tJO centimes de dc[)lace-
ment aux ouvriers qui vont exécuter des travaux à la campagne,
et qu'ils leur diminueraient depuis 55 centimes à 1 franc [)ii' jour
dans la saison d'hiver? ce qui a été fait par plusieurs patrons, au
point que la délicatesse nous oblige à ne pas livrer leurs noms à
la publicité ; y en a-t-il de ces messieurs qui puissent mettre la
main sur la conscience et dire qu'ils aient respecté la convention
lie 1808? N'est-ce pas avoir usé des moyens de conciliation, lorsque,
en 18fi9, s'est élevé le conflit des tailleurs de pierre et maçons par
la violation de la convention de 1868? Les plâtriers-peintres ont-ils
demandé une nouvelle convention ou annexe, comme ces messieurs
veulent bien l'appeler? NON.
« Nous avons protesté énergiquement auprès de M. Campério et
auprès de MM. les patrons par de nombreuses lettres; plus, nous
déclarons que nous tenions à la convention de 1868 et que ces
messieurs avaient à la respecter envers nous.
« Ont-ils tenu compte de ces protestations, lorsque, en automne
4869, les ouvriers qui avaient travaillé l'été à la journée, ont été mis
au travail à l'heure sans môme leur tenir compte des 95 pour cent de
bonification prévue par l'annexe du 10 avril 1869, ce qui procure à
l'ouvi-ier une perle ncltc de cinquante heures dans la saison d'hiver?
« Est-ce induire le public en erreur do lui dire que ce que nous
déclarons est la pure vérité et prouvé par des faits patents?
a Les plâtriers-peintres veulent user de plein droit de leur liberté
individuelle et commerciale, qui autorise chacun de garder sa mar-
chandise ou main-d'œuvre, autant que l'acheteur ou patron ne
remplit pas les clauses convenues, et de la revendre au prix cpii
lui convient.
« Est-ce encore induire le public en erreur de lui dire que, puisque
ai Pune ni l'autre des conventions précédentes n'ont pu être res-
pectées, les ouvriers plâtriers- peintres ont le droit de demander
qu'une de ces conventions soit signée par les patrons pour
la tranquillité du pays et le bien-être de la population tout
entière, et cela à la majorité desdits ouvriers, et qu'ils s'engagent
à la respecter et à la faire res[)ecter à quiconque y porterait
atteinte ?
TARIF
Demandé par les ouvriers plâtriers-peintres réunis en assemblée
générale, le i" mai 1870, et soumis à l'approbation des patrons.
« 1° La journée de travail sera de dix heures dans tous les
ateliers.
566 L'INTERNATIONAL!-:
« 2° Le pi*ix de l'heure est de 45 centimes en moj'enne ; on cas de
contestation entre patron et ouvrier, tout en laissant à chacun la
liberté de traiter au-dessus et au-dessous, suivant les capacités de
l'ouvrier.
« 3° Le i)rix de l' hernie, à plus de 1 kilomètre, est fixé à 5 centimes
en plus.
« A° Et à 10 centimes en plus par heure, quand la distance du lieu
oblige l'ouvrier de découcher.
« Que le public juge maintenant les hautes prétentions des ouvriers
plàlriers-peintres, et le renversement du mode actuel de vivre,
prôné par nos narrateurs, quoique sans le demander, ce serait à dé-
sirer pour nous!
« Nous pourrions alors au moins traiter nos intérêts avec nos
patrons et non avec des maçons, charpentiers, menuisiers, ser-
ruriers, asphalteurs, etc.
< Au nom de l'assemblée générale du 23 mai 1870,
« tSAULNlER, président. »
PIEGE c.
1° — Association des chefs d'ateliers de l'industrie du bnliinent dntis
le canton de Genève.
DÉCLARATION.
.(Maintenant que chacun a pu juger par lui-même des prétentions
des ouvriers plâtriers-peintres et des offres des patrons, les chefs
d'ateliei's de l'industrie du bâtiment font appel au bon sens du pu-
blic et demandent si l'ultimatum des ouvriers peut être considéré
autrement que comme un moyen de bouleverser tout ce qui a été
convenu jusqu'à ce jour.
« Il n'est personne qui, en y réfléchissant un moment, ne reconnaisse
qu'il y a dans cet ultimatum matièi'C à des l'écriminations sans lin
et que, en ayant l'air de vouloir tout terminer, les organisateurs de
grèves ne cherchent qu'à se ménager de l'occupation pour l'avenir.
« Les ouvriers plâtriers ne sont en effet qu'une avant-garde. Si leur
tentative réussit, les ouvriers des autres corps de métier sont prêts
à les suivre, et lorsque, après plusieurs grèves successives, on sera
parvenu à un accord quelconque, dans deux ans, peut-être plus tôt,
la nouvelle convention sera traitée de b.vlançoire et tout sera à re-
commencer.
i: T L !•: J A C 0 D I X 1 s M K. :}67
H Or,chai'uu sait déjà que la main-d'œuvre est plus chère à Genève
(|ue chez uos plus proches voisins cl confédérés, dont la liborfé de
travail est protégée d'une manière eflicaco.. Si, à celte condition
défavorable, vient se joindre une instabilité aussi comjtlrle des élé-
ments essentiels du itrix de revient, inslaljilité qui rend impossible
tout marciié ferme et fait reculer devant les engagements ù longs
termes que comportent les construetious, l'industrie du bâtiment
sera bien vite ruinée chez nous.
« Les chefs d'ateliers le comprennent bien, aussisont-ils liécidés à
soutenir leurs collègues plâtriers et à ne pas consentir à de nou-
veaux changements.
K C'est pourquoi, au lieu de se faire battre en détail, ils préfèi'cnt;
tout en regrettant profondément d'en être réduits à cette extrémité,
fermer dès maintenant leurs chantiers.
a Aussi bien seraient-ils forcés de le faire même malgré eux, si la
grève des plâtriers devait se prolonger. Vai construction, tout se
tient, et la non-exécution d'une partie de l'ouvrage, arrête tôt on
tard, et inévitablement tout le reste.
« Que les ouvriers plâtriers-peintres voient donc ce qu'ils ont à
l'aire. Ce sont eux qui donneront le signal de la grève générale.
« Préféreront- ils à l'intéi'èt de leurs collègues des autres métiers,
celui de quelques individus qui ont besoin de cette agitation poui-
avoir l'air de servir à quelque chose?
■■. Nous espérons que non.
« Le public ne doit pas voir dans toutes ces discussions une sim-
ple querelle de famille. Que chacun soit bien persuadé que le zèle
des agitateurs ne s'arrêtera pas en si beau chemin. Ce que l'Associa-
tion Inlernnlionale prêche partout, ce qu'elle proclame dans ses
journaux, c'est la haine entre les ouvriers et ce qu'elle appelle les
bourgeois. Elle lance les ouvriers sur les patrons, parce que ce
sont les premiers bourgeois qu'elle rencontre ; lorsqu'elle en sei'a
venue à bout, elle s'attaquera à d'autres.
>< Mais nous n'en sommes pas encore là, et tous ceux qui se sou-
viennent qu'ils sont Suisses avant tout, et non pas Internationaux,
savent que les autorités compétentes appliqueront en temps et lieu,
à qui de droit, les articles suivants de notre constitution fédérale :
« § 36. — Les citoyens ont le droit de former des associations,
pourvu qu'il n'y ait, dans le but de ces associations ou dans les
moyens qu'elles emploient, rien d'illicite ou de dangereux pour
l'Etat. Les lois cantonales statuent sur les mesures nécessaires à la
répression des abus.
« § 37. — La confédération a le droit de renvoyer de son territoire
les étrangers qui compromettent la sûreté intérieure ou extérieure
de la Suisse.
::^6S L ' I N T E R N A T I O N A L K
(.( Par décision de l'Assemblée générale du 2 juin 1870,
« Le comité central: C. AUVERGNE; C.SGHMIEDT; L. COLLET;
A OLIVET; P. URASCO; PROBST; ÏREYVAUD; L. DE-
FERNE. »
2" — Avis aux ouvriers plâtriers-peintres.
« Les patrons plâtriers-peintres offrent de nouveau aux ouvriers
de leur profession de rentrer dans leurs chantiers aux conditions
convenues en 1868 ou 1869.
ft Si, le jeudi 9 juin, le travail des plâtriers-peintres n'a pas recom-
mencé partout, les chantiers de l'industrie du bâtiment seront fer-
més le samedi 11 juin, pour no se rouvrir que lorsque les ouvriers
plâtriers auront repris le travail aux conditions énumérées ci-des-
sus.
« Toutes lescommunicationsseront reçues tous les jours, de 2 à 3
heures par la commission d'exécution et le comité central, rue du
Rhône, 18, au 2" étage. »
3" — Assemblée populaire nationale des ouvriers suisses.
Mardi 7, à 7 l/2 heures du soir, au Stand.
Une réunion d'ouvriers suisses croient qu'il est de leu r dignité
de convoquer leurs concitoyens en assemblée populaire nationale,
pour protester par une éclatante manifestation contre les menaces
contenues dans la proclamation des chefs d'ateliers de l'industrie du
bâtiment, concernant le droit d'association et les ouvriers étran-
gers.
Au nom de la réunion :
Jean LAPLAGE, guillocheur; Louis-Henri ZEHFUS, monteur
déboîtes; Jules DUTOIT, monteur de boîtes ; Henri PERRET
graveur; François ROGHAT, horloger; TOGNIETTI, gra-
veur; JeanZIEGLER, typographe ; Louis BLANC, typographe ;
Jean HOFER, typographe; Jacques GROSSELIN, monteur de
boîtes; Louis ALLEMENT, graveur; Louis MARTIN, bijou-
tier; François WEYERMANN graveur ; François MERMIL-
LIOD, monteur de ])0Îtes ; Louis MAGNIN, faiseur de ressorts;
Alexandre DUPARC, graveur ; Jacques UEROUAND, mon-
teur déboîtes; YERSIN, guillocheur; N1DEGKER, gaînier;
Auguste MIEVILLE, faiseur de pièces à musique.
ET LF. JACOBINISME. 'SO
A° — DécJ/ir,-ilion (le J'ussocin/iori des cln'/'s il'.ilclicrs ilc J'i/n/i/slrlr
(In hiiliincnt dans Je caillou du Gciicyv.
« Aux patrons,
« La grève des plâtriers-peintres n'ayant pas cessé le jcmli 9 juin,
lo comilc central vient vous rappeler que la grève générale des pa-
trons, votée par l'assemblée générale du 2 juin, et à laquelle vous
avez adiiéré, devient exécutoire, le samedi soir 11.
f Les seules exceptions à la grève, admises par l'assemblée géné-
rale, sont : les ébénistes, les fondeurs en fer, chaudronniers, ap-
pareilleurs de gaz, terrassiers, paveurs et asphalteurs.
« A quoi il faut joindre les chantiers de travaux d'utilité publique,
dont l'exécution est urgente, savoir : les machines hydi'auliques, le
l>ont sur l'Arve, l'hôpital cantonal.
« Il est très-important que les chantiers et ateliers ne rentrant
pas dans les exceptions ci-dessus mentionnées ne soient, sous au-
cun prétexte et dans quelque mesure ipie ce soit, pas en activité
dès lundi matin.
t Dans le cas où la suspension des travaux entraînerait des ré-
clamations de la part des architectes ou propriétaires, M^L les
entrepreneurs sont priés de passer outre et de transmettre à la com
mission d'exécution lesdites réclamations, lesquelles, par suite de
notre solidarité, deviennent l'affaire de l'association entière.
« Au nom du comité central. »
(Suivent les signatures des membres du comité central,
de la commission d'exécution et de la commission
fmancièi'e.)
5° — Le comité fédéral Romand, aux sections de l'Association
internationale.
« Genève, Temple-Unique, le 14 juin 187C
« Parères travailleurs,
« La menace formulée dans l'affiche des chefs de l'industrie lu bâ-
timent de Genève, de mettre en grève toutes les branches du bâti-
ment dans le cas où les plàtriers-peinti^es ne se rendraient pas à
V invitation de rentrer dans les chantiers jeudi 9 juin, cette menace
a été exécutée rigoureusement par INIM. les entrepreneurs : lundi,
24
370 L'INTERNATIONALE
tous les chantiers ont été fermés ; cet acie hrntal jette sur le pavé
trois mille ouvriers, dont beaucoup sont pères de famille.
« Le refus d'accepter les demandes légitimes des plâtriers-pein-
tres n'a été qu'un prétexte pour déclarer la grève générale. 11 ne
s'agit plus pour les entrepreneurs et la coterie qui les pousse sour-
dement, d'une question de salaire, non : le but que l'on veut at-
teindre est bien connu, il s'agit de détruire à Genève l'association
en semant la division entre les travailleurs, et en faisant appel à la
proscription. Les sections de Genève, profondément attachées à
l'Association internationale, ne se laisseront jamais diviser ni dé-
truire par ])ersonne, les différentes crises par lesquelles elles ont
passé ont prouvé qu'elles étaient toujours unies en face du danger.
« Nous venons faire appel à la solidarité fraternelle de tous les
travailleurs, pour aider leurs frères de Genève à traverser cette
ciùse. Nous vous prions d'organiser promptement les secours
et de les adresser au citoyen T. DUVAL, trésorier du Comité
fédéral.
« Nous vous envoyons le salut fraternel,
« Au nom du Comité fédéral romand,
« Le président de la séance : 13. ROSSETTI.
« Le secrétaire général, Henri PERRET. »
6" — Adresse de l'Association Internaliomilc des travailleurs,
Aux ouvriers en grève.
« En présence de la situation grave qui nous est imposée, nous
vous recommandons fraternellement d'être à la hauteur des jours
difliciles qui s'annoncent, en restant calmes et froids en face des
provocations que vous pourriez subir pour vous faiie tomber dans
des excès.
« Les entrepreneurs ont déclaré la grève générale, que le pays juge
entre nous, et cju'il en fasse retomber la lourde responsabilité sur
les fauteurs.
« Montrons une fois de plusque, forts de leurs droits et inéljranlu-.
blés dans leur revendicalion, les travailleurs savent respecter la
paix publique.
« Le Comité fédéral romand,
€ Le Secrétaire général: II. PERRET.
« Genève, 13 juin 1870. »
ET LK ,IACOniNI?ME. ill
7° — Avis nu public.
H La commission tle dirccUoii de la grùve générale a l'honneur
d'avertir le public, ainsi que MiM. les propriétaires et architectes
que, d'après la décision de l'assemljlée générale de toutes les sec-
tions, les sections de métiers se chargeront d'exécuter tous les tra-
vaux qui leur seront offerts, en traitant directement avec MM. les
propriétaires et architectes, et sous la garantie collective des corps
de métiers respectifs.
On est prié de s'adresser au cercle du Temple- Unique, à la com-
mission de direction siégeant en permanence de 7 heures du matin
à 1 1 heures du soir.
0 Au nom de la commission de la grève :
f Le président, DAJLLY.
a Le secrétaire, Antoine GO Y.
« Genève, le 14 juin 1870. »
8» — Manifeste du comité fédéral romand aux sections ro-
mandes.
.1 Travailleurs,
Les circoustaaces graves par lesquelles nous passons depuis
([uelques jours nous font un devoir de nous exprimer sans arrière-
pensée sur la situation actuelle.
« La grève générale que les entrepreneurs vous font su!)ir depuis
deux semaines n'est pas encore arrivée à son terme ; des tentatives
d'arrangement entre les parties intéressées ont eu lieu, en vue d'a-
mener une prompte solution à cette crise. Vain espoir ! tout a échoué
devant le mauvais vouloir et le parti pris des chefs de l'industrie
du bâtiment.
« Il est hors de doute que l'on veut traîner les choses en longueur,
pour gagner du temps, dans le but de diviser les ouvriers, de las-
ser leur patience et de les pousser à des actes violents ; donnerez-
vous dans des pièges aussi grossiers? Nous ne le croyons pas.
L'expérience des grèves précédentes doit vous démontrer claire-
ment que les mêmes moyens seront employés contre vous et que
vous avez devant vous les mêmes hommes, animés de sentiments
haineux contre notre association, que tous les moyens seront em-
ployés pour .xNÉANTHç notrc faisceau.
372 L'INTERNATIONALE
(( La fédération genevoise a nommé une commission de direction
de la grève ; le mandat diflicile que vous lui avez confié, elle saura
le remplir dignement, et vous devez la seconder dans sa tâche,
afin qu'elle puisse mener à bien l'œuvre qu'elle a entreprise. L'opi-
nion publique est pour nous, les sections non en grève et les
sections amies vous appuieront énergiquement dans votre lutte ;
votre comité fédéral secondera de son côté la commission de la
g-rève, il ne négligera rien pour que vous sortiez vainqueurs de
celte lutte, mais il doit en même temps vous rappeler qucds sont
les devoirs à remplir dans une grève générale.
« Nul ne doit agir isolément, quand une lutte est engagée, tout
acte ou mesure prise en dehors de l'action collective est une faute
qui peut compromettre le succès de la grève et porter un grave
préjudice à l'existence même de notre Association internationale.
La grève étant générale, aucune section ne doit et n'a le droit de
prendre une résolution sans avoir consulté les autres sections in-
téressées dans le conflit; toutes sont liées par les mêmes intérêts,
et tout doit être fait solidairement.
« Les comités des sections en bâtiment, qui ont une grande res-
ponsabilité dans la crise actuelle, doivent veiller activement à ce
qu'il ne se fasse aucune démarche irréfléchie ou un acte imprudent ;
il est de leur devoir d'appuyer dans toutes les circonstances la
commission de la grève. »
« Travailleurs,
« Nous n'avons jamais passé par une crise comme celle que nous
traversons actuellement : tout dépend de vous ; que votre dévoue-
ment et votre énergie soient à la hauteur des circonstances ; soyez
unis en face du danger, et la cause s.era gagnée.
« Le mandat que vous avez confié à votre comité fédéral, il le
remplira énergiquement : représentant les intérêts de toutes les
sections, il saura faire son devoir envers ceux qui veulent porter
atteinte à notre association ; il rappelle aux sections en grève
notre belle devise :
« Pas de droits sans dévoilas, pas de devoirs sans droits.
« Salut fraternel !
« Au nom du Comité fédéral romand,
« Le président de la séance : ROSSETTI.
« Le secrétaire général : H. PERRET.
« Genève, le 25 juin 1870. «
E'I LE JACODINISME. 373
U" — Adresse uii.x ouvriers de Genève.
(. Les ouvriers do la Chaux-dc- l'omis, dans une assemljléc po-
pulaire, protestent contre la décision des chefs d'ateliers de l'indus-
trie du bâtiment à Genève. En outre, ils décident d'appuyer mora-
lement et matériellement la grève forcée de leurs collègues de
Genève ; des collectes seront organisées dans toutes les sections.
c Citoyens ouvriers,
» Nous devons, pour aflirmer la solidarité qui doit unir nos so-
ciétés ouvrières, donner une peuve éclatante de nos sympatliies à
tout ouvrier tiavaillant i)our son développement matériel et intel-
lectuel !
K Au nom de l'assemblée du lundi :20 juin.
« Le président, Ulysse DUBOIS. »~
10° — Deux lettres de M. Amberny
.1 la Commission de direcLion de la grève, au Temple- Unique.
a Le 23 juin 1870.
« Messieurs,
« Je vous demande, en mon nom personnel et non comme mem-
bre du comité d'initiative, de vouloir bien vous réunir aujourd'hui,
après-midi, si vous pouvez m'admettre à cette conférence.
« Je serai à votre disposition dépuis quatre heures.
« Deux longues conférences entre les délégués des patrons et des
ouvriers n'ont amené aucun résultat. Hier, cependant, il semblait
qu'un pas fût fait vers un arrangement.
« Il est certain que si, de part et d'autre, on persiste à ne vouloir
rien céder, une solution amiable est impossible; et alors, nous
voilà avec la perspective d'une grève de la fabrique, une grève
générale. Ce serait un vrai désastre pour Genève, et la Suisse en-
tière nous lapiderait.
« Dans une question aussi grave, il faut examiner avec calme
s'il n'y a pas une solution à adopter, à proposer au moins pour
cette année, et ensuite on l'organiserait mieux pour l'avenir.
« Il est nécessaire, messieurs, que vous examiniez froidement, à
lui point de vue général et non en vue seulement de faire expier
aux patrons la mesure désespérée qu'ils ont prise, s'il n'est pas
374 L 1 N r E n N AI" 1 0 N A L I-:
dans rintéivt, liieii entendu, des ouvriers de votre société d'ad-
mettre (lueliiuos uiudificiilions aux iirétentions formulées pai- les
ouvriers, alin de garder devant l'opinion i)niili<|uo une position qui
vous altirc les sjnijtalliies de la j^ramle majorité ilf la population.
t Sans doute, vous êtes indignés et vous vous révoltez contre une
mesure qui atteint et fait souffrir tant d'innocenls.
« Je compi'ends votre irritation contre les patrons, mais veuillez
remarquer, messieurs, qu'ils ne sont pas seuls en eause, seuls in-
téressés au mouvement de ce conilit.
a Des intérêts plus graves sont en jeu. (l'est pourquoi je vous
supplie de bien peser les résolutions définitives que vous prendrez.
« Demain, il faut tenter un dernier effort pour mettre lin à la
grève et couper court au mal trop grand qu'elle a causé.
* Mais, croyez-moi, messieurs, préoccupez-vous un peu de l'opi-
nion publicjue et du grand intérêt du j^ays à une conciliation entre
ouvriers et patrons.
« Pesez bien toutes les conséquences il'unc rupture des négo-
ciations ; le préjudice serait incalculable pour l'avenir.
« Agréez, messieurs, mes plus empressées salutations.
« AMBEHNY. »
.4 moiisicuv Auvergne, président do VAssociaLion des chois d'ate-
liers de Finduslrie du bâtiment.
» Monsieur le président,
« Nous apprcnuns i^uc MM. vos collègues se réunissent en as-
semblée générale aujourd'hui à cinq heures.
u Pcrmeltcz-moi de faire encore une fois appel à vos sentiments
d'humanité, à votre patriotisme, à votre amour de la paix et du bien
du pays, et de vuus supplier de consentir à réduire la journée à
10 heures de travail.
« C'est ce qui se pratique à nos portes, en Frauee, dans votre
industrie; nous sommes persuadés que si vous nous concédiez ce
point-là, les travaux pourraient être immédiatement repris, sauf à
laisser à une commission mixte le soin de régler pour l'avenu" et
d'une manière complète, claire et précise, les rapports de pati'ons à
ouvriers dans toutes les branches de l'industrie du bâtiment.
c On ne peut pas i)révoir les conséquences de la rupture des né-
gociations entre chefs d'ateliers et ouvriers.
« Pendant qu'il en est encore temps, nous vous supplions d'adop-
ter cette proposition parmi celles qui vous sont soumises. Nous ne
ET LE JACOBINISME- 375
pouvons pas vous exposer ici tous les motifs que nous avons de
redouter les suites d'une lutte à outrance.
« Agréez, etc.
« Pour le comité d'initiative.
« AMBERNY. »
a Genève, 25 juin 1870. »
11" Réponse à la lettre des patinons.
« Messieurs,
« Vous prétendez que l'affiche placardée lundi sur les murs de
notre ville, attribue à votre dureté et à votre orgueil, sans parler
de vos intérêts, votre refus formel d'accepter l'arbitrage, -proposé
par l'assemblée populaire régulièrement convoquée et coustif.uéè.
« Vous revendiquez, messieurs, les conventions de ISfiH et 1869,
prétendant que n'importe quelle concession que vuus feriez aux
ouvriers, serait une perte réelle pour vous, en regard des entre-
prises que vous avez faites en vous basant sur lesdites conven-
tions.
« Mais, messieurs, il ne faut pas tromper le public à ce point,
car, la saison que vous laissez passer avec vos chantiers fermés
vous est bien plus préjudiciable qu'une diminution d'un onzième
de journée de travail que vous auriez accordé aux ouvriers, qui ne
vous demandaient rien.
« Vous prétendez que les plâtriers-peintres ont abandonné leurs
travaux à leur convenance quoique liés par les conventions de 1868
et 69 ; mais ils n'auraient pas abandonné leurs travaux, si vous
aviez satisfait à ces conventions que vous revendiquez aujourd'hui,
après avoir déclaré en assemblée qu'elles sont incomplètes et que
vous les avez rompues par la fermeture de vos chantiers.
« Vous dites que l'on vous accuse de compromettre la paix du
pays, et de sacrifier l'intérêt général : oui, messieurs, car il ne dé-
pendait que de vous de circonscrire la grève des plâtriers-peintres
et ne pas signer un pacte de famine envers les autres sections qui
ne vous demandaient rien. Par ce fait vous avez sacrifié l'intérêt
général, car tout le commerce souffre de cet état de choses.
« Vous compromettez la paix publiqu'e, vous qui avez signé le
pacte de famine, en faisant travailler sournoisement des ouvi'iers,
pour qu'il arrive des conflits avec ceux que vous avez renvoyés.
Quand on a déclaré une grève générale l'on doit avoir conscience
de ce que l'on a fait et l'exécuter ; mais ce n'est pas votre fait.
« Ce n'est donc pas une question d'organisation du travail, mais
seulement un défi jeté à l'Association internationale des ouvriers :
S7b I/INTKHNATIONALE
pouvcz-vous, mossit'urs, coiitoslcr le droit do soliduiitù des osso-
eiatiitns oiiviiùrcs, (juund vous signe/ voln; lettre au nom des co-
mités ivunis do rnssocialion dos patrons?
i Cessez donc, messieurs, vos scmijlants de bon vouloir cl dites
ouvertement que vous no voulez pas absolument traiter sans que
les ouvriers se rendent A discrétion, alors lo public sera dans le
vrai et pourra comprendre la position.
« Vous faites soi-disant des concessions depuis deux ans ; mais
vous (pii comprenez si bien l'association, usez-en donc, afin de ne
pas vous faire une guerre désastreuse dans vos soumissions, <le
manière à ôtre obligés de spéculer sur la main-d'onivrc pour sortir
avantageusement de vos entreprises.
t Vous pictondez que si vous faites faire l.i reprise des travaux,
il n'y aura rien de défini. Les ouvriers?, au contraire, 'iemandcnl une
base généi-ale et solide afin que toules ces grèves finissent ; une
base semblable existe dans la fabrique de Genève ; et la fabrique
est tranquille, c'est un exemple : or, nous ne connaissons aucune
société qui ait fait défaut aux conventions qu'elle a signées.
• Mais, messieurs, vous no pourriez en dire autant, puisque par
voire lettre du 29 juin 1870, signée de M. le président des chefs de
l'industrie en bâtiment, vous vous faites l'organe de la dénoncia-
tion de contrats réguliers, passés le 9 décembre 18139, entre MM. les
patrons couvreurs et leurs ouvriers, il y a là un déni de justice
que tout citoyen impartial saura juger. Nous ne craignons pas de
dire qu'au lieu d'inviter toutes les industries qui gagnent avec les
ouvriers de faire des sacrifices qui leur sont i)ro]jablemcnt impos-
sibles, MM. les ])atrons auraient mieux fait de ne pas compro-
mettre le petit commerce de Genève par la mesure exorbitante
qui, tout en étant leur droit (nous l'avons reconnu publiquement),
n'en reste pas moins un acte insensé et inhumain.
t Agréez, etc.
« DAILLY, prcsidenf, tailleur de pierres ; .\ntoine GOY, secré-
taire, tailleur de pierres; DUPARC, Ircsorier, bijoutier;
Charles (il ROD, bijoutier; BÂUMGARTNER, typographe;
IIOFF.R. typographe; GROSSELIN, monteur de boîtes; TO-
GNlKïri,Vaveur;STEINEl{, graveur. »
Le 4 juillet, la commission de la grève jugeait nécessaire d'avi-
ser le pul)lie sur l.i situation par l'afliehc suivante :
Association inlcrnnlioiuilo des travailleur^;.
Communication au public.
« Nous venons encore une fois faire appel à l'espi'it de justice qui
anime la nation dans le eoullit actuel et doiuier à jui,'er dos con-
ET LE JACOBINISME. 377
cessions que les ouvriers ont faites pour le bonheur et la paix du
pays.
<i L'assemblée nationale, tenue le 29 juin 1870, vota un arbitrage,
afin de concilier les parties. Les neuf sections engagées ratilièrbut
le le"' juillet le désir exprimé par cette assemblée et les arJjitres
eux-mêmes acceptèrent la tàcb.e pénible qui leur était offerte. Tout
jusque-là faisait prévoir que nous allions sortir de cette crise,
pourvu ({uc MiM. les chefs de l'industrie du bâtiment fissent comme
nous sacrifice d'orgueil et de dureté (nous ne disons pas d'intérêts)
pour aplanir la difficulté.
« Mais MM. les patrons refusent tout arbitrage (lettre de MM. les
arbitres, 2 juillet 1870) et n'entendent reprendre les travaux qu'aux
conditions 1808-1869, conditions qu'ils ont brisées en jetant les
ouvriers hors des chantiers, et que, du reste, ils reconnaissent
obscures et boiteuses sur certains points.
« En outre, comment MM. les patrons pourraient-ils ouvrir leurs
chantiers aux ouvriers du bâtiment, puisque ceux-ci, probablement
au nom de la liberté individuelle, n'ont pas encoi'e réduit les plâ-
triers-peintres à renoncer à leur juste réclamation?
« Ayant épuisé tous les moyens de conciliation, en présence de
ces faits, nous faisons appel à l'opinion publique, et nous déclarons
que les ouvriers mis en grève par les patrons ne rentreront qu'à
des conditions meilleures et mieux définies, pour que de nouveaux
conflits ne se reproduisent plus. »
La commission de grève.
(Suivent les signatures.)
12° — Adresse des ouvriers de la fabrique de Genève aux ouvriers
du bâtiment.
Considérant,
Que la grève générale, décrétée par les chefs d'ateliers de l'in-
dustrie du bâtiment, est une mesure arbitraire, et que rien ne peut
justifier ;
Considérant,
Que celte résolution imprudente a été prise dans le but, nette-
ment ari'ôté; de porter atteinte au droit d'association.
Nous protestons énergiqucment contrp cette mesure, et nous dé-
clarons hautement que nous défendrons le droit d'association me-
nacé. Nous acceptons solidairement la gi'ève qui vous est imposée,
et nous vous soutiendrons de toutes nos forces dans cette lutte in-
juste, qui a pour but de vous réduire à la misère et de vous faire
subir des conditions honteuses.
En conséquence de ces faits, les ouvriel's de la fabrique d:* Ge-
nève, pour venir en aide à leurs frères du bâtiment et les faire
378 L'INTERNATIONAL K
triompher dans colto crise, s'imposcronl, diiianl toute In grève, des
(•(((is.itioMS on souscriptions l'xliJiuniinains.
\n nom ilo l'Assemblée :
Le socrctairo : CiiAni.i.s (iKnlKlF.S.
Lv ini'siJonL : Lotis .NLMITIN.
13" — Avis ilo In Conioiission nowniéc jmr fAsscniblce générale jour
organiser les souscrijilioiis.
Gon.vc, le 18 juin 1S7().
Har d(^oision de l'assemblée de la fabricpie, les listes de souscrip-
tion pour venir en aide aux ouvriers mis en grève par les chefs
d'atelier de l'inciuslric du bàliment, seront déposées dans les prin-
cipaux établissements ainsi que dans tous les ateliers.
Les ouvriers i)ensent que chacun s'empressera de concourir à
cette œuvre humanitaire; ayant toujours fait leurs devoirs ctré|>ondu
aux appels de fonds pendant les ilésaslres de toute sorte dont le
peuple suisse a été victime, il est du devoir de tous de répondre à
l'ajjpel que nous adressons à la population.
1 i° — ^1 Messieurs les ouvriers de J'indiislrie du Ijûtimcnt.
Genève, le 15 juin 1870.
Les soussignés,
Préoccupés des graves conséquences de la suspension générale
des travaux de construction dans le canton de Genève, et désireux
de contribuer de toutes leurs forces, avec la plus entière impartia-
lité au rétablissement d'une entente sincère entre patrons et ou-
vriers, non-seulement dans leur intérêt i>arliculier, mais poui* le
bien général.
Déclarent, de leur propre initiutive, offrir à M>L les ouvriers et
patrons leurs bons offices, aux fins d'une conférence qui aura lieu,
si elle est acceptée de part et d'autre, au foyer du lliéàlre, samedi
prochain, IHJuin 1870, à trois heures précises après midi.
Le nombre de sept délégués de chaque côté semblerait suffisant,
sauf meilleur avis des parties intéressées.
Messieurs les ouvriers et patrons sont instanuuent priés de bien
vouloir se rendre à cette invitation, avec le désir de trouver une
solution équitable pour ramener la bonne harmonie entre eux, sans
nul froissement pour leur dignité personnelle.
ET LE J ACOniNISME. 379
Les soussignés s'estimeraient heureux, s'ils pouvaient ai'.ler à
l'apaisement de ce grave conflit.
Tout l'honneur en reviendrait à l'esprit de justice qui sait aiiinicr
les uns et les autres.
AMBERNY ; REVlLLIOlJ ; G. DUCHOSAL, D-.
.1 Messieurs Ambcvny, Rcxilhod et D'' Duchosal.
Genève, le 16 juin 1870.
Messieurs,
En réponse à votre honorée d'hier, nous venons vous informer
que nous acceptons l'offre que vous nous faites, mais pour samedi
à sept heures du soir, où vous le Jugerez convenable; seulement,
afin d'éviter tout conflit personnel, nous vous informons que l'as-
semblée des trente et une sections a nommé dimanche dernier une
commission ayant pour titre :
Commission de direction de la grève, dont voici les noms et la
lu'ofession de chacun :
Dailly, président, tailleur de pierres.
Goy, secrétaire,
Duparc (Alexandre), trésorier, bijoutier.
Grossclin, (Jacques), monteur de boîtes.
Girod (Charles), bijoutier.
Steiner, graveur.
Baumgartner, typographe.
Hofer, »
Tognetti, graveur.
Veuillez donc, messieurs, faire savoir à messieurs les pa-
trons que c'est avec ces personnes qu'ils auront à traiter, et nous
communiquer les noms des neufs patrons délégués au même
effet.
Maintenant, messieurs, nous venons de la par: de la Société inter-
nationale tout entière vous remercier de la démarche que vous faites
pour la tranquillité du pays, et il est de notre devoir de vous dire
ceci :
Peu importe à la commission de la grève la durée qu'elle peut
avoir, dût-elle durer indéfiniment; nous ne ferons nous-mêmes
aucune démarche préalable vis-àvis des patrons; ce sont eux
qui ont déclaré la grave générale en signant un pacte de fa-
mine, chose la plus odieuse qui puisse se iaire à la honte d'un pays
républicain ; c'est donc à eux de faire cesser la grève. Quant à
nous, notre seule conduite est d'organiser le travail, d'envoyer à
l'étranger tous les ouvriers que l'on nous demande et de suivre
8»» l/INTKHNATIONALl!:
uoiro pn»;^; ainmo «vei- Iraïujiullilu et avec la dignilc iriionnûtes
nii\ riers.
Kn outre, messieurs, nous «Icclarons qno, puisque les patrons
nous (lonnont le droit d'aj^'ir d(i notre force, eu dc}5'aînanl i'êpée
contre nous, cf nous la tcndcul par la poignée, nous soiiiincs décidés
à leur laisser la lame dans la main. l''assc l'anioui" du pays que
votre diMuarclic amène un résultat satisfaisant pour le pays et que
vous ayez l'hounour d'atténuer la houle que notre république sup-
porte pai" lo jtacte irrélléchi que quelques hommes ont eu la mala-
dresse de siguoi'.
Agréez, messieurs, nos sahilations empressées et nos rcmcrcî-
ments.
Au Mipiii de la commission de dircrtiou de la grève,
Lo jiri'sidont, IJ.VILLY.
Le seci'vtnirc, GOY.
PIKCE /:
LKTTRES UU COUItKSPONDANT DE LA GOMMrSSION FÉDÉRALE LYONNAISE
A C.UU-LAUME DE NEL'CHATEL SUR LA SITUATION DE LA SKCTION APRÈS
LES POURSUITES DIRIGEES CONTIIE SES MEilURES.
Lyon, le 2i mai 1870.
Mou cher Guillaume, notre commission administrative et de ré-
daction a toujours été inquiétée par des arrestations partielles jus-
qu'au 21 mai , et il n'y a que la commission de répartition des
secours aux prisonniers et à leurs familles qui ait fonctionné régu-
lièrement. Sur vingt-cinij citoyens arrêtés ou fugitifs, il n'en que
quatre en prison en ce moment. Ce sont : Albert Richard, Palix,
Louis Martin et Dumartheray.
Le 21 mai, après avoir mis en liberté quatre de nos amis, on en
a amené onze de Vienne ', de Givors et de Saint-Etienne; ne trou-
vant pas le complot à Lyon, on le cherche ailleurs. On a amené ces
braves citoyens à Lyon, la chaîne au cou et les mains liées. Au
bout de trois jours ils ont remis en liberté les trois qu'ils avaient
amenés de Saint-Etienne.
Depuis quehiues joui-s que nous sommes un peu tranquilles, la
commission fédérale a repris son travail. Tout lo monde est plein
de courage et de persévérance. Les citoyens arrêtés à Saint-Étienue
\ Mensonge 1 aucune arrestaliun ne fut opérée ni à Vienne ai à Civors.
KT LE JACOBINISME. 3S1
sont venus nous dire adieu en passant. Ils sonl pleins de courage
et de persévérance de voir prospérer la fédération, et cette pre-
mière persécution n'a fait que les affermir davantage.
Il y a ici en ce moment quelques ouvriers qui voudraient créer,
en dehors de notre fédération, un groupe qu'ils appellent chambre
syndicale locale. Je jiense qu'ils ne créeront rien du tout. A leur
réunion qu'ils ont tenue à la Rotonde, il n'y avait presque personne,
lie sont les menées de Schettel, Chanoz, Vindvy et Consorts, lesquels,
vous le savez, ont été exclus de F Internationale comme suspects, ils
ont profité de ce qu'on nous persécutait pour faire- un coup à leur
façon. On s'en inquiète peu. Les travailleurs comprennent le prin-
cipe de la solidarité, et rien ne peut les détacher de la grande fa-
mille internationale.
J'ai vu l'acte d'accusation contre Ghol, que lui a remis le juge
d'instruction, lorsqu'il est sorti de prison. Il n'y a aucune charge
grave. Ils ne sont accusés que d'avoir fait partie d'une association
illicite ayant son siège à l'étranger. Quant au complot, pas un mol.
Je pense qu'ils ne seront pas jugés. Le bruit court d'une amnistie
qui arrangerait tout.
Lorsque nos amis de Saint-Etienne ont quitté la prison de Per-
rachc, ils ont laissé nos amis Richard et Palix bien malades.
Pour la commission fédérale,
Le se«rétaire correspondant,
Signé : CHARYET.
II
Lj'on, le 23 mai 1S70.
Mon cher Guillaume, tous les détenus ont subi des interroga-
toires tout à fait minutieux. 11 y a eu deux fournées de mises en
liberté provisoire. La première, sous prétexte que ceux qui en bé-
néficieraient étaient moins coupables que les autres; la seconde, ne
s'appliquant qu'à des pères de famille, et comprenant Chol, BlanC;
Bourseau et Marmonnier.
Richard est décidé à se défendre lui-même et il a raison. Il a in-
vité Blanc à en faire de même, mais ce dernier est encore en sus-
pens à ce sujet. Presque tous les autres ont choisi des avocats.
D'après le résultat des interrogatoires que nous ont racontés ceux
qui sont sorlis dernièrement, les juges ont été battus à plate cou-
ture. Ils ont cherché chez nous d'abord le soi-disant complot, puis
une société secrète. Enfin il ne reste plus debout que l'accusation
d'association illicite, qui sera coulée comme toutes les autres l'ont été
»<-• 1/ l N r K II N A T 10 N A L K
sui'cossivcmonl. On n'a qu'il dire la Yrrilà, personne no s'oiuhroiiiUf,
rt Jos jiiifi'S sont bttllus nvec leurs propres ;irni<-s. Eu déliuitivc il s
sont jiliis emhOtrs qur noits.
\jV jugement doit ùlrc rendu le 2 juin.ù moins que l'avocal de nos
ami.s ne demande une pron)gnlion pour étudier les dossiers qui
sont énormes.
Les internatimiaux de Saint-Quentin viennent d'être eondanuiés,
l'un à ijuinze jours do prison, deu\. autres à ti'ois mois, et le qua-
trième à un an. {Ca dernier heureusement n'a pu être arrêté.) Il os'
vrai qu'on leur imputait de plus qu'a nous le délit d'excitation à la
haine des citoyens les uns contre les autres; mais cela devrait, .selon
moi, donnera réllf'cbir à nos amis, tout décidés qu'ils sont à se pré-
senter au jny:einont.
Notre fédération se développe de plus belle, et l'emprisonnemen
fie nos amis n'aur.i servi qu'à faire discuter nos principes jtar beau"
coup d'ouvriers qui ne les connaissaient pas; et vous savez, en ma-
tière sociale ouvrière, avec quelle raison on peut dire : de la dis-
l'ussion jaillit la lumière. Aussi le succès de nos principes es'
nssuré à Lyon.
Pour la commission fédérale de Lyon :
Le Secrétaire correspondant,
Sirjné : CILVIU'ET.
authf:s documents relatifs a l'activité déployée par les membres
DE I^ fédération LYOXNAISK.
Association internationale
des travailleurs. Lyon.
Comiiiission d'initiative
1870.
« Lyon, 18 avril 1870.
« Mon cher Guillaume.
I La fédération ouvrière lyonnuise ser;i bientôt définitivement et
solidement constituée. Plusieurs des corporations adhérentes ont
déjà accepté officiellement le projet de statuts propose. D'autres
corporations, qui étaient jusqu'ici restées étrangères au mouvement
socialiste, commencent à s'organiser. Les teinturiers, entre autres,
qui sont très-nombreux, paraissent en bonne voie. Les tisseurs font
de grands pas du côté des masses internationales. A Saint-Etienne,
il y a eu, le 10 avril, à la rotonde Saint-Charles, une réunion pu-
blique de plus de deux mille personnes appartenant, pour la plu-
part, à la corporation des passementiers. Les citoyens Louis Martin
et Albert Richard, qui avaient été délégués par la commission fé-
dérnle de Lyon, ont exposé, aux applaudissements do l'assemblée
ET LE .IAC0BINI6ME. 388
les principes et les moyens d'action de l'Association internationale
des travailleurs, et l'on a adopté, séance tenante, le projet de former
une société de prévoyance et de solidarité des passementiers sté-
phanois, adhérente à l'Internationale.
<r Nous avons encore quelques grèves qui ne sont pas complète-
ment terminées. Néanmoins, des souscriptions ont été et sont en-
core ouvertes à Lyon pour les ouvriers du Greuzot.
« Notre mouvement se propage sur plusieurs points des environs
de Lyon, et des sections rurales sont en voie d'organisation. L'échec
même de la candidature Fonvielle contribue à développer le socia-
lisme. On reconnaît de plus en plus l'inutilité de tous les mouve-
ments politiques. Faire de la politique, c'est nous placer sur le
terrain de nos adversaires et nous mettre par conséquent à leur
merci. 11 n'y a pas de suffrage universel possible, il n'y a pas de
liberté possible avant la révolution sociale. Préparons-nous donc
pour la faire, et pour cela, jetons les bases de la solidarité ouvrière,
locale, corporative, régionale, nationale et internationale. C'est le
seul travail séineux pour le moment.
« Mes cordiales salutations,
« Albert RICHARD. »
Lettre d'Albert Richard, k Guillaume de Neuchâtel en date de Lyon
duSO avril 1870.
« Mon cher Guillaume,
« La Commission fédérale ouvrière dj Lyon organise pour le
8 mai une grande assemblée générale publique avec un prix d'en-
tré de 0,25 par personne, au bénélice des ouvriers du Creuzot, con-
damnés ù Autuu. Cette assemblée servira en môme temps à annon-
cer officiellement la formation déiînitive de la fédération avec les
corporations ouvrières suivantes : vine société de tisseurs, la so-
ciété des peigneurs, celle des graveurs, des apprêteurs de tulles,
des apprêteurs d'étoffes, des tuUistes, des passementiers, des ta-
pissiers, des verriers, des doreurs, des teinturiers en chapeaux, des
marbriers, . des sculpteurs, une autre société de tisseurs, celle
des tanneurs, des tailleurs de piei*re, des chapeliers, des chauffeurs
machinistes, des menuisiers, des cordonniex^s et des peintres-plâ-
triers.
« Plusieurs autres corporations qui n'ont pas encore achevé
de s'organiser et qui ont encore un certain travail à faire pour cela,
adhéreront à la fédération après l'assemblée générale.
« Il va sans dire que cette assemblée sei'a en outre un moyen de pro-
tester contre le fameux plébiscite. Nous protesterons ainsi À notre
384 I.'INTKHN ATInN AI.K
fnvon ol on nous i>l;i{-ant sur un Irmiin très-diffi-rcnl île celui (l< >
drmocrntoa politiques, lilu'mux et rndicnux.
Dimanche dernier, la oommission féilérnlc à iléléguô à Givors les
citoyens Chol el moi. Une i-éunion gàncrale îles ouvriers verriers,
lie Cïivors, a eu lieu sous l'impulsion fies verriers «le Lyon, \Çt\ ci-
toyens environ avaient répomlu à l'appel. Vienne avait envoyé
li) (lôlcgués et Vei-naison \. C.lioi et moi avons expose les intentions
et les principes de l'Internationale au milieu de l'enlhoiisiasme una-
nime des nouveaux eompaf^nons givordins.
« Les citoyens Sclicefer, verrier de Lyon, el Ilencoin, verrier de
Vienne, ont appuyé en traitant les ((ueslions plus si)ccialement rela-
tives à la corporation des verriers. Une commission de II mem-
bres a été nommée, séance tenante, pour élaborer un projet de sta-
tuts de société de prévoyance des verriers de Clivors, adhérente à
la fédération lyonnaise et par conséquent à l'Internationale.
« Le même jour, il y avait à Lyon (pKitre autres réunions de cor-
porations adhérentes <à rinlernalionale.
« La commission fédérale était représentée auprès des chapeliers
par les citoyens Blanc et .\rlhur .Martin, auprès des verriers par
les citoyens Busqué et Ubaudi, auprès des charpentiers par les ci-
toyens Palix et Arthur Martin, et auprès des teinturiers par Richard
père. Toutes les semaines nous avons des réunions '.
« Recevez notre salut fi-atemel.
« Siçinô : A RK^IIARL). >-
PIECE g.
o Neucbàlel, le 13 juill-'l 1.^70.
« Mon cher Palix,
« J'ai déjà envoyé plusieurs lettres ù Lyon, mais pour plus de sû-
reté el de rapidité dans les communications, je vous envoie encore
celle-ci. Dans ces lettres que j'ai envoyées il y a des bouts de billets
pour nos amis. J'y explique et je vais encore vous expliquer l'our-
quoi j'ai cru devoir me retirer à l'étranger.
« Le par({uet de Lyon m'a placé dans une impasse; en alteudant
le jugement de Paris, il a semblé monirer qu'il a l'inteulion île se
baseï- sur ce jugement qui condamne si.\ de nos amis à un an de j^ri-
son. Il vous force même à réclamer une conila;nuation égale pour
aflirmcr la solidarité qui lie tous les internationaux. D'autre part,
il m'a été affirmé ({ue des ordres spéciaux avaient été ilonncs à
mon endroit.
\ Voir page 530, d'autres documents relatifs à la fédération lyemnalse. l'iice w
Kl LE J ACODIMï^ML;. .j8D
■( Dans une telle situation, je suis condamné d'avance et je ne puis
me défendre, car cela ne servirait à rien. .l'ai donc pensé que pour
me procurer des renseignements là-dessus et pour délibérer mû-
rement, il fallait d'abord que je me mette en lieu sur.
« J'ai écrit à M. le procureur général s'il peut me prouver : 1° le
parquet de Lyon ne peut nullement être influencé par les décisions
du parquet de Paris ; 2" il n'y a pas eu d'ordre d'en haut me con-
cernant; si surtout nos amis sont toujours résolus à se présenter
au jugement, je reviendrai à Lyon et j'accepterai les débats.
« Dans le cas contraire, je me considère comme près de tomber
dans un piège, et je l'éviterai en restant en exil.
« Donnez-moi, je vous prie, des renseignements sur tout cela.
Dites où je suis le moins possible. Voici mon adresse en ne met-
tant mon nom que sous enveloppe : M. Vincent Dumermuth, horlo-
ger, rue Saint-Maurice, 15, à Neuchàtel (Suisse). Répondez moi tout
de suite; dites-moi où en sont les affaires et ce que l'on fait à
Lyon.
« Si le parquet de Lyon se montre raisonnable, je vous autorise à
demander pour moi la remise des débats afin que si je dois y assis-
ter je puisse ai'river et me préparer.
« Je vous prie de vite faire passer par l'intermédiaire de Dupuis ou
d'un autre la lettre ci-jointe à mon père.
« J'attends votre réponse.
« Albert RICHARD. «
PIECE h.
PROGRAMME DU PARTI PROLÉTAIRE DEMOCRATIQUE SOCIAL ALLEMAND '.
1. Le parti social démocratique des ouvriers poursuit l'établis-
sement d'une république.
n. Chaque membre dudit jiarti s'engage à tenir de toutes ses
forces aux principes suivants :
1° L'état social et politique actuel est injuste au plus haut degré
et doit être combattu avec la plus grande énergie.
2" La lutte pour la délivrance des classes travailleuses n'est pas
une lutte pour des privilèges de classes, mais bien pour les mêmes
1 La formation de ce parti est due à l'initiative de Guillaume Liebkneht, rédacteur
du Volktaat (états du peuple) a Leipzig, et Bebel (Auguste), ouvrier tourneur de la
même ville, tous deux actuellement membres du parlement allemand.
,
38C L'INTKKNATIONALE
• lioils (ogaux), les mônics devoirs et pour l'aholifioii ili- totilo <lo-
niiuatioii do classe.
3° La déiieiulaneo ecouoniiquo du Iravailleur vis-ù-vis (lu rapita-
lislo constituant la huse do l'esclava^jo sous toutes les fornuîs, lo
liarti social dôniocratiipio des ouvriers tond pour cela au produit
l'.omplet du travail ou faveur de chaque travailleur, par l'abolition
du ^'cnro actuel do proiluction (salariat), et par l'introduction de
l'association coopérative.
A" La liberté i>ulitiquo est la condition absolue pour la délivrance
économique des classes travailleuses, l'ar conséquent, la question
sociale est inséparable de la question politique; sa solution (celle
de la question sociale) n'est possible que dans l'état démocratique
(république).
5° Considérant que la délivrance politique et économique de la
classe ouvrière ne sera possible que quand celte dci-nière marchera
i-n rangs serrés vers le combat, le parti ouvrier démocratique et
social se donne une organisation unitaire, laquelle cependant laisse
à chacun de ses membres la possibilité d'exercer son influence
pour le bien-être de la nation.
60 Considérant que la délivrance du travail n'est une tâche ni locale,
ni nationale, mais sociale, qui concerne tous les pays de notre société
moderne, le parti ouvrier démocratique social se considère comme
une branche de l'association internationale des travailleurs dont il
seconde les tendances autant que les lois sur les réunions le per-
mettent.
III. Les demandes qui sont en premier lieu à obtenir par la pro-
pagande du parti démocratique et social sont :
1° Concession du suffrage universel direct et secret, à tous les
hommes dès l'âge de ^U ans pour l'élection du parlement allemand
national, des corps législatifs de tous les pays composant la confé-
dération germanique, des représentations de provinces, de com-
munes, etc. Les représentants élus doivent être rémunérés conve-
nablement.
2" Introduction de la législation directe par le peuple {rcfcrenduni
et veto).
S" Suppression de tous les privilèges de classe, de propriété, de
naissance et de confession.
4° Etablissement d'une milice nationale à la place des armées
permanentes.
50 Séparation de l'Eglise, de l'Etal et de l'école.
6" Instruction obligatoire et gratuite dans les écoles primaiies,
ot enseignement gratuit dans tous les autres établissements d'in-
struction publi({ue et supérieure.
1" Indépendance des tribunaux et des cours de justice, introduc-
tion du jury et «les tribunaux d'arbitrage pour choque métier,
ET LK JACOBINISME. 387
procédure publique, vorhale et gratuite dans lous les procès.
8° Suppression do toutes les lois sur la presse, les réunions et
les coalitions, introduction de la journée normale du travail, res-
triction du travail des femmes, défense du travail des enfants dans
les fabriques, et suppression de la concurrence que font au travail
libre les prisons et les ))a£''nes.
9" Suppression de tous les impôts indirects et leur remplacement
par un impôt direct et progressif sur les revenus et les héritages.
10° Encouragement par l'État des sociétés de production coopé-
ratives et crédit d'État pour lesdites sociétés, sous des garanties
démocratiques.
PIECE y.
i.A PROPAGANDE DANS LES CAMPAGNES ET LE RESULTAT DU PLEBISCITE.
« Pourquoi s'effrayer tant du vote impérialiste des campagnes ?
Est-ce que l'on aurait pu s'attendre, en bonne conscience, à un
autre résultat? Avons-nous, ouvriers et artisans des villes, fait
notre devoir envers les campagnes ? Pendant que les villes se
groupaient et s'organisaient , avons-nous songé à porter notre
propagande dans les campagnes ?
« Ne subissons-nous pas plutôt les conséquences de notre propre
insouciance, de notre oubli, — involontaire peut-être, inconscient,
bien paixlonnable au milieu de toutes les odieuses persécutions,
que nous avons à subir, — d'accord, mais le fait ne reste pas
moins, et l'oubli s'appellera toujours l'oubli. Nous sommes fiers du
développement rapide de nos forces, et en effet il y a de quoi être
fier, de quoi se réjouir et se glorifier quand on peut constater cet
immense et vigoureux épanouissement des principes socialistes et
de l'organisation internationale, qui s'est effectué dans l'espace de
quelques années.
« Mais, par le nombre, nous ne formons pas encore la majorité
des masses ouvrières, car auti'ement la révolution serait déjà faite
et le système actuel serait balayé de fond en comble ! Nous ne
sommes pas encore la majorité, mais nous sommes déjà sûrs de
devenir cette majorité et, plus même, — la totalité des masses
ouvrières, car la réalisation de nos principes est de l'intérêt gé-
néral, de l'intérêt suprême de tous les travailleurs, et notre orga-
nisation présente des avantages immenses à tous ceux qui souffrent
et qui sont deshérités.
« Que devons-nous donc faire pour accélérer la marche de la
388 I.'INI l-.HNATIltNALK
révolution sociale, di' la rfor^janisation inlr;»ral(' «les rapports cl
ili's rhoses?
• Porlor iiolro propagandt' partout, dans tous les coins (djscurs
du monde travailleur, pour appelfV les masses du monde entier à
nous ; introduire notre organisation internationale, nos sections,
nos caisses do résistance, nos assemblées, partout où l'homme est
réduit à l'état do machine, où l'ùtro humain n'est considéré que
comme un outil l»on à exploiter à la jdus grande gloire des
patrons !
« Kt puisque nous sommes groupés dans les villes, allons
porter notre drapeau international dans les cuinjtaijncs. Ne dites
pas que cette propagande serait infructueuse ou impossible, car
c'est précisément la propagande socialiste qui s'adapte le mieux à
l'état des campagnards. Le campagnard, le paysan comprendra
trcs-bien tout ce qui touche à ses intérêts; car il est aussi las de
souffrir toujours la misère.
« Ne croyez pas qu'il s'effrayerait de la propagande des principes
collectivistes, de l'idée de la propriété collective du sol. Nous
pouvons constater avec joie l'exemple que nous a montré récem-
ment encore le manifeste de J.-l'h. I5eker, adressé aux campa-
gnards. Ces hommes l'ont parfaitement compris et ils ne deman-
dent pas mieux que de nous entendre, quand nous savons leur
parler un langage compréhensible.
' Il lauileur dire que l'Internationale veut :
» (Jue tout individu Jouisse des produits de son travail ;
« Oue la terre, n'étant la propriété de personne, n'appartienne qu'à
ceux qui la cultivent, comme aussi les usines, les mines, les chemins
de fer, etc., n'apppartienuent qu'à ceux qui les rendent utiles et qui
les exploitent par leur travail, et non à ceux qui n'exploitent que
le travail d' autrui ;
« Qu'elle proclame en même temps que ni le sol, ni ces usines ne
peuvent appartenir à un individu quelconque, mais bien rester en
possession collective de tous les travailleurs, autrement les petits
propriétaires du sol morcelé ne pourraient pas soutenir la concur-
rence des grands capitalistes qui liniraient de rechef par agglo-
mérer entre leurs mains toute la propriété terrienne, et partant do
là, feraient arbitrairement la loi au marché de toutes les matières
premières.
« Quand l'homme aura saisi cette simple idée, il comprendra faci-
lement que le système actuel, avec sa féodalité industrielle, pro-
tégé par le militarisme, doit être non soutenu, mais démoli, et cet
homme deviendra un ardent apùtre de la nouvelle loi du travail
[)armi ses frères et su:!urs.
« Avons-nous assez fait de cette propagande, et en sommes-nous
déjà fatigués, pour désespérer des campagnes? 11 est vrai que
ET LK JACOBIN ISMK. ■'^■''
la vaillante Marseillaise a tenté de faire la propagande dans les
campagnes, et nous sommes sûrs qu'elle a fait beaucoup de bien,
mais elle n'a pus pu poursuivre assez longtemps son œuvre, et sa
propagande est venue trop tard pour contrebalancer l'effet des in-
trigues de la bourgeoisie, devenue bonapartiste.
« Et cependant les grèves qui ont surgi récemment dans les cam-
pagnes près de Lyon, les grèves qui comptaient plus de 1,000 cam-
pagnards, ne prouvent-elles pas d'une manière éclatante que la
campagne ne veut pas. rester en arrière, et qu'elle ne demande
qu'à se joindre au mouvement universel du monde des travail-
leurs !
« Et si nous nous rappelons l'histoire , — la date néfaste
du 2 Décembre 1851, —que faisait alors la campagne ? Est-ce
qu'elle ne s'est pas levée à main armée pour défendre la répu-
blique contre le coup d'État impérial? Ni la résolution, ni l'énei'gie
ne lui ont manqué alors ; elle pactisa avec la mort, avec la prison,
et avec Cayenne avant de pactiser avec le "2 Décembre, et elle ne
vota pour l'Empire que lorsqu'on la persuada que l'Empire s'éle-
vait sur les ruines d'une conspiration royaliste et bourgeoise ; —
autant vaut l'un que l'autre ! Et si la campagne était pour la Répu-
blique, c'est que dans la République elle croyait voir son éman.ci-
pation économique, tant de fois promise et tant de fois escamotée.
« N'oublions pas aussi que ce qui contribua puissamment à ce
soulèvement spontané des campagnes, — ce fut la propagande so-
cialiste semée partout durant deux années consécutives.
(Égalité, 28 mai 1870.1
PIECE J.
REPUBLIQUE FRAÇNAISE. — COMMUNE DE LYON,
Lyon, 24 septembre.
Le conseil municipal,
Considérant :
Que le 4 septembre, en face de la France envahie, de l'armée
française livrée à l'ennemi,
La ville de Lyon a proclamé la patrie en danger et en a arboré
le signe ;
fm l'intkhnationam:
C.oiisidéront :
Que le péril est plus {^ranâ que jamnis.
Uél ibère :
I^e si;,'iiiil (le 1.1 pairie en ilanj^er restera arboré sur l'holel lif
ville, jusqu'il co (juo le péril ait eessé.
En niaiutonantcesifçne, la ville do Lyon n'a jamais son^jé à dé-
savouer le drapeau national, sous lo»iuel les Hls du pays combullenl
pôur riudéjjendance du sol français'.
(Citoyens,
Pas de division. — Debout et aux armes !
SAUVONS LA PATRIR !
Lo ))rôsiilcnt, IIKNON. — Los vice-présidents,
HAGOT, GIIEPIÉ. — Les secrêluiro^,
MAYNAUD, JACQUI.
l'IKi^E /,-.
HKPUHLIQUE FUAXr.VISE. — i:0MMUNK UK LYON.
Les malheurs de la patrie nous dictent notre devoir. Nous décré-
tons immédialemenl la décliéance de l'Empire, la proidamation de
a HépubliquL! et l'armement de la nation.
Comilv jjrovisoire do sulal public :
Ch. BEAUVOIR ; CURDELET; L. GHAVEROZ ; MOUSSY ;
Em. VOLLOT; REIGNIER; GROS; GRIFFE ; TARRE:
SOURRAT; RONNET; FOURNIER; LÛJdBRAlL.
PIECE /.
DOCUMENTS (tÉXKUAUX RELATIFS AUX SECTIONS PARISIKNNEs.
Association internationale des travailleurs.
c Gne section adliérenle au groupe oonlral. les travailleurs réunis,
se constitue à Ratignollcs.
1 1.0 ciilu- du tli.iiMMii roufc'o avail élé poussé si loin, que lo citoyen Uaudy, se-
crélaire général île la police, n'Iiésila pas à faire urrOtrr un individu (|ui avait
refusé de porlor les armes deviml lo drapeau rouge. Téiunin le document suivant :
a IlÈPUBLiyUE niA.NÇAISE, suus-rnmilé dex interiUs pithlux. — Ortirr ilf ganter ;//.»•.
i/H'(i \ lieun-t If iiommé h'tirrr, courv de Riosaei, 33, qui n rrfusi- ilf pnrlir In nrmêi
•lei'diil le DP.AI'EAU Kni:(;K. — Siiinr : HAinV. — l.yon, le il seiileinbre iHTû-
ET LE JACOBINISME. 391
« Nous appelons à nous les ouvriers de notre quartier qui veulent
l'équité dans les rapports sociaux.
« Le siège provisoire est chez le citoyen Légalité, rue de
Naples, 40, et les demandes de renseignements et les adhésions sont
i^ecues le mercredi de chaque semaine, de 7 à 40 heures du soir.
« Le secrétaire de section,
« L. LEMAIRE. »
[Marseillaise, 6 février 1870.)
Association internationale des travailleurs.
'< Une section de l'Association internationale est constituée à
Vaugirard.
i Nous invitons tous les citoyens sympathiques à l'œuvre de
solidarité universelle qui doit unir tous les travailleurs à nous ap-
porter leur concours.
« Les renseignements seront donnés et les admissions reçues
chez le correspondant provisoire, rue de Vaugirai'd, 289.
« Le correspondant,
.( A. COMBAULT. .
(Marseillaise, 21 janvier 1870.)
SKCTION DE LA MAISON BLANCHE.
« Nous prévenons qu'une section de l'Internationale a été consti-
tuée sous la dénomination de section de la Maison-Blanche. Nous
invitons tous les citoyens désireux de faire triompher l'œuvre de
revendication sociale à nous apporter leur concours.
« Les adhésions sont reçues tous les mardis soir au local de la
section, chez le citoyen Passedouet, 163, avenue de Choisy (quartier
do la Maison-Blanche.)
« Le secrétaire correspondant,
« PASSEDOUET '. »
(Marseillaise, 13 avril 1870.)
« Paris, le 20 avril 1870.
« Une section de l'Association internationale est en voie de for-
mation dans le quartier des Ecoles.
i Passedouet, journaliste, ex-rédacteur du Corsaire, du Satan, de la Misère du
Père Jhtchène, etc.
:«>i I/INTKHNATIONALK
rt Lesadliùsions sunl reçues tous les jours, dt* 10 heures à -1 lieun-s,
rue Saiiil-Jncques, IKI.
a La coinmissiou d'iiiili.ilivc :
« PIKRON, typographe; FIîADIN, iustrunients do tdiirurgie ;
SEBOUli, élève on phiirmacie. »
« Les inoinbrts de l'Association inlornationale (section de Vaugi-
rard) sont prévenus que le siège délinitif est situé rue du Théà-
ti'o, 10, à Grenelio.
< Les réunions ont lieu tous les mercredis à .S lieures.
« Tous les soirs, de 8 à 10 heures, et le dimanche, de 10 heui-es ù
midi; un membre de la section se tiendra au siège social pour re-
cevoir les adhésions et donner tous les renseignements.
■' Le secrétaire correspondant,
« A. COMUAILT. ..
•< l'ne section do l'Association internationale des travailleurs se
constitue à Grenelle sous la dénomination de soclion de Grenelle.
« Invitation est i'aito -à tous les citoyens qui partagent ses principes
de se faire inscrire tous les soirs, de 8 à 10 heures, et le dimanche,
de 10 heures à midi, 10, rue du Théâtre.
« Le jour de la réunion a lieu tous les mardis à 8 heures ».
<> Le secrétaire correspondant,
« L. CllALAlN. »
Au citoyen ( '.ornuschi, digne représentant delà démocratie,
c L section internationale du Panthéon vous offre, dans sa
séance du 28 avril 1870, le titre d'assesseur honoraire, et vous re-
mercie des services que vous avez rendus à la cause du prolétariat. »
(Suivent les signatures.)
I Voir il'amros avis du même genre, page iM.
l-yi' l.i". .lACiMllMS MK. 393
Au citoyen Raspail,
« La section internationale du Panthéon vous a offert dans sa
séance du 28 avril 1870, le titre de président honoraire à raison des
services que vous avez rendus à la cause du socialisme et de la
révolution.
u Ont signé : nOCUER ; ue la BERTHELLIERE; VI-
GOUROUX; VERGNAUD ; TOUSSAINT; SERGENT;
femme SERGENT; JUILIN; SERVETH ; Jules SAN-
SONET; R. B. CONNEAU; E. FAVRET, etc., etc. »
Association internationale des travailleurs.
(Sections parisiennes.)
JUGEMENT d'aUTUN.
« (Juand la justice succomhe sous l'arbitraire, quand on acquitte
les i)rinces qui tuent, et que l'on condamne les ouvriers qui ne de-
mandent qu'à vivre de leur travail, quand ces condamnations frap-
pent surtout les femmes et les enfants en les privant du labeur des
chefs de famille, il nous appartient d'infirmer cette nouvelle ini-
quité par l'adoption des veuves et des orphelins.
« En conséquence, nous faisons appel à tous les citoyens, à tous
ceux qui sont pénétrés du sentiment de la solidarité républicaine
socialiste, pour qu'ils nous aident dans l'accomplissement de ce
devoir, en prélevant sur leur travail un pour cent par semaine.
« Salut et solidarité.
u Les sections de Vaugirard, Meudon, Glichy, Poteaux,
Batignolles, Belleville, de l'Est (faubourg Saint-Denis),
la Maison-Blanche, relieurs, lithographes, bijoutiei's,
cordonniers, ferblantiers, tourneurs, repousseurs, pein-
tres en bâtiments, dessinateurs sur étoffes, opticiens,
cercle d'étude sociale et section allemande. « Dès aujour-
d'hui, on peut faire les versements à la Marseillaise.
Un avis ultérieur fera connaître l'adresse des co-
mités.»
« Pour copie conforme : BARBERET. »
H94 I/INTKHNATION A l.i:
Communications ouvrières. — Aux uicinhrcs do J'Assoriulion iiilcr-
iinlionnlr ilrs /i:i\ .lilli'iirs.
\ Imis les fr.ivailleuis,
Déclaration :
• Eu présonco ilc rappel si léj^ifiine et pros(juc désespéré des
ouvriers houilleurs de Waklcnljourj,' (Alleiiiatjne), adressé aux
n»einl)ros de l'Association intei'nalionale des travailleurs, et dans
l'impossibilité où' nous sommes d'iutervenii- matériellement dans lu
lutte qu'ils ont à soutenir en ce moment contre les chefs industriels
pour s'assurer une existence conforme à la dignité humaine, nous
faisons la déclaration suivante :
'( La longue période île grèves que nous traversons et qni me-
nace de se perpétuer épuise chaque jour les caisses des sociétés
ouvrières sans amener d'auti^e résultat que de faire ressortir l'im-
moralité des moyens qu'emploient les détenteurs du capital pour se
soustraire aux réclamations toujours modérées des prolétaires.
t La situation économique n'est par changée, elle est toujours la
même. Partout les détenteurs du capital se sont montrés indignes;
car partout s'appropriant arbitrairement le produit du travail des
générations passées et de la génération présente, ils se servent
des instruments que le hasard de la naissance, la spéculation, ou
l'exploitation ont mis entre leurs mains pour tenir le prolétariat en
lisière.
. L'introduction dans l'industrie des machines et des procédés
scientifiques qui aurait dû améliorer les conditions physiques, mo-
rales et intellectuelles des travailleurs n'a contribué, au contraire,
(ju'à aggraver leur sort.
« Non contents d'étouffer dans l'ouvrier la vie intellectuelle et la
vie morale, les industriels lui ravissent encore la vie animale par
l'excès de travail et les privations en maintenant une partie des
travailleurs dans le chômage, et en surchargeant l'autre partie
d'un travail excessif. On peut dire, sans exagération, qu'ils font
lenlemeut mourir les uns de faim et les autres d'épuisement.
« Ils ne tuent pas, ils font mourir.
« Comme l'a dit le docteur Hridges: « -\u sein de nos grandes et
.< grandissantes cités, il y a des plaies en comparaison desquelles
< les massacres féodaux semblent des combinaisons heiu-euses. »
< Il est terrible que le sang soit versé, mais il est autrement ter-
rible ipi'il se dessèche et se cousump.
ET LE JACOBINISME 895
« En un mot, ils mettent constamment les travailleurs dans l'alter-
native de subir des conditions impossibles, ou de tomber sous les
balles fratricides, comme à Lépine, Dour, Seraing, Frameries, la
Ricamarie et Aubin.
« En présence de cette situation, que pouvons-nous faire ? Les
grèves se multiplient, révélant toujours des abus de même nature,
et sont successivement vaincues ; l'obole de la solidarité que l'ou-
vrier prélève sur son nécessaire, Vassociation même sont manilesle-
ment insuffisantes, le mal est trop pi'ofond, il faut d'autres remèdes.
« Ce remède ne peut être que dans une transformation radicale de
notre état social.
« Cette transformation radicale, objet de tous nos vœux, nous
l'appelons de toute notre énei'gie.
A. COMBAULT, rue de Vaugirard, 289; E. VARLIN, rue
Dauphine, 33 ; B. MALON, impasse Saint-Sébastien, 8 ;
G. MOLLIN, impasse Samt-Sébastien, 10, Membres de la
dernière commission parisienne de l'Association inter-
nationale des travailleurs.
{Marseillaise, l^r janvier 1870.
« Paris, le 31 décembre 1869. »
Aux citoyens Murât, Malon, Héligon, Comijault, membres du Jury
Vermorel, et aux memJjres correspondants de l'Internationale a
Paris.
« Citoyens,
« Nous avons vu avec indignation vos noms iigurer dans un jury
d'iionneur à côté d'un Vtsinier.
« Jusqu'alors nous n'avions guère compris la faiblesse qui vous
faisait tolérer à la tète de la démocratie parisienne un homme
chassé de l'Association internationale. Nous vous rappelons que moi
et Jung, pour avoir démasqué cecalomniatew'à T^ondres, nous avons
été traités de mouchai'ds et de bonapartistes par la branche française
de Londres, dont ce Vésinier était membre. Mais accepter une mesure
896 l/INIi;ilN ATION \M-:
tlo loyiiutt' ot <lo jjislice îivcc ct't hoiiinu', »'t'l;i no st'ia |»;is en tant rpie
nieinltres ou ('(ti-ivspoinlants <lo V Inlcrualionulo.
• Nous ne comprenons pas do pareil compromis.
• Va\ consr'îqucnce, nous vous déclarons que nous sommes résolus
ù porter cette affaire devant le conseil général et à en poursuivn*
toutes les ronsiMjuences.
« Nous aurions cru c(uc les membres do l'ancien comité de Paris
n'auraient pas souffert aussi paticmnuMil in présence et l'introduc-
tion de leur ancien et constant calomniateur, non-seulement dans
les réunions publiques, mais encore dans un jury d'honneur.
« Poui- H. .lung et Dupont,
« Sifjné : Eugène DUPONT.
• P. -S. Cependant si vous voidcz nous donner quelques explica-
tions, nous attendrons jusqu'à mai'di 22 février.
« J'ai peine à comprendre le rôle que vous nous avez fait jouer
d:ins l'affaire Vcsinier ; je m'accorde avec Dupont.
« S if/ no : H. JL'NG. »
(Après de pareilles sommations, voudra-l-on encore prétendre que
le conseil général n'exerce aucune autorité sur les membres de
l'Internationale. Voilà lléligon, Murât, Malon et ('ombault menacés
par Dupont d'être déférés disciplinai renient au conseil général !)
« Lonihes, 5 février 1870.
e Cher ami,
« Tu me promets une longue lettio, et je ne vois rion venii', ce-
pendant tu dois avoir des choses à me dire. Je désirerais quelques
explications sur la visite domiciliaire qui a été faite chez toi, car je
ne puis comprendre comment, puisque tu attendais un..., tu aies
gardé rue d'Aboukir des armes et surtout de nos lettres.
t Veux-tu bien une fois pour toutes expliquer aux citoyens Malon
et Combault ({uelle est la valeur des hommes de la branche fran-
çaise et surtout de Hesson. J'ai vu ces jours-ci Lemaître. Nous
avons eu un petit attrapage; il est engoué de Besson. Il m'a repro-
ché d'avoir été deux fois délégué de cette branche et d'avoir présidé
les meetings révolutionnaires ct.int gris. Si j'insiste là-dessus, c'est
i-:t lk JACoinxi^Mi: 397
parce que Lemaître me paraît très-bien avec Malon et les autres et
cela me refroidit à leur égard. Mais n'est-ce pas trop fort de voir
Lemaître et Besson reprochant aux autres de trop boire? Ace
sujet j'ai rappelé au petit Lemaître la paille et la poutre.
• Tu n'as donc pas remis à Varlin sa lettre, ils ont donc bien
changé de manière de voir à l'égard de leur ami Vésinicr,
« Tout à toi,
« Eugène DUPONT. »
l'ruij rumine du SOCIALISTE, ort/ano dos sections parisiennes.
La tourmente gronde sur la mer. Le navire éperdu roule à tra-
vers les abîmes ; les vagues se tordent échevelées autour des
matelots glacés d'épouvante. Ils s'interrogent du regard : qui sau-
vera le navire ?
Alors l'un deux se lève, et faisant un suprême appel au courage
et à l'énergie de l'équipage désespéré, le conjure de remplir au moins
son devoir et de combattre jusqu'au dernier moment. 11 rappelle à
ses frères abattus leurs espérances si vives au départ, la longueur
de leur mission et les joies qui les rappellent au port. Chaque
homme relève alors la tète, déploie une nouvelle énergie, et le
navire, couvert des baves de la mer, sort triomphant de sa lutte
terrible avec l'ouragan.
Le navire emporte les travailleurs vers le rivage ; battu des vents
de la politique, assiégé par l'ouragan social, il risque de faire
naufrage, sans qu'une voix s'élève, vibrante, s'empare avec fer-
meté du commandement, et ordonne la manœuvre de laquelle dé-
pend le salut commun.
L'écrasement de nos frères à la Ricamarie, à Aubin (France), à
Seraing et dans le Borinage (Belgique), à Swarow (Autriche), l'em-
prisonnement de nos frèi'es à Paris, à Lyon, à Rouen, au Creuzot, à
Fourchambault (France), à Vienne, à Reichemberg (Autriche), etc. ;
la famine érigée en système et dirigée contre nos frères de l'Ir-
lande, voilà les orages qui tentent de détourner le mouvement des
travailleurs de sa voie, de son but : la république sociale.
Péril imminent ! Il est temps, il faut qu'une voix s'élève, une
voix d'avertissement fraternel qui indique à chacun de nous quel
est son devoir, comment il faut qu'il agisse pour conjurer le dé-
sastre, sauver le navire, le remettre dans sa route, le conduire au
port. D'où partira cette voix? quelle sera-t-elle? Elle partira de
travailleurs, car eux seuls savent jusqu'où vont les souffrances de
leurs frères, eux seuls sont donc capables d'indiijuer les moyens
:{<J8 L'INTKK.NA linNAI.I.
de les guérir. Lo Socirdislc so coiilcnlera-t-il d'avertir? Non, il faut
qu'il const'illo, instruise, activo le mouveniont d'émancipation so-
ciale, car la foroo des l)aïonnoltcs, l'arldlraire de la iiolico, lu justice
d'exception ne sont pas les seuls, uo sout mémo pas les plus dange-
reux écueils que nous oyons à éviter.
Il existe une classe égoïste, intéressée, infatuée d'elle-même, qui
considère tous les moyens propres à nous anéantir, et parmi tous
les moyens dont elle dispose, il en est un surtout, perfide, ter-
rible , c'est la bienveillance hypocrite que celte classe alTlichc à
l'égard do la classe des travailleurs. Là est l'écucil sur lequel
tous les yeux doivent être fixés. Cette classe, qui s'est large-
ment installée dans tous les journaux à cautionnement, qui pos-
sède toutes les grandes c.\'iiloif;ilioijs d'ouvriers, mines, forges,
filatures, etc., qui dispose de tous les moyens de transport et de
communication, qui tripote dans foutes les spéculations de bourse,
— l'opprimée d'hier, la dominatrice d'aujourd'hui, — cette classe,
c'est la bourgeoisie.
L'organe des travailleurs doit porter sans ménagements à la
connaissance du public les actes de la bourgeoisie, montrer com-
ment s'engendre cette richesse qui va s'engouffrer dans quelques
bourses privilégiées, et à laquelle ou donne pompeusement le titre
de richesse nationale; s'occuper de la question des travailleurs
industriels et des travailleurs agricoles, et rendre manifeste l'im-
puissance des uns et des autres à arriver à leur émancipation.
«Tant que subsisteront les modes de production actuels, il doit
surtout s'attacher à démontrer que le bien-être collectif, réalisé par
la somme des travaux individuels, ne pourra régner que lorsque
les travailleurs auront été mis en possesion des moyens de travail
nécessaires: le travailleur agricole, du sol ; le travailleur industriel,
de la matière première et de l'outillage.
Le Sociialsle pénétrera dans toutes fabriques, partout où se trou-
vent des hommes réunis en vue d'un travail commun, de ces ou-
vriers dont l'activité productrice est l'unique soutien de la société,
laquelle cesserait immédiatement d'exister, s'ils lui refusaient un
seul instant leurs services ; il ira en tout lieu réveiller, i-animer, ap-
peler, exciter les travailleurs qui Técouteront certainement parce
qu'il sera leur propre voix, sortant des entrailles mêmes de leur
souffrances.
(Le Socialisle, nr^'ane Je l;i fi-dcValion des scclioii>
parisiennes. Numéro liii l»' juin 1870).
Paris, tiîi jnin 1S70.
Le banquet des associations ouvrières, dit banquet coopératif,
n'aura pas lieu.
ET LE JACOBINISME. 399
Après trois ajournements suecessils, M. le préfet de police vient
enfin de faire prévenir la commission d'organisation qu'il n'autori-
serait pas cette fête de famille, car, comme à celui de l'an passé,
les femmes et les enfants devaient y assister.
Le motif de ce refus, nous a dit M. le chef du caJ)inet, vient de
ce que les ouvriers s'occupent trop de politique ; le gouvernement,
a-t-il ajouté, a obtenu sur l'ordre de choses actuel une immense
majorité, et il est bien résolu à ne laisser prendre corps à aucun
motif d'agitation.
Ainsi, des travailleurs honnêtes et paisibles veulent se réunir et
fraterniser avec femmes et enfants dans un banquet: ce sont des
agitateurs que vite il faut empêcher.
Des ouviners veulent échanger leurs pensées sur les conditions
actuelles du travail, tâcher d'améliorer leur sort par un concours
d'idées mutuelles, s'apprendre par des rapports collectifs l'état et
les chances de la coopération : eh bien, non ! ce sont des ennemis
qu'il faut vexer et ils ne se réuniront pas.
Nous le demandons franchement aux esprits les plus pacifiques,
le scrutin du 8 mai s'est-il prononcé pour cette répression injusti-
fiable?
Cette grande majorité française a-t-elle voulu confondre dans un
même blâme le travailleur et l'agitateur ?
Le même banquet qui avait eu lieu au mois de septembre l'an
passé, n'était-il pas un précédent suffisant pour l'ordre ?
Encore une fois, ce n'est pas sur le pi-ogramme qu'on exécute
que le pays a voté le 8 mai dernier.
Aussi ces mesquines taquineries faites à des travailleurs ne se-
raient que bien ridicules si elles n'avaient pour conséquence de
porter atteinte aux plus sacrés de nos droits.
Au nom de la classe ouvrière, nous protestons énei'giquemeat
contre cette façon d'agir aussi arbitrairement avec elle, en même
temps que nous nous empressons de mettre sous les yeux du public
quelles mesures de liberté on est en droit d'attendre, d'après de tels
procédés, d'un ministère qui s'est pourtant dit honnête et libellai !
La commission du banquet,
BOISGONTIER ; FOUGEROUX ; HUGUET ; REl-
GNEAULT; ARMAND; FONTAINE; DALOZ ; AK-
NOULT ; BRUDON ; CEYTER ; GODFRIN.
Ont approuvé la protestation,
GAPRON; FORNET ; DESINGE; HUBERT; VALLE-
ROUX; ANTHESKl; P. RANGE; M. LERME.
.i(K) 1/1 N 1 h li.NA I lu N Al. 1.
l'IKCK III.
I.KS EXPLICATIONS DU CITOYKN IlICllAKH At; SIJKT DES POURSUITES
OIRI6ÉKS (.ONTItK l/lNTI-RNATIONAI-K.
Lyon, 1.' M mai 1870.
Monsieur le rédacteur,
Hon nombre d'amis me reprochent de n'avoir pas donné signe
dévie depuis que j'ai été mis en liberté provisoire. Si je ne l'ai pas
fait, c'est que je n'ai pas cru que cela pouvait avoir une grande
utilité.
Je ne demande pas mieux cependant que de donner au public les
renseignements dont je puis disposer sur l'affaire de l'Association
internationale.
Nous avons été mis en liberté provisoire, Palix, Louis Martin et
moi, le 25 mai, après vingt-six jours de détention préventive. Nos
collègues avaient tous été successivement mis en liberté avant nous.
Pour nous, on ne nous aurait certainement point accordé la même
faveur s'il n'avait été de toute évidence que nous n'avons été initiés
à aucune machination politique.
Dès l'origine, il ne s'agissait de rien moins '[ue de nous englober
dans la fameuse affaire du complot contre la vie de l'empereur.
Une pareille inculpation devait nécessairement tomber d'elle-
même. Je crois môme pouvoir affirmer qu'elle ne sera pas main-
tenue en ce qui concerne Varlin et Bastelica, bien que leur fuite
paraisse devoir être un argument dont le parquet se servira
contre nous.
D'îiilleurs, s'il est une chose dont je suis lïorticulièrement cci'tain,
m i, ami de Varlin et de Bastelica, c'est qu'ils n'ont trempé non-
seulement dans aucun complot, mais dans aucun mouvement ayant
un but politique direct. Us se devaient à l'.Vssociation interna-
tionale, ils étaient solidaires avec nous et ils se seraient exposés,
en trompant notre contiance, à perdre notre estime et notre amitié,
c'est-à-dire à rompre la solidarité morale et matérielle qui fait la
force de notre association. Or, je les connais trop et je sais trop
sur quelles bases était assise notre union pour croire à la possibilité
d'une pareille folie de Icui" itarl.
On s'appuie, pour soutenir le contraire, sur certaines lettres
i-;t le jacobinisme. ioi
trouvées chez Baslelica et chez moi. Mais ces lettres ne prouvent
que deux choses : 1" l'impossibilité pour le parquet do rassembler
des preuves sérieuses contre nous ; 2° l'inquiétude que Varlin et
Bastelica partageaient avec des milliers d'autres, en présence d'une
situation qui a été réellement tendue à de certains moments.
Personne n'ignore que si l'Association internationale est une
association pacifique qui s'occupe de résoudre par la solidarité
ouvrière les difficultés économiques actuelles, en revanche elle
veut éviter que des partis politiques quelconques puissent faire
éclater une révolution à leur profit et au détriment des travail-
leurs.
A Lyon, le caractère de notre association a été tout spécialement
accentué sous ce rapport, et vous devez vous rappelei", Monsieur
le rédacteur, aussi bien que tous les démocrates lyonnais, que
nous avons toujours évité soigneusement toute fusion avec les
hommes politiques proprement dits.
Ce n'est pas que nous les méprisassions, ni que, par haine ou
par vanité, nous voulussions les tenir à l'écart de notre mouve-
ment.
Au contraire.
Mais, dans notre pensée, le socialisme de l'Internationale reflé-
tant les véritables aspirations de notre époque et de notre géné-
ration, c'est à lui que l'avenir appartient. Il doit, en conséquence,
primer toute autre idée et toute autre action.
En principe, la question révolutionnaire n'est plus posée au-
jourd'hui entre une nation et son gouvernement ; elle est posée,
selon nous, entre le travail et le capital, enti-e le peuple et la
bourgeoisie.
C'est-à-dire qu'elle est sortie du domaine des instincts, des
passions et des faits brutaux, pour entrer dans le domaine de la
science et de la réflexion.
Nous n'en serons pas moins accusés de n'avoir organisé sept
millions de travailleurs européens et américains que dans le but de
décréter, à un moment donné, une insurrection générale contre les
propriétaires et les capitalistes, comme si l'avènement fatal de la
nouvelle classe historique, la classe laborieuse des villes et des
campagnes, comme si son action générale, calme, grandiose, irré-
sistible, basée sur l'étude pratique et théorique de la science
sociale, comme si cela pouvait avoir quelque chose de commun
avec ce qu'on appelle une insurrection !
Bref, on fait peser sur nous l'inculpation d'affiliation à une asso-
ciation illicite et à une société secrète. Il sera curieux de voir
comment le ministère public s'y prendra pour soutenir une pareille
accusation.
Le jugement des internationaux de Lyon aura lieu lo 8 juin, à
40t 1/ 1 N i" i: 1 1 N A I l O N A L 1-.
moins que lo parquet ne jugo à propos tic reculer cette date pour
mieux preiulre son lcrn|is. Nous serons une (|uanuituinc il'inculpes
environ.
C^cst alors c|u'on pourrii so faire une idoe juslo do l'immensité
do la frayeur que nous avons causco à nos infortunés conservateurs.
Heureusement que la lumière s'y fera en môme temps sur notre
association, son organisation, ses principes, son but^ et que nous
y gatjncrons plus que jamais l'estimo des umis do l'ordre véiitablc,
do la paix et do la liberté.
Je vous salue avec considération.
ALUtnx UICIIAIU).
Proijrcs de Lyon, à juin lH'iO.)
PIECE n.
M.VNDAT niiMlS AV r.ITOYKN HICHAKD, HK LYON, MEMHKK lONDATKUR UK
l'alliance, HOUU KAmE UE LA PROPAGANDE EN lAVEU» DE CETTE
SECTION.
« Genève, le i juin 1869.
« Le comité fondateur de l'Alliance internationale de la démocra-
tie socialiste, section de l'Association internationale des travail-
leurs, charge le citoyen A. Hichard, membre fondateur do rAUiunce,
de l'aire à Lyon et dans les autres villes do France cl de l'clranger
des adhésions au groupe genevois aussi bien que de former de
nouveaux groupes autonomes.
. Signe : Le président, BAKOUNINE.
. Le secrétaire, FRITZ HENG. »
Au bas se trouve an cachet portant cette inscription :
Assuciation internutiuaale
des travailleurs, section de
l'Alliance. fGonèvo.
ET LA'. J.VC.OlUMSMt. -iO:;
PIEGE o.
BULLETIN DU MOUVEMENT SOCIAL.
Les ouvriers de Limoges.
Nous avons différentes fois déjà entretenu nos lecteurs du grand
mouvement qui, depuis quelque temps, agite profondément toutes
les corporations ouvrières de Limoges. Nous avons raconté suc-
cinctement les principaux incidents de cette agitation et les heureux
résultats qu'elle a déjà produits. Nous sommes heureux de pou-
voir, aujourd'hui, mettre sous les yeux de nos lecteurs le résumé
des iDrocès-verbaux tenus par les organisateurs des réunions pu-
bliques qui ont donné naissance à plus de dix associations coopéra-
tives do solidarité. Les détracteurs du peuple et les organes de la
rue de Jérusalem y trouveront des réponses non équivoques à
leurs perfides insinuations, à leurs éternelles et stupides diatribes.
Le citoyen Yallière, rapporteur de la commission chargée d'éla-
borer les statuts des chambres syndicales, après avoir domaé lec-
ture du projet, qui est immédiatement approuvé par l'assemblée,
s'exprime en ces termes :
« Citoyens,
« Le syndicat nonuné par vous pour accomplu* la tâche difficile
d'organiser notre chambre syndicale vient remettre aujourd'hui
entre vos mains les pouvoirs qu'il a reçus de l'assemblée prépara-
toire. Vous pouvez juger par les résultats obtenus que ses travaux
n'ont pas été stériles. Plus de mille citoyens ont répondu à son
appel ; le nombre des femmes qui ont adhéré à nos statuts dépasse
120. Ces chiffres ont bien leur éloquence, surtout dans une ville
comme Limoges où depuis vingt ans les travailleurs s'étaient en-
dormis dans une torpeur profonde, si nuisible à leur émancipation;
ces chiffres sont d'autant plus beaux, que, jusqu'à ce jour, vous
le savez, aucune propagande, aucune sollicitation n'ayant été faite,
les adhésions ont été données spontanément.
« L'arrivée des délégués que nous ont envoyés nos frères de Paris
va encore activer le mouvement, et nous pouvons être certains
que leur présence ici, leurs paroles conciliantes, amicales et éclai-
rées viendront grouper autour des premiers adhérents un grand
nombre de nos camarades qui n'ont pu encoi'e être instruits de
nos projets.
;ui i/imi.i;natiu.nall
« CcptMiilaiit, citoyens, il y auniil imprudence à s'endormir snr un
premier succès. iNolro société est fondée^ mais sans lo dévouement
personnel do c.liacun do nous et l'initiative intelligente do ceux que
nous allons choisir pour leur (ronlier nos intérêts, ce premier suc-
cès ne serait fju'un leurre.
• Citoyens, nous sommes eiilin sur le chemin de l'émancipation;
nos femmes nous y suivent avec courage. .Marchons paciliipicmcnt
et légalement, mais avec une constance inéhranlahle dans celte voie
d'amélioration par le travail, on nos frères de l'aris nous .servent
il'éclaireurs. Happelons-nous surtout que nous n'avons pas seu-
lement en vue notre intérêt matériel comme le prétendent ceux qui
disent que nous sommes lu tlviiiucnitio ii l'cm/rnis. Cherchons à
sortir de la i»osition pénible où se trouve encore le travailleur, en
élevant notre niveau intellectuel et moral par l'instinietion et la
ju-atique sincère de la fraternité. Aidés et encouragés par les esprits
généreux. (jui applaudissent à nos efforts, nous pourrons enfui nous
monircr dignes de cette société régénérée que nous rêvons tous et
où tout doit être bonheur, bien-être, harmonie, liberté. »
Ces paroles sont couvertes d'applaudissements unanimes.
Le président donne ensuite lecture d'une letti-e des membres de la
SucicLé civile do crédit mutuel de lu vûrnunijuv de Paris, en ré-
ponse à l'adresse qui leur a été votée dans une précédente réunion.
L'assemblée vote par acclamation des remercîments aux signa-
taires (le cetle lettre cl à leurs camarades.
Le citoyen Benoît, délégué de Paris, prend la parole pour féli-
citer les ouvriers de Limoges de leur courageuse initiative, puis il
lit une adresse des ouvriers parisiens à leurs camarades de
Limoges. Des remercîments sont de nouveau vulés par acclama-
tion.
Le citoyen Minet, délégué de Paris, remercie l'assemblée des
témoignages de sympathie qu'elle lui témoigne, ainsi qu'à son ami
lîenoit. 11 l'ail l'historique dos progrés de l'idée sociale pondant les
dernières années qui viennent de s'écouler, exjjose avec beaucoup
rie précision et de clai-té le rôle joué en 1867 par les délégués ou-
vriers à l'exposition de Paris et entre dans les détails les plus
minutieux sur les conditions que doivent remplir les statuts de
chambres syndicales pour faire des associations prospères. Il fait
ensuite ressortir le danger des grèves imprudentes entreprises
légèrement et sans les moyens suflisants i)Our les soutenir avec
succès : « Les grèves, dit-il, ne sont qu'un moyen transitoire, et
les chambres syndicales sont bien moins faites pour venir à l'aide
des grèves, que pour combattre l'influence écrasante qu'exerce le
capital sui- le travail, et la domination du patron riche sur le petit
patron et l'ouvrier. » Il termine par une apologie de Lanicnnais.
Les ajtplauilisseinents n'dul cessé d'inlcrroinpre ce discours net,
I':T l.K JACOBINISME. 405
précis et parfaitement à la porirn des audileurs, auxquels le citoyen
Minet sait admirablement exposer et faire comprendre les questions
les plus difficiles.
Le citoyen Thabar monte à la tribune : « N'ayez plus peur, dit-il,
les temps sont passés ; relevez la tête, car la crainte a toujours
porté atteinte à nos intérêts : aujourd'hui, le progrès nous donne
des moyens de salut, usons-en et faisons voir au monde entier que
nous sommes les dignes fils de la première Révolution. » (Applau-
dissements.)
Le citoyen Robert remercie les délégués de Paris des bonnes et
fraternelles paroles qu'ils viennent de faire entendre aux ouvriers
de Limoges.
« Des espints malveillants i)rétendaient que nous étions plutôt
disposés à montrer nos poings à nos frères de Paris qu'à partager
leurs idées, que ces estimables diffamateurs sachent bien qn'à ces
braves et courageux Parisiens nous ne pouvons tendre que des
mains amies, »
Il rappelle les difficultés que les syndics provisoires ont eu à
vaincre pour arriver au but qu'ils viennent d'atteindre si hcureu-
,sement en se lançant avec courage dans le mouvement social qui
agite en ce moment toute l'Europe. « Oui, ajoute-t-il, les appels à
« l'union et à la concorde que nous faisons chaque jour à nos ca-
« marades seront entendus; les indifférents viendront à nous,
« nous réchaufferons les tièdes et nous calmerons les ardents, car il
« ne faut pas plus s'arrêter dans la voie 'où nous entrons que s'y
« lancer à corps perdu au risque de s'y égarer. Nous aurons besoin
H d'une constance à toute épreuve, d'une calme énergie, si nous
« voulons arriver à nos Ans ; ce n'est qu'après plusieurs années,
« peut-être, que nos syndicats pourront fonctionner avec l'assu-
tt rance que donne une situation solide.
« A l'œuvre donc et courage ! défrichons cette teri'e promise qui
« s'étale devant nous et l'égalité fera sa gerbe.
« A. VERDURE. «
{Marseillaise, 23 avril l.';70.)
PIÈCE p.
PROTESTATIOîV DE L.\ SECTION STÉPHAXOISE CONTRE LES AGISSEMENTS
DE CERTAINS INTERNATIONAUX LYONNAIS.
« Saint-Élienne, décembre 1869.
« Citoyens !
« L'année dernière, nous étant réunis un groupe de quinze citoyens
qui voulaient faire partie de l'Association internationale des tra-
U)lî l.'INTKnNATIONALF.
vailleurs, nous iiominAmt^s un (lfiI('j,Miô, (jui fui lo «'iloyen (îornnl,
pour aller à Lynu prendre dos rpnseij;nemcnts sur «'('Ile associa-
tion. N'ayant que l'adresse du sieur Scliellcl, noiro dôlcjçuo fui le
trouver, mais il n'était pas chez lui ot l'on renvoya notre délégm-
Mux sieurs Carnal ot Blano, (pii lui déclarèrent que l'Assoniation in-
loriialioniilo n'oxisluit plus ot que c'était la Société coopérative de
consommation des travailleurs en participation qui l'avait rem-
placée. Notre déléfçué, n'ayant pas d'autre renseignements, prit
seize carnets do cette doniiéro société à 1 fr. 125., qu'il nous appor-
ta à Saint-Etienne et qui furent distribués plus tard.
a Ayant ensuite un nombre plus considérable d'adhérents, nous
fîmes venir soixante carnets de plus, et nous invitâmes les ci-
toyens de Lyon à venir nous organiseï- on assemblée générale.
« Sachant qu'ils devaient soixante fi-aucs à la section de Vienne
(Isère) et que leur caisse n'était pas riche, nous leur payAmes les
frais de voyage d'un délégué.
« Les sieurs Carnal et Hlano furent désignés pour venir. Arrivés
dans notre Assemblée, ils nous parlèrent de la production de notre
travail, et de capitaliser cl de formel- des groupes pour renversei-
le capitaliste ; ils nous dirent que les carnets n'étaient que pour,
nous couvrir de la police, qui pourrait intervenir contre l'Associa-
tion internationale. Puis ils nous promirent de nous mettre en rap-
port avec toutes les sections. Après leurs beaux discours, nous le-
vâmes la séance, nous passâmes une partie de la joiu'uée et de la
nuit ensemble, et le lendemain nous leur donnâmes l'argent ries
carnets et du voyage. Après quoi ils partirent pour Vienne payer la
dette qu'ils y avaient contractée. Qu'ils sachent bien qu'ils ont payé
Vienne avec notre argent, mais qu'ils nous le doivent à nous, car
nous ne leur donnons pas quittance. Ce ne fut pas tout, cai-
plus tard nous leur payâmes vingt autres carnets à 25 centimes.
« Ayant ainsi livré tous nos fonds aux sieurs ('arnal et Hlane, nous
trouvant sans ressources par suite des manœuvres de ces intri-
gants, les livrets furent vendus à 1 fr. 50, afin de nous recréer des
fonds pour acheter une paii-e de balances. Après avoir invité les so-
ciétaires à verser de nouveaux fonds, nous commençâmes notre
triste métier fl'épieiers en participation, vrai métier de charlatan
— en attendant les correspondances de l'Association internatio-
nale.
« .\prcs trois ou quatre mois d'attente inutile, notre correspondant
fut envoyé à Lyon pour chercher des nouvelles.
'c Pour toute nouvelle il no.is apporta une grosse correspondance
d'une traite do "iSb francs en huile et pétrole, une boîte de boules
de bleu et un panier de figues. Voilà ce que les sieurs Carnal,
Blanc et Compagnie appellent correspondance internationale et af-
franchissement des travailleurs : c'est ce que nous appelons l'af-
ET LE JACOBINISME. 407
franchissement de 80 et quelques francs, et nous sommes vraiment
honteux de rexccs do confiance qui nous a fait prêter le liane à de
pareils abus.
Nous cinq, membres de la commission de la Société des travail-
leurs en participation, ainsi que tous les soussignés, nous protes-
tons contre les sieurs Garnal et Blanc et leurs acolytes. Nous dé-
clarons qu'ils sont venus nous organiser l'année dernièi'e au nom
de l'Association inteinaationale, à laquelle ils n'appartenaient pas,
et qu'ils disaient ne plus exister que par leur société mercantile,
ce qui était un infâme mensonge.
Ils se sont couverts du drapeau socialiste, pour venir nous trom-
per, nous exploiter et calomnier les vrais socialistes auprès de
nous, fils de 1789, qui voulons, comme ceux qui tombèrent au pied
de la Bastille et dans les journées de juin 1848, reconquérir nos
droits sociaux et politiques, et qui combattons pour l'affranchisse-
ment de tous les travailleurs et le renversement de tous les exploi-
teurs.
Ainsi donc, vous, les sieurs Carnal et compagnie, vous n'êtes
que des trompeurs ; vous avez brisé notre travail, vous avez pro-
fité de notre confiance pour nous égarer, vous avez mis la division
dans nos rangs, emporté notre argent, et empêché le développe-
ment du socialisme à St-Étienne.
Un an plus tard, la vérité nous rallie avec honneur autour du
drapeau du socialisme révolutionnaire international. Nous rele-
vons bien haut ce que vous aviez mis bien bas. Nous reprenons ce
que vous aviez enlevé, nos vraies couleurs de vrais socialistes.
Vous osez traiter d'intrigants et d'escroqueurs les citoyens qui
sont venus nous apporter les insignes de vérité ; ceux-là sont des
frères pour nous; ils ne nous ont pas trompés, mais il vous ont
arraché le masque noir qvie vous portez et nous avons vu que vous
n'étiez que des gens corrompus, hypocrites et dignes de mépris.
Vous dites que vous avez tenu à Lyon une assemblée dans laquelle
il y avait trois cents citoyens de Neuville, et devant laquelle le
citoyen Martin, qui présentait notre protestation, a été hué. Nous
pi^enons fait et cause pour ce digne citoyen. Nous "disons que vous
avez menti en affirmant que vous aviez une autre lettre de nous qui
démentait notre protestation.
Nous vous connaissons ; trois cents citoyens ne seraient pas
venus faire quatre lieues pour écouter vos ignobles calomnies.
Vous dites que nous ne sommes pas des citoyens parce que nous
avons faitune ^protestation bien légère. Nous avons été trop honnêtes
pour nous servir des paroles injurieuses et odieuses dont vous avez
la bouche pleine. Vous vous faites nos juges. Nous n'entendons pas
être jugés par des hommes comme vous. Sachez que c'est nous qui
sommes vos juges. Si vous avez du cœur, venez à St-Etienne, et
408 I.'INTKKNATIONA M".
nous nous chnrgeous do vous rôpondic. Dites-nous quand vous
viendrez, et nous vous attendruns. Vous nous avez pris pour des
ignorants de la pire espèce ; sachez qu'il y avait parmi nous des
hommes «mi <*<)n)prennent l'union sctcinlc des traviùllcurs.
Nos fi'ères de Lyon et nous, nous vous avons r/inssrs de nos
nuifjs '. Maiiifenanf tous nos iVùres de fous les pays sauront que
vous ùlos comme le chardon : malheur à qui vous touche.
Pour nous, socialistes révolutionnaires, nous poursuivons noire
u'uvro malgré tout, et rien ne pourra ])lus nous diviser.
Vous, frères de Lyon, qui êtes placés sous le vrai drapeau
de l'Association internationale, et qui résistez depuis si long-
temps aux attaijues de tons nos ennemis, nous vous serrons la
main de tout cœur. Vous avez été, comme nous, mutilés par les
calomniateurs. Vous avez été en butte aux attaques incessantes
lie la démocratie bourgeoise et des partis politiques qui veulent
exidoiler les travailleurs. On vous a méprisés, bafoués; mais re-
doublez de courage, serrez vos rangs, restez toujoni-s les énergiques
défenseurs de nos ilroits ; unis, nous n'aurons rien à craindre et
nous saurons nous préserver des intrigants et des ambitieux de
toute espèce qui nous entourent.
Vive l'Association internationale !
Salut et fraternité.
Signé : DEhX\E; JAYOL; PHILIBEIIT; BARBALLON; PEY-
CELLON; COLLET; VAOllEH; UUiNLY ; RAVEL; SAYNAHU;
CHIBET; GHOl'.EL; COUBBON ; BOUSSIEB ; VIGNAL; HOU-
CHET; BEBGEB; FEHRIOL; BEBOEH; BBEUIL; MIARL);
GR1LI..EÏ; CHENET, membre correspondant -.
PIÈCE /•.
l.A JLSTICi; DE I. INTERNATIONALE.
Jugement rendu en faveur d'Albert Richard.
Le jury d'honneur élu par la seclion cenlrale de (Jenévo juge
dans l'affaire des accusations renouvelées jiar les citoyens Aristiile
1 Les individus iriYnocihlement expulsés des sections lyonnaise et stéphanoiso
pour indife-nite et notuniinent pour avoir calomnié de la manière la plus horrilik- lo
citoyen Albert Kicbard, sont les sieurs iilaiu;, tisseur; Chanoi. tisseur; ScIkIIcI,
uiécaiiicieii; Carnul; Yindry, lemluiier. et Aristide i'.urmier. Ils sont signali's aux
sections non-seuleiiient cmume caltinniialcurs, mais aussi comme traîtres, car ils se
sont faits les sii aires dus liancel, de la franc- maçonnerie, des libres penseurs bour
geois, et autres ennemis du socialisme. (Note du journal If i'ruyris du Lotif, uu
cette! protestation a eti- insérée.)
« Chenet est actuellement détenu n Versailles pour avoir pris part à l'insunv rt,,,n
du IX mars.
!•: T L K J A C 0 H I N I S M E . 409
Cormier et Carnal de Lyon coulre le ciloyeu All)ei't lliehard de la
même ville :
Considérant d'un côté que sa couslilutiou a été rormellement
demandée au comité central de Genève par les citoyens Cormier
et Carnal, qui sont aujourd'hui les principaux accusateurs contre
Richard, et que d'un autre côté sa compétence a été reconnue i)ar
ce dernier;
Considérant que les accusations les plus graves et les plus infa-
mantes ont été portées contre Richard devant l'Association interna-
tionale de Genève par Cormier, tant verbalement que par écrit, et
par Carnal, seulement par écrit, et que ces accusations avaient pour
but ostensible de faire passer Richard, tant devant le comité cen-
tral que devant tous les membres de l'Internationale de Genève,
pour uu traître avec lequel cette association doit rompre toute rela-
tion et correspondance ;
Ayant pris connaisance des protestations (jui lui sont parvenues
de la part des citoyens Carnal et Blanc, qui ne veulent plus recon-
naître la compétence de ce jury, dont ils avaient eux-mêmes solli-
cité la formation par l'organe d'Aristide Cormier, passe outre ces
protestations dénuées de tout fondement et de toute justice, et se
déclare entièrement compétent pour prononcer son jugement défi-
nitif dans cette affaire.
En conséquence de quoi :
Considérant que la principale accusation contre Richard avait déjà
été portée, au nom des mêmes accusateurs, par le citoyen Schettel
de Lyon, devant le congrès de Lausanne, en septembre 1867, que
ce congrès a fait juger cette affaire par un jury d'iionneur élu dans
son sein, et que ce jury a déclaré à l'unanimité Albert Richard non
coupable ;
Considérant que les accusateurs de Richard, sans aucun égai'd
pour le jugement prononcé, et sans apporter la moindre preuve
nouvelle contre Richard ont continué de l'accuser, c'est-à-dire de
le désigner et de le calomnier partout où il existe une section de
l'Association internationale, à Paris, à Londres, à Bruxelles et à
Genève ; et qu'ils se sont efforcés de le représenter partout, avec un
acharnement incx'oyable, comme traître, comme espion, comme
escroc, comme affdié des jésuites et comme un homme vendu à la
bourgeoisie ;
Que lorsque nous leur avons demandé des preuves à l'appui de
toutes ces accusations, ils n'ont été en état d'en fournir aucune, et
se sont contentés de nous envoyer une seule pièce : la copie d'une
lettre d'un certain Grinand de Lyon au citoyen Carnal, contresignée
par ce dernier, et dans laquelle Grinand rapporte faussement à
Carnal des paroles qu'il dit avoir entendues de la bouche du
/iio i.'inti;h\ati()na lk
citoyon K. Dupont, membre «lu conseil ^'-n*'''"' •'<* Londres, eu
se|>li'mliro IXIJS, a IJruM'Iles ;
Kt que In citoyen K. Diipont, <lonl la v«^rncilé et le hnul senli-
ment do justice ne snurniont èlro mis en question par personne,
iléelnre. pnr iino lettre <[u'il a l)ien voulu nous ndrosHer. qu'il n'a
prononcé nucune des paroles ou accusations ronti'c Richard qui
lui ont cfé nttriliiu'cs par (Irinand ;
Ayant pris connaissance des explications jinrfailement satisfai-
santes qu'Albert lUihard nous a données par écrit et de licancoup
d'autres lémoi{çnages qiii nous sont arrivés tant do Neuville que de
T.yon ;
Nous, membres du jury d'hnnnciir, réunis en séance dans le
cercle de l'Associalion internationale de Genève, le 'J juin \HC\9, sur
noire honneur et conscience déclarons à l'unanimité :
Que les accusations portées contre le citoyen Albert Richard sont
absolument fausses et calomnieuses;
Qu'elles ont été évidemment dictées par la jalousie et par l'in-
lri{!fue;
(Ju'Albert Richai-d, p\n' de Ions les crimes et délits qu'on lui a
imputés, a toujours servi fidèlement et avec autant d'intelligence
que de zèle la cause des travailleurs et qu'il a toujours mérité la
sympathie, la conliance et l'estime de tous les compa.q-nonsdc notre
:;i aiule Association internationale ;
Enfin, que dans l'intérêt même <le la sainte cause de l'émancipa-
(iondu travail et des travailleurs, les ouvriers doivent prendre bien
tjarde de ne point s'accuser légèrement, en se dénigrant les uns les
.lutres, et de ne point servir par là-même, contre cette même cause,
d'instrument à la réaction bourgeoise.
M. BAKOUNINE; PUTHON ; M. MONCIIAI. ; P. W.EHPY;
F. PAILLARD '.
PIÈCE N.
DOCUMENTS nEl.ATlFS AUX FKnKHATIONS KSPAONOI.F.S.
Barcetono, 31 mars IS70.
Compagnon président du congrès romand,
Sachant que le congres romand réuni à la Chaux-de-Fonds,
auquel la chambre ledéi-alc de Barcelone souhaite le plus hiillanl
i Nous avons dc'-jàfait connaîtro {l.'liiternalinnolf. Anne.rf.<i. l'ii-ce Ti qu'un jugement
iivail été TMiidu dans cetU- iiu-ine afraii u par Iq conseil goni'-ral de Londre^^.
ET LE JACOBINIBME. 411
succès, onfre les questions locales traitera des questions générales
ou de principe, nous ci'oyons convenable et esi)érous que vous ne
(rouverez pas mauvais que nous constations l'opinion de la niajo-
ri(é des ouvriers fédérés chez nous sur ces questions.
Sur l'oi'ganisation ou la fédération des caisses de résistance,
nous sommes complètement d'accord avec les résolutions du con-
grès de Bâle qu'il faut mettre en pratique le plus tôt possible. En
attendant la solidarité entre toutes les sociétés du même métier,
nous cherchons à établir la solidarité entre les différentes sociétés
de la même localité.
Quant à la coopération, nous sommes aussi d'avis qu'elle doit se
faire solidairement entre toutes les sociétés différentes de la même
localité, et que pour le moment elle doit se borner aux industi-ies
qui ne laissent pas de doute sur le bon résultat assuré par la seule
consommation des ouvriers intéressés.
Relativement à l'attitude des ouvriers vis-à-vis des gouverne-
ments, nous sommes heureux de pouvoir constater que les ouvriers
d'Espagne se convainquent de plus eu plus qu'ils n'ont absolument
rien à attendre de leur participation dans les affaires d'État, que
tolit le temps et tous les efforts consacrés à leur procurer une amélio-
ration par ce chemin, non-seulement sont pitoyablement perdus, mais
au contraire sont positivement nuisibles, parce que de telles tenta-
tives ne sont que trop susceptibles d'égarer un grand nombre de nos
compagnons de misère, comme nous le voyons à notre grand regret
en France, en Angleterre, en Allemagne et dans la partie allemande
de la Suisse, Inutile de dire que nous félicitons la fédération
ropaande pour son radicalisme socialiste si bien représenté par le
Procfvès. Aussi croyons-nous que les sections romandes ne seront
pas disposées à transiger avec les socialistes bourgeois, et qu'elles
sont convaincues que si les ouvriers ont à espérer leur émancipation
de leurs propres efforts, ils ne doivent pas gaspiller leurs forces
en tâchant d'arracher les privilèges aux bourgeois morceau par
morceau.
Au nom des ouvriers d'Espagne conscients du but de leurs efforts
et en train de célébrer un congrès eux-mêmes, nous présentons
\v au congrès romand nos salutations les plus coi^diales et les plus
fraternelles.
G. SENTINON, délégué au congrès de Bàle ; RAFAËL; FARGA;
PELLICER, secrétaire de la chambre fédérale des sociétés
ouvrières de Barcelone, et délégué au congrès de Bâle.
41? I.'INTF.MNATIONALK
II
Au riloyrn Vnrlin.
« Barcelont', 10 avril 1870.
Mou cluT ami.
• C'est avec lo plus j,'ran(l plaisir que j'observe quelle jiart active
vous prenez dans l'organisation des sociélés ouvrières sur toute la
PVance. Vous voilà dans le beau chemin, le seul qui conduit droit
an but. Tout le temps et tous les efforts voués à d'autres choses
non-seulement sont perdus, mais directement nuisibles. C'est avec
regi-ot, ;ivec douleur que je vois tant d'hommes sincères s'occuper
à combatlie le youvernemi-ut ou tel autre mal particulier, au lieu
de viser directement à l'ensemble des questions à résoudre. Si
les peuples de race germanique s'occupent de détails et perdent
de vue l'ensemble, le vrai but, cela n'a rieu d'étonnanl, mais c'est à
nous autres peuplos de race latine de corriger ce défaut, d'en con-
trebalancer les mauvaise conséquences, et non de nous laisser en-
traîner ilans la même voie des petits moyens, des palliatifs. •
« A quand l'avènement délinitif de la justice? Voilà la question.
Voulez-vous que liberté, égalité, fraternité ne cessent d'être des
paroles vaines et creuses qu'après des siècles?
« Eh bien, alors attaquez les gouvernements monarchiques, éta-
blissez des républiques déplus en plus démocratiques, amassez des
capitaux en épargnant des sous, instruisez-vous de mieux en
mieux, et vous aurez l'iuie après l'autre la liberté, l'égalité et la
fraternité et l'an 3000 la justice sera laite sur la terre. Voilà un
idéal à faire pleurer de satisfaction un philosophe allemand.
« Nous autres, travailleurs espagnols, nous n'avons pas cette pa-
tience séculaire; nous voulons voir la justice établie le plus tôt
possible, en cinq ou dix ans, el pour cela nous marchons droit au but
sans dévier en ne nous occupant d'autre chose que de l'organisa-
tion des sociétés ouvrières. Peu nous importe qu'on donne à l'Es-
pagne un loi ou quel soit ce roi ou un empereur ou un président
de la République ou même une douzaine de ces présidents, nous sa-
vons d'avance que ce seront les mêmes chiens avec ditïérvnts col-
liers. Le gouvernement le plus tyiannique ne nous pourra pas
empêcher deserrer nos rangs sous tel ou toi autre nom, de jeter
des bases solides pour l'édifice futur, et ajtrès (|uelques années,
un beau jour rKs])agne s'éveillera libre de tout gouvernement,
libre de toute iniscrc, libre de tout parasite, contenue seulement par
les liens élastique de la fraternité.
♦ Tous les ouvriers Espagnols ne sont pas encore bien pénétrés
ET LK JACOiîlMSME, 413
de cette conviction et vous voyez une ^^rande partie d'entre eux
accourir aux clubs politiques et en général s'occuper trop sérieuse-
ment de certaines améliorations partielles. Ainsi, la semaine passée,
la question de la conscription a failli produire une révolution dans
notre ville ; heureusement la pluie est venue refroidir les tèies
échauffées. La ville de Gracia, située environ à quatre kiloniùtres
au nord-ouest de Barcelone, et qui compte plus de 8,000 habitants,
avait résolu de ne faire la conscription sous aucune condition. Celait
se soulever contre les Cortès et par conséquent extrêmement illégal.
On fit des barricades excellentes, et le gouvernement civil et mili-
taire, par des affiches menaçantes qui trahissaient la peur qu'il avait,
sut entraîner Barcelone dans le mouvement. Dans la nuit de lundi
à mardi, on érigea plus de cent barricades dans la ville, et mardi
et mercredi il y eut des coups de canon et de fusil dans les deux
villes, malgré la pluie de ce dernier jour ; mais tandis que les ha-
bitants de Gracia déclaraient qu'ils voulaient ou vaincre ou mourir,
les Barcelonais s'étaient déjà lassés. Le bombardement de Gracia
dura avec quelques interruptions jusqu'à samedi'; quand les troupes
entrèrent dans la ville sans trouver la moindre résistance, il n'y
avait absolument personne dans les rues, on s'était retiré dans les
montagnes, voyant qu'il n'y avait rien à espérer de la participa-
tion de Barcelone. Pour discréditer ce mouvement, on disait que
c'était une tentative carliste, mais le gouvernement était d'autre
opinion, car depuis le premier jour il supprima les deux journaux
républicains el Estado Catalan et la Raaoïi, et comme ce dernier
reparut le lendemain sous le nom de la Chelon, on vint s'emparer
des imprimeurs et des rédacteurs qu'on put trouver. Pour donner
plus d'importance atout cela et pour cacher la grande peur qu'on
avait éprouvée, on fit un bon nombre de prisonniers en empoi-
gnant à tort et à travers.
« Sùjné : SENTINON. »
PIEGE t.
DOCUMENTS RELATIFS AU CREUZOT.
Vf Le Creuzot, le 12 avril 1870.
« Compagnon Yarlin,
«■ La section de l'Internationale du Creuzot est en voie de forma-
tion : nous sommes aidés par le citoyen Malon qui, dans une réu-
nion privée que nous avons eue, a complélemeut terminé ce que nous
.\i\ L'lNTi;i{NATlnNALK
avions si bien commencé. Les principes .socialistes sont implantés
ici niuintcnanl.
a Salut cl fratornilé.
a Shjnô ; DU MAY «.
.. Le Creuïtit, 12 avril 1870.
>' Mon bien cher ami, l{ichurd,
« Je l'envoie une fraternelle poijj'ncu de main et le prie de faire buii
accueil à J.- M. Vrriinml, mcmiire de rinlernulionale, mon bon ami,
l'ami de Varlin, une victime de ce Schneider dont les pratiques te
soift connues. Veuille le présenter aux internationaux de Lyon cl
lui accorder ton amitié, il en est digne. C'est un des plus tenaces ré-
voltés crcuzolins du 19 janvier, en un mot il est des nôtres et la fra-
ternité internationale doit le couvrir.
« Fais des compliments pour moi aux socialistes lyonnais pour
toutes les belles choses qu'ils font, présente mes sympathies à tes
parents, à madame Barbet. Jeté serre bien rralcrnclleiueul la main
et je t'aime de tout mon coeur.
« Ton fivre et vieil ami.
« Sifjné : U. M.-VLU.N.
a En ce moment au Creuzot, chez Gafflol, yi, rue de Chalon-. »
« Le Cieuzol, 18 avril 1870.
« Citoyen,
a La grève est à peu près terminée sans que Schneider ait fait au-
cune concession. Les proscriptions sont à l'ordre du jour et la mi-
sère en est le grand résultat, bien entendu, et les secours arrivent
bien à propos.
w Nous vous remercions au nom des victimes, et nous vous enga-
1 Au mois (Je scploiubre isTO le cituyi-ii Uuiiiuy a ôtu iiuniiiii; maire du Crouzol
par arrêté du préfet de Suone-Ct-Loiro, Frédéric Morin Lo 26 inar.s luT), il a pro-
rlamé la commune au Creuzot; il vieul d'Être coudamué par conlumaie à la der-
nière sessiou de la cour d'assises de Saôue-eULoiro à la poino dos travaux forcés
il perpétuité.
2 Gaffiot, devenu agent de police sous la répubUquu, a oto renvoyé, au mois de
septembre 18"1, devant la cour dassise.»' dt; Saône-el-Loire pour avoir pris part aux
trouilles du Creuxot, et h elé condamné par conlumace à la peine do la déportation
dans une enceinte fortifiée.
ET LE .) ACOHINISME. 41b
geons à faire part de notre i-econnaissauce aux braves ouvriers
qui ont si bien compris les grands principes du socialisme.
u Le comité: ALÉMANUS; TESTAR ; POIGNOT; SUPPLICY ;
DUMAS; GOFFIER.
« P.-S. Le citoyen Malon, correspondant de la Marseillaise, a
organisé ce comité. »
[Peuple de Marseille, 20 avril 1870.)
PIÈGE u.
t DOCUMENTS GÉNÉRAUX SUH l'iNTEKNATIONALE.
I
« Il y a cinq ans qu'elle vit, et sa puissance est déjà devenue si
formidable que les gouvernements comptent avec elle. Elle a dit
en dépliant ses anneaux dans tous les pays :
K Travailleurs malheureux, donnez-vous la main sur la base du
travail ligué contre l'oppi-ession des capitalistes; ensuite nous
organiserons nos forces, nous tracerons notre programme et nous
discuterons nos idées. »
« Cinq années de vie seulement, et la bourgeoisie est si profondé-
ment ébranlée dans tous les pays, que partout elle réunit ses baïon-
nettes, partout elle cherche à organiser le massacre des tra-
vailleui's, partout enfin elle a peur, mais elle résiste.
« Et nous, pourrons-nous résister ?
« Si non, il faut nous dissoudre.
« Si oui, il faut rendre notre organisation formidable, donner ba-
taille à la boui'geoisie, et en triompher. »
.Discours prononcé par Michel Bakounine au meeting
tenu sur le Crèl du Locle, le 30 mai 1869.)
II
« A l'apparition des premiers préludes de la transformation
sociale, la boui'geoisie stupéfaite s'ai-rache à son ivresse; un cri
de justice est venu troubler son orgie séculaire ; mais elle aura
beau faire, sa condamnation est gravée sur la muraille,
« Des aujourd'hui, le gant est jeté : les travailleurs ont arboré
leur drapeau. A l'époque de misère et de dégradation a succédé
l'époque du réveil et dU combat. Nous sommes descendus dans
l'arène et nous y resterons ou nous on sortirons libres et
vainqueurs
41(i L'IMKHN A IlON ALI,
• A la faveur des immenses progrès moraux et inalcricis nouvel-
lement réalisés, la bourgeoisie, délivrée de l'oppression cléricale,
est devenue à son tour la classe exploitante. La société europccnne
du dix-ncuvionie siècle n'a jdus d'esclaves, il est vrai; mais clic
a des prolétaires. Qu'est-ce «juo le prolétariat, sinon cet esclavage
hypocrite, cet esclavage civilisé à l'aide duquel les bourgeois ex-
ploitent les ouvriers?... Nous voulons à tout prix en finir avec
cello bourgeoisie, qui, froide et insensible au milieu des crises
sociales les plus tcriihles, est vraiment l'apothéose de l'égoïsmo et
la honte de notre civilisation... .Nous, travailleurs, qui pioduisons
la richesse sociale, nous ne pouvons i-ien par nous-mêmes.
« Avons-nous besoin d'une bonne loi, implorons les monarques
et ceux qui les entourent; avons-nous besoin de protection, implo-
rons les cafards; avons-nous besoin de travail, implorons les
bourgeois. Implorer, implorer sans cesse, s'humilier, se dégrader,
souffrir, voilà, sous le régime de la force, la destinée des tra-
vailleurs.
« Des grâces du bon liicu, nous n'en voulons plus, des consola-
« tiens des prêtres, nous n'en voulons plus, de la pitié des bour-
^ geois, nous n'en voulons plus: ce que nous voulons, c'est la grande
>i révolution des truvaillenrs, la seule qui nous donnera la lUjerté,
• parce (itrelle seule peut faire éclore dans ce vieux monde malade
' et gangrené la paix sociale et la fi aternité. »
(E\ Irait d'un discours prononcé par un nieniljre de
la section de Lyon. Année 1870.1
« Une puissance nouvelle, année d'un droit nouveau, a surgi, et
cette puissance qui se pose en face des exploiteurs et des tyrans
comme le spectre des générations éteintes dans les fers de l'escla-
vage, comme l'incarnation vivante de la justice j)opulaire, c'est
l'Internationale. »
(Progrès du Locl>\ — mai 1S70.)
« Dès le quatorzième siècle, le réveil social eut lieu en F'rancc
mais ce n'est ni le roi, ui les princes, ni les savants, ni les prêtres
d'alors i\\i\ l'ont provoqué.
« Les rois et les princes de cette époque étaient comme ceux
d'aujourd'hui, des individus très-insignitiants, qui n'avaient d'autres
soucis que de boire, de manger, de chasser, de danser et de mener
une vie que, par respect pour vous, je m'abstiens de qualifier...
Leurs royaumes n'étaient pas des sociétés humaines, mais de sim-
ples abattoirs...
u La révolution de l.SiS qui ne fut que i)oliliquc, parce que l'idée
socialiste ne la dominait pas, parce que les instincts populaires
n'étaient pas encore nettement définis, la révolution de ISiH vint
K r Li: JACOIIINIBMK. r^^^
st; l>i-is('i- lonire l'éeueil de Juin ; reniprisonueineat de Blanqui, de
Marbés el de Haspail lut l'acte de déchéance de la l)onrgeoisie
pépuhlirainc
« .fusqu'à iH'ésout toutes les lois n'ont (Mi d'autre })ut que de pro-
téger les exploiteurs eonti'c les exploités, ou si l'on préfère, d'em-
pêcher les travailleurs de reprendre par la violence ce que l'on
leur avait pris par la ruse
• Jules Favre disait dans son discourssnr les droits civiques que
la politique, plus que toute autre chose, influait sur la marche des
sociétés et sur le développement de leur organisme intérieur. Baneel
et les autres disent à peu près la même chose ; eh bien, nous disons
le coiilraire. Ce n'est pas la politique qui influe sur les sociétés,
c'est la société qui influe sur la politique; c'est ce (juise passe dans
les régions productives du travail et du capital qui influe sur ce qui
se passe dans les régious iu/ectes de 1h politique.
Il Aujourd'hui l'on s'aperçoit que la politique est impuissante à
réformer la société: les travailleurs ont fait un retour sur eux-
mêmes ; ils ont vu quelle immense force résidait en eux, et ils ont
enfin songé à faire leurs affaires eux-mêmes : ce ne sont plus seu-
lement des droits politiques que les travailleurs réclament, ce sont
aussi et surtout des droits sociaux. »
(Discours piùiionc6 par Richard à la réunion générale,
tenue, le 13 mars 1S70, par la fédération lyonnaise,
salle de la Rotonde. 1
(1 Le jour où les sociétés ouvrières seront organisées dans tous
les pays et reliées par l'Association internationale, la classe bour-
geoise disparaîtra et la puissance sociale appartiendra alors aux
h'avail leurs. «
(Extrait d'une lettre d'Eugène Dupont :in\. tiron^ier;
de Lyon, juillet iS69.\
III
ASSOCIATIOX INTERNATIONALE DES TRAVAILI.F.l'RS.
Adresse aux électeurs de France.
u. Citoyens électeurs,
a En présence du grand événement qui se prépare eu France, les
élections, l'Association internationale des travailleurs, branche fran-
çaise, section fédérale, à Londres, croit devoir vous faire entendie
sa voix.
'■ Elle se pose ces deux questions :
<i 1° T)oil-on ou ne doit-on pas voter '?
27
Ils I. INTKlîNATIONALK
• 'i" l'.omnionl fiinl-il voler?
« .V la proiniiTC, nnus rcjjondrous :
■< Voler, c'est faire acte poliliquc, aflirincr votre ilroil et vnîie
souveraineté.
« C'est sanctionner l'occnijalion constante tic Home, rcxpéililiou
du Moxiriuc, les f^norres eonlinuelles, l'impùt ilu sanj,', les arresta-
tions partielles ou en niasse, les cinpi'unts successifs, l'appauvris-
semcnt de la Krancc, raufjmcntation de la dette, la légitiniilc du
2 Décembre, ou c'est flétrir et désapprouvei" souverainement de jia-
reils actes.
" No pas voter, c'est renier votre souveraineté, c'est laisser se
consommer l'œuvre de deslruction, sans que votre bullelin proti'ste
on indique la marclic à suivre, c'est faire abandon du peu de liberté
i[ui vous reste, c'est préparer l'esclavage de vos enfants, c'est faire
preuve d'ignorance sur l'iiistiuction. c'csl rciiicr vos ocres de ??,
et leur grande œuvre.
« Ku effet, ils doiveni se ■.n-c, sou.^ ic iii;r.r,c;n; l'ivi'pr- nu Ic^
couvre de gloire : Honte à nos fils !
« Honte à nous d'avoir produit de jiareils rejetons 1
« L'absLcntiou est d'ailleurs un crime en matière politique.
X Examinons froidement la seconde question.
« Les députés sortants ont-ils fait leur devoir?
« Non! la majorité, d'ailleurs, ne représentait pas la souvorainele
du peuple.
« La minorité qui le représentait l'a-t-elle l'ail?
'( Non. Pourrait-elle mieux faire? Oui, en protcslnnl énergique-
ment contre l'autorité du pouvoir exéci;tif, q>ii csl la négation de la
souveraineté du peuple.
« Ceux que vous êtes appelés à élire devront donc, en face d'un
pouvoir personnel, revendiquer par tous les moyens les droits im-
prescriptibles du peuple français.
Il Pinrdo : lutter, c'est ton devoir!
S;dut fra'crncl.
" .\i\ nom de la branche française réunie on séance ex-
traordinaire.
« Lcscci'ùtn. ve : MONTHUS ;
" La président : C. BESSOX.- b
{La Cigale, 23 mai IS70.
IV
« Citoyen Varlin,
'( Un journal fondé à Vienne (Autriche), destiné à la défense de>
intérêts etd-^s droits ^-^ li i^lassc ouvricre m'a demandé \me cor-
KT LE JACOBINISME. UQ
respondaucc sur le mouvement, le progrès, les lendanees et les es-
pérances des sociétés ouvrières de France et de Paris en particulier.
« J'ai cru qu'il appartenait à la fédération de prendre elle-même
on main la direction d'une telle entreprise et j'ai décliné l'honneur
(jui m'était fait, pensant qu'un pareil travail serait mieux fait par
les délégués des ouvriers que par une individualité.
<( La devise de l'Association internationale : V omancipation des
fravailleurs doit êiro l'œuvre des travailleurs eux-mêmes, m'a
déterminé à vous faire la proposition suivante :
« 1" Les procès-verbaux ou tout au moins une analyse des discus-
i^ions delà fédération sei-a adressée une fois par semaine au journal
demandeur.
« 2" Les sociétés ouvrières seront en outre invitées h joindre aux
renseignements généi^aux tous les renseignements particuliers
qu'elles jugei'ont utile de faire parvenir h leurs associés d'Autri-
che et d'Allemagne.
« Si vous voulez bien prendre ma proposition en considération,
je demande à être entendu d'abord, et à vous présenter ensuite et
dans le plus bref délai le représentant du journal de Vienne.
« Je prie le citoyen Camelinat de vous faire parvenir la présente.
Il est également chargé de m'adresser votre réponse.
« .\gréez mes salutations fraternelies. »
« CHKMALK, 10, rue Yavin. »
« Mulhouse, (j mars 1870.
« Citoyen Varlin,
« Au commencement de février, j'avais déjà écrit vme lettre pour
vous prier d'avoir la bonté de m'envoyer les statuts et règlements
de l'Association des ouvi'iers de l'Internationale, mais au moment
de la mettre à la poste, j'ai lu dans la Marseillaise votre arresta-
tion ; enfin vous voilà relâché, et je vous fais de nouveau la même
demande.
« La situation de l'ouvrier à ]»Iulhouse est loin d'être brillante :
nous avons des fabricants, des tyrans de la pire espèce, et, mal-
gré toutes les injustices commises tous les jours, l'ouvrier ne sait
trouver le l'emède de tous ces maux.
« Depuis près d'un an, chaque semaine, une fois, je réunis chez
moi une vingtaine de mes confrères des divers établissements de
la ville, imprimeurs, mécaniciens; fdeurs, etc., pour parler un peu
politique. ^Mercredi prochain nous nous i-éunissons pour ouvrir
une souscription pour nos frères du Creuzot. La semaine pro-
chaine j'espère avoir les statuts demandés.
4J() l,"IN 1 Fit NATION M. F.
n N()u> vt'i'j'ons ff (|uo nous pdiiiTinis fiiii'c ici. romlt r .|.-s ili.im-
brcs syndicales, de.
« Nous ;iur(ins heaucuuii do difliraUt-s, nuiis le counij^c uo muis
fera pas défaut, avec le temps el la pcrsévérancf »»ii viendra à l»oul.
a Parler du choiera ici, n'efCvaycntit pas (uni MM. les riiiiitn-
listes, quosi on finrlc ilr l' Intornaliouulc. NalurellonnMil ; «'"esl hicn
clair : jusqu'aujourd'hui ils nul régné en maîtres (système SchutM-
der et compaj^nie) el ils liennenl aulanl à leur loule-iiuissance que
uotro bion-aiiut' l'mpoicur ; et on voudrait leur faii'o opposition ï
mais bigre, on no souffrirait pas cela ! à la porte ! avec ces ciiarn-
(]ncs les amis do l'ordre co/ifiniicionl h trnvinlhr et ;i nous Fain;
qarjncr des tnillions.
• Quoique je n'aie pas à me plaindre de- mes patrons, au con-
traire (je suis imprimeur au rouleau chez les frères Koeehlin),
je ne peux pas voir eommc dans les autres étaldissements on
traite l'ouvrier ! Pour cela donc j'ai formé le plan do commencer la
Campagne contre l'injustice et le capital, avec l'espoir, cher ci-
toyen, comme nous sommes Idon ij,'noranls ici, que vous nous ai-
derez de vos conseils au besoin. Vous ne pouvez pas voiis ima-
giner quelles précautions il faut prendre pour iraguor roiivi-ier, on
o>t si peureux ! la eonlianeo manque partout, parée que dans tous
les coins on croit apercevoir un mouchard. N'importe, nous agi-
rons en secret jusqu'au Jour où une cerluino ^oliiUirilr sera t'tahlir,
et quand même nous arrivei'ons au but.
tt Bcaucoui) de jjersonnes étaient encore bien suri)rises. quand, le
il\ février, nous avons pu réunir une soixantaine de citoyens eoura-
geux, pour un banquet eomménioratif, qu'on ne nous ait pas arrêtés.
« Enfin je vous prierai encore une fois de m'envoyer les statuts
demandés et plus tard je vous rendrai compte de mes efforts.
.Je vous renioicie à l'avance de vos peines.
■ Salut et fraternité,
i' Fuokm; \VE1S>.
me du Houry-, -i. à Mulhnuse (Hiut-Khin)
yi
Adresse do lu section russe à ta rédaction do la .NIaiîsfm i.aisi-,
Geuèv ', Moiitbiillaiit, 8.
Imprimerie lo l.i C'mse du prupl^.
t (Utoycn rédaoteur,
.\ux actes sauva,i;es de la ebalition internationale du ■•apilal ol
lu ehassepot, la solidarité internationale du travail el de l'intelb-
ET LK JACOBINISMK 421
geuce à son tour doit opposer des actes, car le momeat est venu où
In réaftion nous obliire à ne plus nous borner à de simples pa-
roles.
« Sur la lerre de l'exil, aussi hieu que du fond de leur malheu-
reux pays, vos frères russes accompagnent de leurs vœux ardents
votre marche victorieuse vers l'affranchissement social, vers la
liquidation complète de tout cet exécrable ordre de choses actuel.
« Ils ressentent douloureusement les souffrances et les maux tou-
jours croissants dont le 2 Décembre ne cesse de vous accabler,
au moyen de ces mêmes mesures de répression el de persécution
employées par son frère de Saint-Pétersbourg, le bourreau de
Pologne, l'oscamoteur de l'émaneipation des serfs russes, le flagor-
neur des vieilles et funestes tendances panslavistes.
« Gai- c'est bien du plomb et de la prison, de la soMatesque soûlée
et de la magistrature prostituée que se sert l'empire russe — tout
comme l'empire français, — pour écraser le peuple lorsqu'il tente
ces grèves — non organisées encore, mais qui néanmoins éclatent
'le temps à autre, — ces grèves contre l'impôt de plus en plus
énorme, que le peuple ne veut, ne peut et ne doit payer à ses enne-
mis, et contre cet autre impôt — impôt de sang — le recrutement,
qui ne s'opère qu'afui de soutenir l'empire au détriment de tous les
intérêts du peuple.
« La branche russe de rAssocialion internationale s'impose le
devoir d'implanter le drapeau international en Russie, afin que la
propagande internationale et l'organisation des sections de métiers
et de professions réalisent, dans ce pays comme ailleurs, la solida-
rité qui doit unir les efforts de tous les peuples dans leur lutte
«commune pour une vie nouvelle, affranchie fie toutes les chaînes <lu
privilège et de Texploitation.
n Le moment est grave et critique, el nous croyons servir la li-
berté des peuples en travailhml à relier par des liens fraternels
rOrienl ù l'Oceidenl.
« L'Occident a rendu d'immenses services à la cause de l'affran-
chissement international, et la France surlout, depuis bientôt un
siècle, pi'odigue le sang de ses meilleurs fils pour apporter au
monde le règne de l'égalité.
(' Au nom ilu peuple russe, nous ne saurions mieux témoigner
notre reconnaissance à la France révolutionnaire et socialiste,
qu'en travaillant à ce que la transformation sociale — qui, selon
toute probabilité, s'effectuera premièrement en France. — trouve de
Hièine dans le peuple russe un défenseur du nouvel ordre, et vin
ennemi acharné des protecteurs de l'ordre déchu.
« En attendant, les souffrances endurées par les travailleurs re-
quièrent l'aide et le soutien de leurs frères : c'est pourquoi la
première section internationale russe, r'onstiluée à Genève, vous
282 l.'lNTKlx.NATlUNALK
prie de joiuiJiv aux buuscriplious destinées uu\ viclimo t.,-, ^-i, \c>^
son obole IValonielle. sa prcmiùitt colisiUion cxlruurdinairo
(100 francs^
« Nous nous l'crmetloiis do prolitcr dn voire urijano, pour dire à
nos nombreux compatriotes losidaid en France, ipiils pourraient,
mieux qu'ils ne le font, apprécier l'bospitaiité ipu' leur offre lu
France, et que, puisqu'il s'agit d'épaigner la mort à toute une popu-
lation d'bommes, de fommcs cl d'enfants succ(jmbant à la faim, il
serait pour le moins de leur devoir de verser aux hureaux de
la Marseillaise leur pai-t de cotisation.
'. Salul et fraternité.
« Pour le comité de la section russe,
" Le secvctuirc : \. TROUSSOFF.
{lut. 8 mai lS70.i
MI
DÉCISIONS UUCONSKU. GKNÉRA.L UELATIVKMIiNT A LA KKDKRATIOX IlOMANDE
Le conseil çiéih'n'al un comilr fédéral romand.
■ Londres, le 29 juin 1870.
« Considérant :
« Que, quoiqu'une majorité de délégués au congrès de la Cbaux-
de-Fonds ait nommé un nouveau comité fédéral romand , cette
majorité n'était que nominale;
« Que le comité fédéral romand, à Gcnôvc, ayant toujours rempli
ses ol)ligations envers le conseil général et envers l'Association
internationale des Iravaillcuis, et s'étant toujours conformé aux
statuts de l'Association, le conseil général n'a pas le droit de lui
enlever son titre;
« Le conseil général, dans son assemblée du 28 juin 18"0, a una-
nimement résolu , que le comité fédéral romand, siégeant à Ge-
nève, conserverait son titre, et que le comité fédéral, siégeant à la
Chaux-de-Fonds, adopterait tel autre titre local qu'il lui plairait
d'adopter,
(1 Au nom et par ordre du conseil général de l'Association
internationale des travailleurs,
. II. JUNG,
" Secrélairc pour In Suisse. «
ET LE JACOBINISME. 423
VIII
r.KGLEMENT OÉiNÉnAL DES GREVES.
Article l«^ — Toute section faisant partie de la fédération, ou
qui désire en faire partie, doit avoir une caisse de résistance, dont
chaque membre do la section doit faire partie.
Art. 2. — Cette caisse est alimentée par une cotisation obligatoire
de 25 centimes par membre et par mois.
Art. 3. — Les caisses de résistance sont particulières, c'est-à-dire
qce chaque section (ou groupe de sections) gère la sienne.
Art. 4. — Chaque section (ou fédération de sections) formera un
bureau spécial de résistance.
Art. 5. — Aucune section ne doit se décider à faire ia grève
que dans les conditions suivantes :
lo Lorsque les patrons voudraient violer une convention libre-
ment consentie par les deux parties ;
2° Lorsqu'ils voudi^aient porter atteinte à la liberté individuelle
des ouvriers et au droit d'association ;
3° Lorsque l'état du marché sera tel que le triomphe sera certain,
ou qu'une augmentation de salaire ou une diminution d'heures de
travail seront reconnues pai^faitement justes et bien fondées.
Art. 6. — Pour qu'une grève soit solidaire pour toutes les sections
d'une localité, il faut qu'elle soit acceptée par les comités respectifs
des caisses de résistance et par le comité central ou cantonal.
Art. 7. — Pour qu'elle soit solidaire pour toutes les sections
romandes, il faut qu'elle soit sanctionnée par le comité fédéral,
qui la soumettra immédiatement au conseil général en demandant
l'appui des sections de tous les pays.
Art. 8. — Lorsqu'une grève aura été proclamée par les comités
respectifs, un appel de fonds sera fait ; à ce premier appel chaque
secxion ou caisse fédérative de résistance ne s'engagera que pour
le tiers de ce qu'elle doit posséder, c'est-à-dire, sur les fonds des-
tinés à la caisse de résistance, et toujours à titre de prêt.
A un second appel il en sera fait de même.
bi un troisième appel était nécessaire, une assemblée générale
des sections aurait lieu pour prendre une décision.
Art. 9. — Les souscriptions, à moins de cas excessivement graves
et reconnus comme tels par les comités respectifs et par les as-
semblées générales des sections, sont absolument prohibées.
Art. 10. — Aucune section n'a le droit d'entraîner dans une g rêve
involontaire les autres sections ; toutes les sections ont le droit et
même le devoir de refuser leurs secours à la section qui a com-
mencé la grève sans les avoir consultées.
{Égalilé, mercredi '21 uillel 1870.)
'.fH I ■ I N T F-: R \ A I 1 • ' N M , 1-:
IMKCK V.
^K■^0(.IMIl)^ IMKIINATIONAI.K DKS 1 IIA\ All.LK ,ll<.
hrdrrulinii om ricre lyoïininsi.'.
' «lilnyoïi \juliii,
<• A la noiivollc du Juj^iMiiful il Aiiliui, lii coiniiii^^siuu le Iim.iIc on
\ri>Te lyounnisc n cl'' uiianimr lians la luMiséo de V(M»ir eu ;iide aux
lainilles des onviiers etiipiisouiiés, et sa pi'cmière idéi' a iHô d'as-
surer au\ mallieureusos ri licn)ï(ju(»s virliim's la continuation do
li'ui- salaii-e, pcudanl tout le tonips do leur délention. f'.ela paraissait
à la commission une appliealion immédiate du ijpincipc <le soli-
darité (jui doit unir tous les travailleurs, et lui paraissait i-n outre
iviler cet autre principe dit ilr r/i;ii-i/,('-, si pirconisé parles hour^^'eois
el ipii n'est en délinitivequi' la l'onsécration des inégalités so.-ialos.
• Mais devant cet acte tout spontané de l'adoption par les actions
l-arisiennes de l'Internationale, des familles privées de leur soutien
en vertu d'un ari'ôl qu'elle s'abstient de qualifier, la l'édératiou
lyonnaise n'a pu qu'apphaudii-, et, pour [)articij)er à cette adoption,
Plie a ouvert immédiatement dans son sein une souscription en
faveur des grévistes du Creu/ot, cl des familles des ouvrier>
e:iiprisonnés.
•( Un premier envoi s'élevant à '.''{ francs a été fait hier au citoyen
Hevillol, et toutes les semaine^ un envoi des fonds recueillis pai-
la souse.ripliou sera effectué.
•• Salut et rgalilé,
" l'oiir la eoiiimission fédéral*'.
(1 /.'/;// (les seci'ètairo-i,
u CAsiwnn IU..\X«:. ■
l'IKCE V.
<.ujij/ii' rk'rlor.il ilo /'iirruii'/issciiivnl 'Ir Itoiu ii.
o Hoiioii. !'■ 4 j'iiii 1870.
Citoyens travailleurs,
' Le comité éleeloral ouvrier, composé de délégations apjiiti-
I tenant à diverses professions, en présence des élections qui vont
îivnir lieu pour la nomination de deux ronscHlors généraux et de
■six conseillers d'arrondissement, avait eu l'intention de présenter
huit travailleurs pour inviter les électeurs démocrates-socialistes à
réunir leurs suffrages sur ces citnyons alli! île jirotcsler eoulre
Kl I.K JACOBlNIS^rK. Mb
rornuiiioloiict; des candidatures excdusivemeiil politiques prcsontées
par le comité bourgeois dit L'iuon duwocrutique vl libérale.
Nous ue parlons pas des autres qui, n'empruntant aucunement l'éti-
quelte de démocrates, conservent le rùlc qu'ils n'ont jamais cessé
de remplir, qui consiste ouvertement à déleudre les privilèges poli-
tiques, économiques et sociaux, perpétuant notre asservissement.
« (7est doue au comité de l'Union démocratique et lijjérale que
aous nous adressons directement puisque, malgré son litre, il n'a
daigné consulter les ouvriers pour appeler leur attenlion ^wv le
rhoix des candidats. Cette persistance à méconnaîti'c le il roi L des
éleeteui's démocrates-socialistes nous invite à notre li.ur h per-
sister dans la voie que nous nous sommes ti'acée.
« Fidèles à nos principes émis aux élections générales, nous nous
ju'oposions de i>rouver à ces messieurs que les ouvriers persis-
taient à revendiquer leurs droits ; et, malgré que celte fois encore
nous n'aurions espère voir notre appel entendu de tous les inté-
ressés, malheureusement- pour une grande partie trop pénétrés (!es
préjugés d'une politique qui ne leur a donne jusqu'aloi's que dé-
ceptions, misère et ignorance;
« Malgré, disons-nous, que la majorité de nos frères n'auraient
peut-être pas compris l'importance de notre manifestation, néan-
moins nous aurions prouvé à nos adversaires que les événements
ne nous avaient nullement abattus, mais, bien au contraire, nous
faisaient plus que jamais persévérer dans notre conviction de con-
quérir par tous les moyens pacifiques notre affranchissement.
« Mais les dépenses qu'aurait occasionnées cette lutte, a\i moment
de celles Iden mieux employées pour les frais de notre congrès,
ont engagé le comité à décider de réserver nos forces [lOur une
lutte prochaine Lien plus importante, nous voulons parler des
conseils municipaux dont il élabore en ee moment la liste dans le
sens d'une représentation de toutes les classes de la cité. Le
0 )inité attache plus d'importance à cette institution parce qu'elle
;i, du moins, sur celle a\ijourd'hui en i-ours d'élection, le mérite
il 'émettre autre chose que des vœux.
( Cependant, le comité électoral ouvrier recommande à tous les
•travailleurs jaloux de conserver intact le principe de la reven-
l'ication du travail, en jjrésence de compétitions personnelles
<nillement sympathiques à son affranchissement, de protester par
un vote hullolin blanc contre tous ceux qui méconnaissent nos
aspirations.
« fit si ces messieurs crient à l'indifrerenct, nous n'avons qu'une
réponse à leur faire ;
« Supposons pour un inslant que les fonctions de conseiller gé-
néral et d'arrondissement soient continuellement remplies par des
liîovens apjiartenant à l'.irinée et au i-h^rgé :
4:i(; i.intkunaiionall:
0 Np protcsleriez-vous pas ilo riiicompélciice do vos Ijojiorables
citoyens pour défcndro les intérêts si noini)reux île la banque, du
commerce, do l'industrio, dos transports et de la navigation? Ce
serait votre droit, et vous auriez raison.
(' Eh bien! nous ouvriers, nous disons quo les eonsoils généi-aux
cl d'arnuidissement sont on frès-grando majorité foniposés d'élus
incompétents pour traiter les questions do salaires, <le coalition^
d'ateliei-s corporatifs, au point do vue des travailleurs;
« Quota majorité ne s'est nnlleniont prôoccuiiée jusfju'alors de ma-
nifester ses sympathies pour l'aholilion du (•.aiilinniirmonl et du
timl)re, môme ])0\\v traiter les matières économiques cl soeialos,
de l'abolition de tous les privilèges de l)anquos, tous monopoles (jui
oûti'avcnt la marche du mouvement social ;
« Et comme la majorité des candidats partage les pi-ini.-ipesdo l'cUe
<|ui siège, c'est-à-dire, a soin de no parler aiicunemcnt do vouloir
supprimer tous les privilèges économiques, le comité, au nom
de la dignité de nos principes et en l'absence de candidats repré-
sentant exactement les aspirations des classes ouvrières, croit qu'il
est de sou devoir de prolester par bulletin blanc.
« Les membres du Comité :
(t SIMON; LEFRANÇOIS; A. FRITSCII ; E. SAVAL ; PiEnni-:
AU^■RAY ; VIMONT aîné ; MULET père ; DOULANGEPi :
ÉmileAUBRY ; LENOIR ; PAQUES ; Hippolyte FP^RET : DÉ-
smÉ VÉRITÉ; G. RERTIN; TUREU ; LECLERC ; E. VÉRITÉ
tlls; A. VÉRITÉ ; BELLELLE; COLLET ; TASSU ; RARBET :
D. FOUET; JAJOU ; P. JULLIEN ; Jules FORTIER; CRO-
QUET ; FLEUTRY ; DKSORMIÈRE ; SCIIRUB. »
PIECE y
Vi nne (Isère). 27 juin 1870.
" Monsieur le rédacteur,
« Nous voyons avec satisfaction que tous les travailleurs s'unissent
solidairement pour nous aider à obtenir les conditions que nos
patrons persistent à ne point accepter. Nous demandons les mômes
satisfactions que les ouvriers de Lyon. Sommes-nous déraison-
nables'? Que vos lecteurs en jugent.
« Les ouvriers en fer de Lyon viennent de se réunir pour nous
soutenir; dans une grande quantité de petites localités il y a déjà
quelques jours que les ouvriers de la même corporation ont pris
semblable initiative.
« Nous remercions sincèrement tous ceux qui s'unissent pour nous
aider.
ET LE JACOiHiMSME. Aiil
« Notre entreprise aboutira sans doute, siuou nos coUùyue.s tra-
vaillant à Vienne s'expatrieront tous.
« MM. les patrons devront adhéi'er bientôt à nos Justes réclama-
tions s'ils ne veulent créer le désert autour d'eux.
« Recevez, Monsieur le rédacteur, l'assurance de notre haute estime
et de tous nos bons sentiments.
« Prôsident . GRAILLE François ; Secrôtaive : il. FAYSSE ;
Trésorier : RICHARD. »
{Proçjrés de Lyon, 29 juin 1870.)
PIÈCE z.
LA DÉFAITE DE LA BOURGEOISIE.
Tous les organes de l'Association internationale et de toutes les
langues sont remplis des protestations ouvrières contre la gvierre.
Les journaux allemands, le Volkstaat et le Volkswillc, contiennent
les comptes rendus des nombreuses assemblées des ouvriers pro-
testant contre la guerre. Le dernier numéro dvi Vorboto publie un
remarrj;uable article sur les vraies causes de la guerre, en démon-
trant que la guerre extérieure sera ù l'ordre du jour tant que durera
la guerre civile ; et enfin, la Cnuse du Peuple déclare, dans uu
long article sur la guerre, que si l'empire russe intervenait, les
Russes, qui sont dévoués à la cause de l'alfranchissement politique
et social de leur pays, doivent souhaiter sincèrement une défaite à
l'armée impériale, et non une victoire, qui no serait que la consé-
cration de ral)Solutisme.
Ce qui est vrai pour un pays est vrai pour un autre, et sans
vouloir entrer pour le moment dans trop de détails, nous avoue-
rons que, n'était la douleur poignante de voir tant de nos frères
soit assommés sur les champs de carnage, soit affamés par le chô-
mage inévitable, nous assisterions avec une parfaite indifférence
aux victoires ou aux défaites des armées françaises ou prus-
siennes.
Il serait en effet profondément triste si les travailleurs français
se laissaient égarer par le chauvinisme du moyen âge, ou si les
travailleurs allemands voulaient s'enorgueillir des victoires de
leiïr l'oi !
Non ce n'est pas le peuple français qm est vaincu, c'est l'empire
et c'est la bourgeoisie qui ont subi une défaite éclatante : ils ont
égorgé le peuple français aux barricades de Juin 1848, et ils lui ont
volé sa République le 2 décembre; depuis, dui\ant vingt ans, ils n'ont
fait que martyriser leur victime, et les grandes armées, composées
de fils du peuple, se sont exercées sur leurs frères à la Ricamarie, au
Creuzot et dans la France entière ! Poussés par leur ignorance,
^■2S I ' 1 \ 1 I K N \1 loN \ 1.1".
prOKst'.s par les lois siiiiviijfos de lu fliscipliiii' niilitairo, N-s suidais
iVnm'iiis soiil (ilili;,n's de se hîillrt', mais ItMirs fameux j^éin-iaiiv,
fiuos Heurs de l'impiM-ialismc el de la l»ii\u-p-foisic, les onl mniiés
aux ciimlinls pour It^s fairi- niilraillcr pai iiiilliris à la fois! Voilà
tlonc la |»rciniiu'0 leron que t-ellr* aliorc ^^'n.'rrc nous donne. L'Km-
pire a vécu sïw^l nna, soulenu jtar la hourgi'oisie ; il a sucé le
meilleur sa uf^ ilu peuple, il a ruiné le pays |iar «les impôts énasanlK,
il a cxei'eé la ilirlatnre la plus infàîue, il a n-nipli 1rs iiics di' Paris
<ie ealavrcs et de m\ililes.il a rempli les jirisons de tous ceux qui
oui eu l'audaec de se monlii'r di'xoués au peu|)I(; et «pii ont eu
rhoum'lelé df mauifesler liur liaim' à rimpérialisun-. .lauiais la
voix du peuple n'a clé i-nleudue par les elasses j^ouvernanles du-
rant eetti* nuit san;^laule de vingt ans, ellesonl donc, ])u faire to\it er
qu'elles voulaient, ees i-lasses, dans leur sollicitude paternelle pour
le peuple, el les voilà à l'ieuviv mainlenanl. à l'ouvre qui c^' la
leur, cl eu aucune l'aeou celle du jK-nplc !
Ou ciie à Vliiv:i-i()ii 'Ir ii'imcitii ." \c>- jmn'iiaiix lionr^'cios
ap[>ellent de k'iu's vieux re\leriMination eoinplète des .Mle-
mands \)nv tous les moyens les plus sauvages; mais (jui a amené
celle iuvasitui"? à qui la faute si les Alleniauls doivent être
appelés aujourd'hui ennemis îles Franeais? ennemis lorsque hier
eneore ei's deux juMqdc^s se lendaieni une main fratei-nelle et
proteslaiiMil de ioutes leurs foi-ees contre rinfàmt! déeUu'ulion de
gueiTe ".'
Les journaux Ito'.n-Lîeids ciienl ipie le> .MIeinands sont vandales
et assassins ! iliraienl-ils la nièine chose des |-'raneais, si les Français
avaient passé le Rhin 1 1 avaient i)oursuivi les Allemands jusqu'à
Berlin, c< l'cpée dans les i-eins », selon la mdde mais tiiqi liAtive
promesse de ees mêmes journaux '.'
Pour nous, le malheur n'en serai! pas plus ;^-i'and, ni nioinJi'C,
puisque ponr nons le nialhcui- est dans le fait même de la (j'uerre
qui, a\ec les euyins luM-rectionni'--, esl devi-mu^ une liOiudieric per-
feetionuêe des populations !
Ainsi doue, « le coui'onnement de l'éditiee r de l'inijiirc hour-
gcois eonsisie dajis l'invasion sau,i,''lanle delà Fninee ! El voilà que
toute la hourgeoisii- devient folle, elle suspend toutes ses affaires
el elle eu appelle au peujde, à la nalion, elle di-evele l'envoi de
tout le pen|de a la IVonlieic. car sans le peuph^ elle est jterduc !
Cel appel au peiqde, c'est la déchéance rie l'empii'e et (li> la Ikmu'-
geoisie,qui se déclarent ainsi incapables de sauve,i,''arder le paisible
et le libre- dévehqqiemeni ilu l'aysl
P^n même temps, cette guerre est la eouilauination suprême des
armées permanentes ; car comparativement ]>arlant, «-erles c'est
l'armée française qui est le modèle des armées |)eruiauentes, et
uous voyons dans ce momeni tpie l'enqni'e est oblip' dt* eonqiter
i-; i 1. 1-: ,1 A coin \ I >.\i i-;. lao
sdi- un -ti.'oc-. eu iMiiuplaui sur rrullioiisinsmi' de la (mpulali. n
«ulici'C, f[ui ne s'est j.iiuiiis cxcnuW- aux arnit's.
C'est ainsi qu'an-ivo la liquidation, la li(iuidati(ui sauylante de ccl
ordre do idiosos, ol oortos re sont les classes ti'availleuses elles
seules qui iieuveul se donner les i;ai'antics i'éci[ii'(>ques d'-aa pays à
l'autre iiour le déveldppeineijt paisible et ijro.uressil" île l'Iiuinaailé.
Nous avons dit qui» les travailleurs fraueais n'assuniont aucune
responsabilité ilans tnut ce drame : ce ne sont pas eux qui subis-
sent la défaite, ce sont l'empire et la bourgeoisie. Nous devons
constater ici que le mènie rôle appartient aux Allemands. Le mal-
heur serait incalculable s'ils voulaient se gloriiier du succès des
années allemandes , et, oublian' ainsi leur seul problème vital,
abandonner la lutte énergique pour leur affranchissement social.
Mais ils savent aussi très-ltien que le succès des armées royales
pourrait mener à la dictature militaire de V empereur allemand,
que cette dictature no serait qu'une seconde édition de la dictature
bona|)arliste, [toi'tant un coup mortel à tout progrès social, à toute
amélioration et l'éorganisatitui sociale, et, par conséquent, nous
avons la profonde eunvietion ([ue les travailleurs allemands sauront
déjouer les convoitises eouiiables de leurs rois et princes ; et notre
conviction est affermie par toutes les protestations dont nous avons
parlé plus haut. Ces protestations en effet présentent un fait tout
nouveau dans l'histoire des peuples et prouvent que les populations
sont à la veille d'être prèles iidernutionalemenl à secouer une fois
pour toutes le joug de la soldatesque et des capitalistes !
a Pas de divisions 1 unissons-nous tous sans distincliou de partis!
s'écrient les liraves ])ourgeois ! Pas d'accusations intempestives,
s'écrient leurs orateurs dans leurs parlements ! plus tard nous
verrous à qui la faute !... » Et p(nKlant ce même temps, le zèle des
lâches serviteurs de leur tyrannie ne se ralentit guère, et persécu-
tion sur persécution , comlamnation sur condamnation suivent
leur Irain accoutumé, k La pati'ic a besoin de tous les bras ! )> mais
on a peur di'S bras de nos frères et nos meilleurs amis languissent
en prison ptuu^ avoir appartenu à l'Internationale. Les internatio-
naux sont poursuivis avec uneféroeilé inouïe dans toute la France!
En même temps la haute cour s'empresse de condamner à vingt
et quinze ans de travaux forcés et de détention les républicains les
plus dévoués, enveloppés par la police dans un complot inventé
la veille du plébiscite. Mér/v est condamné à vingt ans pour avoir
tué un agent de indice qui viola son domicile, tandis que les énergu-
mènes qui fout tuer des milliers d'hommes tous les jours ne sont
encore ni jugés ni condamnés !
Uempire untrichien prolite de l'embrouillement général, et, au
bruit du canon prussien, porte sa main meurtrière sur toutes les
sociétés ouvrières ! Ce u'élait pas assez pour les héros autrichiens
J.W !.' 1 NTi:H NATION A LK
que il avoir condamné les hommes les plus influents duparti ouvrier
;i cinq cl six ans do in'ison.ccs héros veulent absolument obtenir
une vu'loirc siu- le i>enplc: vinjil-six sociétés ouvrières, c'esl-a-dire
foutes les sections de métiers, ainsi que toutes les sociétés d'in-
struction ouvrière, sont dissoutes à Vienne à cause do leurs (en-
ilmifcs (Inngcrrascs pour l'empire ! Naturellement les milliers
d'ouvriers qui en font ])artio no voulonl pas se soumettre silen-
cieusement ù ce cnpi'icc révoltant du gouveinemont, les protestations
éclatent do tous côtés ; les sociétés ouvrières veulent portei- la
question de leur existence devant la cour impériale ; cette cour va
naturellement soutenir le gouvernement ; il y aura de nouvelles
démonstrations, de nouvelles arrestations ; les sociétés vont se
reformer ouvertement on non, et la lutte deviendra de plus en plus
implacable des doux côtés, jusqu'à ce qu'un jour l'Empire soit balayé
du territoire aulrichien.
En attendant, en voyant toutes les persécutions que nos fi'èrcs
subissent dîuis les pays monarchiques, <|ue tous les internationaux
qui se trouvent d.ins les pays ]dus libres, comme la Suisse, se
rappellent plus que jamais leur devoir de porter haut le drapeau
de rintei-nationale, de travailler éiicrgiqnemcnt à la disparition de
toutes les divisions et à l'organisation solide et puissante de la
résistance, en vue de nouvelles épreuves qui nous attendent et que
nous devrons savoir surmonter victorieusement.
PIECE u.
AUTnKS nOCUMîCNTS RELATIFS A LA rÉDÉnATION LYONXAISK.
1
Fcdcralion ouvrière lyonniiisc.
«i L'assemblée générale publique des membres de?^ sociétés adhé-
* rentes à la fédération ouvrière lyonnaise qui devait avoir lieu le
■ dimanche 10 juillet a été interdite par ordre ministériel. Pareil
< refus nous avait déjà été adressé lorsque nous déposâmes, avant
«. les aiTcstations du liO avril, une déclaration pour une asM-mlilcc
* générale qui devait avoir lieu le 8 mai.
i Le maigre droit de i-éunion qu'on nous avail ociroyc il y a
■■ deux ans nous est-il, oui ou non, déjà retiré?
* S'il eu est ainsi, le gouvernement ferait bien de le dire, aiin
.. qu'on sache à quoi s'en tenir.
« En attendant, nous protestons contrôle nouvel acte d'arbitraire
■' qui nous frapjie et qui ne peut s'cxp+iquer autrement que pnr tine
KT LE JACOKINISME. Wl
< infcntion bien arrcléc d'cmpèchcr les (ravaillcurs do s'entendre
« et de s'éclairer mutuellement, aiin d'endiguer le grand mouvc-
<r. ment ouvrier qui se manifeste partout.
«t Les travailleurs ne se laisseront poini décourager par de telles
« manœuvres : l'organisation de leurs nombreuses fédérations est
« achevée et, à moins qu'on ne fasse uu coup d'Etat économique
•:' bien hasardeux, ou ne réussira pas à les dissoudre.
^ ALBERT RICHARD ; FRANÇOIS DUMARTHERAY ; BLANC ;
CHARVET, délégué des tisseurs ; AIGLON , délégué des
tailleurs ; TOURNAIRE, délégué des tullistes ; GORNIER,
délégué des tullistes ; BUSQUE, délégué des sculpteurs ;
GARNIER, délégué des apprôteurs de tulle ; FAVRE, délé-
gué des doreurs 'sur bois; PREMILLEUX, délégué des do-
reurs sur Jjois ; VxVLLOT, délégué des apprôteurs et teintu-
riers en chapeaux ; BARDERY Emile, délégué des cha-
peliers ; H. BOURON, délégué des chapeliers ; VITTENNE,
délégué des peintres et plâtriers ; YUITTON, délégué des
marbriers ; GINET ; DEYILLE ; PALIX ; L. RÉGINAS ; RRET ;
DjPUIS; LABRO, délégué des corroyeurs.
« Lyon, le o juillet 1P,70.
Proçirè^ de Liior, 8 juillet 1S70.)
II
Fcdcralwn nuvrirre ]yoiiii:v's
« ^[onsicur le rédacteur,
« Nous soussignés, membres de la commission fédérale de l'As-
( sociation internationale lyonnaise, protestons contre toute mani-
a festation extérieure faite en notre nom. L'Internationale étant
« une association purement économique, elle sortirait do son rôle
( et de sou programme en acceptant la responsabilité d'une maiii-
'( festation que l'on voudrait tourner en mouvement politique, et
'< ({ui pourrait amener une collision entre les travailleurs et l'auto-
' rite.
■( Le refus d'autorisation pour les réunions de la fédération ou-
I vricre, fait par l'autorité, constitue un acte arliitraire du moment
« que toutes les autres sociétés ouvrières ont cette même autori-
( sation. Nous sommes convaincus qu'une demande formelle faite
(( à l'autorité, afin que la loi soit égale pour tous et soit observée à
v( notre égard, aurait pu être écoutée sans avoir recours à une ma-
'< nifestation. En conséquence, nous déclarons n'accepter aucune
Mit i.'i \ ri-, i; \ V r I .• \ V i,i
n S()liii;irilt' a\oc 1rs ;nitrurs «le l;i iiimiifcslalion, t-l niiii> l«-iji en
" laissons toutiî lu rfs|i(»ii>;ibililc.
« Nous \frnons (l'iipprciidrc i|iu' |>lusi(iirs <li's laeiubres iK- lu
1 (tominissioii fodiM'alc viciiiicnl il'i'lir .nivli-s an ^ujet «le la mnni-
< fostation, 1*1 nous ariinnons i|ui! lnus reu\ i|ui sont arrôlés jtoui
i (M' motif n'onl im'ss('' d'y rtii' cnniidoliMncnl o|>|ios<''S.
« Ce n'est (lu'cu allant pnur lc\ir faire si^^nor la |.rMl''^latiuii ci-
« dessus i|Ut* nous avons a|i|U'is Ifur arrcslalion.
« Par CCS motifs, nous "|ualilioiis i'U('r;,'ii(Upmcnt la cdndiiitf d''
« l'administratiou en follc fircnu-^tancc de l'arliiti-aiic le plu'' into-
t léraldc,
« l.. 1»AI,I\. GINKl', I)Oi;i»,i.K, IMACKT.
T(>ri{\\M!K. (;.\i!\iF,n. ..
l'ioyrrs <!'■ /.iio.iy'i'l jiiiM i IST".
lii
. Monsieiu' le rédacUui-,
.1 .le viens emprunter les colonucs de votre ('sliiii;ild>- j-Muiiai
' pour porter à la eonuaissance de vos lecteurs un acto dont l'Asso-
« ciation internationale vient encore d'être victime.
« Aujourd'hui, 20 courant, entre 3 et i heures, la police a proc»^iiç
« à l'arreslalion do plusieurs de ses membres.
« Ces! la deuxième fois qu'on peu de temps ce l'ait >e reproduit
« et plonge de nouveau les familles des victimes dans la ruine el
' la misère.
'< Je viens pi-otesler contre ces actes de violenee.
« t^.her rédacteur, je vous prie en même temps d'aununeer qu'une
Il souscri[itiou est ouverte chez le citoyen Langlade, en faveur des
i familles des victimes et des uoIjIcs soutiens de cette vaste Assi.-
" ciation internationale des travailleurs, «{ui seule peut établir la
« paix eu sujiprimant les frontières.
« Je m'associe donc de grand cœur à ceux <|ui ont osé protester
« contre la guerre; notre seul mot d'ordre entre travailleurs c'est de
a rendre la guerre impossible. Ou doit rendre res]iousab|ps ceux
« qui l'aïuonf faite.
« Puisqtie je tiens la iilume, je tiens a faire savoir à mes nom-
« breux amis que le 2(» coui-aut, au jour et à l'heure de Tarresta-
t tien, je venais de sortir de chez moi, lorsque deux agents, accom-
« pagnes d'un commissaire de police, se sont présentés chez moi
-> pour m'arrèter. J'étais parti pour (iivors voir mon père.
« J'en reçus immédiatement avi--. Uepartir inunédiiitement pour
" Iaou, voii- le eitoyen l.auirlade. \oiis éerir<', fui l'affairi- d'un
ET LE JACOBINISME. 433
(' momenl, et à l'heure ou paraUrout uca quelques ligues, je serai à
« l'abri des recherches de la police.
« Recevez, monsieur, l'assurance de ma parfaite considération.
« CHOL '. ..
i^roiirès de Lyon, '-Il juillet 1870.}
IV
Fédôvalion ouvrière lyonnaise.
« Lyon, le 24 juillet 1870.
« Monsieur le rédacteur,
« Nous comptons sur votre obligeance ordinaire pour inscicr l;i
« présente lettre dans votre prochain numéro.
« Le Salut public, dans son numéro du 22 juillet, en parlant des
a attroupements qui se forment chaque soir sur la place des Ter-
« reaux, annonce l'arrestation d'un individu qui criait : Vive la
« Prusse! et ajoute que c'était un des principaux chefs de l'Asso-
« ciation internationale de Lyon qui était revenu de Genève.
« Comme cette assertion est complètement fausse et que, de plus,
(' cela tendrait à faire supposer que l'Internationale pousserait au
(( désordre à Lyon, nous croyons devoir démentir le fait ; de plus,
« nous mettons au défi le journal ci-dessus nommé de prouver que
« la personne arrêtée est un des soi-disant chefs de l'internatio-
« nale.
« Nos amis de l'Internationale qui sont arrêtés, l'ont été mercredi,
' à trois heures ; par conséquent ils ne pouvaient guère se trouver
« mercredi soir sur la place des Terreaux. L'arrestation dont parie
« le Salut ne peut donc s'appliquer à eux.
« Nous comprenons parfaitement le motif qui fait parler le Salut
'( public, qui voudrait, malgré la protestation de la commission
i( fédérale, faire retomber toute la responsabilité des troubles sur
« l'Internationale.
« Le Salut public croit-il de son devoir de se modeler sur un de
a ses confrères parisiens qui, pour satisfaire sa haine contre cer-
« tains hommes qui sont d'un parti opposé au sien, fait le service
« particulier de M. Piétri, et ne craint pas d'aller jusqu'à la délation
« pour assouvir ses rancunes? Cela ne nous étonnerait nullement,
« car, en répandant des calomnies sur notre compte, le Salut fait
« les affaires de son parti. Mais il est de notre devoir de le démcn-
i Devenu ijIu~ tard ^ilu 12 au 30 septembre 1870} commissaire centrai à
Lyon.
28
484 L'INTKHNA riONALl-:
<( lir cl tic prolcstor conlro unu puroillc inauioi-o iJ'ugir(jui n'a lieii
« do loyal.
(f Muis une choso nous éloimo, c'est ({iic lo Salut, depuis la
u guerre, ne cesse de répéter que nos divisions intestines doivent
a cesser devant le danger commun ; puis, après ce bel appel à la
« concorde, il cherche à porter la division par des insinuations
« malveillanles et peu fondées, car, encore une fois, nous le uwl-
« tons liii drii de prouver ce qu'il a avancé au sujet de la personne
V arrêtée mercredi soir.
« Pensant bien que le Sulnl jitihlic comprendra fie fiuelle impor-
« tance il est pour nous, dans les circonstances actuelles, «le dé-
« mentir son récit qui pourrait l'aire supposer que nous pousserions
a au désordre,
ï Nous espérons que, dans l'intérêt de la vérité, il s'empressera
n de reclifier ce qu'il y a de faux dans ce qu'il a dil.
a Recevez l'assurance de notre considération distinguée.
« Pour la commission fédérale :
«B. PÎACET; DUM.XRTHEHAY ; G.\RN1ER; BUET :
rjUlLLERMET; PULLIAT ; PENEL. »
(Progrès de Lyon, 26 juillet 1870.)
ADHÉSION
A l'inLQvnaLionalc des ouvriers tisseurs de THrurc (HJjôjw).
a Tarare, le 23 juillet 1870.
« Nous, citoyens tisseurs, protestons contre la guerre et adhérons
« de tout cu'ur à l'Internationale.
« Signatures des adhérents :
« DESCHAMPS ; F. TACHER; DUCREL'X ; CIIERPIN ; PRA-
MUNDON;F. JEAN;LAFFET; MARSAN DE ; ALLIER ;
JIROUDON; BROSSARD; BARTH ; SAUNIER ; PIERRE.
Autres documents relatifs aux sections parisiennes.
I
AssociiHion InlcrnHlioihih des Irav ail leurs. — Section de CIicIq .
« Une section de l'Intcrnalionale est constituée ;i Clieliy.
<( Tous renseignements sont donnés au siège provisoire .
« 2, rue de Neuilly, chez le secrétaire de section, S. Siraéon.
.(S. SIMÉON.
ET LE JACOBINISME. 43Ô
II
« '.\us amis do la section de Vaugii'ard nous eut fait observer
c que notre dénomination les Tl-availleurs unis et la communi-
« cation de la section de Batignolles où se Irouvc le mot ;< groupe
« central » pouvaient laisser croire que nous nous étions constitués
« bureau central de l'Association internationale, à Paris. Nous
« croyons de notre devoir de dire que nous sommes simplement
« tx'ois sections en communion d'idées et fédérées entre elles.
« D'autre part, pour faire cesser tout malentendu, nous abandon-
« nons notre dénomination des Travailleurs unis pour l'ester sim-
« plement section de Puteaux-Suresnes, de Clichy, de Batignolles.
« Délibéré en réunion de Puteaux, le 6 février 1870.
« La correspondant,
« B. MALOx\. »
III
i^cs doreurs sur bois.
La Chambre syndicale des ouvriers doreurs sur bois, dans sa
séance du 2 février 1870, compose son bureau de la façon suivante :
« Hamet, secrétaire général; Jones, Thomas, Cerret, secrétaii-es;
« Traizegnies, trésorier; Tissier, trésorier adjudant; Barix Hubert,
« Favre Claudius, Favre Joseph, Minoggio, Lebon, Lichebracque,
« Van-Abat, Dubois, Bellenger, Viard, Dumortiei-, Aubert, syndics;
« ?ilazeran, Michel, Charles, Durnel Léon. »
Le siège de la Société reste fixé place do la Corderie, 6, à la
Fédération du bâtiment.
HAMET.
MANIFESTE
î)u comité central d'action de la commune révolutionnaire du Pans
sous là date du 22 septembre 1868.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
RÉPUBLIQUE F R A N Ç AISE.
G0MMU^;E KÉVOLUÏION.NAI RE DL l'ARIS.
I
il Uitoveiii,
•' La conscience vivante de la France, le peuple de Paris a parlé.
v< La conscience de l'empire, ou plutôt ce qui reste de cette
• morte, la peur a répondu.
486 L'INTK U \ A 1' ION A LE
(' Le glas (Jl! Fontainebleau a réiiondu au tocsin de la commune;
r le râle du crime, à la voix du droit.
« Surpris dans sa longue impunité, l'homme de décemljre cric
. et prie, tout prêt à mourir en hostie pour les siens! Un pélican 1
« Plus il mourra, plus ils vivront. Race de chiendent !... Dieu pro-
V lége la France!... Si Napoléon !«•• eût eu la chance d'être tué
par Mallet, Napoléon II eût régné. Le meurtre du duc d'Enghien
a l'ait régner Henri V ; et Ciuillaume Tell a l'onde l'empire suisse!
« Décidément, les empereurs perdent la tête comme leurs
l'emmcs! (3ésar tourne en Charlotte!...
« Pourquoi divaguer quand on a la raison du canon ?
« Pourquoi ? — Parce qu'avec tous ses gendarmes, ses confes-
A seurs et ses avocats, ce pouvoir fort est un accusé. Parce que
« son trône est une sellette, et le banc de ses ministres, le banc
« de la défense ; parce que ses conseils, maîtres Rouher, Baroche
(( et Pinard, plaident en vain les atténuantes pour un crime impar-
<( donnable, imprescriptible, récidivé et renouvelé chaque jour;
t; îîarce que ce triple assassin est suspect en Europe et convaincu
!( à Paris, à Rome et au Mexique ; parce qu'il sent le poids de ses
' plébiscites; parce que son dossier est plein, sa cause jugée et son
« arrêt rendu ; parce que toute la perversité de la langue et de
i( l'Église ue peut changer l'assassin en victime : parce qu'il est
« condamné par la haute-cour ; parce que le contuniax a relevé
« lui-même l'échafaud pour exécuter la sentence ; pai-ce qu'exécuter
.< n'est pas assassiner; parce qu'enfin, signes du temps, après les
(( vieilles exécutions de Charles I^f et de Louis XVI, celle de Maxi-
« milieu a rendu tout son timbi^e à ce mot : Justice.
« Voilà ce qui le rend fou.
« L'empereur du 2 décembre, le troisième dans la dynastie des
« coups d'État, craint d'être le quatrième dans celle du châtiment.
« Le tyran tue et dort ; mais le son des balles l'éveille. Le spectre
c rouo"e du fusillé lui revient. Ses transes sont ses remords. 11
!( prévoit aussi sa fin et tremble à l'ombre de son Jjourreau. Il sait
M que l'élu de la force n'en est pas toujours maître. 11 sent que
« Paris fera comme le Mexique de Juarez, l'Angleterre de Crom-
« well et la France de Robespierre : Justice.
« Elle sera faite. Nous le jurons.
« Comment? Par l'opposition? Non. Qu'est-ce le député d'un
« peuple esclave? Un esclave assermenté... au lieu de Manuel
« Ollivier, un successeur au haiw.
« Justice sera faite par la révolution , et la révolution, comme
« toujours, par le peuple de Paris.
« Son cri, le cri du droit, le nôtre, a troublé le sommeil des uns
« et la prudence des autres. Le courage est toujours en minorité,
ce Mais c'est assez.
ET 1. K JACOBINl!i>rK. 'i37
»i Oui, c'est assez de vous, étudiants et ouvriers, vous la seienoo
« et la force, si comme toujours, vous les mettez ensemble nu ser-
tt vice du droit.
« Union et action.
« Union républicaine et action révolutionnaii'e poui- la Jus-
« tice.
« Vous d'abord, étudiants, fils de la bourgeoisie, l'aînée du
« peuple (aînesse oblig-e), tous vos privilèges font appel à votre
« conscience. Savants, vous êtes responsables de l'erreur de tous ;
« riches, de leur misère ; jeunes, de leur inertie. Avoir, savoir,
« pouvoir, vous devez tout cela avi peuple, qui vous a conquis les
« biens des nobles par son sang, et vous les a maintenus par l'im-
« pôt. Souvenez-vous du milliard! Payez votive dette. Traître qui
« la renie ou l'ajourne ! Traître qui met ses plaisirs, ses études
t même avant son devoir 1 La liberté n'est pas plus une grisette
« qu'une comtesse. Traître et complice qui sauve le crime en tirant
« sur ses vengeurs ! Fin à cette panique devant un soliveau; halte
« à cette déroute qui dure depuis la nuit de décembre ; trêve aux
« querelles qui nous divisent et nous paralysent depuis vingt ans.
« Reprenons l'histoire de France et quittons celle d'Haïti, Insister
« serait vous insulter. Étudiants, justice.
« Justice, ouvriers, vous surtout, payeurs d'indemnités, de rentes,
« de taxes et d'usures de toute sorte. Qui plus que vous a besoin
« de justice? La justice est votre droit comme le travail votre
« devoir. Si vos mains sont calleuses, votre conscience ne l'est pas.
« La noblesse est morte; la bourgeoisie se meurt. Le peuple vit.
« L'égoïsme et l'oisiveté ne l'ont pas gangrené. La vie, la sève,
« le sentiment du droit, du devoir, la passion, l'action sont là. Le
« courage et le dévouement ne sont plus que là. Le passé à ces
« deux aristocrates, la guerre et le vol; le dix-neuvième siècle au
« peuple ! Le peuple a repris en 48 la question du Tiers : Qu'est-ce
« que le peuple? Rien. Que doit-il être ? Tout. Pourquoi? Pai'ce
« qu'il travaille. Lui seul s'affirme aujourd'hui dans les deux
« mondes. En Amérique, qu'est-ce que Lincoln? Un ouvrier.
« Juarez? Ouvrier. En Europe, Bérézouski, Allen, Pianori, Barrett,
« Milauo, Piéri ? Tous ouvriers. Un nom français manque à cette
« liste de héros et de martyrs du droit. Ouvriers de Paris, vous,
« la vraie puissance, vous les nerfs et les muscles de la révolution,
« vous la force du droit et le bras même de la justice , à votre
« tour! Vous avez assez reposé; l'œuvre ne peut se faire sans
« vous. Ouvriers, justice.
« Justice, une dernière fois pour toutes, contre l'Empire qui a
a refait tout ce que le peuple avait détruit.
« En 89, le peuple avait détruit la noblesse ; l'Empire a l'efait le
« duc de Persig'nv,
.',38 1,'IN ri: Il NATION ALK
« Eu 1830, lo pouplo avait ohnssé Iob jôsuites ; rKmpiro n rétabli
Pie IX.
« En AS, le peuple avait détruit Ir macairismp ; TRinpirn l'a re-
« monté sui' huit emprunts.
« Et (le plus, le tout couronné par le soldat.
<.( Après trois révolutions au nom do la liberté, vous avez un li-
« vret; au nom de l'égalité, un maître ; au nom do la fraternité, la
« guerre ! Yotro tribune est prégidéo par le serment ; votre presse
« corrigée par l'amende; vos réunions terminées par le chassepol.
« Vos écrivains et vos orateurs sont eu prison ou en exil. Ceux
c qui les condamnent sont pensionnés, ceux ([ui les insultent, dé-
« corés. Pas un abus qui n'ait repoussé double et triple comme la
« dette et le budget. Et pour les deux milliards que vous payez l'an,
« pour prix de votre souveraineté même, vous êtes affamés et avilis.
« On vous tend le plat d'Esaû, moins les lentilles ; l'écuelle de
« l'aumône, ni pleine ni propre. J/enfant de France bave dedans !
u Fils du travail , justice !
« Et vous, pauvres soldats, sortis de ce peuple pour y rentrer,
« faut-il aussi vous crier ce mot que vous ne comprenez plus? Vous
tt qui avez en dépôt l'honneur et l'intégrité du sol, en garde le corps
« sacré de la patrie, allez donc au Rhin pour revenir à la Loire 1
« Votre conscience c'est le tambour! Insensés ! suivez ce Marlbrough
« dans ses guerres de casse-cou! La France n'a pas perdu assez
« d'hommes déjà ! Pour votre peijie et la nôtre, sevvez-le dans son
« coup d'État au dehors comme au dedans ! Si la gloire de Ma-
ie rengo et d'Austerlitz a fini ù Leipsick et à Waterloo , où finira
« celle de Mentana et de Mexico ? Désertez donc la justice pour le
« prestige, la liberté pour la discipline! Chair à canon, allez refaire
« les aigles ! Que deux peuples s'entretuent pour la santé de deux
« tyrans malades ! Vainqueurs et vaincus, le prix de votre sang
« sera la chiourme universelle !
« Quoi ! dans tous leurs chefs pas un qui leur dira : Soldats, une
« goutte de sang en épargnera un lleuve! Si Mallet eût réussi,
« nous évitions deux invasions ! Nous allons à la troisième. L'Em-
« pire a perdu le Rhin et ne le reprendra pas. Le peuple qui ne
« défend pas sa liberté ne garde pas sa frontière ! La patrie avant
« l'Empereur! Que notre première balle soit pour le Prussien du
a Louvre !
« Il y en a, nous le savons, qui sacrifieraient volontiers leur
'( grade comme leur vie à la France !
« Mais la justice })rivée serait une lâcheté publitiue. Le peuple
« ne doit confier à personne le soin de faire sa tâche. Il doit se
« délivrer de l'Empereur en se délivrant de l'Empire. Il est respou'^
« sable aussi du crime pour l'avoir pex'mis ; et il doit l'expier en
« courant le risque de le punir. Car, malgré les clameurs, nous ne
ET LK JAGOBINlJiMK, 439
« prenons pas le ehan^qe et ne nions pas le droit. U s'agit fie punir;
« il s'agit de Justice, aujourd'hui, comme il y a soixante-seize ans!
« Citoyens, le 22 septembre 1792, après dix siècles d'iniquités,
« le soleil entrait dans le signe de la Balance, symbole du droit, la
« France entrait en républicfue, gouvernement de la justice.
« Le 21 janvier suivant, justice était faite !
« Alors, comme aujourd'hui, la patrie était en danger, les Prus-
« siens étaient à Verdun, Mais la Convention était aux Tuileries :
a et le 21 janvier 93, il n'y avait plus ni roi ni Prussien on France,
« Le roi était perdu et la France sauvée.
« La justice fit le salut !
« Le 21 juin 1M15, le surlendemain de Waterloo, l'empereur était
« aux Tuileries et les Prussiens en France ! L'Empereur était
« sauvé et la France perdue !
(c La servitude fit la ruine !
« C'est de l'histoire! choisissons.
« Français de 68, fils de 92, s'il nous reste un peu de sang de nos
« pères dans le cœur, faisons comme eux : justice et salut. Mêmes
« ennemis au dehors et au dedans. Les Bonapartes sont pires même
't que les Bourbons. Nous n'avions pas donné à garder aux Bour-
« bons la république que les Gains ont tuée.
« La république, citoyens, la république de 92, voilà le vrai gou-
a vernement du pays par le pays, non pas le pays-Thiers, le pays-
" Bei'ryer, le pays-Falloux, le pays-Cassagnac ; mais le pays régi
« par la justice, par le droit, par le peuple. C'est le seul gouver-
« nement qui ait été vraiment national, vraiment français, ni
« anglais, ni romain, ni nègre, ni pastiche, ni postiche, le fruit
(c naturel et vivant de la démocratie française, sorti du sein même
« delà révolution, pour sauver la France du roi et de Brunswick.
« Bevenons à la république pour sauver la France de l'Empereur
« et de Bismark.
a II n'y a plus qu'un gouvernement possible, la république ! qu'un
« parti possible, la France ! A bas l'autocrate ! à bas l'étranger !
« plus d'empereur ni pape ! plus d'Italiens. Ils nous mènent encore
0 comme au temps de Machiavel. C'est l'Italie qui nous occupe.
(( Pour un zouave que nous avons à Bome, elle a dix prêtres dans
« chaque bourg de France , nous tenant au temporel comme au
'( spirituel. L'Italie nous a donné la Médicis et la Saint-Barthé-
^( lemy ; puis le Mazarin et son roi des dragonnades ; enfin les
« Bonapartes et les deux coups d'Etat! Assez de monstres exotiques,
« assez de maîtres imposés par les Cosaques du Don et du Tibre.
« Soyons nous-mêmeset non peuple d'ultramontains avec une ci'oix
« au collier ! Beprenons notre nature, notre allure , notre droiture
« originale. Ne laissons pas plus longtemps la grande nation à la
« merci du dernier des Corses. Ne laissons plus au bandit le mo-
'. W 1 / I N T !•: 1^ N A T 1 ( ) \ A L K
u nopolo (lu iilomb ! Ne faisons pas mentir davantage l'oracle de
« Fontainebleau : « Ceux qui trempent leurs mains dans le sang
-< ne profilent jamais de leurcrime. » Justice donc pleine et entière
l)our lui et les siens sans exception.
«Depuis le "1^ septembre 02, il n'y a plus d'enfants de France!
« aucun reconnu par la mère; tous perdus à l'élranger! L'enfant de
« Louis XVI n'a pas régné ; l'enfant de Napoléon l*"' n'a pas régné ;
« l'enfant de Charles X n'a pas régné ; les enfants de Louis-Philippe
« n'ont pas régné. Et le fils du plus criminel et du moins légitime,
« ce métis d'Espagne et d'on ne sait quoi, Hollande ou Corse,
« échapperait ù la loi ? Non, la Finance n'est pas encore tout à fait
« la Servie ! Justice jusqu'à la dernière génération de la sainte-
ce famille, fils, neveux et cousins, astres de première ou troisième
« grandeur, fixes ou errants, en conjonction ou en opposition, en
« recherche ou en attente du trône. Eclipse totale de l'empirée!
« tlustice complète, sans appel ni grâce, de ce trône adossé à Ve-
rt chafaud, de ce sénat conservateur des deux; de ces revenants et
« de ces moribonds qui ont les pieds dans la tombe et les mains
'! dans nos poches ! ne renvoyons pas à 1892 les balances de la
» justice! Ne remettons pas aux collégiens l'honneur de nous
«venger. I^e temps presse. Votons, soit! Mais nageons toujoui^s.
« Armons le vote ! N'ayons qu'un bulletin : justice! qu'un candidat :
« révolution! qu'un serment : liberté! qu'une tactique : l'audace!
« l'audace qui a pris châteaux et bastilles ; qui a fait et refera les
« miracles de Danton ; l'audace, qui a rendu et rendra la force au
« droit, la peine au crime ; qui remettra chaque chose à sa place,
« la France à elle-même, les Prussiens en Prusse, la Raison à
« Notre-Dame, la Commune à l'Hôtel-de-Ville, la Convention aux
« Tuileries et le tyran à la place de la Révolution. — Vive la répu-
« blique démocratique et sociale universelle.
« Paris, 22 septembre 1868.
« LE coiirn': centhai. d'action. »
FIN.
TABLE DES MATIERES.
i'RKIWCF:.
'afics
CHAPITRE PREMIER
L'JnlPrnaliiinnlp s'orrnpe-l-fille île politique ? 1-66
CHAPITRE H
I
Le plébiscile du mois Je mai 1S"0. — Réunions plùbiscilaires. —
Discours de Varlin et de Combault. — Attitude de rinlenialionale.
— Manifestes de la fédération parisienne, de la Inanche fran-
çaise de Londres, du comité républicain socialiste de Marseille.. 67-70
II
Poursuites contre l'Internationale. — Dépècbes du ministre de la
justice à tous les procureurs généraux. Ses chefs sont arrêtés à
Paris, Lyon, Neuville (Rhône), Saint-Etienne, Rouen, Marseille,
Brest, Saint-Quentin, Reims, etc. — Protestations du conseil gé-
néral de Londres, des sections belges et françaises contre ces
arrestations et contre la découverte du prétendu complot 80-90
CHAPITRE III
I
f^e complot des bombes. — Participation de l'Internationale. — Rap-
port du procureur général Grandperret. — Lettre du soldat
Vanel au ciloven .\lbevt Richard, de L\on 97-99
!ik'-l TARI, F. \)V.^ MATIi;i'.ES.
II
Pages.
Résultat des poursuites dirigées contre l'Internationale. — Désigna-
tion des individus poursuivis. — Compte rendu des débats. —
Nature diver.se des inculpations. — Peines appliquées. — Texte
des jugements prononcés. —Ordonnances de non-lieu 100-128
CHAPITRE IV
Dictionnaires et alphabets secrets à l'usage des affiliés 1:29-1.">6
CHAPITRE V
1
Les grèves. — Grève des tuiliers, plâtriers-peintres et ouvriers en
bâtiment de Genève. — Attitude de l'Internationale. — Le rnloyen
Grosselin el l'assemblée populaire du 7 juin 1870. — Trouliles de
Verviers. — Protestation de la section verviétoise lvS7-168
II
Situation des sections françaises après les arrestations du mois de
mai. — Agissements de la fédération lyonnaise. — Compte rendu
de ses séances. — Albert Richard se réfugie à Neuchàtel. — La
fédération parisienne et la statistique du travail. — Circulaire à
tous les correspondants 168-182
CHAPITRE VI
I
Les agissements du conseil général. — Désignation d'un nouveau
lieu de réunion pour le prochain congrès. — Résolutions prises
par le conseil général au sujet du siège du comité fédéral ro-
mand. — Programme du cinquième congrès 183-186
II
La déclaration de guerre el l'attitude de l'Iiiternalionale. — Ma-
nifeste du conseil général et des sections, —Meetings el réunions
populaires 186-202
TAHLI-: \)E> MATIKRES. 443
CHAPITRE VI [
Pa?es
Les premières tentatives de la démagogie. — Troubles à Lyon ei à
Jlarseille. — Pillage d'armes à Saint-Etienne. — Affaire des pom-
piers de La Villelle. — Agitation à Cosne et au Creuzot 203-?.! 1
CHAPITRE VÎII
Le 4 septembre. — Les comités de salut public, de sûreté générale,
du salut de la France et le comité central fédératif à Lyon. —
Leur composition, — Leurs attributions. — Leurs exploits. —
La police lyonnaise aux mains de l'Internationale. — Chol,
commissaire central. — Officiers de paix et gardes urbains. . . 212-218
APPENDICE.
L'Internationale à Castelnaudary 21S
— à FuvEAU (Bouches-du-Rhône) 219
— à CoNDÉ-suR-NoiREAu (Calvados) 222
— à ViEXXE (Isère) 22,*?
— à Amiens 223
— à Neuchateau 228
— à Ghollet (Maine-et-Loire) 228
— à LisiEux (Calvados) 228
— à Caen 229
= à Neuville-sur-Saône (Rhône) 229
— à Flei'rieu-si:r-Saône (Rhône) 230
— à Tournon (Ardèche) 230
— à Roubaix 232
ANNEXES.
PIÈCES ET DOCUMENTS JUSTIFICATIFS.
Pièce A. — Ligue internationale du désarmenent 237
— Protestation du bureau de Paris contre la guerre
(a\Til 1 867) 239
— — des sections de Lyon, Vienne, Neuville et
Fleurieu-sur-Saône (Rhône) 240
Wt TAHLI'] HKS M ATI i: RE i^.
IMKPS.
Piiicp \\. — (lonvoralioii iln nieelinj; révoliilionnaire du 2i (é-
M-icr 18(J8 )iar la branche française de Londres.,.. -2ii)
PiiVe (;. — Proleslation du gronpe genevois contre les jugemenls
des deux premières commissions du bureau de Paris. 241
Pitce D. — Les réunions publiques de 18G9 appréciées par les In-
ternalionanx. — Le résultai des élections générales
de 1869 à Paris el à Lyon juf.'é par l'Internationale. 2i2-!2.')0
Pièce E. — Les petites injures de ces messieurs. — Incident Tolain,
Vésinier, Fribourg el autres '2?)0-"2."»2
Pièce F. — Candidature d'Éuiile Auhry. — Programme des comilés
corporatifs de Rouen. —Manifeste électoral du cercle
d'études économiques de l'arrondissement de Rouen.
Profession de foi d'Emile Aubry 253-262
Pièce G. — Le Sucialisme, élude par Albert Richard 263-273
Pièce H. — Proleslation des délégués des sociétés ouvrières de
Paris contre le massacre d'Aubin (octobre 1869) 27i
Pièce I. — Programme delà future république démocratique et so-
ciale, arrêté, à Paris, au mois de janvier 1870 27o
Pi.'.ce j, — Manifeste des femmes lyonnaises adhérentes à l'Inter-
nationale, pour engager les jeunes gens de la classe
de 1870 à refuser le service militaire 277
Pièce K. — Compte rendu du meeting tenu, à Londres, le 24 fé-
vrier 1870, par la branche française pour célébrer
le 22<5 anniversaire de la proclamation de la Répu-
bftque 279
Pièce L. — Lettre de Dupont à Combault, l'informant qu'il a rem-
pli la mission dont il l'avait cliargé auprès de Bes-
son et YèliK Pyat (janvier \ 1870) 280
Pièce M. — Adresse du citoyen Cluseret aux travailleurs américains
pour leur notifier sa nomination au poste de repré-
sentant de la chambre fédérale parisienne en Amé-
rique 281
Pièce N. — Manifeste de la fédération lyonnaise au sujet du plé-
biscite 283
Pièce 0. — Les dépêches du ministre Ollivier lors des poursuites
dirigées contre l'Internationale (avril et mai 1870). .. 284
Pièce P. — Adhésion à rinlernafionale des ferblantiers et des tour-
neurs sur métaux en signe île protestation contre les
poursuites dont l'Internationale était l'objet 287
TABLE DES MATIERES. 445
Pages
Pièce (j. — l'rolestalions des ciloyennes l'aul Minck, André Léo
et du citoyen Dauthier contre les arrestations des
nicnabres de l'Internationale 288-291
Pièce K. — Les poursuites contre l'Internationale, appréciées par
l' Internationale, de Bruxelles, l'Egalité, de Genève,
et le Réveil, de Paris 'i91-li96
Pièce S. — Les déclarations du Journal officiel au sujet des com-
plots fabriqués par la police impériale (octobre 1870). :296
Pièce T. — Rapport adressé à l'Empereur sur le complot des
bombes et les menées du parti révolutionnaire 297
Pièce U. — Poursuites contre l'Internationale — Jugements pronon-
cés par les tribunaux de Saint-Quentin, de Paris,
de Brest, de Rouen 313-333
Pièce V. — Lettre d'Huart et de Sauvageot sur les progrès de l'In-
ternationale à Reims, Saint-Quentin, Rethel, Boult-
sur-Suippe et autres centres ouvriers. — Documents
divers relatifs à la situation de l'Internationale dans
ces contrées .333-34 î
Pièce X. — Protestation des Internationaux stéphanois contre la
condamnation de leurs frères de Paris (24 juil-
let 1870) , . , 342
Pièce Y. — Documents relatifs à la section de Brest. — Statuts de
la section de Brest. — Lettres diverses écrites par
Ledoré, secrétaire de la section de Brest, à Pindy,
Malon et Combault, de Paris. j4o-349
Pièce Z. — Lettre écrite à Varlin, le fer avril 1870, par la chambre
syndicale des employés de commerce de Dijon à l'ef-
fet de se faire affilier à l'InternatioïKile 349
Pièce W. — Documents relatifs à la fédération marseillaise. — l)é-
claration de la chambre syndicale des matelots fran-
çais du port de Marseille. — Correspondances éclian-
gées entre Bastelica et Murât. -- Mandat impératil
remis à Bastelica et à Pacini, délégués de la fédéra-
lion marseillaise à la réunion générale tenue, à Lyon,
le 43 mars 1870 350-336
Pièce a. ~ Documents relatifs à la fédération rouennaise 357
Pièce b. ~ Documents relatifs à la situation de l'Internationale à
Besan(;on 358
Pièce c. — Proclamations et manifestes des ouvriers tuilier:? de
Genève lors de leur .trrèvc au mois d'avril 1870 361
•Ur. TABLE DES M A 11 EUE S.
rages,
i'iccc d. — i'ruclajiiulions el iiKuiifestos dus oiiviicis [tlàlriers-
pein Ues 36 i
Pièce c. — Docuuienls relatifs à la i.aèvo des ouvriers du Mliment
ù Genève (juin 1870) 366-380
Pièce /. — Lettres du correspondant de la commission l'édérale
lyonnaise à Guillaume, de NcucliAlol, sur la situation
de la section après les poursuites dirifc'cos contre ses
membres. — Documents divers sur l'activité déplojée
par les inembres de la fédération lyonnaise 380-38-4
l'iére y. — Lettre écrite de Neucliâtel, àPalix de Lyon par Albert
Richard, pour lui expliquer les motifs qui l'ont dé-
terminé à se retirer à l'étranger 38 i
Pièce II. ■— Programme du parti prolétaire démocratique social
allemand 385
Pièce i. — La propagande dans les campagnes et le résultat du
plébiscite (Extrait de l'égalité du 28 mai 1870) 387
Pièce j. — Proclamation de la commune de Lyon ordonnant le
maintien du drapeau rouge « comme signe de la pa-
irie en danger . » * 389
Pièce k. — Proclamation du comité provisoire de salut public de
Lyon (4 septembre 1870). . 390
Pièce /. — Documents généraux relatifs aux sections parisiennes.
— Avis de création de nouvelles sections. — Déclara-
tion des sections parisiennes au sujet du jugement
d'Autun et de la grève des ouvriers bouilleurs de
Waldenbourg (Allemagne). — Lettre de Dupont in-
timant aux correspondants parisiens de ne pas ac-
cepter de faire partie avec Vésinier du jury Vermorel.
— Autre lettre de Dupont à Gombault. — Programme
du Socialiste, organe de la fédération parisienne. . . 390-399
Pièce m. — Les explications du citoyen Richard au sujet des pour-
suites dirigées contre l'Internationale (Progrès de
Lyon, 3 juin 1870) - -400
Pièce n. — Mandat rerais au citoyen Richard, de Lyon, membre
fondateur de l'Alliance, pour faire de la propagande
en faveur de cette section 402
Pièce 0. — Bulletin du mouvement social. — Situation du proléta-
uial à Limoges i03
Pièce p. — Protestation de la section LUepiianoi.se contre les agis-
sements de certains internationaux lyonnais -405
TABLE DES MATIERES. 447
l'ciges.
Pièce r. — La justice de rinlcrnatioiialc. — Jugeinenl rcaiju en
J'aveur d'Albert Ricliaid par le jury d'honneur Bakou-
nine et autres 40S
Pièce s. — Documents relatifs aux fédérations espagnoles 410
Pièce t. — Documents relatifs au Creuzol , , -413
Pièce M, — Collection de documents généraux sur le but et les agis-
sements de l'Internationale. — Discours prononcés
par Bakounine et Albert Richard, — Adresse de la
section russe, de Genève, à la rédaction de la Mar-
seillaise (mai 1870). — Lettres écrites à Varlin par
Chémalé, de Paris, et Eugène Weiss, de Mulhouse.
— Décisions du conseil général de Londres au sujet
du siège de la fédération romande. — Règlement gé-
néral des grèves illj-i'-lo
Pièce V. — Déclaration de la fédération lyonnaise lors de la con-
damnation des grévistes du Greuzot -i"i4
Pièce X, — Manifeste du comité électoral ouvrier de Rouen (juin
1870) iU
Pièce y. — Lettre des ouvriers fondeurs de Vienne (Isère) au jour-
nal le Progrès, de Lyon (27 juin 1870) i'"26
Pièce z. — La défaite de la bourgeoisie {Egalité de Genève,
13 août 1870) 4-27
Pièce 10. — Protestations diverses des internationaux lyonnais. --
Lettre de Ghol (juillet 1870) ». 430
Adhésion à l'Internationale des ouvriers tisseurs de Tarare (Rhône). 434
Manifeste N" 1 du comité central d'action de la commune révolu-
tionnaire de Paris (22 septembre 1868).', 435
FIN.
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